Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ivraie et le bon grain.

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 Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu'à la moisson et à l'époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : « Arrachez d'abord l'ivraie, liez-la en gerbes pour la brûler mais amassez le blé dans mon grenier. » Matth. XIII, 30.

Et un autre ange sortit du temple, criant d'une voix forte à celui qui était assis sur la mer : « Lance ta faucille et moissonne car l'heure de moissonner est venue, car la moisson de la terre est venue. »
Apoc. XIV, 15-16.


Jésus expliqua lui-même à ses disciples la parabole de « l'Ivraie et du bon grain » ; nous sommes donc exactement fixés sur ce que le Maître a voulu dire. Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme ; le champ, c'est le monde ; la bonne semence, ce sont les fils du royaume ; l'ivraie, ce sont les fils du Malin ; l'ennemi qui l'a semée, c'est le diable ; la moisson, c'est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges, envoyés par le Fils de l'homme.... Ainsi le Seigneur Jésus sème des enfants du Royaume, il multiplie sa postérité dans le monde. Aujourd'hui encore quoique invisible, le vrai Missionnaire, le véritable Évangéliste, c'est Jésus-Christ. S'il a dit à ses apôtres : « Allez, faites disciples toutes les nations.... » ou bien « vous êtes mes témoins.... » c'est que Lui, derrière eux, autour d'eux est à l'oeuvre ; ils sont ouvriers dans le champ que Lui cultive.

Que cette pensée nous maintienne dans l'humilité, nous, les semeurs et les vignerons du Seigneur ! Restons ouvriers, ne prenons pas des allures de patrons ! Mais en même temps cette déclaration nous est d'un grand encouragement. Dans le petit coin de terre que le grand Semeur nous a confié, nous ne sommes pas seuls à l'oeuvre, le Fidèle, le Producteur d'enfants de Dieu, celui qui seul convainc de péché, travaille avec nous et si nous semons fidèlement avec lui, la responsabilité des résultats lui incombe.

« Le champ c'est le monde ». « Cette bonne nouvelle du Royaume sera prêchée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations ; alors viendra la fin (Matth. XXIV, 14). Jésus, travaillant avec les siens à l'évangélisation, ne s'est assigné d'autres limites que celle de la planète. Et siècle après siècle, il se suscite les ouvriers capables d'aller plus loin et plus profond. C'est d'abord Pierre et Paul, ces deux missionnaires par excellence, puis après les temps obscurs du Moyen âge, un Pierre Valdo, les Réformateurs. Aux temps modernes, un Zinzendorf porte la bonne nouvelle aux Caraïbes. Puis se lève une nuée de missionnaires pendant les derniers cent ans. Sans oublier l'admirable Société biblique britannique et étrangère, qui édite et traduit la Bible dans toutes les langues et dialectes de l'humanité, à des conditions de bon marché, et avec une abnégation et une compétence qui tiennent du miracle. Si pendant longtemps, les diverses sociétés de mission ont travaillé sans plan commun, aujourd'hui la conférence d'Édimbourg marque une ère nouvelle dans l'évangélisation du monde. Le champ va être ensemencé dans toutes ses parties, selon une plus féconde répartition du travail. Que ceux qui bêchent dans une portion du champ depuis longtemps ensemencée, se souviennent, par une prière d'intercession toujours plus inspirée, par le don d'une part de leur gain toujours plus divinement calculée, par l'offrande volontaire d'eux-mêmes ou de leurs enfants, des besoins de l'oeuvre aux extrémités du champ que l'on défriche ! responsabilité des résultats lui incombe.

responsabilité des résultats lui incombe.

« L'ivraie ce sont les fils du Malin. » Ce n'est pas le seul passage dans lequel l'Écriture oppose à la race des enfants de Dieu celle des enfants du Malin. Lors de la première promesse en Eden, il est annoncé que l'inimitié subsistera entre la postérité de la femme et celle du serpent. Aux Juifs incrédules qui se targuent de former la pure lignée théocratique, en disant : « Nous avons Abraham pour père ! » Jésus déclare : « Le père dont vous êtes issus c'est le diable et vous voulez accomplir les désirs de votre père qui est meurtrier et menteur » (Jean VIII, 44). Jean, dans sa première épître, exprime aussi la pensée de cette double postérité : « C'est par là que se font reconnaître les enfants de Dieu et les enfants du diable » (l Jean III, 10). Deux puissances sont à l'oeuvre. Partout où le bon Semeur travaille à former des enfants à Dieu, le Malin multiplie sa postérité à lui. Tandis que Christ et ses instruments cherchent à transformer l'ivraie en bon grain, le diable et les siens opèrent en sens inverse. À Chypre, auprès du proconsul romain, l'apôtre Paul trouve l'enchanteur Bar-Jésus et le démasque en lui disant :
- Fils du diable ! ne cesseras-tu point de pervertir les voies de Dieu qui sont droites ! (Actes XIII, 10.) Qu'on se souvienne de cet « escadron volant » de femmes légères, dont se servait Catherine de Médicis pour corrompre les chefs huguenots et les amener à l'abjuration.

Naît-on fatalement « bon grain » ou « ivraie », postérité du Seigneur ou enfant du diable ? Non ; il n'y a qu'une race humaine, la descendance d'Adam, qui a été mise tout entière par le péché sous la condamnation mais qui, tout entière aussi, est l'objet de l'amour de Dieu. Il dépend actuellement ou il dépendra un jour de la volonté de tout homme de choisir à quel père il veut appartenir. Mais pendant la période d'évangélisation du monde, le triage définitif ne peut encore s'opérer : « Laissez-les croître tous deux ensemble ! » ordonne le Maître aux moissonneurs. Un perpétuel mouvement d'échange se produit entre l'ivraie et le bon grain. Telle plante, crue en ivraie, par une conversion loyale s'épanouit en bon grain, tandis que tel enfant du Royaume finit, de chute en chute, par devenir de la pire ivraie.

Dans cette croissance en commun, la maturation progresse par un phénomène de réaction. Les enfants du Royaume mûrissent avant tout par leur saint contact avec le Seigneur, par la croissance de la vie intérieure, par le Saint-Esprit, mais la proximité de l'ivraie, des méchants et des séducteurs réagit sur eux, les pousse à plus de sainteté, à plus de prière, à plus de foi. Tandis que la fidélité, la persévérance des croyants agit de son côté sur le monde, attire au Christ ceux qui ont encore une étincelle de conscience et achève d'endurcir ceux qui ont au coeur la haine du bien.

Aujourd'hui, comme à toutes les époques, une élite de croyants mûrit, en même temps que le mal empire.
Pour la première fois dans l'histoire, on voit apparaître des hommes dont la culture missionnaire est mondiale, qui peuvent apprécier le degré de maturité du champ dans toutes ses parties et qui connaissent les obstacles spéciaux à l'évangélisation de chaque race, de chaque pays. On voit apparaître des personnalités disciplinées, équilibrées, qui mettent à leur vraie place les questions secondaires, rituelles, sacramentelles, ecclésiastiques, et qui tiennent pour l'essentiel ce que l'Écriture, connue et aimée dans toutes ses parties, met au centre du coeur et de l'univers : Christ. Vivant de Christ, ils traduisent lisiblement leur foi dans leur vie. Ils essaient loyalement et avec résultats d'accomplir le sommaire de la loi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme toi-même. Et ces personnalités, tout en restant attachées à leur patrie, à la mentalité de leur race, à leur dénomination, n'ignorent plus que la vérité a plusieurs faces ; elles apprécient les autres activités, les autres mentalités, les autres dénominations, et communient par le coeur, au-dessus des barrières humaines, avec tous les vrais enfants de Dieu ; elles constituent comme un noyau visible de la sainte Église invisible. C'est là un signe indéniable de maturation.

Il est bien évident qu'il ne faut rien exagérer, ni se bercer d'illusions ; à côté de ces progrès, quel travail l'Esprit ne doit-il pas encore réaliser, quelle patience le Maître ne doit-il pas encore déployer pour que l'on puisse parler d'une seule gerbe de chrétiens mûrs ?

Il faut croire cependant que du bien mûrit puisque le diable se démène avec tant de violence, « il sait qu'il a peu de temps ». Le mal s'envenime. Ce qui est effrayant dans nos contrées évangélisées, ce ne sont pas les pires excès des pécheurs notoires, c'est le refus de la grâce formulé par des gens qui la connaissent. Ils sont de plus en plus nombreux les professeurs, les intellectuels, les psychologues, les théologiens mêmes, comme les simples auditeurs de nos cultes, auxquels aucune lumière ne manque, qui comprennent, parfois mieux que des croyants eux-mêmes, la portée des vérités spirituelles, et qui, démontant le fait chrétien pièce à pièce, le dissolvent, et finissent par se croire au-dessus de la vérité révélée ; la révolte de l'esprit est plus grave que le péché de la chair. Cela aussi, c'est une maturation et qui finit par avoir sa fatale répercussion dans la société tout entière dont elle détruit les bases. « L'orgueil va au-devant de l'écrasement et la fierté conduit à la ruine. »

De même que, dans le monde, il se constitue deux postérités qui mûrissent au contact l'une de l'autre, de même aussi se forme dans la chrétienté un double organisme. Dans le sein de Rebecca, il y avait en germe deux peuples : Israël et Edom ; dans l'ensemble des Églises, il se prépare une « épouse » et une « prostituée ». On entrevoit d'étranges rapprochements. Tels catholiques profondément pieux, en dépit de leur système, se sentent parents de protestants fidèles, tandis que des réformés sans vie font cause commune avec des catholiques légers. Tels chrétiens nationaux vont chercher la saine nourriture biblique dans la chapelle d'à côté, tandis qu'ailleurs le pasteur national voit arriver des chrétiens séparés à ses cultes. Les enfants de lumière s'assemblent et se recherchent, pendant que la piété morte, l'orgueil spirituel font des adeptes dans toutes les églises.

Si nous avons dit que l'attente du retour de Christ n'implique pas une attitude spéciale, mais simplement une vie intérieure fidèle, cependant la maturation des deux organismes oblige le croyant d'aujourd'hui à posséder une foi toujours plus nue, plus affirmative, plus dépouillée de formalisme et d'intellectualisme ; les cadres ne nous portent plus ; les milieux religieux habituels se dissolvent ; on ne vit plus de la foi des pères ; les rentes spirituelles tombent à zéro ; il faut vivre personnellement de la vie de Dieu. Les temps difficiles s'approchent ; les erreurs efficaces se multiplient ; mais l'Esprit de Dieu est à l'oeuvre et constitue des chrétiens d'autant plus majeurs que les temps sont plus difficiles. Tels ces jeunes gens, ces jeunes filles qui, dans un Paris, n'ont d'yeux et d'oreilles que pour les oeuvres de salut qui leur ont pris le coeur.




L'Église qui attend.

 Mais notre cité à nous est dans les cieux d'où nous attendons aussi le Seigneur Jésus-Christ. Phil. III, 20.

Il nous a fait asseoir avec lui dans les cieux.
Eph. II, 6.

En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en esprit 
: Eph. Il, 20-22.

Il l'a donné pour chef suprême à l'Église qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous.
Eph. I, 22-23.

Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l'avoir purifiée par le baptême d'eau, afin de la faire paraître devant lui glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible.
Eph. V, 25-27.


.... Afin que les dominations et les autorités dans les cieux connaissent aujourd'hui par l'Église la sagesse infiniment variée de Dieu. Eph. III, 10.

Jésus avait annoncé que des assemblées nouvelles succéderaient à celles de la synagogue juive. C'est dans ce sens qu'il dit à propos d'un frère qui a péché : « S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Église et s'il refuse aussi d'écouter l'Église, qu'il soit pour toi comme un païen et un péager » (Matth. XVIII, 17).

Jésus avait laissé entrevoir au-dessus et au delà des assemblées locales une plus grande organisation nouvelle qui préparera la venue du Royaume de Dieu sur la terre, c'est à un tel organisme, vivant et spirituel, qu'il fait allusion quand il dit à Pierre : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église (Matth. XVI, 18).

Les Actes montrent clairement la croissance de cette Église formée d'églises et s'étendant peu à peu par tout le monde ancien. Mais c'est à Paul que la vraie stature de l'Église et ses relations avec Jésus-Christ, sont révélées et c'est dans l'épître aux Éphésiens que l'apôtre des Gentils fait le plus clairement part aux siens de cette révélation.

Cette Église, composée de tous les vrais enfants de Dieu, juifs et païens, morts ou vivants, s'étend non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps. Elle vit déjà dans les cieux par la foi. Elle est d'En-Haut, quoique vivant encore sur la terre. Elle n'attend plus que le retour de Christ pour recevoir à côté de lui la place qui lui est assignée dans les desseins de Dieu. Son Chef suprême c'est Jésus, auquel elle est unie par des liens étroits, et sa destinée l'appelle à être purifiée parfaitement pour paraître devant son Sauveur « sans tache ni ride, mais glorieuse, sainte et irrépréhensible. »

Il est de toute évidence qu'aucune dénomination chrétienne ne peut revendiquer pour elle seule, à l'exclusion des autres, une telle position, une semblable pureté, une si totale consécration, malgré les efforts de la plus vaillante discipline. C'est l'erreur du catholicisme d'avoir reporté sur l'Église papale, telle qu'elle s'est constituée par les armes charnelles à travers l'histoire, les promesses faites à l'Église sainte et de s'offrir aux fidèles comme objet de foi en lieu et place de Christ lui-même et de sa Parole, oubliant qu'une Église ne vaut que ce que valent individuellement ses membres.

Ce n'est pas l'Église qui rend le fidèle participant de la grâce de Dieu, c'est l'humble croyant, racheté de Jésus-Christ, qui, en se multipliant, constitue l'Église.

Dans le protestantisme aussi l'erreur cléricale a fait intrusion et certaines dénominations dissidentes aussi bien que certaines grandes églises d'État se sont dénommées faussement l'Église, à l'exclusion d'autres groupements. Aucune dénomination ne réalise aujourd'hui l'organisme dont parlent Jésus et les apôtres, mais dans toutes les dénominations, dans les unes plus, dans les autres moins, se rencontrent des fidèles, nés deux fois, dont l'ensemble connu du Seigneur seul, constitue le vivant porteur des promesses éternelles qui a nom : l'Église.

Les fonctions de cette Église sont si hautes, les liens qui l'unissent à son chef sont si étroits que Paul emploie pour en parler trois images bien propres à stimuler la fidélité des membres qui la composent.

C'est d'abord celle d'un édifice. Dans Éphésiens II, 11-22, Paul montre que les païens ont été rapprochés par le sang de Christ aussi bien que les Juifs (v. 13). Il n'y a plus deux peuples, le mur de séparation a été renversé (v. 14). Les uns et les autres ont accès auprès du Père (v. 18). Les uns et les autres ne sont plus des étrangers dans la maison de Dieu (v. 19).

Paul démontre que ces païens, comme les Juifs convertis, entrent dans la maison de Dieu à la fois comme membres de la famille de Dieu et comme matériaux de construction de l'édifice que Dieu se constitue sur la terre. Ces croyants sont sortis de la « carrière » du monde, ils ont été façonnés et sont devenus individuellement des « temples de Dieu » (1 Cor. III, 16), « des temples du Saint-Esprit » (l Cor. VI, 19), des « pierres vivantes » (l Pierre II, 5) et maintenant, édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, ils constituent autour de Christ, qui est lui la vraie pierre angulaire, le Temple de Dieu sur la terre en voie d'édification. Si grandiose qu'ait été celui de Salomon, si magnifiques que soient aujourd'hui nos cathédrales, Reims, Chartres, Amiens, Cologne, l'édifice qui est fait d'âmes vivantes et vibrantes est plus beau encore ! Dans cette « Église » qui prie, qui soupire par le Saint-Esprit, qui aime et qui se donne, se célèbre le culte « en esprit et en vérité » que Jésus annonçait à la Samaritaine.

On se plaint que l'art, que l'élément d'adoration manque à nos cultes protestants trop froids. On cherche à l'introduire ; on l'a fait par exemple dans le culte de l'Étoile à Paris, avec ses agenouillements, ses chants exécutés debout, ses liturgies, ses réponses, sa partie musicale très développée. Oui, que l'on cultive la musique, que l'on prie à genoux, que l'orgue soit tenu d'une main religieuse et exercée, que des vitraux de génie tamisent la lumière, tout cela c'est bien à condition que les « pierres vivantes » se multiplient dans l'auditoire, que l'émotion ne remplace pas la vie de conscience ; à condition que le Seigneur ne soit pas adoré comme un Dieu lointain, mais qu'il fasse la conquête du coeur et de la vie de ceux qui s'assemblent en son nom. D'un amour accepté et rendu entre Christ et les siens, il se dégagera dans nos cultes, une chaleur, une vie, une intensité, une adoration, auxquelles l'art n'apportera plus - ce qui est son service raisonnable - qu'un simple adjuvant.

Une autre image de l'Église dont Paul se sert avec prédilection, c'est celle du « Corps de Christ ». Dans cette image se retrouvent quelques-uns de traits de la précédente, ce sont ceux de coordination et de solide assemblage (Ephés. IV, 16). L'Église n'est pas un amoncellement d'unités. Dans une structure d'édifice ou de corps, il y a un plan, une Sagesse, une unité, un but qui se marque dans la disposition et la mise en valeur de tous les éléments constitutifs. Mais l'image du corps exprime plus encore : elle montre dans l'Église un organe actif de Jésus sur la terre. Voilà le « mystère caché » c'est que ce petit groupe d'hommes, laissé par Jésus dans le monde pour continuer son oeuvre, c'est le prolongement du Seigneur lui-même. Cette élite qui naît à chaque génération et qui est liée par des liens mystérieux à ceux qui l'ont précédée dans l'au-delà, n'est pas seulement le représentant du Seigneur mais son indispensable instrument. Jésus agit par elle dans le monde, la Tête fait mouvoir le corps et lui imprime sa volonté. C'est sous une autre forme la parabole du « Cep et des sarments » qui reparaît dans cette image. Sans le corps, la tête ne peut rien faire et sans la tête, le corps est un cadavre.

Dans l'image du corps, formé de plusieurs membres, Paul met encore en lumière l'utilité commune de chaque membre (1 Cor. XII, 12-27). « Si le pied disait : parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps.... Si tout le corps était oeil où serait l'ouïe ? Si tous étaient un seul membre où serait le corps ? » Ainsi chaque chrétien vit de la Tête, vit de l'ensemble du corps, et apporte à la tête et à l'ensemble sa quote-part d'utilité. Malheur au chrétien qui dit : « Je ne vis plus que de l'Esprit, je ne me préoccupe en rien ni des conseils, ni des avertissements, ni de la vie religieuse des autres chrétiens. Je me suffis ! » Malheur à la dénomination qui dit : « Je suis la seule vraie Église, je ne veux rien savoir des autres ! » C'est s'exposer à mourir d'isolement, de froid et d'anémie, et c'est priver l'ensemble de sa part d'influence. Aucun membre ne peut posséder à lui seul toutes les fonctions d'une vie riche et bien équilibrée. Aucune conscience ne peut prétendre posséder la vérité tout entière, aucune vie humaine ne réalise toutes les promesses du Seigneur, c'est précisément de l'assemblage de toutes les fonctions et de tous les organes que naît la vie intense ; c'est de l'union de toutes les consciences reflétant, comprenant, pratiquant la Parole du Seigneur diversement que s'enrichit la vérité.
Mais quelle obéissance et quelle fidélité la grâce d'être fait « membre du corps de Christ » ne réclame-t-elle pas du croyant ?

Une troisième image, employée par le Nouveau Testament, est celle d'une épouse ou d'une fiancée. « Car je suis jaloux de vous d'une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux pour vous présenter à Christ comme une vierge pure » (2 Cor. XI, 2). Selon l'Apocalypse, quand auront été séparés de l'Église les éléments mélangés qui constituent la « prostituée », s'accompliront « les noces de l'Agneau avec son Épouse, parée et revêtue de fin lin éclatant et pur » (Apoc. XIX, 7).

Cette image n'est pas absolument nouvelle. Déjà dans l'Ancien Testament, les relations de l'Israël fidèle avec Dieu étaient comparées à un mariage. Dans le chant nuptial du Psaume XLV, les expressions qui décrivent le fiancé dépassent celles qui étaient usitées même pour un fils de roi ; elles dépeignent une personnification du Messie. De même aussi cette jeune fille d'un peuple étranger à laquelle il est dit - « Regarde et prête l'oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père, laisse le roi désirer ta beauté, car il est ton Seigneur, prosterne-toi devant lui » (v. 11-12), c'est déjà l'image de l'Église, sortie de l'humanité corrompue et qui s'attache à son divin Époux.

Quelle dignité donnée au mariage, quand Paul dit : « Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l'Église » ! mais aussi quel honneur fait à l'Église. Non seulement cette collectivité de croyants qui se perpétue sur la terre constitue un édifice spirituel toujours plus beau, toujours plus éclairé des rayons de l'aube du jour ; non seulement elle devient l'organe toujours plus compréhensif et plus soumis du Christ qui en est la Tête, à mesure que les expériences du passé ajoutent leurs enseignements à ceux du Maître, mais elle constitue peu à peu une Épouse, une personnalité, une égale.

On n'épouse pas une esclave, mais une femme libre, qui se donne librement et joyeusement. De son côté, Christ éprouve pour cette Église quelque chose qui n'est pas seulement de la compassion mais une dilection que, pour en mieux faire sentir le prix, l'Écriture compare à l'amour de l'homme pour la femme. Les croyants sont comme le coeur de l'humanité qui bat pour son Époux et celui-ci y trouve une joie que rien, même au ciel, ne remplace. C'est tellement extraordinaire que Paul s'écrie : « Ce mystère est grand ! Je dis cela par rapport à Christ et à l'Église » (Ephés. V, 32).

Quelle merveille qu'un coeur d'homme pécheur, tel que le mien, puisse, renouvelé par le Saint-Esprit, devenir capable d'aimer Christ et d'en sentir l'amour de cette manière !

Ces images, l'une comme l'autre, élargissent jusqu'à l'infini, l'idée que nous pouvons nous faire des relations entre Christ et les siens. Il n'y a pas de mot exact, définitif pour exprimer ce que sont ces relations, elles montent - ou elles descendent - jusqu'à l'endroit où les langues humaines ne suffisent plus. Ce sont véritablement « les richesses incompréhensibles de Christ » ; c'est la dispensation du mystère caché de tout temps en Dieu, afin que « les dominations et les autorités dans les cieux connaissent aujourd'hui par l'Église la sagesse infiniment variée de Dieu. » Ainsi les anges, les archanges, les êtres célestes qui nous sont encore inconnus, et même les démons et les anges déchus, verront apparaître la magnifique sagesse et la merveilleuse puissance de Dieu en la personne de - cette collectivité d'êtres humains, librement donnés à leur Sauveur, arrachés à toutes les souillures d'une terre maudite et qui auront traversé la fournaise des tentations du dedans et du dehors.... Et ce sera une gloire pour notre Dieu : le premier Adam guéri par la blessure du second.

Et cette Église, dont les membres disparus attendent leur corps nouveau dans le sépulcre, dont les membres actuels sont dispersés dans toutes les races et nations, enfermés dans toutes sortes de dénominations, mais tous individuellement connus du Seigneur, prie Dieu dans le sanctuaire, obéit à son Chef glorieux, attend l'Époux de ses voeux, et se joint à la requête de l'Esprit : « Oui, Seigneur Jésus, viens bientôt ! »




La première résurrection.

 Mais ceux qui seront trouvés dignes d'avoir part au siècle à venir et à la résurrection d'entre les morts ne prendront ni femmes, ni maris. Luc XX, 35.

.... afin que du moins je parvienne à la résurrection des morts.
Phil. III, 11.

Les autres morts ne vécurent point jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis. C'est la première résurrection. Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection.
Apoc. XX, 5-6.

Car le Seigneur lui-même, à un signal donné à la voix d'un archange et au son de la trompette de Dieu descendra du ciel et les morts en Christ ressusciteront premièrement.
1 Thess. IV, 16.


Partout la foi au Dieu vivant et vrai s'accompagne du besoin de croire à la vie éternelle. L'Ecclésiaste l'affirme dans une parole remarquable : « Il (Dieu) a même mis la pensée de l'éternité dans le coeur de l'homme » (Eccl. III, 11). Et ce besoin de croire à la survie s'affirme avec force à travers tout l'Ancien Testament. Job s'écrie : « Je sais que mon Rédempteur (goël) est vivant, quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu » (Job XIX, 25). Esaïe proclame : « Que tes morts revivent, que nos cadavres se lèvent.... et la terre redonnera le jour aux ombres » (XXVI, 19).

En prophétisant le rétablissement des Juifs sous l'image des Ossements desséchés revenus à la vie (Ezéch. XXXVII), le prophète montre bien que la foi à la toute-puissance de l'Éternel allait jusqu'à croire à la résurrection. Comme nous l'avons vu plus haut, il semble qu'Abraham sacrifiait son fils avec la certitude qu'il lui serait rendu, fût-ce par la résurrection. Daniel, résumant les données de l'Ancien Testament, décrit la résurrection avec une clarté étonnante : « Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre, pour la honte éternelle » (XII, 2). Sans doute il était réservé au Nouveau Testament, à Jésus et aux apôtres, de jeter la lumière définitive sur cet au-delà mystérieux que nous côtoyons et dont un pas nous sépare.

De même que Jésus affirme aux envoyés de Jean-Baptiste sa capacité actuelle de ressusciter les morts : « Rapportez à Jean ce que vous avez vu.... les morts ressuscitent.... », de même aussi il déclare à Marthe qu'il est la « résurrection et la vie » et que, « quiconque croit en lui vivra quand même il serait mort », liant ainsi la résurrection à la foi en sa personne et en son oeuvre.

Paul reprend cette pensée de solidarité de Christ avec nous, de nous avec Christ, en disant que ce qui s'est passé pour le Seigneur se produira aussi pour nous : « Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts habite en nous, celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts, rendra aussi la vie à nos corps mortels » (Rom. VIII, 11). Et au chapitre XV de la première aux Corinthiens, le même apôtre peut entonner l'hymne de la résurrection : Christ est ressuscité, nous ressusciterons aussi ; la puissance de la mort est brisée : « La mort a été engloutie dans la victoire ! »

Voilà la magnifique espérance avec laquelle nous nous endormons du dernier sommeil. Nous croyons à la vie éternelle, nous croyons au revoir ; nous croyons que mourir ce n'est pas cesser d'être, mais seulement de paraître. Et quand nous fermons les yeux de notre père bien-aimé, quand son visage se couvre de la sereine majesté de la mort, nous entrevoyons déjà derrière la matière qui disparaît, l'ombre du corps nouveau et glorieux que revêtira celui que nous confions à la poudre.

Jésus a lié une première résurrection à son premier retour, au retour en gloire, à l'entrée de ce que Jésus appelle « le siècle à venir » ou aussi « le renouvellement de toutes choses », tandis que la résurrection générale ne se produira qu'au moment du « jugement dernier ». La cime se dédouble. Il faut parler non plus de la résurrection mais des deux résurrections.

Dans sa réponse aux Sadducéens qui ne croyaient pas à la résurrection, Jésus s'exprime avec une certaine abondance sur l'au-delà (Luc XX, 27-40). D'abord le Seigneur démontre que si Dieu s'affirme « Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » il est le Dieu des vivants et non pas celui des morts, qu'en conséquence les patriarches morts selon le langage humain, n'ont pourtant point cessé d'être en communion avec le Dieu vivant. Les négations des Sadducéens ne sont ainsi que de la lourde incrédulité. Puis Jésus annonce que les élus seront un jour comme les anges, sans sexe ; les femmes n'auront plus de maris et les hommes plus de femmes ; le régime de la race aura disparu ; il n'y aura plus qu'un Père dont tous les enfants s'aimeront dans le Père et non plus en vertu de liens familiaux.

Enfin Jésus semble bien affirmer une première résurrection quand il parle de ceux qui « seront trouvés dignes d'avoir part au siècle à venir, à la résurrection d'entre les morts. » Si le siècle à venir dont il est ici question c'est la vie éternelle, pourquoi faire une distinction ? tous les morts n'y ont-ils pas part d'une façon heureuse ou malheureuse ?

Le siècle à venir c'est le millénium ; les croyants ressuscités à l'entrée de cette ère nouvelle se joindront aux vivants rachetés et tous ensemble seront les collaborateurs du Seigneur, tandis que la masse des morts, qui sera plus tard triée par le jugement, attendra encore l'achèvement de cette période millénaire avant de revêtir leur corps nouveau.

Pour avoir part à cette première résurrection qui est un privilège glorieux. Jésus dit qu'il faut « en être trouvé digne ». Et cette déclaration explique les expressions similaires des apôtres. Paul dans Phil. III, 4-11 affirme qu'il a regardé comme une perte tous les avantages de race, de position pour gagner Christ et la puissance de sa résurrection.... « pour parvenir, si je le puis à la résurrection des morts. » S'il s'agissait de la résurrection générale, Paul ne parlerait pas ainsi puisqu'il sait que tous ressusciteront. Il fait allusion à une résurrection spéciale, la première, qui n'est accordée qu'à ceux qui ont vécu ou qui sont morts « en Christ ». Cette pensée d'un privilège spécial de résurrection se retrouve dans Apoc. XX, 5-6 : « Bienheureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection. » Dans 1 Cor. XV, 51-52, Paul parle en disant : « Voici je vous dis un mystère, c'est qu'au moment de l'apparition du Christ en gloire, les fidèles sur la terre seront changés, transmués, tandis que les morts en Christ ressusciteront » (1 Thess. IV, 16). Alors s'accomplira l'enlèvement de l'Église, morts et vivants, tous égaux et réunis.

Oserons-nous maintenant essayer - oh ! bien en tremblant, - de répondre à cette question qui se presse sur nos lèvres : Qui donc aura part à ce privilège spécial, à cette première résurrection ?

Nulle part dans l'Écriture nous ne trouvons une réponse de catéchisme à cette question. Il nous faut la déduire de la pensée générale des écrivains sacrés, ce qui laisse toujours à la réponse une part d'arbitraire. Et d'abord nous pouvons dire ceci : Tous ceux qui font partie de l'Église sainte et invisible, temple, corps, épouse de Christ auront part à la première résurrection. Mais nous reculons la difficulté. Qui fait ou fera partie de cette Église ? Première limitation, c'est, croyons-nous, uniquement parmi ceux qui auront eu le privilège d'entendre de leur vivant prêcher l'Évangile que se recrute cette Église qui a part à la première résurrection. Les païens non évangélisés, les mahométans, la masse des peuples et de ceux qui ont vécu sur la terre sans connaître la prédication de la Croix ne seront pas privés du salut final, ils seront jugés d'une manière spéciale, ils auront peut-être aussi l'occasion d'entendre prêcher l'Évangile dans une autre économie, mais il ne semble pas qu'ils feront partie de ce premier groupe d'élus. Ce privilège - qui n'est pas éternel comme nous le verrons - reste celui de ceux qui ont entendu « la Bonne nouvelle ». C'est uniquement en vertu d'un acte souverain de la grâce de Dieu que nous remplissons, vous et moi, cette première condition de vivre en pays évangélisé et que l'occasion nous est fournie d'avoir part à la première résurrection.

Puis une seconde condition, celle-ci dont nous sommes responsables, c'est d'avoir accepté l'Évangile de tout coeur, c'est-à-dire plus simplement d'être « né deux fois », d'avoir reçu par le Saint-Esprit la certitude que nous sommes enfants de Dieu et que notre acte de nouvelle naissance a été signé des deux parts, par la main de Dieu nous donnant son Fils et par notre main acceptant le don de Dieu. Et la preuve décisive que véritablement nous faisons partie de la sainte Église c'est que nous aimons l'avènement du Seigneur. Paul disait : « .... la couronne de justice m'est réservée.... et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront aimé son avènement.... » (2 Tim. IV, 8).

Une seconde preuve qui est aussi une condition, c'est le besoin de travailler à la conquête des âmes auprès et au loin et le désir de faire disparaître le mal en nous, et autour de nous. Enfin - ce qui va de soi - c'est de « persévérer jusqu'à la fin ». Si Paul redoutait l'éventualité non seulement de perdre le privilège d'avoir part à la première résurrection mais même d'être rejeté (1 Cor. IX, 27), à combien plus forte raison, nous pygmées, courons-nous un semblable risque.

Sans doute nul ne peut affirmer qu'il remplit exactement ces conditions et réclamer le droit à la première résurrection, celle-ci reste toujours une grâce qui sera accordée à ceux qui, humblement, aiment le Seigneur d'un coeur sincère, mais la discipline intérieure qui inspire le désir et le vouloir d'être trouvé « irrépréhensible à l'avènement du Seigneur » constitue néanmoins le chemin le plus sûr pour y parvenir.

Le privilège de ceux qui jouiront de la première résurrection, n'est que temporaire, pensons-nous. Un jour viendra où « Dieu sera tout en tous ». Il n'y aura pas durant l'éternité deux classes de rachetés, la parabole des « Ouvriers loués à des heures différentes » est là pour nous le rappeler. Le beau denier du salut sera le même pour tous. Tous vivront sous le même toit, celui de la Maison paternelle ; tous puiseront au même trésor, le coeur du Père. Mais de quelle magnifique part ne se seront pas privés ceux qui, ayant pu faire partie des prémices, aider la moisson à mûrir, n'auront été sauvés eux-mêmes que comme au travers du feu. Ne regretteront-ils pas alors, en comprenant toutes choses à la lumière de l'éternité, de n'avoir pas donné leur maximum de rendement, d'avoir laissé sans emploi quelques-uns des talents qui leur étaient confiés ? Qui sait même si le premier pas vers le naufrage à la foi qui a surpris de malheureux chrétiens n'a pas eu pour cause première le refus de saisir toute la grâce de Dieu et la méconnaissance de l'avènement de Jésus-Christ ?

N'ayons pas peur de recueillir dans sa totalité l'héritage que le Seigneur nous offre.

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