« Le
Seigneur
est vraiment
ressuscité ! » Luc
XXIV, 34.
La résurrection du Seigneur, nous
la commémorons chaque dimanche. La victoire
de Jésus sur la mort équivaut
à une seconde création. Qu'est-ce que
l'existence du monde, la vie humaine sans le
salut ? Un non-sens et une amertume.
« Ta
bonté, ô Dieu, est meilleure que la
vie »
(Ps.
LXIII, 4).
La joie de Pâques répond
à celle de Noël. C'est le triomphe de
l'amour et de la puissance de Dieu sur le
péché et le malheur.
« Si
Christ
n'est point ressuscité notre foi est vaine
et nous sommes encore dans nos
péchés »
(1
Cor. XV, 17).
Il semble que Dieu ait pris soin de
prévenir à l'avance toutes les
négations intelligentes de la
résurrection de Jésus.
« Aucun fait historique
n'est juridiquement mieux
appuyé », affirmait le professeur
Hilty.
Matthieu a réduit à
néant la légende juive en vertu de
laquelle les disciples auraient enlevé le
corps de Jésus pendant le sommeil des
sentinelles.
Les pharisiens avaient demandé
à Pilate de faire garder le tombeau
militairement, de peur que les disciples
n'enlevassent le corps de Jésus et ne
fassent courir le bruit que celui-ci était
ressuscité et ils ajoutaient :
« Cette dernière imposture serait
pire que la première. »
- Pourvoyez-y, répond Pilate,
vous avez une garde, employez-la à votre
convenance.
La pierre du sépulcre est
scellée et les sentinelles posées.
Mais vers le matin se produit un tremblement de
terre, un ange apparaît, roule la pierre et
s'assied dessus, les gardes sont comme morts de
peur ; puis, après le départ des
saintes femmes, voyant que le tombeau est vide,
quelques-uns d'entre eux entrent en ville,
annoncent aux chefs des prêtres ce qui vient
de se passer. Ceux-ci se gardent bien de faire une
enquête, ils ont trop peur de trouver que les
gardes ont dit vrai ; ils leur donnent de
l'argent et les chargent de raconter partout que
les disciples ont enlevé Jésus
pendant la nuit. « Ainsi, dit Matthieu,
ce bruit s'est répandu parmi les Juifs
jusqu'à ce jour. » Il semble
d'autre part que quelques gardes
évitèrent de se rendre auprès
des prêtres. Qui sait si l'un d'eux,
touché dans son coeur, ne s'est pas joint
plus tard à l'Église naissante et n'a
pas raconté aux apôtres le tremblement
de terre, l'apparition de
l'ange, la pierre roulée,
événements qui n'ont en d'autres
témoins que les gardes. Et alors, chose
merveilleuse, ces gardiens qui devaient achever
l'oeuvre de mort et de mensonge commise par les
prêtres, apporteraient un témoignage
de vie en nous racontant l'aube de
Pâques.
Jean, providentiellement, a recueilli
l'épisode du coup de lance donné par
un soldat dans le côté de
Jésus. S'il en est sorti du sang et de
l'eau, c'est que le sang était
déjà décomposé, c'est
que la mort du Seigneur était réelle
et que l'hypothèse d'une léthargie
est réduite à néant.
Enfin les dix apparitions de
Jésus, rapportées chacune avec ses
détails particuliers et précis,
détruisent l'hypothèse d'une
hallucination collective des premiers
témoins. Dieu ne nous a pas rendu trop
difficile la foi à la résurrection de
son Fils, au contraire, chacune des suppositions
faites pour en nier la réalité vient
se heurter contre une série
d'impossibilités. De toutes les solutions de
la question, c'est encore celle qui admet
simplement la réalité des
récits bibliques qui se légitime le
mieux devant l'histoire, sans parler de la
conscience. L'historien est comme
« cerné », toutes les
issues intelligentes lui sont fermées. Il
n'a devant lui pour comprendre la mentalité
des apôtres et la fondation de
l'Église que la foi des témoins qui
repose elle-même sur le fait historique des
apparitions du Seigneur.
La première de ces apparitions
fut accordée à Marie de Magdala,
demeurée près du tombeau après
le départ de ses compagnes. Marie ne
reconnaît pas Jésus
d'emblée, elle le prend pour le jardinier.
Il faut que le Maître l'appelle par son
nom : « Marie » pour
qu'elle le reconnaisse et tombe à ses pieds.
C'est la persévérance de cette femme,
son amour pour Jésus, son Libérateur,
qui lui valent cette apparition
particulière. Il lui a été
beaucoup pardonné, elle a beaucoup
aimé, il lui est beaucoup donné. Elle
est de ceux qui spirituellement se laissent
enrichir.
Matthieu est seul à raconter une
apparition de Jésus aux autres femmes.
Marie, mère de Jacques et de Joses,
Salomé, mère de Jacques et de Jean,
Jeanne, femme de Chuza, après avoir entendu
les paroles de l'ange : « Celui que
vous cherchez n'est point ici, il est
ressuscité, vous le verrez en
Galilée », se hâtent d'aller
annoncer aux apôtres la grande nouvelle.
Jésus vient à leur rencontre.
Très troublées, elles se prosternent
et lui embrassent les pieds. Jésus les
rassure et les charge de dire à ses
frères qu'ils le verront en
Galilée.
Soit de Marie, soit des autres femmes,
Jésus reçoit des marques d'adoration
spontanées. C'est bien le même
Jésus qu'avant la mort, et pourtant il a
quelque chose de plus imposant, il est en voie de
glorification.
Un jeune homme a quitté son
village, il a fait des études, il revient
quelques années plus tard riche
d'expérience et de culture. Ses anciens amis
sont un peu gênés auprès de
lui. Il a beau les mettre à l'aise, la
familiarité d'autrefois a disparu, il en
impose. Le coeur de Jésus est resté
le même, les humbles pêcheurs ses
disciples, sont toujours et plus que jamais
« ses
frères » mais dans son aspect
quelque chose a changé : le Fils de
Dieu l'emporte sur le Fils de l'homme.
Ce même matin de Pâques,
Paul mentionne une apparition spéciale de
Jésus à Pierre
(1
Cor. XV, 5) et cette apparition
est confirmée par le cri
général des apôtres, le soir,
aux disciples qui reviennent d'Emmaüs
(Luc
XXIV, 34). On peut supposer que
Jésus vint spécialement consoler son
pauvre apôtre renégat, mourant de
désespoir.
L'après-midi, Jésus
apparaît aux deux disciples allant à
Emmaüs. Voilà un récit
fourmillant de détails qui ne s'inventent
pas ; c'est pris sur le vif. Les deux hommes
s'entretiennent des derniers
événements, la mort et
l'ensevelissement de Jésus ; ils sont
convaincus que c'en est fait de Jésus de
Nazareth. Le ciel, ouvert un instant, s'est
refermé ; la vie leur apparaît
plus noire que jamais après qu'ils ont connu
Jésus, la lumière. En eux pas l'ombre
d'une excitation capable de produire une
hallucination, pas même l'espérance
qui échauffe l'imagination, pas non plus la
foi aux promesses qui ont trait à la
résurrection du Seigneur ; rien que la
dépression morne. Mais à mesure
qu'ils entendent parler l'inconnu qui les a
abordés, ils sentent leur coeur
s'échauffer, l'espoir leur revenir. Ils ne
comprennent cet état nouveau qu'au retour
d'Emmaüs, après avoir reconnu
Jésus dans l'étranger qui leur
parlait. Tout s'explique ; c'est le contact de
Jésus lui-même qui a
opéré une transformation qui ne se
serait jamais produite sous l'empire de leurs
seules pensées.
Entrés à la chambre haute,
ils trouvent les apôtres
assemblés qui proclament déjà
la grande nouvelle. Les femmes, Simon-Pierre, ont
raconté les apparitions de Jésus. Et
voilà que soudain le Maître leur
apparaît en personne.
- La paix soit avec vous !
Les disciples sont effrayés par
cette majesté spéciale dont nous
avons parlé. Le Seigneur les rassure ;
il leur affirme qu'il n'est pas un esprit ; il
leur fait toucher sa chair, il leur montre ses
pieds et ses mains et, pour mieux les convaincre de
sa corporalité, il mange en leur
présence du poisson rôti et du miel.
Ce dernier trait a tellement frappé les
apôtres que Pierre le raconte à
Corneille et à ses hôtes :
« Nous avons mangé et bu avec lui,
après qu'il fut ressuscité des
morts »
(Actes
X, 41). Dans cette même
entrevue Jésus, ouvrit l'esprit de ses
apôtres pour comprendre les
Écritures ». Il leur montra
comment tous ces événements avaient
été prédits par l'Ancien
Testament. Il fallait que le Christ souffrît
et ressuscitât des morts ;
c'était le plan de Dieu et, après
leur avoir fait cet extraordinaire exposé et
les avoir chargés de devenir ses
continuateurs, il leur communique une
première effusion du Saint-Esprit
(Jean
XX, 22). Sont-ce là des
choses que l'on invente ? Y a-t-il dans ce
récit calme, qui parle à la
conscience, la moindre odeur de
légende ? Non, on sent dans tous ces
récits, comme dans le reste de la Bible, la
Vérité incarnée en Celui dont
les écrivains de ces récits sont les
révélateurs dociles, parce que
convaincus. Thomas n'était pas avec ses
amis, ce soir-là. Quand on lui raconte les
événements qui viennent de se
passer, il n'y croit pas.
« Si le ne vois, si je ne touche, je ne
croirai pas. » Ce n'est pas là un
tempérament d'halluciné. Nous
qualifierions aujourd'hui sa mentalité de
« scientifique » ; il est
tout ce qu'il y a de plus moderne. Eh bien !
Thomas le douteur a vu, a entendu, a
touché ; il a été
tellement convaincu qu'il s'est humilié
à genoux de son
incrédulité : « Mon
Seigneur et mon Dieu ! » Et Thomas,
maintenant croyant, est allé, selon la
tradition, jusqu'en Inde prêcher Jésus
ressuscité !
Paul mentionne une apparition à
Jacques le frère de Jésus, dont nous
ignorons les détails ; mais cette
apparition explique seule la conversion de Jacques.
Peu avant la mort du Seigneur, Jean affirme que les
frères de Jésus ne croyaient pas en
lui
(Jean
VII, 5). Les Actes rapportent
que tôt après l'Ascension, les
apôtres, les saintes femmes
persévéraient dans la prière
avec Marie et les frères de Jésus
(Actes
I, 14). Jacques ne tarde pas
à jouer un rôle important dans
l'Église de Jérusalem. Que s'est-il
passé ? Paul donne la clé de ce
qui resterait une énigme, en parlant de
l'apparition de Jésus à
Jacques ; celui-ci a été vaincu
et gagné à l'Évangile en
voyant son frère ressuscité. Encore
moins que Thomas, on ne peut accuser Jacques
d'être un illuminé.
Pourquoi Jésus ne s'est-il pas
montré partout, au temple, au
Sanhédrin, à la ville et au
village ? Pierre, parlant à Corneille,
dit : « Il apparut non à tout
le peuple, mais aux témoins choisis d'avance
par Dieu »
(Actes
X, 41). Jésus ne devait
pas convertir magiquement en imposant la conviction
de sa résurrection. Il
voulait entrer dans les coeurs par la porte de la
conscience et par la libre adhésion de ceux
qui acceptaient le témoignage apostolique.
Il fallait que subsistât la liberté.
Le temps de la vue était passé, celui
de la foi dans lequel nous sommes encore, avait
commencé.
Jésus se montra ensuite à
quelques apôtres au bord du lac de
Tibériade parmi lesquels Pierre et Jean.
C'est à Pierre surtout qu'il s'adresse.
Après le pardon accordé à
l'apôtre coupable, lors de la première
apparition, Jésus a laissé
s'écouler un peu de temps ; la
conversion de Pierre s'est affermie ; elle
permet de le réhabiliter dans la charge
d'apôtre. Jésus y met une seule
condition, mais qui emporte toutes les autres,
celle de l'aimer de tout son coeur. Pierre a eu
l'immense privilège de pouvoir dire à
Jésus de bouche : « Tu sais
toutes choses, tu sais que je
t'aime ! » À cette profession
de foi, Jésus répond en adressant
vocation à son disciple :
« Pais mes agneaux, pais mes
brebis ! » Dans ce mot
« Pais ! » il y a tout le
programme de l'évangélisation et de
la cure d'âmes.
En Galilée, Jésus prit
congé de tous ceux qui avaient cru en lui.
Il donna rendez-vous à plus de cinq cents
frères sur une montagne
(Matth.
XXVIII, 16, 1
Cor. XV, 6), peut-être celle
où il avait prononcé le discours des
Béatitudes, et là il fut adoré
des siens. Peut-être vit-on accourir
d'anciens impotents, de ci-devant aveugles, des
démoniaques guéris, des gens
consolés, pardonnés, des
ressuscités qui formaient le noyau de
l'Église chrétienne et qui
attestaient par leur seule
présence en ce lieu le passage d'un Sauveur
sur cette terre de péché, de maladie
et de mort. Mais, même alors, quelques-uns
doutèrent
(Matth.
XXVIII, 17) tant il est vrai
que pour reconnaître comme pour
connaître le Seigneur. la disposition du
coeur, la foi est nécessaire. Mais faut-il
que l'évangéliste ait
été sûr de son fait, pour oser
écrire que la conviction de voir le Christ
ressuscité en celui qui prenait congé
d'eux ne fût pas unanime ? C'est encore
un de ces traits qu'on n'invente pas.
Enfin, sur ce mont des Oliviers
où Jésus était monté
tant de fois, en face de Jérusalem
aimée et rebelle, entre
Gethsémané et Béthanie, ces
deux champs de bataille, Jésus dit aux siens
son suprême adieu. C'est là
qu'étendant les mains, il les bénit
d'une bénédiction toujours
fraîche et toujours brûlante à
la fois, bénédiction qui nous est
venue à travers toutes ces mains qui se sont
jointes ou qui ont tenu la plume depuis l'Ascension
et qui portent maintenant la palme de la
victoire !
Le Père lui-même vint
à la rencontre de son Fils dans cette
nuée qui reposa sur le Tabernacle, qui
couvrit Jésus à la Transfiguration,
et qui l'emporta de l'autre côté du
voile, dans cet au-delà que nous
côtoyons et dans lequel nous allons
bientôt entrer à notre tour...
Il est venu sur la terre le Fils de Dieu, il y a
vécu. L'histoire de sa venue n'est pas une
de ces belles légendes qui, après
avoir brillé un instant dans nos
ténèbres, s'éteint, laissant
l'obscurité plus profonde. C'est une
certitude ; des hommes l'ont vu,
touché, haï et aimé. Il a
été un homme et pas seulement un bel
ange. La terre n'est plus maudite depuis qu'il en a
foulé le sol. La race humaine est
réhabilitée depuis que la Parole a
été faite chair. Le paradis est
retrouvé depuis que le Fils en a
montré le chemin et s'en est fait la porte.
La tête du serpent cesse d'être
triomphante depuis que « la
postérité de la femme » a
posé sur elle un pied vainqueur.
« Encore un peu de temps et il
écrasera Satan sous vos
pieds. »
Il est parti, le Sauveur. Oh !
pas
pour toujours. Les envoyés célestes
ont crié à la terre le jour de
l'Ascension : Il reviendra !
« Hommes galiléens, pourquoi vous
arrêtez-vous à regarder au ciel ?
Ce Jésus qui a été
enlevé d'avec vous en redescendra de la
même manière que vous l'y avez vu
monter. »
Tout
à coup il
vint du ciel un bruit comme celui d'un vent
impétueux et il remplit toute la maison
où ils étaient assis. Des langues
semblables à des langues de feu leur
apparurent, séparées les unes des
autres, et se posèrent sur chacun d'eux et
ils furent tous remplis du Saint-Esprit. Actes
II, 3-4.
Si vous m'aimez,
gardez mes commandements et moi je prierai le
Père et il vous donnera un autre soutien
(goël) afin qu'il demeure éternellement
avec vous, l'Esprit de vérité que le
monde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit ni ne
le connaît ; mais vous, vous le
connaissez parce qu'il demeure avec vous ; et
il sera en vous. Je ne vous laisserai point
orphelins, je reviens à vous. Jean
XIV, 16-18.
La descente du Saint-Esprit sur les
apôtres, le jour de la Pentecôte, c'est
déjà un premier retour du Seigneur en
attendant que s'accomplisse la promesse :
« .... Je reviendrai, je vous prendrai
avec moi afin que là où je suis vous
y soyez aussi » (Jean XIV, 2). La
Pentecôte prépare la Parousie. Comme
toute l'ancienne alliance, résumée en
Jean-Baptiste, rendait possible la première
venue de Jésus en chair, le Saint-Esprit
dans l'Église, rend possible le retour de
Jésus en gloire, dans une humanité
nouvelle, préparée à le
recevoir.
Le Saint-Esprit nous est
présenté dans l'Écriture sous
deux aspects ou plutôt revêtu de deux
fonctions capitales : il est créateur
de vie et il est le
« goël », le
remplaçant de Jésus-Christ pendant le
temps qui sépare les deux venues du Seigneur
sur la terre.
À l'origine du monde
« l'Esprit se mouvait sur les
eaux ». Le terme hébreu
« merachephet » signifie
littéralement « posait
couvant » ; c'est l'image d'un grand
oiseau qui, les ailes déployées,
« couvait » le monde. Ainsi
l'Esprit déposait des germes de vie dans ce
qui n'était encore que le chaos. Et quand
Dieu dira : « Que la terre produise
de la verdure ... ! Que les eaux produisent
des animaux marins ... ! Que la terre produise
des animaux vivants... !
(Gen.
I, 11, 20,
24),
cette terre, ces eaux
fécondées par l'Esprit
obéiront à la voix de Dieu et la vie
fourmillera sur la planète.
À l'origine de l'incarnation nous
retrouvons le Saint-Esprit : Jésus a
été « conçu du
Saint-Esprit ».
À l'entrée de son
ministère, Jésus a reçu le
Saint-Esprit dans sa plénitude, de sorte
qu'en lui il y a comme une double incarnation,
celle de la Parole faite chair et celle de l'Esprit
entré par le fils de Marie dans la race
humaine. Qui sait ? Il se peut que le
Saint-Esprit n'aurait pas pu pénétrer
et demeurer chez les hommes avant d'avoir
été humanisé dans un vase
absolument saint. Sans doute, il y avait
déjà eu des manifestations de
création de vie par l'Esprit dans l'Ancienne
alliance. L'Esprit de l'Éternel avait
reposé sur Moïse, sur les
prophètes, sur David, le
roi-prophète, déposant en eux cette
inspiration merveilleuse que nous retrouvons dans
leurs paroles et dans leurs écrits. Mais
c'est en Jésus que le Saint-Esprit s'incarna
pleinement pour pouvoir, à la
Pentecôte, engendrer l'Église.
Cinquante jours après
Pâques, alors que les Juifs
célébraient la vieille fête des
moissons - la naissance de l'Église
n'était-elle pas pour Christ, en même
temps qu'une semence, déjà une
moisson ? - devenue peu à peu la
fête de la Promulgation de la Loi, les
apôtres étaient réunis
« d'un commun accord » et
« persévéraient dans la
prière », remplissant ainsi des
conditions dont l'absence ou l'insuffisance, au
milieu de nous, n'explique que trop notre
sécheresse spirituelle, quand tout à
coup quelque chose d'extraordinaire se produisit.
Ce n'est pas la manifestation d'une illumination
intérieure ou d'une émotion intense
jaillissant des profondeurs de l'être, c'est
un phénomène extérieur -
objectif et non pas subjectif. Un vent violent
passe sur les apôtres et des flammes de feu
se posent sur la tête de chacun d'eux.
À notre époque de psychologie
à outrance et il en faut de la psychologie -
on est tenté de tout réduire en
phénomènes intérieurs. Sans
doute, il s'en est produit des
phénomènes de cette nature,
illumination, émotion, enthousiasme,
lucidité spirituelle, mais tout cela a eu
pour cause une prise de possession des
apôtres par un agent extérieur, venu
du ciel, le Saint-Esprit qui les a engendrés
à la vie de Dieu. L'étoffe, la
matière à vivifier était
là dans ces coeurs d'apôtres qui
avaient aimé Jésus,
qui avaient cru en lui, qui
priaient dans la foi et dans l'amour, mais la
nouvelle naissance effective fut une
création, un acte historique, accompli par
le Saint-Esprit.
Seconde fonction : le
Saint-Esprit
devint pour les apôtres un
« goël » selon la promesse
du Seigneur.
Ce terme hébreu de
« goël » signifie à
la fois « champion »,
« garant »,
« soutien ». Job dit :
« Je sais que mon
« goël » est
vivant »
(XIX,
25). Ce terme est
appliqué aussi au « vengeur du
sang »
(Nomb.
XXXV, 12, 19)
à celui qui a le droit de
rachat sur une propriété
(Ruth
III, 12). Et dans ce terme de
goël, il y a d'une part quelque chose
d'héroïque, c'est le répondant
qui combat avec nous et pour nous et ici on peut
citer le mot nordique de
« einhériar » en
français « einherje »,
excellent guerrier, celui qui ne laisse jamais dans
l'embarras l'ami qui lui est confié.
« Quand on vous mènera devant les
synagogues, les magistrats et les autorités,
ne vous inquiétez pas de la manière
dont vous vous défendrez ni de ce que vous
direz, car le Saint-Esprit vous enseignera à
l'heure même ce qu'il faudra dire
(Luc
XII, 11).
D'autre part dans le terme de goël,
qui se traduit en grec par
« paraclet », il y a la
pensée d'un
« consolateur ». Les
apôtres peuvent envisager le départ de
Jésus non pas seulement sans effroi, mais
comme une étape nouvelle dans
l'établissement du Règne de Dieu,
comme une condition du développement de
l'activité missionnaire dans le monde :
« Il vous est avantageux que je m'en
aille, car si je ne m'en vais pas, le Consolateur
ne viendra pas vers vous, mais
si je m'en vais, je vous l'enverrai. Et quand il
sera venu, il convaincra le monde de
péché, de justice et de
jugement.... »
(Jean
XVI, 7-8).
Il y a aussi dans ce nom l'idée
de « conseiller
expérimenté ».
« L'Esprit Saint vous enseignera toutes
choses et vous rappellera tout ce que je vous ai
dit »
(Jean
XIV, 26). Il sera leur
directeur dans
l'évangélisation ; Paul se
sentait « lié par
l'Esprit », il se soumettait à
l'autorité de l'Esprit, renonçait
à tel ou tel projet :
« l'Esprit ne nous le permit
pas ».
Ce soutien que Jésus avait
été pour ses disciples, l'Esprit le
sera à la place du Maître :
« De même aussi l'Esprit nous aide
dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce
qu'il convient de demander dans nos
prières ; mais l'Esprit lui-même
intercède par des soupirs inexprimables et
celui qui sonde les coeurs connaît quelle est
la pensée de l'Esprit, parce que c'est selon
Dieu qu'il intercède en faveur des saints
(Rom.
VIII, 26-27).
Laissons en nous prier l'Esprit,
laissons-le nous inspirer lui-même les sujets
de prière ; c'est ainsi que l'Esprit
est un promoteur d'exaucement. Il affermit en nous
nos certitudes, principalement celle que nous
sommes enfants de Dieu. Il bannit l'esprit de
crainte et instaure celui d'adoption
« par lequel nous crions - Abba !
c'est-à-dire :
Père ! » « L'Esprit
lui-même rend témoignage à
notre Esprit que nous sommes enfants de
Dieu »
(Rom.
VIII, 16.)
Remarquons cette affirmation du
Seigneur : « l'Esprit demeurera
éternellement avec vous ». Il ne
s'en ira plus et quand Jésus reviendra en
personne, le Saint-Esprit sera
encore là et demeurera avec nous :
nés de l'Esprit nous vivons dans et par
l'Esprit éternellement.
« Cet Esprit, dit encore
Jésus, le monde ne peut le recevoir parce
qu'il ne le voit point et ne le connaît
point. » Nous rappelons ce que
Jésus disait du monde dans sa prière
sacerdotale. Le monde ne peut être
gardé, béni, ni animé du
Saint-Esprit dans le sens où les croyants le
sont, il faut d'abord qu'il se convertisse, qu'il
soit convaincu de « péché,
de justice et de jugement ». Ainsi
l'Esprit agit sur le monde, coopère à
la conversion du monde, travaille dans un
pécheur longtemps avant le moment de la
décision, dirige les appels, avive la
conscience ; mais ce n'est que quand le
pécheur s'est laissé engendrer
à la vie nouvelle qu'il possède
vraiment l'Esprit comme son
« goël ».
Demandons dans nos prières de ne
pas entraver, de ne pas contrister le Saint-Esprit
dans les fonctions de Champion, de Guide et de
Consolateur qu'il veut remplir en
nous !
Nous ne voulons pas abandonner ce sujet
sans rappeler que les cimes de la vie
chrétienne offrent leurs dangers.
Le danger de l'exagération de la
doctrine du Saint-Esprit s'est manifesté
dès le troisième siècle. Un
nommé Montanus et, après lui
Tertullien, ont donné naissance à un
mouvement illuministe, connu dans l'histoire sous
le nom de Montanisme. Les chrétiens d'alors
ne vivaient plus que d'illumination
intérieure. La Parole écrite, les
conseils fraternels, le bon sens
n'avaient plus de valeur, tandis que les extases,
les révélations directes que l'on
attribuait à Dieu par le Saint-Esprit,
comptaient seules comme vraiment spirituelles. Il y
eut de l'excitation, des crises nerveuses et le
mouvement s'enlisa dans un discrédit
complet. Aujourd'hui encore, le parler en langues,
l'illuminisme de certains chrétiens sur
lesquels ni les conseils fraternels, ni le bon
sens, ni même l'Écriture sainement
entendue n'ont de prise, constituent des dangers
que le chrétien équilibré,
sain d'âme et d'esprit évitera par la
prière vigilante, par la connaissance de
toute l'Écriture, par les expériences
de l'histoire et par la communion
fraternelle.
Le Saint-Esprit est-il Jésus
revenu sous une autre forme ou est-il une
personnalité distincte ?
Disons tout de suite que si Dieu le
Père et le Créateur nous est
révélé dans l'Écriture
d'une manière suffisamment claire pour que
nous puissions, en l'adorant et en l'aimant,
essayer de le comprendre, si Jésus, le Fils,
nous est bien connu par les récits
évangéliques, le Saint-Esprit nous
reste mystérieux ; nous en
éprouvons l'influence plus que
l'Écriture ne nous en révèle
la nature. Comme son nom l'indique, l'Esprit de
Dieu est saint, il est aisément
« contristé », une sorte
de discipline intérieure nous retient dans
nos tentatives d'explications. Cela dit, nous
n'hésitons pas à affirmer que le
Saint-Esprit est une personnalité
différente du Père et du Fils, mais
subordonnée au Père et au Fils. Il
n'est pas une force émanée de Dieu ou
Jésus reparaissant sous une autre forme, il
est une Personne divine. Nous avons le droit de
prier le Saint-Esprit :
« Esprit, souffle des quatre
vents ! »
(Ezéch.
XXXVII, 9). Le
Saint-Esprit prie avec nous :
« L'Esprit et l'Épouse
disent : Viens ! »
(Apoc.
XXII, 17).
Quand Jésus dit :
« Je vous enverrai un autre
goël » ce n'était pas de
lui-même qu'il parlait, le verbe
« envoyer » n'aurait plus de
sens, on ne s'envoie pas soi-même. Il
s'agissait bien d'une autre personne. La formule du
baptême tranche la question. Jésus a
enseigné de baptiser au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit. L'Esprit n'est pas
quelque chose, il est quelqu'un ; il est
différent de Dieu et de Christ et pourtant
si près de Jésus que Jésus en
annonçant la venue de l'Esprit peut
dire : « .... Je reviens à
vous ! » Nous sommes ici au seuil du
mystère, en présence de la
Trinité : « le Père,
le Fils, le Saint-Esprit, un seul Dieu béni
éternellement ». Inclinons-nous
sans comprendre !
Pratiquement l'action de l'Esprit
est-elle différente de celle de Jésus
glorifié ? Il est difficile de
distinguer nettement ce qui est du ressort de l'une
ou de l'autre des trois personnes. « Nul
ne peut venir à moi si mon Père ne
l'attire », dit Jésus
(Jean
VI, 44) et d'autre part il
affirme aussi : « Nul ne vient au
Père que par moi »
(Jean
XIV, 6). Il est le chemin, la
vérité et la vie ; il attirera,
une fois élevé de la terre, tous les
hommes à lui, et pourtant c'est l'Esprit qui
convainc les hommes de péché, qui
crée le passage de la vie de la chair
à la vie de l'Esprit.
« L'Esprit, dit M.
Frédéric Godet, est non le Seigneur,
mais la puissance qui le glorifie, qui le
fait apparaître, vivre et
grandir au dedans de nous et cela en prenant de ce
qui est à lui et en nous le communiquant. En
engendrant Jésus dans le sein de Marie, le
Saint-Esprit n'est pas devenu le Christ. De
même le Saint-Esprit en glorifiant et en
faisant vivre en nous Jésus, ne devient pas
pour cela Jésus. Jésus est l'objet
à assimiler, l'Esprit est la puissance par
laquelle s'accomplit l'assimilation. Sans la
révélation accordée en
Jésus, l'Esprit n'aurait rien à
féconder en nous ; sans l'Esprit la
révélation accordée en
Jésus reste en dehors de nous et ressemble
à une parabole non comprise. L'oeuvre de
l'Esprit consommée, c'est Christ
formé dans le croyant. »
Ainsi le don du Saint-Esprit c'est la
première phase du retour de Christ qui
prépare le retour personnel et en gloire du
Fils lui-même. Et l'Esprit s'associe à
l'Épouse qu'il forme pour dire :
« Viens
bientôt ! »
Être rempli de l'Esprit, c'est
pour le croyant commencer à monter au-devant
du Maître qui revient.
Alors
on verra le Fils
de l'homme venant sur une nuée avec
puissance et une grande gloire. Alors il enverra
les anges et il rassemblera les élus des
quatre vents, des extrémités de la
terre à l'extrémité du ciel. Marc
XIII,
26-27.
Il appela dix de
ses
serviteurs, leur donna dix mines et leur dit :
« Faites-les valoir jusqu'à ce que
je revienne.... » Luc
XIX, 12-27.
Que vos reins
soient
ceints et vos lampes allumées.... Luc
XII, 35-38.
Si Jésus a déçu les grands
du peuple juif qui avaient
matérialisé les prophéties
messianiques ; s'il a aussi
déconcerté Jean-Baptiste et s'il a
étonné ses disciples en ne
rétablissant pas le royaume de David en
Palestine ; s'il a fondé le Royaume de
Dieu sur des coeurs nés de nouveau et non
pas sur des actes de conquêtes ; s'il
n'a pas rempli tout le programme messianique
prédit par l'ancienne alliance et
espéré par les meilleurs d'entre les
Juifs, il entendait cependant revenir un jour en
personne, au moment choisi de Dieu,
« quand les temps seraient
accomplis ».
Après avoir été en
fonctions de « Parole » le
collaborateur de son Père dans la
création du monde, le Fils a reçu un
triple mandat à l'égard de notre
planète : sauver l'humanité
perdue dans ceux de ses membres qui acceptent la
forme de salut que Dieu offre, régner sur la
terre avec ses collaborateurs, les membres de son
Corps, après l'avoir reconquise sur
l'Usurpateur, enfin procéder au jugement
final. À chacun de ces mandats correspond
une descente de Jésus-Christ sur la terre et
un titre spécial. La première c'est
la venue en chair à Béthléem
avec le nom si beau de Jésus-Sauveur ;
la seconde c'est la venue en [gloire avec le titre
de Roi (1) ;
la troisième c'est
l'apparition du « Juge des vivants et des
morts » à la fin de
l'histoire.
Les prophètes confondaient
parfois ces trois venues en une seule. Jésus
a annoncé sa seconde venue sans la
différencier clairement de la
troisième. Il était
réservé aux apôtres,
particulièrement à Paul et à
Jean, de compléter sur ce point la
révélation du Maître. Mais, le
fait essentiel, c'est que Jésus a
positivement annoncé son retour personnel
à ses amis et à ses ennemis. Il
n'hésite pas à s'appliquer dans les
propres termes la prophétie de Daniel
(VII,
13-14) :
« Voici, sur les nuées des cieux
arrivera quelqu'un de semblable à un fils
d'homme, on lui donnera la domination, la gloire et
le règne.... et son règne ne sera
jamais détruit. » Pour consoler
ses apôtres, pour confondre ses accusateurs
qui, les uns et les autres, connaissaient bien ce
passage, Jésus dit : « Alors
on verra le Fils de l'homme venir sur les
nuées du ciel.... »
Permettez-moi, lecteurs, de vous poser
une question de la plus haute importance, mais
quelque peu indiscrète.
- La pensée du retour du Seigneur
vous effraie-t-elle, ou vous
réjouit-elle ?
C'est là, nous semble-t-il, la
pierre de touche de la foi. Nous ne nous adressons
pas ici à ceux qui n'ont qu'un contact
lointain avec l'Évangile ou que les dates de
la fin du monde, fixées par nos modernes
devins, les comètes de passage, les pluies
d'étoiles, remplissent de superstitieuse
terreur. Nous parlons à ceux qui se
réclament de la Révélation
chrétienne.
- La rencontre avec Christ, venant
chercher les siens, vous fait-elle peur, ou bien
excite-t-elle en vous un élan
d'espérance, par derrière ou
par-dessous le tremblement légitime que les
événements mystérieux,
insolites, de la fin font éprouver à
toute âme d'homme ?
Si nous constatons en nous une
singulière indifférence pour ce
retour, ou encore un désir marqué de
reculer cette échéance aussi loin que
possible, en tous cas au delà de notre
génération, si nous ne pouvons pas
nous associer à la prière de
l'Esprit : « Viens
bientôt ! » c'est qu'il y a
dans notre piété, en dépit de
toutes ses activités, quelque chose
d'anormal, une foi insuffisante, un amour
tiède, une incompréhension du plan de
Dieu, un recul devant la sainteté. Si le
Seigneur a pris possession de notre vie, s'il est
l'hôte de notre foyer, aurons-nous peur de le
voir prendre possession de la terre ? Des
enfants qui ont tenu la maison en ordre pendant
l'absence de leurs parents craindront-ils de les
voir revenir ?
Les apôtres se
réjouissaient tellement du retour de leur
Maître, qu'ils espéraient le revoir de
leur vivant. Certaines paroles du Seigneur, mal
interprétées ou mal comprises,
avaient donné lieu de croire que cette
génération ne passerait pas sans
avoir assisté à cet
événement. Il est vrai que les
apôtres ont vu la Pentecôte et la ruine
de Jérusalem, dont l'une inaugurait le
retour du Christ et l'autre le jugement du monde.
Les premiers disciples ne se doutaient pas - plus
tard ce fut révélé à
Paul et à Jean - du temps qu'il faudrait
pour évangéliser le monde, et du
développement du mal qui retarderait,
par l'intrusion du monde dans
l'Église, la maturation du bon grain.
Jésus, cependant, le fait pressentir en
parlant de la vigilance : « Vous ne
savez quand viendra le Maître de la maison,
au milieu de la nuit, au chant du coq ou au
matin »
(Marc
XIII, 35). Non seulement tout
essai de fixer une date est frappé de
nullité, mais la constance des croyants
pourra être mise à une longue
épreuve.
Une autre parabole exprime clairement
aussi cette pensée d'un travail de longue
haleine. C'était vers la fin du
ministère de Jésus. À son
retour de Pérée, il se manifestait
dans son entourage une sorte d'enthousiasme
messianique malsain « .... eux se
figuraient que le règne de Dieu allait
paraître immédiatement »
(Luc
XIX, 11). Jésus alors
leur raconte la parabole des
« Mines » pour leur montrer
qu'il ne s'agit pas d'un triomphe prochain mais
d'un travail prolongé. On confond souvent
cette parabole avec celle des Talents que
Jésus a prononcée plus tard, pendant
qu'il enseignait dans le temple. Il suffit de lire
attentivement les deux paraboles pour saisir la
différence de l'auditoire et du but
poursuivi par Jésus. Dans la parabole des
Mines, les dix serviteurs représentent
l'ensemble des disciples de Christ, chacun a obtenu
une Mine, c'est-à-dire une grâce
identique, le salut. Ils sont croyants, c'est
là leur privilège. Quel usage
vont-ils faire de leur foi ? Quel
témoignage vont-ils rendre ?
Au retour du Maître, un des
serviteurs a gagné dix Mines, son
témoignage a été actif,
fidèle, il a gagné d'autres
âmes à la foi. Il reçoit dix
villes, une part de gouvernement dans
le Royaume du Seigneur, soit
pendant le Millénium, soit plus tard encore
pendant le temps d'activité que le Seigneur
nous réserve dans son ciel. Un autre a fait
ce qu'il a pu, aussi il obtient cinq villes. Un
troisième n'a rien fait de sa Mine :
c'est le chrétien qui ne vise qu'à
son salut personnel. Il ne se dépense pas
pour les autres ; il lit des récits de
conversion dans les journaux religieux, il assiste
aux saintes assemblées, mais lui-même,
tenir une école du dimanche, visiter les
malheureux, appeler les perdus, devenir
missionnaire ou donner ses enfants à la
mission ?
Non ! il ne s'y prétend pas
appelé. En péchant ainsi contre les
frères qu'il aurait pu sauver, il s'expose
à perdre sa part d'influence ; il
risque même son propre salut et s'il est
sauvé, c'est « comme au travers du
feu ». D'autre part, si le Seigneur
appelait ainsi les siens à travailler
fidèlement en attendant son retour, c'est
que ce retour devait se faire attendre un certain
temps. Les reins ceints, la robe serrée dans
la ceinture, leurs lampes allumées, les bons
serviteurs sont prêts à le recevoir et
travaillent dans l'espoir de hâter son
retour. À l'heure de la nuit où il
paraîtra, il les trouvera, se
réjouissant de sa venue. Au lieu de prendre
place à la table dressée, le
maître ainsi attendu y fait asseoir les siens
et les associe à son règne. Il se
ceint et les sert.
Comment attendre le Seigneur ?
Comment être vigilant ? Il ne peut
s'agir d'une attente malsaine, inquiète ou
purement contemplative, étroite d'horizon,
incapable de toute vaste entreprise.
L'anxiété qui confine à la
superstition est condamnable. Vers l'an
mil, on vendait ses
propriétés, on donnait ses biens aux
couvents. Il ne s'agit pas non plus de se composer
une attitude spéciale en vue du retour de
Christ. La vie intérieure de l'enfant de
Dieu est la même que ce retour doive avoir
lieu demain ou en l'an 2000. Si nous sommes
prêts à mourir avec Christ pour
ressusciter avec lui, nous sommes prêts aussi
à le recevoir.
Le don complet de soi-même, la foi
à Jésus-Sauveur ouvrent le chemin du
salut soit pour monter à la rencontre du
Seigneur, soit pour descendre au sépulcre et
y attendre le grand jour de son avènement.
Dans la chronologie de Dieu, mille ans sont
à ses yeux comme un jour. Celui qui vit en
Christ, veille de la vraie manière : il
travaille en veillant et il veille en travaillant.
Il hâte le retour du Seigneur en
étendant son règne en surface. De
nouvelles conquêtes sont faites sur le
royaume du mal, de nouveaux captifs sont
amenés au pied de la Croix. En même
temps des victoires sont remportées dans le
fond du coeur et dans le secret de la vie, l'oeuvre
de sanctification gagne en profondeur. Le champ
jaunit dans toutes ses parties et la maturation se
développe et, par contre-coup, le mal
mûrit aussi.
Si « ce n'est pas à
nous de connaître les temps que le
Père a fixés de sa propre
autorité » (Actes I, 6-7)
cependant Jésus a laissé à ses
disciples une direction suffisante pour comprendre
l'avancement de la saison :
« Instruisez-vous par la comparaison du
figuier, quand ses branches deviennent tendres et
que les feuilles poussent, vous connaissez que
l'été est proche » (Marc
XIII, 28). À divers signes,
il semble que la
végétation spirituelle avance
rapidement. La culture scientifique, la
connaissance du bien et du mal, tout aujourd'hui
devient mondial. Les chrétiens
éprouvent l'impérieux besoin de se
sanctifier et de s'unir. On se préoccupe
partout du retour de Christ. Le peuple de franc
vouloir, la jeune milice se forme dans les brumes
du point du jour ; il semble que l'apparition
du « soleil de justice » ne
soit plus très lointaine. En tous cas
plusieurs des conditions du retour du Seigneur sont
en voie d'accomplissement. Et le mal se faisant
plus subtil, le Malin plus malin, il est
nécessaire plus que jamais de revêtir
toutes les armes de Dieu afin de résister au
mauvais jour. « C'est l'heure de nous
réveiller enfin du sommeil, car maintenant
le salut est plus près de nous que lorsque
nous avons cru. La nuit est avancée. le jour
approche »
(Rom.
XIII, 11-12).
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