Regardez ici son portrait, et allez la voir au Louvre, belle et jolie, si élégante, si blonde, telle que nous l'a rendue un peintre l'École des Clouet.
Elle avait la distinction morale et
intellectuelle de sa soeur aînée, avec
qui elle vivait dans une intimité
complète. Elle était aimante et
douce. Quant à sa foi, lisez la
« lettre consolatoire »
à Mme de Soubise. Ces filles de la comtesse
de Roye, ces nièces de Coligny, toute
pureté et noblesse, furent des
chrétiennes éprouvées.
Gravité sérieuse du style de
Charlotte, où éclatent des formules
saisissantes.
Née le 3 mars 1537, au château
de Muret, elle épousa en 1557 le comte de La
Rochefoucauld, François, troisième du
nom. Elle mourut à 35 ans, en 1572, avant la
Saint-Barthélemy, dont son mari fut
victime.
ÉDITION : Bull. II, p. 562.
À CONSULTER : J. Delaborde, Éléonore de Roye. Jean de Mergey, Mémoires, 1788.
« NOTRE
CONVERSATION
(1) EST AU
CIEL. »
LETTRE
CONSOLATOIRE À MADAME DE SOUBISE.
... Ce n'est pas sans cause que Dieu
prépare peu à peu les siens à
beaucoup de misères et
calamités : car, par ce moyen, il les
apprend de bonne heure à haïr ce monde,
pour chercher leur repos et félicité
au ciel ; et puis, étant endurcis au
mal, ils portent bien plus patiemment tout ce qu'il
plaît à Dieu leur envoyer. Et surtout,
quand il frappe rudement sur eux, ou par perte de
biens, ou de leurs plus chers parents et amis,
c'est alors que, comme gens bien aguerris, ils
soutiennent vaillamment les coups, sachant bien que
celui qui les a destinés à cela leur
fournira de force et de vertu pour résister
jusques au bout.
Tel est, Madame, le combat, que
vous
avez à soutenir ; car, en la
séparation que Dieu a faite de celui qui
était comme vous-même, je ne doute
point que ne sentiez autant de douleur, comme si on
vous avait portée et divisée en deux
pièces. Mais souvenez-vous que c'est Dieu
qui a fait un tel partage.
... Combien que l'esprit de
Monsieur
de Soubise habite maintenant au ciel, voyant la
face de Dieu son Père, le vôtre y est
aussi, à présent, assis par
espérance, laquelle ne vous peut confondre,
d'autant qu'elle a l'issue de la vie très
certaine et assurée. Puis donc que par foi
votre conversation est aussi au ciel, il n'y a
différence entre lui et vous, sinon qu'il
jouit et est entré en possession de la chose
dont vous avez le gage et l'assurance, par la
promesse que tenez ferme et arrêtée en
Notre Seigneur
Jésus-Christ, en qui toutes les promesses
sont oui et amen. C'est à dire qu'elles ont
toute perfection et vrai accomplissement. Or, vu
que la plus noble et excellente partie de l'esprit,
n'avez-vous pas grande occasion de déchasser
toute tristesse, quand vous avez encore une telle
admiration d'esprit avec Monsieur de Soubise, que
son esprit et le vôtre sont unis ensemble en
un seul Jésus-Christ ?
... Madame, parlant à vous,
comme à celle qui a été
dûment instruite en la vraie Religion,
j'estime que, entendant trop mieux ces choses, vous
aurez mis fin, dès cette heure, à
tous pleurs et larmes, ayant votre coeur
fiché en l'espérance
(2) de
la
résurrection bienheureuse...
De Verteuil, ce 26 septembre 1566.
Elle a représenté en Hollande
la Réforme française. Nous pouvons la
revendiquer à bon droit, nous pouvons
même en être fiers. Elle est charmante.
Et elle est parfaite, avec l'attrait de sa
beauté morale et physique, dont quelque
chose, à coup sûr, se reflète
dans ses lettres.
Elle naquit en 1547. Elle était fille
du duc de Montpensier, Louis Il de Bourbon, et de
Jacqueline de Longwy. Mise au couvent, pour ainsi
dire, dès le berceau, elle fut sevrée
des caresses de la famille. Elle devint religieuse
malgré elle et abbesse sans le vouloir. Un
soir de février 1572, elle s'évada de
l'abbaye de Jouarre et gagna un lieu de refuge
inaccessible à la persécution :
Heidelberg et la cour de l'Électeur
Frédéric III. Elle avait vingt-cinq
ans.
Peu après, le 12 juin 1575, elle
épousait Guillaume d'Orange-Nassau, le
Taciturne, qui trouvait en elle, - leur
correspondance en témoigne, - une femme
capable de le comprendre et toute prête
à partager sa vie traversée de
périls ou d'épreuves. Les historiens
sont unanimes à reconnaître le
rare mérite de Charlotte
de Bourbon, la délicate
sérénité de son âme
chrétienne, en même temps que la haute
intelligence qui lui valut d'être la digne
confidente du grand homme à qui la Hollande
doit son existence. Le 18 mars 1582, Guillaume
d'Orange se levait de table, lorsqu'un jeune homme
lui présenta une pétition et
déchargea sur lui son pistolet à bout
portant. Durant plusieurs semaines, le Taciturne
fut comme suspendu entre la vie et la mort, et sa
femme lui prodigua les soins les plus tendres. Il
survécut à l'attentat. Les
émotions violentes et des fatigues de tout
genre avaient brisé, épuisé
les forces de Charlotte, qui expira le 5 mai 1582,
âgée de trente-cinq ans, laissant six
filles, pour lesquelles Louise de Coligny fut une
seconde mère.
ÉDITION : Bull. LXXXIII, p. 329. Comte Jules Delaborde, Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange, Paris, 1888, p. 148, 150, 285..
À CONSULTER : Jures Bonnet, Nouveaux récits du XVIe siècle, Paris, 1870. En hollandais, Dr P. -J. Blok, 1919. Dr Van Schelven, 1933, Guillaume d'Orange ; Dr N. Japikse, Hist. de la Maison d'Orange-Nassau, t. I, 1937 ; et les études de Johanna W.-A. Naher sur les Princesses d'Orange, parues en 1898, 1901, 1933.
POUR LA FOI PROTESTANTE.
À Guillaume de Nassau.
5 octobre 1577.
... Je désirerais fort savoir si les États ne vous auront point permis quelques exercices de Religion, soit secrètement ou autrement, car je ne vois point, Monseigneur, comment vous pourrez demeurer plus longuement sans cela. Je sais bien que vous y pensez, mais le désir que j'ai que Dieu fasse toujours de plus en plus prospérer votre labeur, me fait prendre la hardiesse de vous dire ce mot.
« LA LÉZARDE ».
À Guillaume de Nassau.
Dordrecht, 7 octobre 1577.
Aujourd'hui est arrivé, sur une heure
après-midi, en cette ville, Monsieur le
comte (Jean de Nassau) votre frère, avec le
grand contentement du bourgmestre et de tout le
peuple. Nous avons été, nos filles et
moi, plus aises encore que tout le reste, et avons
dîné ensemble et bien bu à
votre santé, désirant fort,
Monseigneur, que eussiez été en
présence pour nous faire raison.
Je ferai tout le mieux que je pourrai,
touchant ce que vous me mandez ; mais ceux de
cette ville se sont déjà
avisés de faire leur présent,
à part, d'une coupe dont le vase est de
licorne, le reste d'argent, qui vaut quelques cent
livres de gros. Si toutes les autres (villes) font
le semblable, serait quelque témoignage de
leur bonne volonté ; mais j'eusse mieux
aimé que tous les États eussent fait
un présent de chose qui parût et de
quoi l'on se pût servir ensemble. Toutefois,
Monseigneur, je n'ai osé
empêcher...
Je me réconforte, Monseigneur, sur ce
que vous espérez que les affaires prendront
un meilleur chemin... J'ai fait vos recommandations
à nos filles, qui vous présentent les
leurs très humblement à votre bonne
grâce. Nous nous aimons bien, l'une l'autre,
et sommes bien privément ensemble, et elles
ont bien grand soin de leurs
petites. Tous se portent bien.
Dordrecht, 8 octobre 1577.
Monseigneur, j'ai reçu le présent qu'il vous a plu m'envoyer de la part de la reine (d'Angleterre), que j'ai trouvé fort bien et joliment fait... Quant à la signification de la lézarde, d'autant que l'on écrit que sa propriété est, quand une personne dort et qu'un serpent la veut mordre, la lézarde la réveille, je pense que c'est à vous, Monseigneur, à qui cela est attribué, qui éveillez les États, craignant qu'ils ne soient mordus. Dieu veuille, par sa grâce, que vous les puissiez bien garder du serpent !
UNE PAGE DE SON TESTAMENT SPIRITUEL.
18 novembre 1581.
Je rends grâces à Dieu, mon Père, qui, par sa grande miséricorde, m'a illuminée en la connaissance de sa sainte volonté et m'a donné assurance de mon salut et de la vie éternelle, par les mérites infinis de Jésus-Christ, son Fils, vrai Dieu et vrai Homme, mon seul Sauveur et Rédempteur, avocat et médiateur, de ce que, me conduisant et fortifiant par son Saint-Esprit, il m'a retirée en son Église, et en icelle fait la grâce de l'invoquer en esprit et vérité avec les autres fidèles, ouïr sa Parole et communiquer aux saints Sacrements, me confirmant de plus en plus en la connaissance et assurance de son amour envers moi et de mon élection à salut et vie éternelle, donc aussi protestant que mon désir et espérance certaine est de vivre et mourir en cette foi. Sur cet appui et fondement, je recommande mon esprit ès mains de Dieu, mon Père, le priant n'avoir égard à la multitude de mes péchés, ains (mais) de me regarder en la face de son Fils bien-aimé Jésus-Christ et en me les pardonnant, par les mérites de sa mort, me revêtir de sa justice pour, en faveur de lui, me reconnaître son enfant bien-aimée, et me recevoir en la jouissance de la vie et gloire qu'il a préparée à tous ses élus en son royaume éternel.
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