Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ANNE ROUVIER

1698-1747

-------

 Pour intimider le pasteur Pierre Durand, dont l'action décisive en Vivarais exaspérait les prêtres, on emprisonna dans le fort de Brescou, en 1729, son père, Étienne Durand, greffier consulaire de la paroisse du Bouchet de Pranles, qui avait 73 ans. Sa soeur, mariée au Désert depuis peu avec Matthieu Serre, fut arrêtée le 28 juillet 1730 et mise à la Tour de Constance, tandis que Serre allait à Brescou. Sa femme, Anne Rouvier, réussit à gagner la Suisse, mais la mère d'Anne, Isabeau Sautel, rejoignit Marie Durand à Aigues-Mortes, en avril 1731. Un frère d'Anne, Pierre Rouvier, ami de Durand, arrêté en 1719, rama pendant des années sur la galère « la Brave ». Isabeau Sautel passa vingt-trois ans à la Tour de Constance et y mourut, entourée des soins de Marie, qu'elle n'aimait guère, tenant Pierre Durand pour responsable des malheurs survenus à sa famille.

Anne Rouvier était l'aînée des filles qu'elle avait eues de Jacques Rouvier, notaire du hameau de Craux, paroisse de Saint-Étienne de Serres. Elle accepta héroïquement les risques de son union avec un pasteur proscrit et traqué. Elle fut toujours digne de celui qui l'avait choisie.

Mariée, le 10 mars 1727, - par Jacques Roger, futur martyr lui aussi - le moment ne tarda point où elle dut, enceinte, quitter sa maison de Craux et prendre le Désert. Elle mena la vie errante, avec toutes ses privations, jusqu'en octobre 1730, où, à peine remise de sa troisième maternité, elle passa en terre de Refuge, accompagnée de Jacques Boyer, l'un des élèves de Durand, qui allait perfectionner ses études au séminaire de Lausanne.

Elle vécut à Lausanne, sans ressources régulières, séparée de son mari et de ses enfants, et dévorée de soucis. Quand le grand lutteur du Vivarais eut été capturé et supplicié (27 avril 1732), cette femme de santé chancelante vit dans sa terrible épreuve « une occasion d'avancer dans la sanctification ». Elle écrivit, le 27 mai, à Isabeau Corteiz qui habitait Zurich, une lettre qu'on traduisit en allemand pour la répandre plus facilement. « Personne ne la lit ni ne l'entend sans pleurer », disait Isabeau Corteiz. La voici, avec deux autres. Trois simples lettres, qu'il faut tenir pour sacrées jusqu'en leurs plus humbles détails. Après le martyre de Durand, elle avait pu recueillir auprès d'elle les deux enfants qui lui restaient, Jacques-Étienne, qui ne tarda pas à lui être enlevé, et Anne. Elle mourut le 8 septembre 1747.

 ÉDITION : Daniel Benoît, Marie Durand, 31 éd., Toulouse, 1894, p. 97, 106. André Fabre, Pierre Durand, La Cause, p. 322.

 À CONSULTER : D. Benoît et A. Fabre, Marie Durand, Dieulefit, Drôme, 1935. Ch. Bost, Les Martyrs d'Aigues-Mortes, La Cause.



 L'ÉPOUSE AU CALVAIRE.

 25 octobre 1731.

 Mon cher enfant, si mon silence vous était ennuyeux, le vôtre commençait à ne me l'être guère moins ; car, hier au soir, on fut obligé de me dire plusieurs fois que j'étais une impatiente et que je devais me tranquilliser ; que peut-être vous ne pouviez pas y faire davantage... Je suis toujours trop empressée d'avoir de vos chères nouvelles, pour vous faire un crime de ce que vous restâtes quelque temps sans m'écrire. Je n'en ai jamais eu la pensée, et je suis toujours la même à votre égard, et je le serai toute ma vie. Je ne doute nullement que vous n'en soyez de même, et que vous ne souhaitiez avec bien d'ardeur de me voir...

Je ne sais pas si j'oserai vous demander quelque chose pour passer mon hiver... J'attendais qu'après votre synode vous seriez en état de le faire ; mais, ce qui m'afflige bien, c'est de savoir qu'il n'y a rien moins que cela et que je vous mettrais encore en peine. J'ai fait assez de dépenses par rapport à mes indispositions d'estomac ; je fus obligée de prendre le bouillon d'écrevisse et de poule et bien d'autres médecines. Vous jugez bien que cela ne se fait pas sans frais, mais je ne le plains pas. Je m'en suis assez bien trouvée, et je suis un peu mieux portante, grâce au Seigneur.

Je serai encore obligée de passer l'hiver sans voir mon cher enfant. Que je trouve ce temps long ! Grand Dieu, veuille l'abréger ! Toutefois, je vous laisse agir, comme vous le trouverez à propos, pourvu que vous me donniez assez souvent de vos nouvelles, et que vous tâchiez de m'envoyer quelque chose. Vous savez que je ne suis pas une personne à faire connaître mes besoins... J'ai fait assez de connaissances qui me font assez de caresses, mais je ne me produis qu'avec peine. Je reste sans sortir une partie du temps. Je ne finirais pas encore, si mon papier ne me manquait. Adieu, mon cher enfant, le Seigneur te veuille conserver, te remplir de courage, te garantir de tout danger. Adieu, encore une fois. Je suis, sans aucune réserve, toute à toi.

 15 décembre 1731,

 Mon cher enfant, j'ai reçu vos deux lettres. Enfin, grâce au bon Dieu, bienfaisant à notre égard, nous sommes tirés de cet état tous les deux : vous de me croire morte, et moi de vous savoir si inquiet sur mon sujet.

Votre lettre du 28 novembre me fut rendue le 8 du courant. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous dire le plaisir qu'elle me fit. Vous le sentirez beaucoup mieux que je ne saurais l'exprimer. Mais elle m'apprit que vous serez obligé à faire tant de voyages... Je vous prie, en grâce, de prendre toutes les précautions possibles et de ne pas tant vous exposer...

Je fus bien fâchée de ce que vous ne fûtes pas à temps pour m'envoyer la burate (1) que vous m'avez fait faire. Elle m'aurait bien fait plaisir, et je crains qu'à présent vous ne trouviez pas de commodité de tout l'hiver de sorte qu'il faudra que je m'en passe, suivant toutes les apparences. le voudrais que ce fût le sujet qui m'inquiète le plus, et je trouverais le moyen de me tranquilliser ; mais, quand je pense que je suis privée de tout ce que j'ai de plus cher dans ce monde, je vous assure que je me trouve dans une triste situation et que les jours me paraissent bien longs. J'avais toujours une espérance de voir venir quelqu'un, mais je me trouve frustrée de mon attente, comme je le vois par vos lettres et par celles que la commère Nanon m'a écrites. Enfin, il faut prendre patience, puisque Dieu nous y appelle, et nous acquitter de notre devoir envers lui, étant persuadés qu'il nous accordera ce qui nous sera nécessaire.

Vous pouvez toujours m'écrire à l'adresse de Mademoiselle Marsel ; je suis bien bonne amie avec elle, bien que je sois sortie de chez elle. Cela n'a été que pour être dans un poêle chaud pour y passer notre hiver, en sorte que je n'ai pas tant peur d'avoir froid. Je voudrais bien que vous en fussiez de même ; mais il n'y a pas apparence, selon ce que vous me marquez encore. Dieu veuille vous fortifier dans toutes vos épreuves et vous préserver de tous les dangers qui pourraient vous arriver. Amen !

Je vous dirai que M. Boyer fait des prédications à faire parler de lui dans ce pays. Il nous prêcha sa proposition, dimanche dernier, à une troupe de gens que nous étions, que tout parut à souhait. Mais ce qui m'a fait encore plus de plaisir, c'est qu'il l'a prêchée en auditoire, et que l'on en a paru encore content. Il s'applique autant qu'il peut, et je crois qu'avec le secours de la grâce, il parviendra au but qu'il s'est proposé. Je suis bien aise de vous dire cela, comptant que cela vous fera plaisir, puisque vous l'aimez tout de bon...

Et toi, mon cher enfant, je te recommande à la divine Providence. Qu'Il veuille te garantir de tout mal et te remplir de joie et de consolation. Je suis toujours plus à toi qu'à moi.

 À Isabeau Corteiz.
 Le 27 mai 1732.

 Que mon affliction a été grande !... Aidez-moi par le secours de vos prières. Depuis sa détention jusqu'à la fin, cela a été pour moi une mort continuelle ... J'espérais qu'on ferait quelque chose en sa faveur .... mais notre Dieu, de qui les voies ne sont pas nos voies, n'a pas jugé à propos, suivant son adorable sagesse, de bénir les soins de ces bonnes âmes, et Il a voulu que je fusse privée pour toujours de mon époux.

Que ta volonté soit faite, ô Éternel !... Je fais bien, ma très chère amie, tout mon possible pour me fortifier ; tantôt je me représente combien il est glorieux de mourir pour le nom de notre divin Sauveur, tantôt la manière honorable dont mon cher mari a rempli sa carrière... Mais, malgré cela, il est toujours dans mon imagination, il ne m'est pas possible de l'en ôter. C'est vous qui savez mieux qu'aucune personne quel doit être mon triste état, que vous éprouvez tous les jours aussi bien que moi... Veuille ce grand Dieu vous conserver votre cher époux, de même que les autres qui sont dans le même danger.




ISABEAU MENET

1713-1758


 L'auteur de Mireille raconte dans Moun Espelido un pèlerinage aux Saintes-Maries, avec retour par Aigues-Mortes, qu'il évoque joliment à la fin d'un chapitre. Il ajoute : « Un jour qu'avec deux belles dames du monde protestant de Nîmes, nous visitions la grosse tour d'Aigues-Mortes, en lisant les noms des malheureuses prisonnières, gravés par elles-mêmes dans les pierres du donjon : « Poète, nous dirent-elles, suffocantes d'émotion, ne vous étonnez pas de nous voir pleurer ainsi : pour nous autres huguenotes, ces pauvres femmes, martyres de leur foi, sont nos Saintes Maries. »

Le mot est à retenir, et nous savons bien, pour ce qui est des prisonnières d'Aigues-Mortes, que l'éclat de l'auréole qui les entoure ne s'affaiblira pas. On trouvera leurs noms dans l'ouvrage si sobre et émouvant de Charles Bost, Les Martyrs d'Aigues-Mortes. Nous avons ici le dessein de copier simplement quelques textes, lettres ou fragments de lettres, rédigés dans l'obscurité de la trop fameuse cage de pierre.

Recueillons ce cri de la petite Louise Gibert, fille d'un tanneur de Saint-Hippolyte-du-Fort, Gard, arrêtée dans une assemblée, en mai 1697 ; elle avait 18 ans, et elle écrivait à sa mère : « De ma prison de Constance. Croyez que je suis soumise en toutes choses à vous et à mon très cher père, jusques à cela, que de risquer mon salut. » (Ch. Bost. op. cit., p. 25).

Si Louise Gibert ne resta qu'un an dans la Tour, puisqu'elle fut libérée en juin 1698, Marie Robert y resta, elle, quarante et un ans, trois ans de plus que Marie Durand. Marie Robert, dite Frizole, du nom de son mari, Frizol, née à Uzès, en 1692, habitait Saint-Césaire-lès-Nîmes, lorsqu'elle devint veuve.

Elle fut arrêtée, elle aussi, dans une assemblée qui se tenait, un dimanche d'octobre 1727, près de Saint-Césaire, dans une vigne. Elle ne sortit de la Tour qu'en 1768, âgée de 76 ans. Elle eut, on peut l'affirmer, comme une autre Marie - la plus populaire de nos saintes, - l'héroïsme de la patience. Et elle était, croyons-nous, parfaitement qualifiée pour recommander à son fils et à sa belle-fille de vivre en bonne harmonie : c'est le thème de l'unique petite lettre, - touchante relique, - que nous ayions d'elle, datée du 10 septembre 1740.

« Mon fils.... Je vous recommande de vivre bien d'accord avec votre épouse et votre beau-père. Ne vous chagrinez pas (c'est-à-dire ne vous disputez pas) les uns les autres. Donnez-moi cette satisfaction... Je prie votre épouse de vivre en paix avec vous, car il n'y a rien de plus agréable à Dieu que la concorde. Je prie votre beau-père d'avoir soin de tous les deux, de vous donner des bons conseils. » (Bull., XXXIX, p. 553). Il est probable que c'est Marie Durand qui tint la plume pour Marie Robert.

Isabeau Menet, elle, savait écrire, bien qu'il y ait des incorrections dans ses trois lettres, qui gardent, on le verra, l'accent du Midi.
Née à Beauchastel, au confluent de l'Eyrieux et du Rhône, elle était la fille d'un marchand drapier. Le 8 juin 1734, elle épousa, devant le curé de Beauchastel, François Fialès, « travailleur de terre » à Saint-Georges-les-Bains et eut un premier enfant, Marie. Elle fut arrêtée avec son mari et sa soeur cadette, « Jeanneton », pour avoir assisté à une assemblée, accoucha d'un fils, Michel-Ange, le 1er février 1737, dans les prisons du Pont-Saint-Esprit.

François Fialès entra au bagne de Marseille, le 23 mai 1737, et y mourut à 31 ans, le 24 avril 1742 ; sa montre fut envoyée à son fils par le Major des Galères ; on peut la voir à la Bibliothèque du Protestantisme français.

Jeanne Menet réussit à s'enfuir des prisons du Pont-Saint-Esprit et à gagner Genève. Isabeau fut réduite « au pain et à la paille » de la Tour, le 13 juin 1737. Elle se lia de la plus étroite amitié avec Marie Durand. D'après sa lettre de décembre 1739, nous voyons qu'Isabeau avait, avec elle, dans la Tour, son fils « qui se faisait bien grand » ; c'est lui, peut-être, remarque Charles Bost, qui a chaussé les petits souliers retrouvés dans des gravats et que conserve le consistoire de Nîmes. Quand elle écrivit sa troisième lettre, elle était veuve et l'éducation de son enfant l'avait obligée de s'en séparer. Deux déchirements pour ce coeur si tendre. Sa tête s'égara, elle fut libérée folle, en mars 1750, et confiée à un frère, avocat. Elle acheva sa vie, huit ans plus tard, à Saint-Georges, où elle fut enterrée, « hors de l'église », c'est-à-dire hors du cimetière catholique et sans l'assistance du prêtre, par les soins de son fils, le 3 mai 1758.

 ÉDITION : Ch. Bost, Les Martyrs d'Aigues-Mortes, La Cause, p. 115. A. Lombard, Isabeau Menet, Genève, 1873, p. 77.

 À CONSULTER : Samuel Mours, Isabeau Menet, Valence, 1936. Daniel Benoît et André Fabre, Marie Durand, Dieulefit, Drôme, 1986.



 « RÉSISTEZ. »

 À la Tour de Constance, ce (?, automne 1737) Ma très chère soeur..., je vous suis bien obligée des voeux que vous formez au ciel pour moi, et de l'exhortation que vous me faites à la persévérance. Soyez assurée, ma chère soeur, que je les mettrai en effet, que toutes les menaces du monde ne seront pas capables de me faire abandonner le dépôt de la foi. Je m'estime fort heureuse que Dieu me trouve digne de souffrir persécution pour son saint nom, ainsi j'espère que ce bon Père de miséricorde ne me déniera pas le secours nécessaire pour supporter les épreuves qu'il lui plaira m'imposer.

Vous me demandez si nous avons tant de liberté comme au (Pont) Saint-Esprit. Puisque vous souhaitez de savoir notre état triste, il est juste de vous en instruire. Je vous dirai que nous sommes 22 et que nous avons deux heures le matin et deux heures le soir que nous allons en la basse cour du Fort, et le reste du jour et toute la nuit, nous sommes enfermées dans notre Tour.

... Vous me dites que si j'ai besoin de quelque chose, vous me l'enverrez. Je vous prie de m'envoyer un fichu de soie des plus forts, et un mouchoir d'indienne qui soit beau et carré, avec deux peignes d'ivoire... Je me recommande à vos ferventes prières, et soyez assurée que vous avez bonne part dans les miennes. Mon fils, qui se fait grand, a une dent, (il) vous embrasse dans son innocent langage...

J'ai ici une bonne amie, nonobstant vous, qui est Mademoiselle Durand. Elle vous ressemble beaucoup ; que c'est cause que d'abord, en entrant ici, je lui dis qu'elle ressemblait ma soeur, et du depuis, nous nous sommes toujours appelées soeurs l'une l'autre. Elle vous embrasse de tout son coeur, de même que Marie de Goutet et toutes les prisonnières...

 De la Tour de Constance, ce 23 décembre 1739.

 ... Prions le Seigneur, tous, de bon coeur, qu'il lui plaise d'abréger nos peines et nos souffrances, (à) tous, bien que nos crimes les attirent. Mais nous devons imiter Jésus-Christ, notre divin chef, qu'il a pâti le premier, lui juste, pour nous injustes, qui l'avons justement mérité...

Dieu nous fasse la grâce de le suivre, en quelle part qu'il nous appelle, puisque c'est pour sa gloire et pour notre salut ; car, quant à moi, je m'estime bien heureuse que le Seigneur m'ait appelée pour souffrir opprobre pour son nom, puisque telle est sa volonté. Dieu me fasse la grâce d'aller jusqu'au bout de la lice, car je sais que Jésus-Christ nous y attend avec ses bras ouverts. Soyez toujours persuadée que je n'ai d'autres sentiments que de suivre Jésus-Christ...

Je n'aurais pas tant tardé vous écrire, mais c'est que on m'avait donné l'épreuve de mon cher époux, en me disant qu'il était mort. C'était son frère, Fialès, qui me l'avait écrit, et je n'ai pas voulu vous écrire sans savoir la chose claire. De ce que (de quoi) je rends grâces au Seigneur, que j'ai appris par une de ses lettres comme il est en bonne santé. Grâces soient rendues à Dieu, et cela m'a mis d'huile dans mon coeur...

Je vous remercie bien de la bonté que vous avez eue pour moi de m'envoyer les deux mouchoirs que je vous avais prié et je vous suis bien obligée. Si je pouvais faire quelque chose pour vous faire plaisir, je le ferais du meilleur de mon coeur. Mais, comme vous savez, je suis esclave, puisque telle est la volonté du Seigneur : ainsi, je ne puis pas faire grand'chose, comme je le souhaiterais.

 À la Tour de Constance, ce 26 décembre 1743.

 Je vous prie, ma chère soeur, au nom de Dieu de vous souvenir de moi dans vos saintes prières, de même que de mon cher enfant, lequel je vous donne, que vous le regardiez comme votre cher enfant, pour le recommander à mon cher père et mère, qu'ils aient soin de son salut, afin de lui faire reconnaître que son cher père est mort pour la profession de l'Évangile.

Je me fie que vous en aurez le soin de le tirer devers vous, comme vous m'avez promis, car c'est la seule cause que je le livra à mon frère ; car je peux dire après Dieu qu'il m'était d'une grande consolation à mon entour, quoique jeune. J'espère que Dieu y pourvoira pour lui et pour moi, car il faut attendre tout d'en haut, puisque les hommes ne peuvent rien sans sa divine Providence. Le Seigneur soit apaisé envers nous et envers sa chère Église !

... Je vous souhaite une heureuse année, suivie de plusieurs autres de bienveillance, où Jacob voie venir ses captifs de retour. Qu'elle soit couronnée de toute sorte de bonheur pour la délivrance de notre chère Église et la paix du royaume (et) de toute la terre, afin que son nom en soit glorifié et les fidèles édifiés.

Je vous prie, ma chère soeur de me recommander aux prières de l'Église, car j'en ai grandement besoin, aux afflictions où je me vois réduite. Le Seigneur me fasse la grâce de prendre le tout-venant de sa main.

Je vous apprends, par bonne nouvelle, que dans tout le Languedoc l'on fait des assemblées fort fréquemment et à plein jour, et l'on baptise et l'on épouse sans crainte. Grâces au Seigneur lui en soient rendues, et qu'il lui plaise d'augmenter le nombre des élus et fidèles...
Marie de Goutet vous embrasse ; toutes les prisonnières vous saluent.


(1) Espèce de bure commune et grossière.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant