Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IIe SIÈCLE.

ÉVARISTE

IVe PONTIFE. - DE 100 A 109

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Je ne parlerai point de Saint-Anaclet, parce que les critiques modernes s'accordent à dire que c'est la même personne que Saint-Clet. Ainsi, malgré ce qu'a écrit l'estimable Bernard Platius, qui s'appuyait sur l'histoire d'Eusèbe, évêque de Césarée, je compterai pour quatrième pontife Saint-Evariste, dont l'existence n'a point été contestée.

Nous ne savons rien de certain sur sa vie, si ce n'est qu'un moine du huitième siècle fabriqua un grand nombre de fausses décrétales ou constitutions des évêques de Rome ; des quatre premiers siècles, dans lesquelles on supposait qu'on avait traité différents points relatifs à la discipline et à l'administration universelle de l'église chrétienne. Parmi ces lettres supposées, il s'en trouve une attribuée à Saint-Evariste. L'imposteur les avait toutes rassemblées en un volume, en les entremêlant avec d'autres dont l'authenticité était reconnue, et avait donné à tout l'ouvrage le titre de
Collection de Canons et Épîtres pontificales.
Pour leur imprimer plus d'autorité, il usurpa le nom d'un savant espagnol du septième siècle, Saint-Isidore, archevêque de Séville, aussi vénéré dans toute l'Europe par ses connaissances que par ses vertus. Il introduisit son ouvrage dans les archives d'un certain monastère de la ville de Fuldes, en Allemagne, sous le règne de Charlemagne, et fit en sorte de faire retrouver son livre comme par l'effet d'un heureux hasard. L'ignorance générale et le défaut de connaissances critiques de cette époque, ne permirent pas de concevoir, des soupçons sur cette supercherie. On crut que ce recueil était vraiment dû à la science et au zèle de Saint-Isidore ; de Séville, bien que, pour mieux couvrir son imposture, l'inventeur l'ait attribué à un Isidore,
marchand, suivant les uns, pécheur, suivant les autres.
Cette découverte fut célébrée à Rome comme celle de la chose la plus précieuse, et on ne doit pas s'en étonner ; en faisant passer pour véritables les décrétales de cette collection, les papes en pouvaient tirer des témoignages d'une grande antiquité, pour s'autoriser dans l'exercice d'un pouvoir inventé par une ambition persévérante, soutenu par une politique corruptrice et. graduellement augmenté par l'ignorance générale et par un respect de superstition plus que de dévotion pour le siège de Saint-Pierre. Certes, personne ne verra de témérité à croire que l'auteur véritable de ces faussetés fût quelque fanatique adulateur des Papes, ou quelqu'autre Romain intéressé à l'agrandissement du pouvoir pontifical.

Les Papes, qui avaient un si grand intérêt à confirmer le crédit de leur autorité, commencèrent dès lors à canoniser ces décrétales, et à les citer comme des lois dans toutes les occasions où il leur convenait de s'en servir, pour exercer leur pouvoir sur les autres évêques ou églises du monde chrétien, dont le gouvernement intérieur et particulier ne leur appartenait que par usurpation. C'est pour cela qu'elles furent insérées comme authentiques, dans les collections canoniques d'Yves, évêque de Chartres, au onzième siècle ; du moine Gratien, au douzième ; et dans celles qui furent faites depuis.

Les critiques du seizième siècle découvrirent cette fiction. Ils firent voir que si on confrontait les lettres antérieures au pape Siricius avec les canons véritables des conciles, les oeuvres des Saints-Pères et les monuments authentiques de l'histoire, on remarquerait dans leur contenu un style tout-à-fait opposé aux coutumes des quatre premiers siècles. Ils prouvèrent que, pour adopter comme vraies plusieurs choses de ces lettres apocryphes, il fallait supposer que les coutumes et les opinions du sixième siècle et du septième eussent été les mêmes que celles des quatre premiers siècles, tandis que le contraire est démontré. Ils firent observer que quelques clauses étaient prises presque littéralement des écrits de Saint-Augustin, de Saint-Jérôme, de Grégoire-le-Grand et de plusieurs pères de l'église des cinquième, sixième et septième siècles.

L'auteur de cette imposture n'avait pas prévu qu'il viendrait un temps où la critique ferait d'aussi scrupuleuses recherches ; elles ont même été poussées si loin depuis le seizième siècle, que les Romains eux-mêmes vont jusqu'à croire aujourd'hui que les décrétales antérieures à Siricius sont supposées, et cherchent à soutenir leur autorité usurpée par divers arguments dont la faiblesse leur est parfaitement connue, bien que l'avantage qui revient à la cour de Rome de l'opinion contraire, les empêche de l'avouer.

Plût à Dieu que les gouvernements de toutes les nations chrétiennes déployassent la même fermeté que les Papes ! ils les auraient bientôt contraints à céder, en leur disant : Nous voici tout prêts à reconnaître dans l'Évêque de Rome une suprématie semblable à celle qui fut exercée par Saint-Pierre et ses successeurs immédiats, mais rien de plus. Si le Pape veut bien s'en contenter, à la bonne heure ; sinon, qu'on s'en prenne à lui seul, si, malgré notre désir de faire partie de la même église, il nous force à nous regarder comme une église distincte et séparée.



ALEXANDRE Ier

Ve PONTIFE. - DE 109 A 119.

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Les documents certains qu'on possède sur ce Pape, sont aussi peu nombreux que ceux que l'on a sur le Pape précédent, puisque la décrétale qui lui est attribuée dans la collection d'Isidore Mercutor a été reconnue fausse. Il serait donc inutile de fatiguer le lecteur du récit de son contenu, dont on peut voir l'extrait dans Platina.

Mais il n'en est pas de même de la vénération, qu'on lui porte comme martyr, lorsqu'il n'est nullement avéré qu'il le fut. En l'an 119, où l'on place le martyre de Saint-Alexandre, Adrien était empereur, et l'histoire ecclésiastique nous donne les preuves les plus satisfaisantes qu'Adrien fut favorable aux Chrétiens, qu'il alla jusqu'à placer Jésus-Christ au nombre des dieux de l'empire.

Si donc Saint-Alexandre était mort du dernier supplice, ce ne serait sans doute pas pour avoir professé la religion chrétienne, mais bien pour quelque crime contre les lois de l'empire dont il aurait été convaincu à tort ou à raison, comme de troubler l'ordre public, de soulever le peuple contre le culte des dieux, ou autre chose semblable. C'est du moins ce que tendrait à faire croire l'impartiale justice d'Adrien, constatée par une lettre dans laquelle il transmettait ses ordres à Fundanus, proconsul d'Asie. Serenius Granianus, son prédécesseur, avait écrit à l'empereur qu'il lui semblait d'une injustice extrême de sacrifier aux cris de la populace la vie de tant d'innocents : l'empereur Adrien, en réponse, écrivit à plusieurs des gouverneurs de province une lettre officielle ainsi conçue :
« J'ai reçu une lettre de l'illustre Serenius Granianus, votre prédécesseur. Je pense que l'objet dont elle traite mérite un sérieux examen, afin que d'une part on évite de donner lieu à des troubles, de l'autre à des calomnies. Si les habitants de votre province veulent intenter une action contre les Chrétiens, qu'ils les traduisent devant votre tribunal, après avoir donné la responsabilité requise ; mais n'admettez aucune dénonciation vague ou trop généralisée, et n'en faites aucun cas quand cela se réduit simplement à des bruits publics. Si quelqu'un intente contre eux une accusation directe, il est juste que vous leur donniez l'attention convenable, et s'il est prouvé qu'ils aient commis quelque action contraire aux lois, condamnez-les selon la gravité du cas ; si au contraire, l'accusation est démontrée calomnieuse, punissez les calomniateurs conformément aux lois établies en pareille matière. »

Cet ordre manifeste clairement les intentions d'Adrien, déterminé à ne punir aucun Chrétien pour ses opinions religieuses ; du reste, il se soumettait aux lois de l'empire relatives à l'ordre public et social. J'en conclus avec des critiques d'un mérite distingué, que quelques-uns de ceux qui ont été regardés comme martyrs, ne l'étaient point pour la cause de Jésus-Christ, mais pour le triomphe de leur propre opinion, qui les portait à encourir la peine capitale, en insultant aux païens ou à leurs dieux.
Il a pu en être ainsi de Saint-Alexandre et de divers autres pontifes romains, morts hors des époques des persécutions générales prescrites par les édits des empereurs. Nous avouerons toutefois qu'Adrien, avant l'ordre que nous venons de rapporter, avait commencé une persécution dont Saint-Alexandre a pu périr victime, quoique nous n'ayons rien pour le constater.



SIXTE Ier

VIe PONTIFE. - DE 119 A 127

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Ce qu'on sait de plus certain sur Sixte I, c'est le temps de son pontificat. Cependant, parmi les lettres apocryphes de la collection d'Isidore Mercator, il en est une dans laquelle on lui suppose le titre d'Évêque universel de l'Église apostolique. Cette lettre étant fausse, ce n'est point à Saint-Sixte que nous devons attribuer l'usurpation d'un droit qui ne lui appartenait pas ; mais ses successeurs qui voulurent s'en emparer, se virent fort heureux de pouvoir s'autoriser de l'exemple d'un Pape si voisin des temps apostoliques, et persuader aux ignorants, car tels étaient les Chrétiens des siècles barbares, que l'interprétation donnée à l'évangile en faveur du pouvoir illimité des Papes, était conforme à ce qui s'était transmis à Rome par une tradition verbale qui remontait à Saint-Pierre et à Saint-Paul. Mais le mensonge ne peut avoir un triomphe éternel ; la vérité se découvre avec le temps, et il est certain aujourd'hui que les usurpations exorbitantes des Papes ne purent jamais s'appuyer sur un exemple antérieur, donné par les successeurs immédiats des Apôtres.

Quant au martyre de Saint-Sixte, on ne peut s'empêcher de le qualifier de fabuleux, puisque depuis la défense faite par Adrien de poursuivre les Chrétiens pour les opinions religieuses seulement, il n'y eut plus de persécution jusqu'au règne de Marc-Aurèle, ou en l'an 163, époque à laquelle commença la quatrième persécution. Il est digne de remarque que les Papes précédents n'aient pas été atteints par les trois persécutions que le souverain avait ordonnées.

Néron décréta la première en 64, et Saint-Pierre n'en fut pas victime.
Domitien la seconde en 93, et Saint-Clément n'y mourut point.
Trajan la troisième en 107, et Saint-Évariste y échappa.

 N'eut-il pas été vraisemblable que les persécuteurs sacrifiassent les chefs des Chrétiens, de préférence à tout autre ? Quel pauvre rôle jouaient donc ces Papes, pour qu'on les supportât avec indifférence ? Peut-on après cela ajouter foi à tous les martyrs qu'on nous débite ?



TÉLESPHORE

VIIe PONTIFE. - DE 127 A 139

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Un zèle mal entendu conduisit Saint-Télesphore au supplice. Il ne pût supporter patiemment que les Romains offrissent leur culte aux dieux de l'empire. Il déclama hautement contre les adorateurs ; ceux-ci l'accusèrent ; les prêtres païens interposèrent leur autorité, et Télesphore fut condamné à mort.

Que Télesphore eût prêché la religion chrétienne, lorsque le gouvernement lui en accordait la permission, cela se conçoit ; qu'après en avoir reçu la défense, il eût cherché à convertir ceux qui, de leur plein gré, se rendaient à ses instructions particulières, cela se conçoit encore ; mais ébranler les lois de l'empire en insultant à la religion établie, me paraît un crime contre les lois civiles.

Je ne prétends pas dire pour cela que Télesphore était un ambitieux, qui cherchait à grossir le nombre des Chrétiens afin d'ajouter au nombre de ceux qui étaient soumis à son autorité pontificale ; ce qu'il y a de certain, c'est que ses successeurs se proposèrent cette maxime ; le zèle pour la religion ayant toujours servi de prétexte et de masque à leurs idées ambitieuses.



HYGIN

VIIIe PONTIFE. - DE 139 A 142

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Si on en croyait les décrétales apocryphes, on montrerait Saint-Hygin donnant des lois à tous : les évêques et à tous les métropolitains. Bien loin d'avoir exercé le grand pouvoir que lui attribuent ces fables, nous le voyons, au contraire, laisser à Rome en toute tranquillité, et pendant un temps assez considérable, les hérésiarques Valentin et Cerdon, quoiqu'il fut avéré que, tout en se faisant passer pour catholiques dans les congrégations romaines, ils enseignaient leurs erreurs à ceux qui assistaient à leurs conférences privées.
Est-ce ainsi que se sont conduits depuis les Papes, ses successeurs, lorsqu'ils se sont vus en possession de l'autorité, et appuyés par Constantin. Que d'autres regardent comme plus saints les pontifes modernes, moi je préfère dans les anciens leur esprit de tolérance, véritable inspiration de Jésus-Christ.



PIE 1er

IXe PONTIFE. - DE 142 A 157

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La collection d'Isidore Mercator renferme des décrétales attribuées à Saint-Pie, d'après lesquelles on pourrait supposer qu'il donna des lois de discipline générale. Nous avons déjà dit dans quel but ces monuments apocryphes nous paraissaient avoir été inventés. D'ailleurs, la véritable histoire ecclésiastique nous enseigne que non seulement Saint-Pie n'exerçait aucune autorité sur la discipline particulière des autres églises, mais qu'il se regardait comme sans pouvoir pour lever les censures imposées aux sujets d'un autre évêque. De cette époque, nous nous trouvons en possession de faits qui nous révèlent la vérité. L'hérésiarque Marcion nous fournit une première preuve.

Marcion, né dans la ville de Sinope, province de Pont, était fils d'un évêque catholique, qui le fit élever avec soin. S'étant décidé à vivre dans la continence, il se retira dans la solitude ; mais quelque temps après, il se rendit coupable de violation sur une jeune fille.
Son père l'ayant excommunié, il s'humilia, demanda pardon, et sollicita d'être admis de nouveau au sein de l'église. Son père se montra inflexible. Marcion, plein de honte, se rendit à Rome pour y cacher son ignominie au milieu du tumulte de la cour impériale. Il pria Saint-Pie de vouloir bien l'admettre à la communion des fidèles, et chercha à se fortifier de l'intercession des prélats romains ; mais ces derniers, et Saint-Pie lui-même, lui répondirent qu'ils n'avaient pas le pouvoir d'absoudre le sujet d'un autre évêque, sans le consentement de celui qui l'avait excommunié. Marcion voyant l'inutilité de tous ses efforts pour obtenir sa grâce, prit enfin le parti violent de fonder une église distincte de l'église de Jésus-Christ. Il se fit chef de secte, et posa pour base de ses dogmes l'existence de deux principes, l'un bon et l'autre mauvais.
Les prêtres romains le citèrent devant eux, et il ne manqua pas de leur reprocher la dureté avec laquelle ils l'avaient traité, et de faire retomber sur eux tout le mal qui en était résulté pour l'église chrétienne. Il ne manquait pas d'exemples en sa faveur. Jésus-Christ n'avait-il pas montré sur ce point la plus grande bonté et la plus grande douceur, en pardonnant à la Madeleine, à la femme adultère, a la courtisane et au publicain, sans autre condition que celle d'un vrai repentir.

Ce n'est pas là toutefois ce qui doit attirer notre attention, ce que nous voulions faire remarquer, c'est la réponse de Pie et des prêtres romains, que le Pape ne pouvait lever une excommunication sans le consentement de l'évêque qui l'avait imposée. Par quelle transition a donc pu s'accréditer la doctrine des Papes ses successeurs, qui agirent en supérieurs, des autres évêques, et finirent par en faire de simples dispensateurs des sacrements de l'ordre et de la confirmation ?



ANICET

Xe PONTIFE. - DE 157 A 168

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C'est sous le pontificat de Saint-Anicet que vécut à Rome Saint-Hégésippe, le plus ancien de tous les historiens ecclésiastiques. Il ne nous est parvenu de cet ouvrage que quelques fragments rapportés par Eusèbe, évêque de Césarée, au 4e siècle.
Voici comment s'exprime Hégésippe dans un de ses fragments.
« Étant allé à Rome, j'y restai jusqu'au temps du prêtre Anicet dont Eleuthère était diacre.
Il n'y avait alors aucun siège dont l'évêque continuât l'ordre de succession depuis les Apôtres. »
II n'est pas facile de concevoir le véritable sens de ce morceau. Je ne sais pas non plus si je l'ai bien compris, attendu que l'interprétation la plus naturelle semble être, que ni Anicet, ni aucun autre évêque n'était successeur des Apôtres ; ou si plutôt il entendait par là qu'il n'existait plus aucun de ceux qui avaient, reçu l'épiscopat des mains des Apôtres ; ou si enfin il veut dire qu'on n'avait point encore fait la division territoriale des évêchés, et que chaque évêque avait en soi une puissance épiscopale sur les personnes dont la foi et la moralité étaient commises à sa garde ; puisqu'on effet, ce passage semble indiquer
qu'il n'existait aucun siège épiscopal qui remontât jusqu'aux Apôtres, en suivant une ligne de succession.

Saint-Justin le philosophe écrivit à Rome sa seconde apologie des Chrétiens, sous le pontificat d'Anicet. Il paraîtrait naturel que le Pape l'eût présentée en qualité de pasteur du troupeau. Il n'en fut pas ainsi. Saint-Justin présente lui-même aux empereurs cette seconde apologie, ainsi qu'il avait fait de la première, sous le pontificat de Pie. Tous ces faits ne montrent-ils pas de la manière la plus évidente le peu d'éclat et d'autorité de l'évêque de Rome ?

En 163, Marc-Aurèle suscita contre les Chrétiens la quatrième persécution générale, dans laquelle le Pape Anicet ne fut pas non plus enveloppé, puisqu'il vécut jusqu'en 168 ; II est assez remarquable de voir que jusqu'alors il n'est constant qu'aucun des Papes ait été persécuté en vertu des édits généraux, et que cependant les écrivains modernes veulent nous faire croire que ces mêmes Papes ont souffert le martyre dans des occasions particulières, se fondant uniquement pour leur opinion, sur de misérables
légendes de...................... dépouillées de toute critique et indignes de toute confiance.

C'est à cette époque que remonte la première controverse que nous connaissions entre l'évêque de l'église de Rome et celui des autres églises.
Saint-Polycarpe, évêque de Smyrne, se rendit à la cour de Rome, dans l'intention de s'entendre sur le jour de la célébration de la Pâque, fixé pour toutes les églises d'Asie au quatorzième jour de la lune de mars, ainsi que l'avait fait Saint-Jean l'évangéliste jusqu'à sa mort ; mais remis par celles d'Antioche et d'Alexandrie, au premier dimanche qui suivait le quatorzième jour de cette même lune.
Il vit que l'église de Rome suivait le même style des églises d'Alexandrie et d'Antioche, et non de celles de Jérusalem, de Césarée et des autres églises d'Asie. Il eut des conférences sur ce sujet avec Anicet, qui lui dit que l'usage adopté à Rome lui semblait d'autant plus juste et d'autant plus convenable, que c'était un moyen de se mieux distinguer des Juifs, et que d'ailleurs la véritable Pâques des Chrétiens devait réellement être fixée au jour de la résurrection de Nôtre Seigneur, qui se célébrait aussi le dimanche. Saint-Polycarpe de son côté soutenait, par l'exemple et la doctrine du disciple bien-aimé Jean l'évangéliste, que la pratique de l'église d'Asie était plus conforme à celle de Jésus-Christ, dont l'imitation ne pouvait produire ni erreur, ni inconvénient.
Il retourna donc à Smyrne avec la même opinion qu'il avait à son départ, et Saint-Anicet resta de son côté avec la sienne. Tous les deux reconnurent que la question en litige ne portait sur aucun point relatif au dogme, et que la dissidence d'opinion ne devait pas rompre les liens de l'union et de la charité chrétienne. Il n'en fut pas ainsi par la suite, comme nous le verrons. Saint-Anicet, dans cette circonstance montre qu'il n'avait pas l'ambition d'élever l'empire pontifical au-dessus de l'indépendance des autres évêques.



SOTÈRE

XIe PONTIFE. - DE 168 A 177.


On attribue à Saint-Sotère beaucoup de dispositions relatives à la discipline et au culte ecclésiastique, sans autre fondement que les fausses décrétales. Tout ce que nous savons c'est que Saint-Denis, évêque de Corinthe, lui envoya des députés avec une lettre dans laquelle il lui demandait des secours pour les pauvres Chrétiens, condamnés aux travaux des mines.
Saint-Sotère répondit à sa lettre, et lui fit passer ses aumônes. Saint-Denis, par reconnaissance, lui écrivit de nouveau pour le remercier, et lui annoncer qu'on lirait sa lettre tous les dimanches suivants aux fidèles pour leur instruction, comme on l'avait déjà fait précédemment de celle qu'on avait reçue de Clément.
On voit par-là, que la lettre de Saint-Sotère n'était point une constitution, mais seulement une exhortation aux vertus chrétiennes. Il n'y avait, au reste, dans cette lettre rien de particulier relativement au pouvoir des Papes, puisque c'était une coutume généralement introduite de lire les dimanches, dans les congrégations, toutes les lettres que les évêques des autres villes ou tout autre Chrétien d'une dévotion reconnue, écrivaient aux églises pour leur communiquer quelque événement important, ou leur donner quelques instructions vertueuses. 

En l'an 170, Méliton, évêque de Sardes en Asie, présenta à l'empereur Marc-Aurèle une apologie des Chrétiens, le suppliant de défendre aux juges de les persécuter suivant l'ordre qu'ils en avaient reçu, sauf les cas où ils se rendraient coupables de conspiration contre les lois de l'empire. L'apologie produisit un effet favorable, et Marc-Aurèle non-seulement ordonna à tous les juges d'Asie de s'y conformer, mais il ajouta même que, si quelqu'un était puni seulement pour être Chrétien, il pouvait prendre à partie son accusateur. Saint-Sotère n'eut aucune part à cette apologie.
Il est de fait que, de toutes celles qui furent écrites durant les trois premiers siècles, et soumises aux empereurs, aucune ne fut l'ouvrage des Papes. Vivant dans la capitale de l'empire, il eut paru convenable de les voir prendre la parole : et si en effet, ils eussent été monarques spirituels de l'église et de la religion, ils ne pouvaient se défendre de le faire ; bien plus, les autres n'auraient pu être autorisés juridiquement à le faire, que sur une permission expresse des Papes. Tout cela montre assez que jusqu'à Saint-Sotère, aucun Pape n'eut l'idée de s'emparer du gouvernement monarchique de l'église.

Le même Méliton, entre autres ouvrages en faveur du christianisme, envoya à Onésime un extrait des matières contenues dans l'Ancien-Testament dont il lui cite les livres, parce qu'il paraîtrait qu'un grand ombre d'églises, non-seulement manquaient encore de ces livres saints, mais n'en avaient même aucune connaissance : ce fait est confirmé par Saint-Irénée, qui nous assure qu'a cette époque, quelques églises se trouvaient dépourvues de toutes les saintes écritures. S'il était vrai que les Papes eussent à leur charge, comme ils s'en vantent dans les siècles modernes, le soin spécial de toutes les églises, cette négligence de leur part serait un crime énorme. Mais, connaissant la fausseté de leurs prétentions, je me garderai bien de les en accuser. Chaque église était gouvernée par son propre évêque, et celui-ci agissait selon que les circonstances le lui permettaient.

Claude Apollinaire, évêque d'Hiérapolis, présenta au même empereur une autre apologie, et écrivit divers ouvrages contre l'hérésiarque Montan, qui commença dès lors à mettre en avant ses erreurs. Philippe, évêque de Gortines, écrivit contre Mascion ; Musanus, contre Datien, auteur de l'hérésie des Encratites. Plusieurs autres savants chrétiens combattirent l'erreur et les fausses prophéties de Montan et de ses compagnes Prisca et Maximila.
Sérapion, évêque d'Antioche, adressa à toutes les églises avec lesquelles les évêques ne l'avaient pas empêché de communiquer, une lettre circulaire de convocation qu'on peut consulter, et les fit condamner dans ce concile. Bien loin qu'il faille attribuer au Pape cette chaleur de zèle, il s'était au contraire laissé séduire par un Montaniste, et il écrivit aux églises d'Asie, interposant sa médiation en faveur de Montan, pour obtenir dans un nouveau concile, de Sérapion et des autres évêques, la révocation de la sentence. Les Chrétiens d'Antioche virent bien que le Pape avait été mal informé, et Praxeas, auparavant Montaniste, et depuis chef d'une hérésie distincte, lui donna des preuves de l'hérésie de Montan. Le Pape convaincu, avoua que les Montanistes avaient été condamnés avec raison. Quelle force ne donne pas un tel événement, pour réfuter les exorbitantes prétentions des Papes modernes ?



ÉLEUTHERE

XIIe PONTIFE. - DE 177 A 192



Ce fut sous le pontificat d'Éleuthère que Saint-Irénée, évêque de Lyon, écrivit son traité des hérésies. Saint-Irénée est le premier écrivain qui fasse mention de la suprématie de l'évêque de Rome sur tous ceux de l'église catholique.
Il fonde cette suprématie sur ce que l'église de Rome a été créée et construite par les Apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul, et confiée par eux à Saint-Luc, et de lui à ses successeurs, qui avaient toujours conservé jusqu'à son temps la pureté de l'ancienne doctrine. Il en donnait pour preuve, que lui-même, se trouvant dans sa jeunesse en Asie, avait été disciple de Saint-Polycarpe, lequel l'avait été de l'Apôtre Saint-Jean, et sur ce que sa doctrine était la même que celle qu'il entendit professer depuis à Rome par Hygin, Pie, Anicet et Sotère ; et qu'elle était aussi entièrement conforme à celle de Papias, dont il avait encore été disciple, et qui avait été en relation avec plusieurs des Apôtres en Asie.
Tout cela porte beaucoup de préjudice sans doute aux maximes inventées depuis par les Papes ; car, en même temps que Saint-Irénée cherche à établir la vérité de la suprématie romaine, il fait voir qu'elle se réduit à l'état des douze premiers Papes, qui, loin de s'entremêler dans les affaires des autres églises, avouaient qu'ils ne pouvaient absoudre personne, sans le consentement de l'évêque qui avait imposé l'excommunication : en effet, ils furent forcés de se soumettre à Antioche, dans l'affaire de la condamnation de Montan.

D'autre part, il est démontré que, dans tout ce qui concernait le maintien délicat du dogme, l'examen des doctrines et la condamnation des personnes, les autres évêques se croyaient autorisés à procéder d'eux-mêmes sans en donner avis au Pape, toutes les fois que l'accusé n'était point à Rome.
On peut s'en assurer, en jetant un coup d'oeil sur le nombre considérable d'hérésiarques qui s'étaient succédés presque sans interruption depuis un siècle et demi seulement que la religion chrétienne était fondée, sans parler en effet des hérésiarques subalternes, qui, après avoir été disciples d'un autre plus fameux, se constituaient à leur tour chefs de sectes distinctes de celle de leur maître.

On compte vingt-six hérésiarques principaux : Simon le Mage, Apollonius de Thyanes, Nicolas le diacre, ou qui que ce soit qui usurpa son nom, car c'est encore une chose dont on doute ; Hébion, Cérinthe, Ménandre, Euphrates de Tyr, Elxai l'Ossenien, Saturnin, Basilidre, Barcocedas, Valentin, Cerdon, Marcion, Apella, Peregrin le cynique, Montan, Tatien l'Encratite, Bardesanes, Carpocrates, Héracléon, Marc le Valentinien, Hermogène, Théodote le Bysantin, Théodote le changeur (banquier) et Praxéas. Et cependant les Papes ne se mêlèrent que de la condamnation de ceux qui étaient à Rome, tels que Simon le mage, Apollonius de Tbyanes, Valentin, Cerdon, Marcion et quelques autres : et même en les condamnant, ils ne les poursuivaient pas personnellement ; ils s'abstenaient seulement de les fréquenter et les regardaient comme des païens ou des publicains, selon l'expression de l'Évangile. De leur côté, les condamnés continuaient de vivre tranquilles à Rome, de la même manière que s'ils n'eussent pas été excommuniés ; système de conduite fort différent sans doute, de celui qui a été depuis adopté par les Papes modernes.

Sous le pontificat de Saint-Eleuthère, parurent deux autres hérésiarques, Blastus et Florin, tous deux prêtres romains. Blastus prétendait persuader que la loi de Moïse, et en particulier celle qui prescrit la célébration de la Pâques au quatorzième jour de la lune de mars, était obligatoire pour les Chrétiens eux-mêmes. Florin soutenait qu'il y avait deux dieux, l'un auteur du bien, l'autre auteur du mal, et il déclarait, que c'était faire injure à un Dieu infiniment bon, de lui attribuer la création du mal. Il est certain que Saint-Eleuthère condamna leurs erreurs, et que Saint-Irénée écrivit à Florin, en cherchant à le convaincre qu'elles étaient tout-à-fait contraires aux saintes écritures et à la tradition léguée immédiatement des Apôtres. Entre autres choses, Saint-Irénée le prie de se rappeler la doctrine que, dans leur jeunesse, ils avaient reçue ensemble de Saint-Polycarpe, afin de mieux se convaincre de la fausseté de ce qu'il avançait.

Pendant ce même pontificat, Théodocion d'Éphèse, d'abord converti au christianisme, puis devenu hérétique marcionite, et puis enfin devenu juif, entreprit la traduction des saintes écritures, et, malgré sa dernière conversion, il n'en continua pas moins sa traduction qu'il jugeait digne d'être lue dans les églises. Déjà la même chose avait eu lieu sous le pontificat de Saint-Télesphore. Aquilas de Sinope, chassé de l'église chrétienne pour avoir eu foi en l'astrologie judiciaire, se fit juif par dépit, et n'en traduisit pas moins le vieux testament, observant toutefois d'altérer dans la version des septante, les passages relatifs à la venue du Messie, de manière à leur faire signifier le contraire de ce que les Chrétiens y avaient vu.

On peut compter jusqu'à l'époque dont nous venons de parler, vingt-cinq écrivains apologistes et défenseurs de la religion chrétienne, sans parler de ceux dont les ouvrages ne nous sont pas parvenus.
Les plus remarquables de ceux qui nous sont connus : Aristide, Athénagore, Appolonius, Appien, Arbien, Claude-Apollinaire, Candide, Saint-Clément d'Alexandrie ; Denis de Corinthe, Philippe, évêque de Gortines, Hermas, Héraclite, Hégésyppe, Saint-Ignace, Saint-Irénée, Saint-Justin, Saint-Militon, évêque de Sardes, Maxime, Musanus, Saint-Polycarpe, Saint-Papias, Saint-Quadratus, Rodon, Sextus, Théophile, évêque d'Antioche, et Saint-Clément de Rome, depuis Pape ; et de tant d'écrivains, aucun ne nous semble avoir écrit par l'ordre ou par l'impulsion du pontife, si l'on excepte le seul Saint-Clément de Rome cité ici. Cette observation ne laisse pas que de diminuer un peu de l'idée des soins universels du Pape, pour toutes les églises.



VICTOR Ier

XIIIe PONTIFE. - DE 192 A 202.

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Déjà nous commençons à découvrir dans les Papes cet esprit de domination qui devait, par la suite amener de si funestes résultats.
Les douze premiers pontifes Romains bornèrent toutes les prérogatives de leur suprématie à recevoir les consultations ou demandes de secours que les autres évêques leur faisaient volontairement. Saint-Pierre et Saint-Paul ayant dirigé vers Rome la carrière de leur mission apostolique, tous les évêques du monde chrétien conçurent, en faveur de son église, un respect religieux qui, uni à la prépondérance qu'avait déjà Rome, en sa qualité de capitale de l'empire, produisit véritablement cette suprématie universelle, non pas de la personne de Saint-Pierre (puisqu'il l'avait reçue de Jésus-Christ lui-même), mais des autres évêques de Rome, qui, sans la réunion de ces circonstances, eussent été presque égaux à tous les autres évêques.
Ainsi, l'évêque d'Alexandrie devint le patriarche d'Orient, parce qu'Alexandrie était la seconde ville de l'empire, et l'évêque d'Antioche le second, parce que Antioche était la troisième. Si c'eût été la qualité de fondateur ou l'ordre de création qui eussent décidé de la suprématie, l'évêque de Jérusalem eut obtenu le premier rang, de préférence à celui de Rome.

La véritable cause de la suprématie romaine fut l'assentiment de tous les évêques du monde en faveur de l'évêque de la capitale de l'empire, de l'évêque d'une église consacrée par le sang du président du collège apostolique, et par celui d'un autre apôtre qui avait prêché l'Évangile sur toute la terre, et fondé de nombreux évêchés en Orient, en Égypte, en Europe et en Asie. Autrement on ne pourrait trouver un seul témoignage pour prouver que l'église romaine appartient plus particulièrement et plus en propre à Saint-Pierre, que celle d'Antioche et toutes celles qu'il fonda en Orient et en Occident ; ni pour persuader que Saint-Lin ait hérité, par la mort de Saint-Pierre, de la présidence universelle du collège épiscopal.

Il est évident que, puisque ce fut le consentement général des évêques, concilié par leur respect pour Saint-Pierre et Saint-Paul, et par la prépondérance qu'avait Rome, en sa qualité de ville impériale, qui donna l'existence à la suprématie papale, on ne peut raisonnablement leur supposer l'intention d'attribuer au primat plus de pouvoir qu'il n'était nécessaire d'en avoir pour maintenir le bon ordre dans le gouvernement de l'église universelle. On doit croire qu'ils se réservèrent le pouvoir législatif pour l'exercer, comme l'avaient fait les onze apôtres, sous la présidence de Saint-Pierre, soit en communiquant leurs sentiments par écrit, sans se rassembler, soit en laissant prendre les décisions à la majorité. Telle est la véritable suprématie romaine, suprématie non-seulement honorable, mais effective et investie de pouvoirs juridiques, puisqu'elle confère à l'évêque de Rome le droit de convoquer des conciles quand les circonstances l'exigent, d'ordonner aux évêques, hors des conciles, de déclarer leur opinion sur les points de dogme qui se présentent...................

D'annoncer aux fidèles le résultat des opinions émises en pleine liberté, et de faire exécuter par des moyens spirituels les lois ecclésiastiques promulguées par le corps législatif. Telle est la véritable suprématie : et si elle se fut maintenue dans ses limites, elle eut pu protéger la conservation de l'ordre public, sans se rendre odieuse aux évêques qui ne peuvent supporter les limites arbitraires qu'on a voulu leur imposer dans l'administration de leur diocèse. On ne détruit point cette vérité en déclarant que la suprématie romaine est de droit divin par une disposition de Jésus-Christ. Elle n'est point incompatible avec tout ce qu'on peut dire sur ce sujet, pourvu qu'on y insère la clause du consentement général des évêques du monde chrétien ; c'est ainsi que nous disons que le pouvoir des rois est de droit et de consécration divine, parce qu'on suppose le consentement préliminaire des peuples à qui il a plu de choisir un gouvernement monarchique.

L'ambition est la plus forte passion du coeur humain. Il est si bien dans la nature humaine de désirer au-dessus de ce qu'on a, que ce fut là le seul moyen employé par le serpent de la Genèse, pour tenter Eve et par elle Adam. L'appât qu'il leur présenta était de devenir semblables à un Dieu, s'ils adoptaient sa proposition. Il n'est pas étonnant que l'ambition se soit emparée de l'esprit de ces saints personnages, puisqu'Adam et Eve, très saints et très innocents à l'époque de leur chute, cédèrent cependant à l'espoir flatteur d'augmenter leur dignité et leur pouvoir. Le pape Saint-Victor offre un exemple remarquable de ce désir naturel d'ajouter à ce qu'on possède, bien qu'il ait montré ensuite la plus grande modération à ne pas abuser des droits qu'il croyait avoir.

En parlant de Saint-Anicet, nous avons traité en passant la question de la Pâques, Les églises d'Asie continuèrent de la célébrer le quatorzième jour de la lune de mars. Saint-Victor voulut excommunier Saint-Policrate, évêque d'Éphèse, pour ne pas vouloir se conformer à une détermination prise par lui dans un concile romain où il avait fait fixer la Pâques au dimanche. Saint-Policrate lui dit qu'il était fils et petit-fils d'évêques, qu'il comptait sept autres évêques dans sa famille, et qu'enfin, il faisait tout ce que le monde faisait, ce qu'avaient fait avant lui Saint-Philippe apôtre, et Saint-Jean apôtre, Saint-Polycarpe disciple, le même qui fut évêque de Smyrne et martyr, ce qu'avaient fait Saint-Naséas, évêque d'Arménie et martyr, Saint-Sagaris évêque de Laodicée et martyr, Saint-Méliton évêque de Sardes, Saint-Papyre et d'autres saints ; qu'il avait convoqué les nombreux évêques d'Asie qui, tous, avaient résolu de continuer de se conformer à une pratique si bien appuyée ; qu'ainsi toutes ses menaces d'excommunication ne l'effrayaient nullement, se rappelant que les apôtres avaient dit qu'il était plus juste d'obéir à Dieu qu'aux hommes.

Les évêques du concile romain exhortèrent fortement Victor à ne point excommunier tant d'évêques afin d'éviter le scandale de séparer de l'église romaine toutes les provinces d'Asie. Saint-Irénée d'accord avec un grand nombre d'évêques français, réunis en concile à Lyon, écrivit la même chose à Victor, le priant d'imiter l'exemple de ses prédécesseurs. Il savait, pour avoir résidé à Rome, que les papes Sixte, Télesphore, Hygin, Pie, Anicet et Sotère avaient été d'une opinion contraire à celle des évêques d'Asie, et que, cependant, ils n'avaient pas pour cela troublé la paix de l'église en condamnant un usage opposé au leur.
Le pape Victor céda enfin à leurs instances multipliées, et les Asiatiques continuèrent d'observer leur coutume qu'ils conservèrent encore quelques siècles. Il mourut dans la cinquième persécution générale excitée en l'an 208 par l'empereur Septime-Sévère.

Ce qui est arrivé à Victor nous offre les preuves d'abus de pouvoir et d'imprudence. Sur quoi se fondait-il pour penser qu'il avait le pouvoir d'excommunier tous les évêques d'Asie qui n'avaient point encouru la peine d'hérésie ? Comment pouvait-il se justifier suffisamment de s'être laissé emporter par la colère jusqu'à déclarer toutes les provinces d'Asie exclues de la communion romaine ? Saint-Paul ne lui avait-il pas appris qu'il fallait se servir des pouvoirs spirituels pour édifier, et non pas pour détruire ? On peut dire que la sainte ferveur des Pontifes romains ne se conserva pure que dans les douze premiers. Depuis le pontificat de Saint-Victor, nous découvrirons dans quelques Papes, plutôt les passions humaines que la sainteté. Nous verrons que l'ambition et le désir du pouvoir et du commandement occupèrent principalement leur attention, quoiqu'ils se couvrissent du voile d'un zèle apostolique, zèle dont un grand nombre de Papes n'avaient que l'apparence.

Nous ne devons pas nous laisser arrêter dans l'investigation et l'aveu de ces vérités par le titre de Saint dont on a qualifié beaucoup de ces Papes. La raison en est que, d'abord, la canonisation n'est constante que pour un très-petit nombre ; qu'en second lieu, même en la supposant constante, ce n'est pas un article de foi. Comment aurait-on pu faire des articles de foi de la canonisation de Charlemagne, par exemple, et de tant d'autres canonisations pareilles ? Troisièmement, parce que même tout en vénérant les canonisations, nous pouvons croire qu'elles ont été gagnées par le martyre qui mit fin à leur existence et purifia leurs défauts antérieurs ; quatrièmement enfin, parce que de ce qu'ils auraient été canonisés pour des vertus héroïques et non pour leur martyre, il ne s'en suit pas que toutes les actions de leur vie aient été vertueuses. C'est pour cela que Saint-Augustin nous dit que les actions des Saints ne sont pas pour cela toutes saintes ; bien loin de là, quelques-uns des Saints canonisés ont même, avec de bonnes intentions, commis de fort mauvaises actions, tantôt égarés par un faux zèle, tantôt conduits par des opinions contraires à la vérité. Cet avertissement préalable doit servir pour tout ce qui va suivre.

La conduite de Saint-Victor avec Saint-Polycrate est d'autant plus étrange, qu'il avait été d'une indulgence extrême avec les Montanistes, puisqu'il avait écrit une lettre en leur faveur, et les avait admis à sa communion, uniquement parce qu'ils avaient eu recours à lui contre les autres évêques qui les avaient excommuniés. Il donna son approbation à la sainteté et à la perfection prêchée par Montan, qui n'était qu'apparente et qu'il croyait véritable : il persista longtemps dans son erreur avant de mieux connaître la vérité.

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