Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ANNE DE PARTHENAY

vers 1510-1549

-------

 « Les nobles filles de Soubise », dont parle Marot, étaient trois, et firent l'admiration de leurs contemporains. L'aînée, Anne, naquit vers 1510. Son père était seigneur de Soubise, de cette noble maison de Lusignan-Parthenay qui, au temps des croisades, avait donné des rois à Chypre et à Jérusalem ; sa mère, Michelle de Saubone était dame d'atours de la reine Anne de Bretagne et gouvernante de Renée de France. Anne fut élevée avec la future duchesse de Ferrare, et c'est à la cour de Ferrare qu'elle épousa, en 1533, Antoine de Pons, comte de Marennes. Après son mariage, Anne, qui, dès la plus tendre jeunesse, avait reçu de sa mère secrète connaissance de la foi évangélique, prit résolument parti et abandonna l'Église romaine.

Sa culture fut celle, exquise, d'un esprit puisant à toutes les sources ouvertes par la renaissance des lettres antiques. Humaniste dévote, lisant couramment latin et grec, théologienne rivalisant avec les plus doctes, musicienne et amie de la poésie dont elle savait apprécier tous les rythmes, elle exerçait l'ascendant d'un esprit supérieur et, notons-le, d'une ravissante beauté blonde. Elle mourut d'un cancer à trente-neuf ans. Il ne nous reste d'elle qu'une charmante lettre à son mari, alors en mission à la cour de France.

 ÉDITION : Bulletin, XXVI, 1877, p. 9.

 À CONSULTER : Haag, France protestante, VI, p. 340. Jules Bonnet, dans Bull. XV, XXI, XXIII, XXIX. J. Pannier, dans Études théologiques et religieuses, mars-avril 1929.



 LETTRE D'AMOUR.

 Mon amour, ainsi que nous étions sur la fin de cette dépêche, nous avons reçu deux paquets, où il y avait en chacun deux lettres de toi, les plus fraîches du premier de ce mois. Vraiment, mon ami, tu montres bien que tu es diligent, et que tu as souvenance de moi ; aussi est-ce toute la joie que j'ai en ce monde. Ne t'en lasse pas, mon coeur, car je n'ai autre confort et ne puis avoir meilleure médecine à tous mes maux. Je ne t'y ferai plus longue réponse, pour ce que nous ne voulons plus retenir ce porteur, combien qu'il a encore la fièvre ; mais il dit qu'il ne lairra (laissera) pas d'aller. J'ai grand peur qu'il mettra lui et tout ce qu'il porte en danger... Le Seigneur veuille tout conduire à son honneur, et fais-m'en le plus tôt que tu pourras entendre comment tout aura passé, car j'aurais toujours travail d'esprit... (1).

Mon coeur, mon ami, je ne puis trouver fin à mes propos. Si (pourtant) finirai-je la présente pour te dire que je suis, Dieu merci, relevée, et pour achever de guérir mon estomac, je délibère de m'en aller tous les matins à l'ébat avec M. de Logerie, puisque Monsieur (le duc) ne nous veut laisser sortir de cage. Madame (la duchesse) dit qu'elle sera de la partie. Dieu sait comment il en ira.

N'oublie à me mander comment tu veux qu'on appelle le petit dernier né. Conseille-t'en par delà et m'en avertis. Tu sais bien que c'est le petit prédicateur. Dieu, par sa grâce, le fasse tel qu'il puisse être appelé son serviteur, et à nous la joie de le voir et de nous revoir bientôt ! Cependant, je me recommande toujours très humblement à votre bonne grâce, et supplie à Notre Seigneur vous ramener bientôt et en bonne santé.

 De Ferrare, ce XVIII de juillet (1539)
 Votre humble et très obéissante
 femme et amie,
 ton coeur.




JEANNE D'ALBRET

1528-1572


 La plus grande. C'est incontestable, elle tient le premier rang des héroïnes de la Réforme française. Reine, femme, chrétienne, tout en elle commande l'admiration.

La fille de Marguerite d'Angoulème et de Henri d'Albret naquit à Saint-Germain-en-Laye, le 16 novembre 1528, et mourut à Paris, le 9 juin 1572. À vingt ans, lorsqu'elle épousa le duc de Vendôme, Antoine de Bourbon, on disait de Jeanne qu'elle était une des plus belles princesses de l'Europe, avec sa taille haute, ses cheveux blonds tirant sur le roux, sa bouche fine, ses yeux un peu en amande. Elle aimait les divertissements, les danses, autant, paraît-il, qu'un sermon. Elle joutait à coups de sonnets avec Joachim du Bellay. Elle succéda à son père comme reine de Navarre en 1555 et fit « publique profession de la pure doctrine » en 1560.

« Sauf Sébastien Castellion, nul penseur n'eut, au XVIe siècle, la vision aussi nette des droits de la conscience ; sauf l'amiral Coligny, nul homme d'État n'eut la volonté aussi ferme d'accorder aux sujets la liberté de conscience et de culte... Sur ce point, Jeanne d'Albret a dépassé ses conseillers, si souvent écoutés en d'autres occasions, Calvin et Bèze » (Jacques Pannier).

Elle réussit à établir le protestantisme en Béarn sans verser le sang. Elle fut la première souveraine à proclamer dans ses États, avec la liberté de conscience et de culte, l'égalité de tous devant les lois, l'obligation de l'instruction primaire pour les garçons et pour les filles. Cette femme de génie devint l'âme même de « la Cause » et joua le rôle de « berger du grand troupeau », dont son mari s'était montré indigne. Une volontaire. Une intellectuelle. Artiste, poète, elle encouragea les lettres. Il y aurait une étude à faire sur Jeanne d'Albret considérée au point de vue littéraire. La plupart de ses poésies sont perdues, et nous n'avons pas une édition complète de sa correspondance. Son talent, moins connu que celui de sa mère, est cependant réel. Le lecteur attentif va pouvoir en juger.

 ÉDITION : Rochambeau, Lettres d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, 1877, p. 242. Lettre d'un Cardinal envoyée à la Royne de Navarre... 1563, p. 18. A. de Ruble, Mémoires et Poésies de Jeanne d'Albret, Paris, 1893, p. 88. N. de Bordenave, Histoire de Béarn et Navarre, Paris, 1873, p. 162. Rochambeau, Lettres... p. 306, 343, 348.

 À CONSULTER : Muret, Histoire de Jehanne d'Albret, 1862. A. de Ruble, Le mariage de Jeanne d'Albret, 1877 ; Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, 1881-1886 ; Jeanne d'Albret et la guerre civile, 1897. H. Strohl, op. cit., 1926. A. B. Vienney, Jeanne d'Albret, Paris, 1928. Jacques Pannier, dans Bull. LXXVII, 1928.



À UNE MÈRE, Mme DE LANGEY, DONT LA FILLE REFUSAIT D'ALLER A LA MESSE.

 Octobre 1561.

 ... Quant à l'offense que vous me mandez que votre fille vous a faite d'avoir refusé vous aller accompagner à la messe, il me semble que vous devriez plutôt louer cet acte que le blâmer, vu que je crois que vous avez été si bien instruite en la connaissance de la vérité que vous savez bien que l'obéissance des pères et des mères ne s'étend point de faire pour eux contre Dieu ce que la conscience juge ; ce qui me fait ébahir que pour cela vous lui ayez usé de si étrange façon que porte même votre lettre. Et quant à suivre en cela la volonté de feu Monsieur de Langey, je sais qu'il connaissait trop Dieu pour trouver bon de contraindre une conscience ... ; et de ma part, je crois que vous savez que j'ai personne à qui obéir, mais, si mon Dieu m'avait affligée jusques à leur permettre de me vouloir contraindre d'y assister (à la messe), j'endurerais plutôt la mort que d'obéir plutôt à la créature qu'au Créateur.
Qui me fait vous prier, ma cousine, vouloir ôter la haine que portez à votre fille, et la tenir en l'honnête liberté que je m'assure qu'elle désire, et réponds pour elle qu'elle vous obéira, servira comme fille obéissante et craignant Dieu doit faire, hormis ce qui sera contre Dieu même, et la laissant vivre en la Religion, vivrez contente, et elle aussi.

 Novembre 1561.

 Ma cousine, je suis fort aise que vous trouvez bon que votre fille soit avec moi. Je vous prie me l'envoyer bientôt et en équipage que sa maison mérite, avec robes et brodures (2) selon que savez qu'il faut, ayant été vous-même mariée chez nous...

 « SUR LA RÉFORMATION QUE j'AI COMMENCÉE. »
RÉPONSE AU CARDINAL D'ARMAGNAC

 Août 1563.

 Mon cousin, ... Quant au premier point, sur la Réformation que j'ai commencée à Pau et Lescar (et que) j'ai délibéré continuer, par la grâce de Dieu, en toute ma souveraineté de Béarn, je l'ai apprise par la Bible que je lis, plus que les docteurs, au livre des Rois d'Israël, formant mon patron sur le roi Josias, afin qu'il ne me soit reproché, comme aux autres rois d'Israël, que j'ai servi à Dieu, mais que j'ai laissé les hauts lieux.

Quant à la ruine forgée par mes mauvais conseillers, et sous prétexte de religion, je n'ai point été tant délaissée de Dieu, ni d'amis, que je n'aie élu personnes dignes auprès de moi, qui non seulement ont prétexte de religion, mais le vrai effet ; car tel le chef, tels les membres, et n'ai point entrepris de planter nouvelle religion en mes pays, sinon y restaurer les ruines de l'ancienne (celle de l'Église primitive).

Par quoi je m'assure de l'heureux succès, et vois bien, mon cousin, que vous êtes mal informé, tant de la réponse de mes États que de la condition de mes sujets. Lesdits États m'ont prêté obéissance pour la Religion... Mes sujets, tant ecclésiastiques que nobles et rustiques, sans qu'entre tant j'en aie trouvé de rebelles, m'ont offert, en continuant tous les jours la même obéissance, vrai opposite de rébellion ; je ne fais rien par force : il n'y a mort, emprisonnement ou condamnation, qui sont les nerfs de la force...

... Et me faites rougir de honte pour vous, quand vous alléguez tant d'exécrations, que dites avoir été faites par ceux de notre Religion. Ôtez la poutre de votre oeil, pour voir le fétu de votre prochain, nettoyez la terre du sang juste, que les vôtres ont épandu, témoin ce que vous savez que je sais. Et d'où sont venues les premières séditions ?...

Je connais bien par la description que vous faites de nos ministres, que vous ne les avez hantés, ouïs, ni connus ; car ils ne prêchent rien plus que l'obéissance des princes, la patience et l'humilité, suivant l'exemple de leurs patrons les martyrs et apôtres.

« COMBATS AU DEHORS, TOURMENTS AU DEDANS. »

 Le départ pour la Rochelle en 1568 (3).

  Je pris loisir d'entrer jusques au plus profond cabinet de ma conscience, et cuidant penser au repos qui m'avait été présenté me vinrent au devant les ennuis et fâcheries que j'avais eus durant le pénultième trouble. Car quel bon somme pouvais-je faire, m'arrivant à mon coucher la nouvelle des massacres de mes frères ? je sais qu'ici les frères d'iniquité se moqueront, comme est leur coutume, de ce mot de frères, mais Dieu sera leur juge et le mien. Je reviendrai donc au réveil de ce triste somme. Toutes les commodités et beautés de mes maisons, de quoi me servaient-elles que de représenter l'incommodité de tant de pauvres bannis des leurs, qui, vagabonds par ci par là, étaient à mendier ce dont ils souloient (avaient coutume) départir aux autres. J'avais le coeur transi mille fois le jour, sachant les nôtres aux dangers infinis qu'apporte une cruelle guerre, et même ayant des parents si proches et des amis si chers. Et parce que cette affliction de toute l'Église a dégoutté sur moi, comme membre d'icelle, par un échantillon de guerre civile en mes pays souverains, il m'a semblé, venant à la considérer, que Dieu me montrait par là que ceux qui se cuideraient exempter par quelques prudents moyens de sa main, qu'elle est si longue que tout homme peut dire avec le psalmiste - « Où irai-je hors de devant ta face ? Au ciel, en terre, aux abîmes ? Tu y es. La nuit de ma prudence ne me couvrira point. » Je jugeai donc par là que c'était chose incompatible que la patience de ces choses-là chez moi avec la charité, qui nous appelle à tout secours, même vers les domestiques de la foi. Et me semblait bien que les plaindre par une pitié seulement n'était assez, et qu'il fallait mettre la main à la pâte.

Ce qui incitait plus ma conscience était mon fils, le voyant déjà grand, et sinon pour porter les armes, au moins pour devoir être à l'école militaire. Je vous dirai que ce scrupule ne m'a jamais laissée en repos, que je ne l'aie rendu où il est par la grâce de Dieu, Durant ces discours en mon esprit, je n'eus pas seulement à combattre les ennemis étrangers, j'eus la guerre en mes entrailles. Ma volonté propre se bandait contre moi-même. La chair m'assaillait et l'esprit me défendait. Si une heure j'avais du meilleur, à l'autre j'avais du pire. Bref, parce que ce sont passions malaisées à décrire et qui ne se peuvent juger qu'au sentiment, je prierai ceux qui ont passé par là et de qui le coeur a été éprouvé comme l'or en la fournaise, s'amuser plutôt à imaginer mon tourment qu'à le lire, et croire que Satan, ennemi ancien, qui a par sa vieille expérience, appris les arts plus parfaitement que nul homme, n'oublia la grave rhétorique, la persuasive éloquence, la douce flatterie ni la fardée menterie pour venir à bout de ses desseins. Et avait bien su choisir les instruments propres pour les exécuter.

Et même, les sentant faibles contre moi, était entré jusques aux tentations de l'âme, et avait gagné la moitié de mes volontés pour vaincre l'autre. Toutefois, je suis demeurée enfin victorieuse par la grâce de mon Dieu.

« MON DIEU, MON ROI ET MON SANG. »

 À Catherine de Médicis.
 De Bergerac, 16 septembre 1568.

 Je vous supplie très humblement, Madame, croire que du seul sujet qui nous mène, nous tous de la Religion réformée, ne peut sortir qu'une même façon de plainte ; et d'une race si illustre que celle de Bourbon, tige de la fleur de lys, rien n'en peut venir que fidélité.

Voilà, Madame, les trois points qui m'ont amenée : le service de mon Dieu, voyant que le cardinal (de Lorraine) et ses complices, comme la chose est trop claire, veulent raser de la terre tous ceux qui font profession de la vraie religion ; le second, le service de mon roi, pour employer vie et biens à ce que l'édit de pacification puisse être observé selon sa volonté, et notre patrie, cette France, mère et nourrice de tant de gens de bien, ne puisse être tarie pour laisser mourir ses enfants ; et le sang qui, comme je vous ai dit, Madame, nous appelle à aller offrir tout secours et aide à Monsieur le Prince, mon frère, que nous voyons évidemment chassé et poursuivi contre la volonté du roi, qui lui en a tant promis d'assurances, par la malignité de ceux qui ont déjà trop possédé la place qui ne leur appartient auprès de notre roi et vous, et qui ferment vos yeux pour ne voir leurs méchancetés et bouchent vos oreilles pour n'ouïr nos plaintes.

 De La Rochelle, 17 décembre 1570.

 ... Je ne me pourrai jamais persuader, - vu que l'honneur que j'ai eu d'avoir été près de Votre Majesté m'a appris quelque chose de votre naturel, - que vous voulussiez que nous fussions réduits à n'avoir point de Religion... Nous y mourrons tous plutôt que quitter notre Dieu et notre Religion, laquelle nous ne pouvons tenir sans exercice, non plus qu'un corps ne saurait vivre sans boire et manger... Qu'il vous plaise faire la paix. Je vous en ai dit le seul moyen ; ayez pitié de tant de sang répandu, de tant d'impiétés commises... Vous cuidez, Madame, peut-être, que nous ayons usé de la ruse de ceux qui... demandent beaucoup pour en retrancher en négociant jusqu'à but qu'ils se sont proposé. Je vous supplie très humblement, Madame, croire que les affaires de l'âme ne se mènent pas comme celles du corps, car il n'y a qu'un salut qui n'a point de divers moyens ; par quoi ce que nous vous avons proposé est ce que nous pouvons et rien de plus ni moins. Je vous supplie très humblement y bien penser ; je m'assure que, s'il vous plaît, vous le pouvez...

 À son fils.
 1572.

 Mon fils, étant en peine de votre maladie, je vous ai dépêché ce porteur en poste, pour vous prier incontinent m'en redépécher un autre. Au reste, Madame (4) me fait tant d'honneur et bonne chère (bon visage) que cela me donne bonne espérance de votre contentement. Je vous prie regarder à trois choses d'accommoder votre grâce, de parler hardiment, et même en lieux où vous serez appelé à part car notez que vous imprimerez à votre arrivée l'opinion que l'on aura de vous ci après. Accoutumez vos cheveux à se relever... Votre soeur a une bien fâcheuse toux et garde encore le lit : elle boit du lait d'ânesse et appelle le petit ânon son frère de lait. Voilà ce que je vous puis raconter.
De par votre bonne mère et meilleure amie, Jehanne.

 À M. de Beauvoir,
 gouverneur de Henri de Navarre.
 11 mars 1572.

 ... Je suis bien aise aussi de quoi vous vous contentez de mon fils. Surtout, tenez la main qu'il persiste en la piété, car on ne le croit pas ici, et dit-on que l'on s'assure qu'il ira à la messe, et que, pour lui, il n'en fera pas la difficulté que je fais... La reine m'a presque voulu confirmer ce que Brodeau m'avait dit de vous, disant que vous lui avez baillé des espérances de même, pour faire épouser mon fils à la messe, par procureur. Je lui dis - « Madame, j'ai grand-peine (à croire) que M. de Beauvoir vous ait dit cela, car lui-même me dit qu'il vous avait assuré que cela ne se pouvait faire. » Elle me dit : « Il m'a donc dit qu'il le vous dirait. » - « je crois que non, Madame », lui dis-je. À la fin se voyant pressée, et que je ne la croyais pas : « Il m'a donc dit quelque chose, je crois bien qu'oui, Madame, mais c'est quelque chose qui n'approche point de cela. » Elle se prit à rire, car notez qu'elle ne parle à moi qu'en badinant... Quant à la beauté de Madame, j'avoue qu'elle est de belle taille, mais aussi elle se serre extrêmement ; quant au visage, c'est avec tant d'aide, que cela me fâche, car elle s'en gâtera, mais, en cette cour, le fard est presque commun comme en Espagne. Vous ne sauriez croire comme ma fille est jolie parmi cette cour, car chacun l'assaut en sa religion ; elle leur fait tête et ne se rend nullement. Tout le monde l'aime.

... Monsieur de Beauvoir, pour le fonds de ma lettre, je vous prie, plaignez-moi pour être la plus travaillée personne du monde. Car, comme vous m'écrivez, je suis assaillie étrangement d'ennemis et d'amis, et ne suis assistée de guère de gens... Je vous recommande mon fils...

Je vous dirai encore que je m'ébahis comme je peux porter les traverses que j'ai : car l'on me gratte, l'on me pique, l'on me flatte, l'on me brave, l'on me veut tirer les vers du nez, sans se laisser aller ; bref, je n'ai que Martin seul qui marche droit, encore qu'il ait la goutte.


JEANNE D'ALBRET A DIX ANS

(1) Ici quelques lignes en chiffres que l'éditeur n'a ni déchiffrés, ni reproduits.

(2) Ces brodures, broderies ou tapisseries sont les travaux que Jeanne d'Albret aimait à faire elle-même et à voir faire autour d'elle ; il y en a encore de jolis spécimens dans le château de Pau (Jacques Pannier, Bull. LXXVII, p. 392).

(3) Le roi ayant voulu se saisir de Condé et de Coligny, ceux-ci s'enfuirent à La Rochelle. Jeanne les y rejoignit.

(4) Marguerite de Valois, soeur de Charles IX. - la reine Margot, - qui devint la femme de Henri de Navarre, quelques mois plus tard.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant