Pour intimider le pasteur Pierre
Durand, dont
l'action décisive en Vivarais
exaspérait les prêtres, on emprisonna
dans le fort de Brescou, en 1729, son père,
Étienne Durand, greffier consulaire de la
paroisse du Bouchet de Pranles, qui avait 73 ans.
Sa soeur, mariée au Désert depuis peu
avec Matthieu Serre, fut arrêtée le 28
juillet 1730 et mise à la Tour de Constance,
tandis que Serre allait à Brescou. Sa femme,
Anne Rouvier, réussit à gagner la
Suisse, mais la mère d'Anne, Isabeau Sautel,
rejoignit Marie Durand à Aigues-Mortes, en
avril 1731. Un frère d'Anne, Pierre Rouvier,
ami de Durand, arrêté en 1719, rama
pendant des années sur la galère
« la Brave ». Isabeau Sautel
passa vingt-trois ans à la Tour de Constance
et y mourut, entourée des soins de Marie,
qu'elle n'aimait guère, tenant Pierre Durand
pour responsable des malheurs survenus à sa
famille.
Anne Rouvier était
l'aînée des filles qu'elle avait eues
de Jacques Rouvier, notaire du hameau de Craux,
paroisse de Saint-Étienne de Serres.
Elle accepta
héroïquement les risques de son union
avec un pasteur proscrit et traqué. Elle fut
toujours digne de celui qui l'avait choisie.
Mariée, le 10 mars 1727, - par
Jacques Roger, futur martyr lui aussi - le moment
ne tarda point où elle dut, enceinte,
quitter sa maison de Craux et prendre le
Désert. Elle mena la vie errante, avec
toutes ses privations, jusqu'en octobre 1730,
où, à peine remise de sa
troisième maternité, elle passa en
terre de Refuge, accompagnée de Jacques
Boyer, l'un des élèves de Durand, qui
allait perfectionner ses études au
séminaire de Lausanne.
Elle vécut à Lausanne, sans
ressources régulières,
séparée de son mari et de ses
enfants, et dévorée de soucis. Quand
le grand lutteur du Vivarais eut été
capturé et supplicié (27 avril 1732),
cette femme de santé chancelante vit dans sa
terrible épreuve « une occasion
d'avancer dans la sanctification ». Elle
écrivit, le 27 mai, à Isabeau Corteiz
qui habitait Zurich, une lettre qu'on traduisit en
allemand pour la répandre plus facilement.
« Personne ne la lit ni ne l'entend sans
pleurer », disait Isabeau Corteiz. La
voici, avec deux autres. Trois simples lettres,
qu'il faut tenir pour sacrées jusqu'en leurs
plus humbles détails. Après le
martyre de Durand, elle avait pu recueillir
auprès d'elle les deux enfants qui lui
restaient, Jacques-Étienne, qui ne tarda pas
à lui être enlevé, et Anne.
Elle mourut le 8 septembre 1747.
L'ÉPOUSE AU CALVAIRE.
25 octobre 1731.
Mon cher enfant, si mon silence vous
était ennuyeux, le vôtre
commençait à ne me l'être
guère moins ; car, hier au soir, on fut
obligé de me dire plusieurs fois que
j'étais une impatiente et que je devais me
tranquilliser ; que peut-être vous ne
pouviez pas y faire davantage... Je suis toujours
trop empressée d'avoir de vos chères
nouvelles, pour vous faire un crime de ce que vous
restâtes quelque temps sans m'écrire.
Je n'en ai jamais eu la pensée, et je suis
toujours la même à votre égard,
et je le serai toute ma vie. Je ne doute nullement
que vous n'en soyez de même, et que vous ne
souhaitiez avec bien d'ardeur de me voir...
Je ne sais pas si j'oserai vous demander
quelque chose pour passer mon hiver... J'attendais
qu'après votre synode vous seriez en
état de le faire ; mais, ce qui
m'afflige bien, c'est de savoir qu'il n'y a rien
moins que cela et que je vous mettrais encore en
peine. J'ai fait assez de dépenses par
rapport à mes indispositions
d'estomac ; je fus obligée de prendre
le bouillon d'écrevisse et de poule et bien
d'autres médecines. Vous jugez bien que cela
ne se fait pas sans frais, mais je ne le plains
pas. Je m'en suis assez bien trouvée, et je
suis un peu mieux portante, grâce au
Seigneur.
Je serai encore obligée de passer
l'hiver sans voir mon cher enfant. Que je trouve ce
temps long ! Grand Dieu, veuille
l'abréger ! Toutefois, je vous laisse
agir, comme vous le trouverez à propos,
pourvu que vous me donniez assez souvent de vos
nouvelles, et que vous tâchiez de m'envoyer
quelque chose. Vous savez que je ne suis pas
une personne à faire
connaître mes besoins... J'ai fait assez de
connaissances qui me font assez de caresses, mais
je ne me produis qu'avec peine. Je reste sans
sortir une partie du temps. Je ne finirais pas
encore, si mon papier ne me manquait. Adieu, mon
cher enfant, le Seigneur te veuille conserver, te
remplir de courage, te garantir de tout danger.
Adieu, encore une fois. Je suis, sans aucune
réserve, toute à toi.
15 décembre 1731,
Mon cher enfant, j'ai reçu vos deux
lettres. Enfin, grâce au bon Dieu,
bienfaisant à notre égard, nous
sommes tirés de cet état tous les
deux : vous de me croire morte, et moi de vous
savoir si inquiet sur mon sujet.
Votre lettre du 28 novembre me fut
rendue le 8 du courant. Je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de vous dire le plaisir qu'elle
me fit. Vous le sentirez beaucoup mieux que je ne
saurais l'exprimer. Mais elle m'apprit que vous
serez obligé à faire tant de
voyages... Je vous prie, en grâce, de prendre
toutes les précautions possibles et de ne
pas tant vous exposer...
Je fus bien fâchée de ce
que vous ne fûtes pas à temps pour
m'envoyer la burate (1) que vous
m'avez fait faire.
Elle
m'aurait bien fait plaisir, et je crains
qu'à présent vous ne trouviez pas de
commodité de tout l'hiver de sorte qu'il
faudra que je m'en passe, suivant toutes les
apparences. le voudrais que ce fût le sujet
qui m'inquiète le plus, et je trouverais le
moyen de me tranquilliser ; mais, quand je
pense que je suis privée de tout ce que j'ai
de plus cher dans ce monde, je vous assure
que je me trouve dans une triste
situation et que les jours me paraissent bien
longs. J'avais toujours une espérance de
voir venir quelqu'un, mais je me trouve
frustrée de mon attente, comme je le vois
par vos lettres et par celles que la commère
Nanon m'a écrites. Enfin, il faut prendre
patience, puisque Dieu nous y appelle, et nous
acquitter de notre devoir envers lui, étant
persuadés qu'il nous accordera ce qui nous
sera nécessaire.
Vous pouvez toujours m'écrire
à l'adresse de Mademoiselle Marsel ; je
suis bien bonne amie avec elle, bien que je sois
sortie de chez elle. Cela n'a été que
pour être dans un poêle chaud pour y
passer notre hiver, en sorte que je n'ai pas tant
peur d'avoir froid. Je voudrais bien que vous en
fussiez de même ; mais il n'y a pas
apparence, selon ce que vous me marquez encore.
Dieu veuille vous fortifier dans toutes vos
épreuves et vous préserver de tous
les dangers qui pourraient vous arriver.
Amen !
Je vous dirai que M. Boyer fait des
prédications à faire parler de lui
dans ce pays. Il nous prêcha sa proposition,
dimanche dernier, à une troupe de gens que
nous étions, que tout parut à
souhait. Mais ce qui m'a fait encore plus de
plaisir, c'est qu'il l'a prêchée en
auditoire, et que l'on en a paru encore content. Il
s'applique autant qu'il peut, et je crois qu'avec
le secours de la grâce, il parviendra au but
qu'il s'est proposé. Je suis bien aise de
vous dire cela, comptant que cela vous fera
plaisir, puisque vous l'aimez tout de
bon...
Et toi, mon cher enfant, je te
recommande à la divine Providence. Qu'Il
veuille te garantir de tout mal et te remplir de
joie et de consolation. Je suis toujours plus
à toi qu'à moi.
À Isabeau Corteiz.
Le 27 mai 1732.
Que mon affliction a été
grande !... Aidez-moi par le secours de vos
prières. Depuis sa détention
jusqu'à la fin, cela a été
pour moi une mort continuelle ... J'espérais
qu'on ferait quelque chose en sa faveur .... mais
notre Dieu, de qui les voies ne sont pas nos voies,
n'a pas jugé à propos, suivant son
adorable sagesse, de bénir les soins de ces
bonnes âmes, et Il a voulu que je fusse
privée pour toujours de mon époux.
Que ta volonté soit faite,
ô Éternel !... Je fais bien, ma
très chère amie, tout mon possible
pour me fortifier ; tantôt je me
représente combien il est glorieux de mourir
pour le nom de notre divin Sauveur, tantôt la
manière honorable dont mon cher mari a
rempli sa carrière... Mais, malgré
cela, il est toujours dans mon imagination, il ne
m'est pas possible de l'en ôter. C'est vous
qui savez mieux qu'aucune personne quel doit
être mon triste état, que vous
éprouvez tous les jours aussi bien que
moi... Veuille ce grand Dieu vous conserver votre
cher époux, de même que les autres qui
sont dans le même danger.
L'auteur de Mireille raconte dans
Moun
Espelido un pèlerinage aux Saintes-Maries,
avec retour par Aigues-Mortes, qu'il évoque
joliment à la fin d'un chapitre. Il
ajoute : « Un jour qu'avec deux
belles dames du monde protestant de Nîmes,
nous visitions la grosse tour d'Aigues-Mortes, en
lisant les noms des malheureuses
prisonnières, gravés par
elles-mêmes dans les pierres du donjon :
« Poète, nous dirent-elles,
suffocantes d'émotion, ne vous
étonnez pas de nous voir pleurer
ainsi : pour nous autres huguenotes, ces
pauvres femmes, martyres de leur foi, sont nos
Saintes Maries. »
Le mot est à retenir, et nous savons
bien, pour ce qui est des prisonnières
d'Aigues-Mortes, que l'éclat de
l'auréole qui les entoure ne s'affaiblira
pas. On trouvera leurs noms dans l'ouvrage si sobre
et émouvant de Charles Bost, Les Martyrs
d'Aigues-Mortes. Nous avons ici le dessein de
copier simplement quelques textes, lettres ou
fragments de lettres, rédigés dans
l'obscurité de la trop fameuse cage de
pierre.
Recueillons ce cri de la petite Louise
Gibert, fille d'un tanneur de
Saint-Hippolyte-du-Fort, Gard, arrêtée
dans une assemblée, en mai 1697 ; elle
avait 18 ans, et elle écrivait à sa
mère : « De ma prison de
Constance. Croyez que je suis soumise en toutes
choses à vous et à mon très
cher père, jusques à cela, que de
risquer mon salut. » (Ch. Bost. op. cit.,
p. 25).
Si Louise Gibert ne resta qu'un an dans la
Tour, puisqu'elle fut libérée en juin
1698, Marie Robert y resta, elle, quarante et un
ans, trois ans de plus que Marie Durand. Marie
Robert, dite Frizole, du nom de son mari, Frizol,
née à Uzès, en 1692, habitait
Saint-Césaire-lès-Nîmes,
lorsqu'elle devint veuve.
Elle fut arrêtée, elle aussi,
dans une assemblée qui se tenait, un
dimanche d'octobre 1727, près de
Saint-Césaire, dans une vigne. Elle ne
sortit de la Tour qu'en 1768, âgée de
76 ans. Elle eut, on peut l'affirmer, comme une
autre Marie - la plus populaire de nos saintes, -
l'héroïsme de la patience. Et elle
était, croyons-nous, parfaitement
qualifiée pour recommander à son fils
et à sa belle-fille de vivre en bonne
harmonie : c'est le thème de l'unique
petite lettre, - touchante relique, - que nous
ayions d'elle, datée du 10 septembre 1740.
« Mon fils.... Je vous recommande
de vivre bien d'accord avec votre épouse et
votre beau-père. Ne vous chagrinez pas
(c'est-à-dire ne vous disputez pas) les uns
les autres. Donnez-moi cette satisfaction... Je
prie votre épouse de vivre en paix avec
vous, car il n'y a rien de plus agréable
à Dieu que la concorde. Je prie votre
beau-père d'avoir soin de tous les deux, de
vous donner des bons conseils. » (Bull.,
XXXIX, p. 553). Il est probable que c'est Marie
Durand qui tint la plume pour Marie Robert.
Isabeau Menet, elle, savait écrire,
bien qu'il y ait des incorrections dans ses trois
lettres, qui gardent, on le
verra, l'accent du Midi.
Née à Beauchastel, au
confluent de l'Eyrieux et du Rhône, elle
était la fille d'un marchand drapier. Le 8
juin 1734, elle épousa, devant le
curé de Beauchastel, François
Fialès, « travailleur de
terre » à Saint-Georges-les-Bains
et eut un premier enfant, Marie. Elle fut
arrêtée avec son mari et sa soeur
cadette, « Jeanneton », pour
avoir assisté à une assemblée,
accoucha d'un fils, Michel-Ange, le 1er
février 1737, dans les prisons du
Pont-Saint-Esprit.
François Fialès entra au bagne
de Marseille, le 23 mai 1737, et y mourut à
31 ans, le 24 avril 1742 ; sa montre fut
envoyée à son fils par le Major des
Galères ; on peut la voir à la
Bibliothèque du Protestantisme
français.
Jeanne Menet réussit à
s'enfuir des prisons du Pont-Saint-Esprit et
à gagner Genève. Isabeau fut
réduite « au pain et à la
paille » de la Tour, le 13 juin 1737.
Elle se lia de la plus étroite amitié
avec Marie Durand. D'après sa lettre de
décembre 1739, nous voyons qu'Isabeau avait,
avec elle, dans la Tour, son fils « qui
se faisait bien grand » ; c'est lui,
peut-être, remarque Charles Bost, qui a
chaussé les petits souliers retrouvés
dans des gravats et que conserve le consistoire de
Nîmes. Quand elle écrivit sa
troisième lettre, elle était veuve et
l'éducation de son enfant l'avait
obligée de s'en séparer. Deux
déchirements pour ce coeur si tendre. Sa
tête s'égara, elle fut
libérée folle, en mars 1750, et
confiée à un frère, avocat.
Elle acheva sa vie, huit ans plus tard, à
Saint-Georges, où elle fut enterrée,
« hors de l'église »,
c'est-à-dire hors du cimetière
catholique et sans l'assistance du prêtre,
par les soins de son fils, le 3 mai 1758.
À CONSULTER : Samuel Mours, Isabeau Menet, Valence, 1936. Daniel Benoît et André Fabre, Marie Durand, Dieulefit, Drôme, 1986.
« RÉSISTEZ. »
À la Tour de Constance, ce (?, automne
1737) Ma très chère soeur..., je vous
suis bien obligée des voeux que vous formez
au ciel pour moi, et de l'exhortation que vous me
faites à la persévérance.
Soyez assurée, ma chère soeur, que je
les mettrai en effet, que toutes les menaces du
monde ne seront pas capables de me faire abandonner
le dépôt de la foi. Je m'estime fort
heureuse que Dieu me trouve digne de souffrir
persécution pour son saint nom, ainsi
j'espère que ce bon Père de
miséricorde ne me déniera pas le
secours nécessaire pour supporter les
épreuves qu'il lui plaira m'imposer.
Vous me demandez si nous avons tant de
liberté comme au (Pont) Saint-Esprit.
Puisque vous souhaitez de savoir notre état
triste, il est juste de vous en instruire. Je vous
dirai que nous sommes 22 et que nous avons deux
heures le matin et deux heures le soir que nous
allons en la basse cour du Fort, et le reste du
jour et toute la nuit, nous sommes enfermées
dans notre Tour.
... Vous me dites que si j'ai besoin de
quelque chose, vous me l'enverrez. Je vous prie de
m'envoyer un fichu de soie des plus forts, et un
mouchoir d'indienne qui soit beau et carré,
avec deux peignes d'ivoire... Je me recommande
à vos ferventes prières, et soyez
assurée que vous avez bonne part dans les
miennes. Mon fils, qui se fait grand, a une dent,
(il) vous embrasse dans son innocent
langage...
J'ai ici une bonne amie, nonobstant vous,
qui est Mademoiselle Durand.
Elle vous ressemble beaucoup ; que c'est cause
que d'abord, en entrant ici, je lui dis qu'elle
ressemblait ma soeur, et du depuis, nous nous
sommes toujours appelées soeurs l'une
l'autre. Elle vous embrasse de tout son coeur, de
même que Marie de Goutet et toutes les
prisonnières...
De la Tour de Constance, ce 23 décembre 1739.
... Prions le Seigneur, tous, de bon coeur,
qu'il lui plaise d'abréger nos peines et nos
souffrances, (à) tous, bien que nos crimes
les attirent. Mais nous devons imiter
Jésus-Christ, notre divin chef, qu'il a
pâti le premier, lui juste, pour nous
injustes, qui l'avons justement
mérité...
Dieu nous fasse la grâce de le suivre,
en quelle part qu'il nous appelle, puisque c'est
pour sa gloire et pour notre salut ; car,
quant à moi, je m'estime bien heureuse que
le Seigneur m'ait appelée pour souffrir
opprobre pour son nom, puisque telle est sa
volonté. Dieu me fasse la grâce
d'aller jusqu'au bout de la lice, car je sais que
Jésus-Christ nous y attend avec ses bras
ouverts. Soyez toujours persuadée que je
n'ai d'autres sentiments que de suivre
Jésus-Christ...
Je n'aurais pas tant tardé vous
écrire, mais c'est que on m'avait
donné l'épreuve de mon cher
époux, en me disant qu'il était mort.
C'était son frère, Fialès, qui
me l'avait écrit, et je n'ai pas voulu vous
écrire sans savoir la chose claire. De ce
que (de quoi) je rends grâces au Seigneur,
que j'ai appris par une de ses lettres comme il est
en bonne santé. Grâces soient rendues
à Dieu, et cela m'a mis d'huile dans mon
coeur...
Je vous remercie bien de la bonté que
vous avez eue pour moi de
m'envoyer les deux mouchoirs que je vous avais
prié et je vous suis bien obligée. Si
je pouvais faire quelque chose pour vous faire
plaisir, je le ferais du meilleur de mon coeur.
Mais, comme vous savez, je suis esclave, puisque
telle est la volonté du Seigneur :
ainsi, je ne puis pas faire grand'chose, comme je
le souhaiterais.
À la Tour de Constance, ce 26 décembre 1743.
Je vous prie, ma chère soeur, au nom de
Dieu de vous souvenir de moi dans vos saintes
prières, de même que de mon cher
enfant, lequel je vous donne, que vous le regardiez
comme votre cher enfant, pour le recommander
à mon cher père et mère,
qu'ils aient soin de son salut, afin de lui faire
reconnaître que son cher père est mort
pour la profession de l'Évangile.
Je me fie que vous en aurez le soin de le
tirer devers vous, comme vous m'avez promis, car
c'est la seule cause que je le livra à mon
frère ; car je peux dire après
Dieu qu'il m'était d'une grande consolation
à mon entour, quoique jeune. J'espère
que Dieu y pourvoira pour lui et pour moi, car il
faut attendre tout d'en haut, puisque les hommes ne
peuvent rien sans sa divine Providence. Le Seigneur
soit apaisé envers nous et envers sa
chère Église !
... Je vous souhaite une heureuse
année, suivie de plusieurs autres de
bienveillance, où Jacob voie venir ses
captifs de retour. Qu'elle soit couronnée de
toute sorte de bonheur pour la délivrance de
notre chère Église et la paix du
royaume (et) de toute la terre, afin que son nom en
soit glorifié et les fidèles
édifiés.
Je vous prie, ma chère soeur de me
recommander aux prières
de l'Église, car j'en ai grandement besoin,
aux afflictions où je me vois
réduite. Le Seigneur me fasse la grâce
de prendre le tout-venant de sa main.
Je vous apprends, par bonne nouvelle, que
dans tout le Languedoc l'on fait des
assemblées fort fréquemment et
à plein jour, et l'on baptise et l'on
épouse sans crainte. Grâces au
Seigneur lui en soient rendues, et qu'il lui plaise
d'augmenter le nombre des élus et
fidèles...
Marie de Goutet vous embrasse ; toutes
les prisonnières vous saluent.
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