On la dit d'Uzès. Nous ignorons la date exacte de sa
naissance. Une liste des réfugiés à Lausanne lui donne 37 ans en
juin 1733. Elle était, en 1719, la « promise » d'Antoine
Court : le mot est de lui. En 1721, nous la trouvons à Uzès,
puis, vers la Noël de la même année, à Saint-Ambroix, où elle était
allée réveiller le zèle évangélique de parents qu'elle y avait.
Revenu de Suisse en 1722, Court fut pressé par les pasteurs
de cesser de « familières amours » en épousant Étiennette
Pagès, et Corteiz bénit le mariage (novembre ou décembre). Une
première fille naquit, octobre 1724 ; puis un fils, le futur
Court de Gébelin, septembre 1728 ; puis - en Suisse - plusieurs
autres enfants. En avril 1729, Étiennette, menacée dans Uzès, avait
dû quitter la France. Cette année-là, Antoine Court décida de se
fixer lui aussi, à Lausanne. Il y organisa le fameux
« séminaire » secret, où se formèrent des pasteurs animés
de l'esprit du Désert, « un esprit de mortification et de
martyre ». Étiennette mourut au Timonet, près de Lausanne, le
19 juin 1755. Antoine Court l'appelait sa
« Rachel ». Les enfants avaient pour cette mère un amour
plein de vénération. (Renseignements de Charles Bost.)
La lettre - en termes de convention - que l'on va lire, fut
écrite par elle à son mari, dans le but de presser son retour :
1744, c'est l'année du grand synode national qui se tint à Lédignan
(Gard)
Court y assista.
B.S.H.P.F., Papiers Court, 601, t. XV, p. 596 (orig. f. 261).
À CONSULTER : Edmond Hugues, op. cit.
« LES MARCHANDISES DÉLICATES RISQUENT BEAUCOUP. »
De Lausanne.
Monsieur, hier au soir, nous conclûmes avec notre associé qu'il
vous fallait prier de faire partir incessamment le paquet, crainte
qu'en attendant davantage le mauvais temps n'arrive et ne l'endommage.
Vous savez que les marchandises délicates risquent beaucoup. On ne
vous prescrit rien là-dessus ; vous êtes prudent et sage ;
j'espère que vous n'épargnerez rien pour le bien conditionner comme il
faut en toute manière.
La crainte est dans nos quartiers. Le paquet de satin n'est pas
encore arrivé, et... Jugez... depuis le temps. On nous a dit qu'on
avait mis des gardes. Nous craignons qu'il ne parvienne pas. Ainsi le
plus tôt n'est que le meilleur. De partout on en demande, les
marchands (1) sont dans l'attente.
Si votre activité ne m'était connue, je vous presserais
davantage ; mais il suffit qu'on vous informe
d'une affaire pour mettre toute votre diligence et votre prudence.
J'ai l'honneur d'être avec affection, Monsieur, votre h. b.
servante.
Le 18 septembre 1744.
Alerte.
Depuis, la lettre écrite, j'ai reçu les trois paquets.
Les Gaidan étaient des fabricants de bas de la rue de la
Carreterie, « le long de l'Isle du Cheval Blanc »,
faubourg Saint-Antoine, à Nîmes. De fiers protestants, « fermes
comme la Tour Magne », pour employer un mot de Mistral.
Marie Béchard, veuve de Firmin Gaidan, était la marraine de
Toinon, le fils d'Antoine Court, le futur Court de Gébelin. Il y a
des lettres d'elle dans les Papiers Court. Elle écrivit, à mots
couverts, le billet que nous donnons ici, adressé à Goutrespac (nom
fabriqué avec les lettres de Court et de Pagès) lorsqu'elle apprit
l'heureuse arrivée de Toinon, âgé de deux ans, envoyé à ses parents
qui venaient de s'installer à Lausanne et conduit par l'ancien
Camisard Jacques Bonbonnoux.
Elle avait deux filles. L'aînée, Madeleine, épousa Paul
Rabaut au Désert, le 30 mars 1739, et ne voulut jamais consentir à
s'éloigner des dangers qu'entraînait pour elle le ministère de son
mari. Elle vécut, harcelée d'angoisses, au sujet
de Paul Rabaut et de ses « mirmidons » - ses enfants -
tenant le large, errante, sans demeure fixe. Cette magnifique
protestante mourut à 73 ans, le 9 novembre 1787, huit jours avant la
signature par le roi Louis XVI, de l'Édit de Tolérance.
B. S. H. P. F., Papiers Court, Lettres à A. C., 601, t. V, p.
236, (original f. 263) ; XIII, p. 95 (f. 107) ; XII, p. 199
(f. 227).
À CONSULTER : Ch. Dardier, Lettres de Paul Rabaut à Antoine Court, Paris, 1892. Albert Doumergue, Nos Garrigues et les Assemblées au Désert (2 vol.), Nîmes, 1924 et 1936.
SUR L'HEUREUSE ARRIVÉE D'UN BALLOT DE MARCHANDISE.
À Goutrespac, bourgeois, Lausanne.
Nîmes, 2 février 1731.
Monsieur, j'ai reçu avec une joie inexprimable la lettre dont vous m'avez honorée, par laquelle vous m'apprenez la réception du ballot, en bon état, ce qui m'a bien réjouie. Il n'a pas emporté avec lui toutes les marques d'amitié dont nous voudrions lui donner des preuves ; elles sont toujours au-dessous de l'inclination que nous avons. Dieu veuille le combler de ses plus précieuses grâces, et le disposer à marcher dans les suites, avec zèle, sur les traces que vous lui marquez ; permettez que je vous prie de lui faire une tendre brassade de ma part.
TENDRE INTÉRÊT POUR MONSIEUR PAUL.
Nîmes, 22 août 1740.
... Je prends la liberté de vous, recommander M. Paul (2).
Je le regarde comme mon fils, et je regarderai comme
fait à moi-même ce que vous aurez la bonté de faire pour lui. Il vous
dira certaines choses que j'aurais souhaité de vous communiquer, il y
a longtemps, et si je ne l'ai pas fait, vous devez l'attribuer à la
crainte que j'ai eue qu'on ne vint à décacheter les lettres et que
cela n'eût de mauvaises suites...
(De la main de Madeleine Gaidan). - Oserai-je, Monsieur,
vous recommander aussi la personne ci-dessus nommée. J'en ai plus de
raison que qui que ce soit. Je vous, prie de lui faire plaisir en tout
ce qu'il aura de besoin, et je vous en serai très reconnaissante.
Vous recevrez pour lui cent livres, argent de France, et
huit livres pour M. Clément (3) que
les Filles (Cabrier) ont données. Elles vous font bien leurs
compliments. Elles vous font savoir que l'affaire de maître Figuière (4)
est toujours la même chose.
1740.
Monsieur et très cher compère, j'ai l'honneur de vous prier d'avoir la bonté de remettre l'incluse à Monsieur Paul. Au reste, je vous suis, et serai toute ma vie, obligée des bontés que vous avez pour lui. Je regarde fait comme à moi-même ce que vous faites pour lui. Je vous prie, quand vous le verrez tant assidu à la lecture, de lui dire de se dissiper un peu, crainte qu'il ne tombe malade, parce que cela lui fait mal.
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