Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ANNE DE MORNAY

1583-1646

-------

 Troisième fille de du Plessis-Mornay et de Charlotte Arbaleste. Née en 1583, elle fut élevée par sa grand'mère Françoise du Bec, dame de Buhy, mère de du Plessis-Mornay. Elle épousa, en 1603, Jacques des Nouhes, seigneur de La Tabarière et de Sainte-Hermine en Poitou, dont elle eut sept enfants. Veuve en 1632, elle se remaria avec Jacques Nompar de Caumont, duc de La Force, le fameux maréchal.

On peut voir à la Bibliothèque du Protestantisme Français une belle grosse Bible reliée en maroquin rouge et dorée sur tranches. On y lit, sur l'un des plats : « Philippe de Mornay. Arte et Marte » ; sur l'autre : « Charlotte Arbaleste. L'esprit et la force vient de Dieu. ». Sur une garde en parchemin, cette dédicace, écrite de la main de du Plessis-Mornay : « Psal. 27 : L'Éternel est ma lumière et ma délivrance, de qui aurai-je peur ? L'Éternel est la force de ma vie, de qui aurai-je frayeur ? Pour Anne de Mornay, dame de La Tabarière, ma fille, Philippe de Mornay. À Bodet, ce 29e septembre 1620. » Au-dessous, ces lignes simples et grandes, de la main d'Anne de Mornay :

 ÉDITION : Bull. 1, 1853, P. 204.

 À CONSULTER : France protestante, 21 éd., V, p. 354. R. Patry, op. vit. J. Pannier, L'Eglise Réf. de Paris sous Louis XIII (1621-1629), Paris, 1932, p. 478-483.



 LA BIBLE DE FAMILLE.

 Cette Bible m'a été donnée par M. du Plessis, mon très honoré père. Je désire qu'après moi elle soit pour Philippe des Nouhes, mon fils aîné, et qu'il la lise soigneusement pour y apprendre à connaître et servir Dieu en la Sainte Trinité, et qu'il se représente, pour s'y acourager, l'exemple de son grand-père, duquel il reçoit nourriture, et se ressouvienne continuellement des voeux que moi, sa mère, ai faits pour lui.
Fait à Bodet, ce 30e octobre, jour propre que Dieu nous a conjoints par le saint mariage, son père et moi, il y a dix-sept ans.

 Anne de Mornay, 1620.

 (Dix ans plus tard.)

 À François des Nouhes, maintenant, puisqu'ainsi a plu à Dieu, notre fils unique.
Mon enfant, j'avais reçu ce présent de votre grand-père, et, pour la dignité du don et du donneur, je l'avais dédié à votre frère, notre fils aîné et bien-aimé. Depuis que Dieu l'a voulu combler de tous biens là-haut, nous navrant de douleur, ce qui nous peut consoler, c'est que vous succédiez à sa vertu et piété, et en voici la droite règle que je vous mets en main, avec les mêmes voeux et constitution que j'avais faits à votre pauvre frère.

 A. M., ce 29e juillet 1630.




Mme DES LOGES

vers 1584-1641


 Bayle la signale dans son Dictionnaire comme une des femmes les plus illustres du XVIIe siècle.
Marie de Bruneau, fille de Sébastien de Bruneau, sieur de La Martinière, naquit à Sedan vers 1584. Elle épousa en 1599 Charles de Rechignevoisin, sieur Des Loges, qui fut nommé, quatre ans plus tard, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi Henri IV. S'étant trouvée mêlée à des intrigues politiques et craignant la colère de Richelieu, elle quitta Paris en 1629 pour se retirer en Limousin, et ne revint qu'en 1636. Elle mourut le 1er juin 1641.

Mme Des Loges prit dans la société parisienne, comme l'a remarqué M. J. Pannier, « une place que de plus grandes dames protestantes.... Catherine de Bourbon, Louise de Coligny, n'avaient ni su ni voulu occuper. » Son salon de la rue de Tournon fut, pendant un quart de siècle, le rendez-vous des hommes distingués du temps, écrivains, causeurs, amateurs de belles-lettres. Elle avait un album rempli de vers de ses amis, au frontispice duquel on lisait, de la main de Malherbe :

 Ce livre est comme un sacré temple,
Où chacun doit, à mon exemple,
Offrir quelque chose de prix.
Cette offrande est due à la gloire
D'une dame que l'on doit croire
L'ornement des plus beaux esprits.

 On l'appelait « la céleste, la divine, la dixième muse ». On louait sa grâce, son esprit vif et accort, la largeur et la netteté de ses vues, la rectitude de son jugement. Voulant condamner le style burlesque, Balzac s'appuie de l'opinion de Mme Des Loges, qui disait qu'elle « aimerait autant voir faire l'ivrogne ou le Gascon ».

Elle resta toute sa vie une huguenote convaincue. « Il est très vrai, lui écrivait Balzac, l'engageant à renoncer aux erreurs de Calvin, il est très vrai qu'un si beau changement est un de mes plus violents souhaits, et que, pour vous voir dire votre chapelet, je voudrais de bon coeur vous en avoir donné un de diamants. » Mais Mme Des Loges ne prenait pas ce controversiste au sérieux. Conrart, qui la connaissait bien, lui a rendu ce témoignage : « Elle avait un courage plus que féminin, une constance admirable en ses adversités, un esprit tendre en ses affections et sensible aux offenses, mais attrempé d'une douceur et facilité sans exemple à pardonner, et en tous ses maux d'une résignation entière à la volonté de Dieu et d'une ferme confiance en sa grâce. »

Nous avons d'elle quelques lettres remarquables. En voici une adressée, vers 1628, croit-on, au fils de sa soeur, Henri de Beringhen, qui se préparait à abjurer le protestantisme. Voyez le soin qu'elle prend de montrer comment la foi huguenote, loin « de ne pouvoir compatir » (d'être incompatible) avec le service du roi, rend plus que toute autre l'obéissance sacrée.

 ÉDITION : Bull., IX, P. 84 ; LXXV, p. 407.

 À CONSULTER : Tallemant des Réaux, Historiettes, III. Bayle, Dictionnaire historique, iII, 354. Balzac, Lettres choisies, Paris, 1636, liv. II. France protestante, 2e éd., III, art. Bruneau. J. Chavannes, dans Bull. IX, 1860. J. Pannier, L'Eglise réformée de Paris sous Louis XIII, t. I, Paris, 1922. J. Viénot, Histoire de la Réforme française, II, Paris, 1934.



 LA « RÉVOLTE » DE MONSIEUR DE BERINGHEN.

 Mon neveu, l'intérêt que j'ai à tout ce qui vous touche m'oblige à vous avertir des bruits qui courent par deçà de votre révolte, confirmés par une infinité de lettres de la cour, qui ne laissent plus aucun lieu de doute, même aux plus incrédules.

Ce que j'ai celé tant que j'ai pu à ma soeur, sachant que son esprit déjà accablé de tristesse, amassée de longue main et causée par une suite infinie de fâcheux accidents, ne pourrait résister à une si rude surcharge, dont la douleur lui serait, sans doute, plus sensible que la perte de tout ce qu'elle possède au monde de plus cher. De sorte que, quand vous n'auriez que cette seule considération qui, devant Dieu, vous rendrait coupable de la mort de celle qui vous a mis au monde, vous êtes obligé de travailler à la guérir au plus tôt, non seulement du mal, mais aussi de l'appréhension et du soupçon, en suivant, de point en point, ses sérieuses remontrances qui sont autant de commandements que Dieu vous fait par sa bouche.

Mais vous avez encore de plus forts arguments, qui vous exhortent à persévérance, dont le principal est le salut de votre âme, qui vous doit être plus cher que tout ce que la cour vous peut faire espérer de fortune et d'avantages, lesquels ne sont que terre et fange, au prix du trésor incomparable que nous attendons au ciel. Considérez, mon neveu, que le règne du Fils de Dieu n'est pas de ce monde, et que notre union avec lui consiste à porter la croix ; que plus nous souffrons de misères en cette vallée de larmes, plus nous sommes assurés de notre gloire future, qui sera éternelle, et ce que nous possédons ici-bas ne dure qu'un moment ; que la vanité du monde et la vérité céleste sont choses incompatibles ; que ceux qui préfèrent celles-là aux grâces que Dieu leur présente par le mérite de son Fils, bien qu'enveloppées d'épines, sont indignes d'y participer ; que notre Sauveur reniera devant son Père, qui est au ciel ceux qui le renieront devant les hommes ; qu'il ne suffit pas de croire du coeur, si nous ne professons de la bouche la vérité de son Évangile ; que la religion n'est pas un jouet et que Dieu ne se paye pas de moqueries ni d'éclaircissements, qu'il veut être connu et confessé en sincérité de coeur.

La méditation de toutes ces choses èsquelles vous êtes si bien instruit, que c'est abuser du temps que d'y vouloir ajouter, vous peut fortifier contre toutes tentations, car vous ne pouvez pécher par ignorance, et vous ne voudrez pas aussi malicieusement combattre la vérité, qui est le premier degré de péché contre le Saint-Esprit, lequel est irrémissible. Je sais qu'il y a un rude combat entre l'esprit et la chair, et que vous avez besoin d'y être secondé de la grâce de Dieu ; mais il ne la refuse jamais à ceux qui le craignent et qui la lui demandent en sincérité.

Je n'ignore point aussi que vous avez l'honneur d'être non seulement sujet, mais domestique d'un grand roi, de qui le service semble à quelques-uns ne pouvoir compatir avec votre créance. Mais qui sait mieux que vous qu'il n'y en a aucune qui enseigne plus religieusement et commande plus exactement le devoir et l'obéissance des inférieurs envers leurs supérieurs, que la nôtre ? que ceux qui en font profession véritable ne peuvent, par qui ni en quelque façon que ce soit, être dispensés de cette obligation d'autant plus forte en nous que nous la croyons moindre en toute autre religion ? De sorte que, si vos actions répondent à la profession en laquelle Dieu vous a fait la grâce d'être né et élevé, votre roi se trouvera servi de vous avec fidélité et avec une passion très forte en tout ce qui regarde votre légitime vocation ; qui est tout ce qu'il peut désirer de vous, les consciences étant du ressort de l'empire du Dieu souverain et du tout libres de la juridiction des hommes...

Je te prie, mon cher neveu, de pardonner à mon zèle général et particulier ce long discours, et le prendre en bonne part, considérant tous les devoirs qui m'y obligent. J'espère qu'il sera superflu, et que tu n'auras pas besoin d'être admonesté en chose qui te touche plus que nul autre, et où il n'est pas question de choisir, entre deux opinions problématiques, la meilleure, mais seulement de conserver le talent que Dieu t'a donné en dépôt, ce que tu dois espérer de sa grâce, en y apportant de ton côté les prières pour s'en requérir et le mépris des biens et honneurs du monde. Surtout, je te conjure d'avoir compassion de ta pauvre mère et de croire que les douleurs de son enfantement en te mettant au monde n'ont été en rien comparables à celles qu'elle souffre maintenant à ton occasion, il dépend de toi d'y apporter du soulagement, ce que j'attends de la bonté de ton naturel, et cependant je continuerai mes voeux pour ta prospérité, étant de tout mon coeur ta bonne tante.

 BALZAC ET LE PASTEUR DAILLÉ

 Au pasteur Daillé.
 24 octobre 1635.

 Monsieur de Balzac, qui est maintenant ici, se dit admirateur de vos ouvrages, et après la communication que je lui ai donnée de quelqu'une de vos lettres, il m'a priée de vous faire savoir de sa part qu'il vous a en une très parfaite estime, et souhaite avec passion d'avoir l'honneur de votre connaissance. Il me serait malaisé de vous représenter comme il vous a loué, il me faudrait emprunter ses mêmes paroles. Je voudrais pour l'amour de lui que son éloquence fût toujours aussi dignement employée.

 27 avril 1637.

 Par l'extrait qui accompagne cette lettre, vous serez assuré que je n'ai point manqué de m'acquitter de la commission dont vous m'honorâtes à mon départ de Paris. C'est ma maladie, Monsieur, qui m'a empêchée de vous envoyer, il y a deux mois, ce beau compliment que vous recevrez de Monsieur de Balzac. Vous lui avez gagné le coeur, en sorte qu'il entretient tous ses amis de la satisfaction qu'il a de votre connaissance, mettant ce bonheur au dessus de toutes les faveurs qu'il a jamais reçues de Monsieur le Cardinal, en quoi, certes, il a beaucoup de raison.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant