Et
toi
Béthléem, Ephrata, petite pour
être entre les milliers de Juda, c'est de toi
que me sortira celui qui doit être dominateur
en Israël et dont l'origine est dès les
temps anciens, dès les jours
éternels. C'est pourquoi il les livrera
jusqu'au temps où la mère aura
enfanté et le reste de ses frères
viendra se joindre aux fils d'Israël. Et il se
tiendra là et paîtra les brebis, dans
la force de l'Éternel, dans la
majesté du nom de l'Éternel son Dieu,
et elles se reposeront, car il sera grand jusqu'aux
bouts de la terre. C'est lui qui sera la
paix. Michée
V,
1-3.
Voici la jeune
fille a
conçu et elle enfante un fils et elle
appelle son nom Emmanuel. Esaïe
VII,
14.
Car un
enfant nous
est né, un fils nous a été
donné, l'empire a été
posé sur son épaule et on le nomme
Conseiller admirable, Dieu fort, Père
d'éternité, Prince de paix. Esaïe
IX, 5.
Le croyant qui lit l'Ancien Testament reste
émerveillé de la précision de
certaines prophéties. Et qu'on ne vienne pas
dire que ces prophéties ont
été imaginées après
coup puisque les rouleaux, conservés
jalousement dans les synagogues et qui ne sont
jamais sortis des mains des Juifs hostiles à
l'Évangile, les possèdent sur leur
antique parchemin aussi bien que nos bibles
modernes sur leur fin papier. Sans doute, les
prophéties gardent toujours quelque chose de
mystérieux. Elles ne s'imposent pas comme
une photographie anticipée de
l'événement qu'elles annoncent ;
elles permettent à l'esprit hostile de leur
faire un procès de tendance avec certaines
apparences de raison. Elles participent de la
révélation tout entière qui,
évidente à la conscience humble et
droite, se propose plus qu'elle ne s'impose.
« Il y a, je cite Pascal de
mémoire, assez de lumière pour ceux
qui veulent croire - et pour ceux-là la
lumière est aveuglante - mais aussi assez
d'obscurité pour étayer son refus de
croire. »
Qu'on ne veuille voir dans les
prophéties que des coïncidences, c'est
étrange en vérité, quand le
lieu, le mode de naissance, la nature à la
fois humaine et divine du Messie sont
expressément annoncés des
siècles à l'avance, sans que rien
dans les circonstances du temps où ces
prophéties ont été
prononcées ait pu faire prévoir la
forme de l'événement sous laquelle il
s'est accompli. Pourquoi donc toujours
« travailler pour ce
qui ne nourrit pas » et se torturer
l'esprit afin d'échapper au miracle ?
C'est si scientifique de penser que Dieu, qui a
envoyé son Fils, en préparait la
venue longtemps d'avance et inspirait par son
Esprit les hommes qui devaient en parler. Ne nous
privons d'aucune parcelle de la grandeur de
Dieu !
Nul en Israël n'ignorait que David
étant de Béthléem, la petite
ville davidique deviendrait le lieu d'origine du
Messie. Mais la dynastie royale habitait à
Jérusalem, c'était apparemment de
Jérusalem que devait sortir le Messie. Pour
Michée, le contemporain d'Esaïe, et
pour toute sa génération, il n'y
avait aucune espèce d'apparence que la
famille royale cessât de séjourner
à la capitale et retournât vivre dans
sa bourgade natale, si petite que Josué ne
la mentionne même pas dans le catalogue des
villes de Juda . Les circonstances pourtant se sont
chargées de montrer l'exactitude de la
prophétie. S'il y a simple coïncidence
on avouera qu'elle est inexplicable.
Michée continue sa description en
disant que le peuple demeurera dans l'humiliation
« jusqu'à ce que celle qui doit
enfanter ait enfanté. » Cet
enfantement mettra fin à une période
de malheur. Il y aura un rapprochement avec les
autres frères israélites et
peut-être païens ; le Messie qui
agira dans la majesté du nom de
l'Éternel paîtra ses brebis ;
elles se confieront en lui et lui-même sera
sur la terre la source de la paix.
Michée et Esaïe
étaient contemporains. Voyons comment
Esaïe a repris et éclairé ces
notions prophétiques
ébauchées par Michée. Dans
Michée il n'est pas question d'un
père du Messie, seule la mère est
mentionnée sous cette expression
vague : « celle qui doit
enfanter ». Esaïe
précise : « Voici la jeune
fille a conçu et elle enfante un
fils. »
Pour le dire en passant, quelques
chrétiens s'affligent que nos versions
très évangéliques, Segond
revisé, la Bible annotée, ne
traduisent pas « la Vierge a
conçu », c'est par
fidélité au texte hébreu. La
langue hébraïque possède un mot
technique pour dire « une
vierge » c'est bethoula. Tandis
qu'elle a un autre mot, alema, qui signifie
jeune personne, vierge ou non, mais en tous cas non
mariée et en âge d'avoir des
enfants ; c'est ce dernier terme qui est
employé par Esaïe.
Ainsi le Messie naîtra d'une jeune
personne non mariée. Dieu préparait
ainsi par ses prophètes les futurs
instruments de sa volonté, une Marie, un
Joseph, à accepter une situation qui, au
point de vue humain, paraîtra
étrange ; en même temps, il
donnait à entendre que l'Envoyé
céleste naîtrait de l'union du Divin
avec l'humain. C'est ainsi la nature à la
fois divine et humaine du Seigneur Jésus qui
est admirablement annoncée dans ces deux
prophètes.
L'humanité du Messie, la
réalité de l'incarnation est-elle
assez mise en relief précisément par
ces termes physiologiques de conception et
d'enfantement ! Aucun mot ne pouvait mieux
faire comprendre à l'avance que le Messie ne
descendrait pas tout incarné du ciel mais
qu'il entrerait dans l'humanité par la voie
naturelle. Ce n'est pas non plus un
« esprit »
qui prend possession d'un
être humain, la seconde personne divine qui,
au baptême, descendrait sur l'homme
Jésus, comme certains
hérétiques l'ont enseigné.
C'est un petit enfant qui naît d'une femme,
qui se développe et grandit comme les autres
humains : « Un enfant nous est
né.... »
Mais en même temps l'origine de
cet enfant remonte aux « temps
anciens ». Ses racines plongent jusque
« dans les jours
d'éternité », ainsi
s'exprime Michée. N'est-ce pas la
préexistence du Messie déjà
mise en lumière ? Le nom de cet enfant,
dit Esaïe, c'est « Emmanuel, Dieu
avec nous ». Non pas un être
céleste demeurant pour un temps avec nous,
non pas Dieu nous protégeant de son ciel par
sa présence invisible, mais c'est Dieu
« avec nous » devenu l'un des
nôtres, un humain.
Sur la tête de ce Messie,
né d'une femme, se trouvent réunies
toutes les qualités divines comme les perles
d'une couronne royale. Il sera le
« Conseiller admirable », le
révélateur par excellence ; il
parlera au nom de Dieu, il apportera la
pensée de Dieu aux hommes ; et,
à suivre les conseils de sa parole, il y
aura un bénéfice infini. Cette
qualité de révélateur ne la
trouvons-nous pas dans tout l'enseignement de
Jésus ? Il parlait avec
autorité, non pas comme les scribes et les
pharisiens. « Jamais homme n'a
parlé comme cet homme », disaient
les huissiers envoyés pour le saisir. Ils
étaient subjugués par tout ce qu'ils
entendaient ; leur coeur n'était pas
retors, la parole du Christ sonnait franc à
leur conscience.
On pourra lui attribuer le titre de
« Dieu fort »
qu'il partage avec son Père. En lui
résidera l'Esprit de puissance. Rien ne lui
résistera, ni les éléments
déchaînés de la nature, ni les
puissances démoniaques, ni les liens des
maladies et des infirmités les plus
invétérées, ni même la
rigidité de la mort. À sa voix la mer
s'apaisera, Lazare sortira du tombeau ; il
dira à ses disciples en les quittant :
« Toute puissance m'a été
donnée au ciel et sur la
terre ».
« Père à
toujours ! » on pourra le nommer
ainsi. Un roi est le père de son peuple. En
qualité de roi Jésus aura pour les
siens les sentiments d'amour invariables d'un
père. « Comme il avait aimé
les siens, ainsi il les aima jusqu'à la
fin » (Jean XIII, 1). Les sentiments
paternels d'un frère aîné qui a
adopté ses cadets avec toute l'ardeur d'un
coeur aimant, tels sont ceux que Jésus
éprouva pour cette race humaine qui
était devenue la sienne.
Enfin on l'appellera « Prince
de paix ». Il sera le vainqueur, celui
sur l'épaule duquel repose la royauté
universelle et qui, après avoir
délivré les siens de toute
oppression, les fera vivre dans la paix. Quand
« toute justice aura été
accomplie », il n'y aura plus d'obstacle
à la paix. C'est Lui qui est notre paix
(Ephés.
II, 14).
Ne sont-elles pas extraordinaires de
richesses, de grandeur et de précision les
prophéties de Michée et
d'Esaïe ? Et dire que les rabbins juifs
se sont donnés mille peines pour les
rapetisser, pour les détourner de leur sens
afin d'échapper à l'obligation de les
appliquer à Jésus-Christ ! Et
dire que des savants chrétiens
s'écartèlent le cerveau pour
éliminer de
l'Écriture la prophétie de la
naissance miraculeuse du Seigneur ! Quelle
aberration que de vouloir à tout prix
diminuer le don de Dieu !
Et quand nous lisons, nous croyants, de
semblables prophéties et les titres
donnés à Emmanuel, nous sommes
souvent plus coupables encore que ceux qui les
contestent. Nous y croyons, à ces
affirmations, et nous demeurons des indigents en
présence de tant de richesse !
Nous prétendons vivre sous la
direction du Révélateur, du
Conseiller admirable et nous ne lui demandons pas
conseil dans nos indécisions ! Nous
nous jetons à droite, nous revenons à
gauche, nous hésitons, obligés enfin
de reconnaître que nous nous sommes
trompés. Pourquoi n'avoir pas simplement
obéi à la voix de Celui qui s'offre
à nous conduire.
Pourquoi se réclamer du
« Dieu fort » quand c'est pour
vivre dans la faiblesse, vaincus par les
épreuves, par le tentateur, battus, pleurant
sur notre perpétuelle misère,
oubliant que le « Dieu fort »
est dans notre race et que greffés sur ce
nouveau cep, nous sommes destinés à
tirer de lui sève et force.
Pourquoi craindrai-je le présent,
appréhenderai-je l'avenir si j'ai pour moi
« le Père à
toujours », celui dont les sentiments ne
changent pas, dont l'amour n'est point capricieux,
mais qui est « le même hier,
aujourd'hui,
éternellement » ?
Enfin ma paix n'est-elle pas faite avec
Dieu par le prince de Paix ? Ne dois-je pas me
reposer en paix sous la houlette de celui qui tient
l'adversaire à distance ? Et ne dois-je
pas avoir la nature paisible, le
goût de la paix, l'amour et l'humilité
de Celui « qui a été doux
et humble de coeur » ?
Et quand je pense à ce que je
suis au lieu de ce que je devrais être
« ayant de telles promesses »,
je suis confus et humilié.
Que nous défendions
l'Écriture contre ceux qui nous en ravissent
la révélation, rien de plus
juste ! Mais en même temps,
réalisons mieux la pensée de Dieu
à notre égard,
révélée dans
l'Écriture ! Ce sera en faire la vraie,
la vivante, l'incontestable apologie.
Voici
mon serviteur
prospérera ; il grandira, il sera
exalté, il sera haut élevé. De
même que beaucoup ont été
interdits en le voyant, - tant il était
défait de visage plus qu'aucun homme et
défiguré plus qu'aucun fils d'homme,
- ainsi il fera tressaillir des peuples
nombreux ; les rois fermeront la bouche devant
lui ; car ils verront ce qui ne leur avait
point été raconté, et ils
apprendront ce qu'ils n'avaient point
entendu.
Qui a cru à ce
qui nous avait été annoncé et
à qui le bras de l'Éternel a-t-il
été
révélé ? Il a
poussé devant lui comme un rejeton, comme
une racine sortant d'une terre
desséchée ; il n'avait ni forme
ni beauté pour fixer nos regards, ni
apparence pour fixer nos désirs. Il
était méprisé et
abandonné des hommes, homme de douleurs et
connaissant la maladie, méprisé comme
un objet devant lequel on se cache le visage ;
et nous n'avons fait de lui aucun cas.
Véritablement,
c'étaient nos maladies qu'il portait, et nos
douleurs dont il s'était
chargé ; et nous, nous le croyions
puni, frappé de Dieu et
humilié ! Mais lui, il a
été percé à cause de
nos péchés, brisé à
cause de nos iniquités ; le
châtiment qui nous donne la paix a
été sur lui, et c'est par ses
meurtrissures que nous sommes guéris.... il
a été enlevé par l'oppression
et le jugement ; et parmi ses contemporains,
qui eût jamais pensé qu'il
était retranché de la terre des
vivants et que la plaie le
frappait à cause du péché de
mon peuple ?... quand son âme aura
offert le sacrifice expiatoire, il aura une
postérité, il verra de longs jours et
l'oeuvre de l'Éternel prospérera
entre ses mains. Esaïe
LII, 13 - LIII, 12.
Toutes les fois que nous reprenons la plume pour
commencer une nouvelle étude
prophétique, nous voudrions nous
écrier : La prophétie en
Israël est un vrai miracle ! Comment tous
ceux qui pensent et qui sentent n'en sont-ils pas
impressionnés ? Est-ce
l'accoutumance... ? mais ici, devant cette
description à la fois si exacte et si
émouvante de « l'homme de
douleur », toute formule admirative tombe
et c'est un cri de reconnaissance qui
s'élance du coeur : « Mon
Dieu ! merci pour ton don
ineffable ! »
On a bien malheureusement coupé
les chapitres LII
et LIII d'Esaïe. Il aurait
fallu arrêter le LII au verset 12 et faire
des versets 13-15 le commencement du LIII.
Ce fragment
d'Esaïe
LII, 13 à LIII, 12
forme un tout qui dépeint le double aspect
du Messie, glorieux et souffrant.
En effet, comme tant de passages des
psaumes et des prophètes le laissent
entendre, le Messie sera glorieux !
« Le Serviteur de l'Éternel
prospérera, grandira, sera exalté,
sera haut élevé », ce sont
là les divers échelons qu'il gravira
de la terre au ciel. Et tout en montant, il
grandira toujours. Mais en même temps le
prophète cherche à prévenir
les ambitions charnelles de ceux qui rêvent
un Messie conquérant ; il montre que la
vraie grandeur de l'Envoyé
de Dieu se manifestera dans l'abaissement et dans
l'obéissance douloureuse. Le rachat du
pécheur, l'expiation du péché
d'abord, ensuite seulement viendra le
triomphe.
Ce Messie glorieux, le voici
« tout défait, plus
défiguré qu'aucun homme. »
Celui qui dépassait tous les humains, il est
tombé au-dessous d'eux. Et à cette
vue beaucoup restent
« interdits » ; ils ne le
reconnaissent plus, ils ne comprennent pas. Mais
d'autres, des peuples nombreux, les peuples
païens tressaillent à ce spectacle. Une
fibre profonde dans le coeur de l'homme est
touchée à cette vue. Les rois et
beaucoup d'autres avec eux restent muets,
soupçonnant bien dans ce soudain abaissement
un miracle nouveau, incompréhensible encore.
Et voilà comment les versets
1-12 du LIII forment le
développement de ce que les versets 13-20
du LII viennent de
dire.
Nous touchons du doigt le miracle dans
ces versets, car il se trouve, par un chef-d'oeuvre
de justice et d'amour, que l'abaissement et la
souffrance du Messie sont expiatoires. C'est ici le
mot nouveau qui est la clé d'or de la Bible
tout entière. Mot si plein de salut que nous
en bénissons l'apparition.
L'Ancien Testament affirme à
chaque instant la souffrance-punition :
« Si vous abandonnez l'Éternel
votre Dieu et que vous serviez des dieux
étrangers, il viendra vous faire du mal et
il vous consumera »
(Josué
XXIV, 20). Il met aussi
en lumière d'une façon très
remarquable la souffrance-éducation, celle
qui est un moyen pédagogique de
progrès :
« Avant d'avoir
été humilié je
m'égarais, maintenant j'observe ta
parole »
(Ps.
CXIX, 67) dit le Psalmiste.
C'est de cette souffrance que parle
l'épître aux Hébreux quand elle
dit : « Dieu châtie celui
qu'il aime.... mon fils ne méprise pas le
châtiment du Seigneur »
(Héb.
XII, 4-11). Le livre de
Job marque à la souffrance-épreuve sa
place dans le plan de Dieu. Le fidèle reste
attaché à son Dieu quand même
il ne comprend plus, quand même la souffrance
lui paraît sans but. Il devient à son
insu le champion de la gloire de Dieu devant les
puissances de l'au-delà.
Le chapitre LIII
d'Esaïe nous
révèle la souffrance-expiation.
L'instinct d'expiation s'était perverti dans
les sacrifices humains des païens. Le sang des
victimes offertes par le prêtre juif
n'était qu'une substitution du sang innocent
à celui du coupable ; c'était
ainsi une sorte d'expiation préparatoire,
mais bien pâle en comparaison de ce qu'exige
la sainteté de Dieu et de ce qu'implique la
gravité du péché. Qui fera
l'expiation vraie, complète dont l'âme
humaine a besoin et qu'elle cherche dans la
contrefaçon des cultes
sacrilèges ? Pourquoi toujours un
autel, une victime, du sang, de la souffrance,
sinon parce qu'il y a en l'homme une soif de
souffrance expiatoire ? Mais où
est-elle la victime sans tache ? Il n'y a pas
de juste capable de sauver ses frères
coupables : « Quand même
Noé, Daniel et Job seraient au milieu de
toi, je suis vivant, dit l'Éternel, ils ne
sauveraient ni fils, ni filles, eux seuls seraient
sauvés »
(Ez.
XIV, 18). Esaïe LIII
révèle celui qui sauvera
« fils et filles », c'est le
Messie, le Messie
« défiguré » dont
il a plu à Dieu de faire servir la
souffrance à l'expiation des
péchés du monde.
Mais cet abaissement n'est que
temporaire et un nouvel horizon de
résurrection et de gloire apparaît au
delà de la souffrance. L'exaltation du
Serviteur de l'Éternel reprend après
son abaissement plus féconde et plus
lumineuse.
Il vaut la peine de méditer plus
en détail ce chapitre LIII qui est le point
culminant de la prophétie de l'Ancien
Testament.
Le peuple d'Israël attendait un
« rejeton d'Isaï »,
magnifique, verdoyant, attirant tous les regards et
voilà c'est une « faible racine
sortant d'une terre sèche », un
simple homme né dans une humble famille. Il
n'a rien d'un conquérant. Un tel Messie ne
répond pas aux besoins d'un peuple
orgueilleux dont le passé de gloire demande
une continuation d'histoire qui soit une
épopée. « Alors, dit le
prophète qui se solidarise d'avance avec ce
peuple aveuglé, nous l'avons
méprisé, ce Messie souffrant, nous
lui avons tourné le dos », sans
nous douter qu'en subissant nos mauvais
traitements, qu'en acceptant les meurtrissures et
même la mort, c'était devant Dieu par
un miracle de solidarité et de
transposition, nos propres maladies qu'il portait,
nos propres péchés qu'il expiait.
Nous avions cru que sa souffrance était le
juste châtiment de Dieu pour sa
présomption à se dire
« Fils de Dieu », et
voilà c'était tout autre chose,
c'était sur lui que tombait d'une main plus
haute « le châtiment qui nous
apporte la paix ».
Mais, descendu au fond de l'abîme,
il a commencé à en
remonter. On le destinait à la voirie et il
a été mis dans un sépulcre
honorable. Et puis la récompense magnifique
d'une telle obéissance viendra. D'abord il
se verra une
« postérité »,
celle de tous ceux qu'une telle mort fera vivre. Et
ici revient immédiatement à l'esprit
la parole du Christ : « Si le grain
de froment ne meurt, il demeure seul ; mais
s'il meurt il porte beaucoup de fruit »
(Jean
XII, 24). C'est la grande loi
de la germination. C'est aussi la grande loi de
reproduction dans la nouvelle alliance :
mourir pour vivre et pour faire vivre ; se
donner pour se retrouver. « Si quelqu'un
veut la retrouvera , il la perdra, mais celui
qui perd sa vie pour l'amour de moi et de
l'Évangile, la retrouvera »
(Marc
VIII, 35). Et puis il se
réjouira de son travail d'âme, il sera
heureux de faire des heureux et, lui juste, d'en
justifier plusieurs. Il devient la puissance
spirituelle par excellence avec laquelle il faut
compter. Il est l'homme plus fort qui a vaincu
l'homme fort et lui prend ses dépouilles et
c'est parce qu'il s'est mis lui-même
« au rang des malfaiteurs »
qu'il peut sauver des malfaiteurs.
Enfin de longs jours lui sont promis.
Après que son âme aura offert le
sacrifice expiatoire, elle retrouvera une nouvelle
et longue vie. « Personne ne me
l'ôte, dira Jésus en parlant de sa
vie, j'ai le pouvoir de la donner et j'ai le
pouvoir de la reprendre : tel est l'ordre que
j'ai reçu de mon Père »
(Jean
X, 18).
C'est en effet l'ordre de son
Père. « Il a plu à
l'Éternel de le briser par la
souffrance. » C'est
l'Éternel qui a voulu
cette souffrance expiatoire et c'est en une
certaine manière lui-même qui l'a
subie : « Dieu était en
Christ réconciliant le monde avec
soi », dit Paul
(2
Cor. V, 19). Et l'oeuvre de Dieu
« prospérera » entre ses
mains. L'oeuvre de Dieu dans le monde est
placée par l'oeuvre expiatoire de Christ sur
le seul terrain où elle puisse
prospérer, celui de l'amour absolu,
inexplicable. À l'homme qui se scandalise du
mal et de la souffrance, Dieu répond en
plaçant devant lui un fait d'amour tout
aussi inexplicable : « l'Homme de
douleur ». Et par cette réponse
toutes les conversions sont possibles,
jusqu'à faire du plus misérable
pécheur un « semblable »
du Fils de Dieu, un représentant de sa
postérité. Ce que le Messie glorieux
ne pouvait accomplir, l'Homme de douleur le
réalisera : présenter à
l'humanité des mains percées et la
serrer sur un coeur frappé d'une
lance.
Un jour viendra où ce peuple qui
attendait un Roi glorieux et qui a
été déçu par
l'apparition de l'Homme de douleur tournera les
regards vers lui. Les Juifs reconnaîtront
leur Messie dans le Jésus de
Gethsémané, calomnié,
couronné d'épines, battu de verges,
cloué à la croix et « ils
pleureront sur lui comme on pleure sur un fils
unique ». Ah ! quelles larmes !
Quelle révolution, quand le peuple,
dépositaire des oracles, le peuple religieux
par excellence, celui qui a du sang d'Abraham, de
Moïse, d'Élie, de Jésus-Christ
dans les veines, reconnaîtra enfin son
erreur ! Quel deuil, quelle commotion
intérieure ! Mais aussi quelle
résurrection d'entre les morts ! Et
comme l'Homme de douleurs
« glorifié auprès de son
Père »
rassasiera ses regards d'un tel spectacle et jouira
de son travail d'âme !
Et maintenant, a-t-il trouvé en
nous sa postérité, ce serviteur de
l'Éternel « obéissant
jusqu'à la mort, jusqu'à la mort
même de la croix » ?
Sommes-nous de ceux qui l'avons accueilli sous son
voile d'ignominie ? Derrière cet
être défiguré que le monde
bafoue en parlant de sa
« folie » ou que la
chrétienté méprise en refusant
d'accepter l'essentiel de son oeuvre, le fait
rédempteur, avons-nous reconnu le Sauveur
mort pour nos péchés, et salué
le Messie dans son abaissement ? Ton
péché, à toi, l'as-tu enfin
confessé sur cette victime qui est la seule
par laquelle tu aies accès auprès du
Père ?
- Sa gloire est encore voilée,
- Ah ! d'un voile ensanglanté !...
- Bientôt sera révélée
- Son ineffable beauté.
- Oh ! quels transports d'allégresse
- Quand ses yeux baissés sur moi,
- Me diront avec tendresse :
- « Je mourus aussi pour toi !
Puis il me ramena à l'entrée de la Maison, et voici des eaux sortaient de dessous le seuil de la Maison du côté de l'Orient, et les eaux s'écoulaient du côté droit de la Maison, au midi de l'autel.... Quand l'homme fut sorti vers l'Orient - il avait un cordeau à la main - il mesura mille coudées et me fit passer par cette eau : de l'eau jusqu'à la plante des pieds. Il en mesura encore mille et me fit passer dans l'eau : de l'eau jusqu'aux genoux, Il en mesura encore mille - de l'eau jusqu'aux reins. Il en mesura encore mille : c'était un torrent que je ne pouvais traverser.... En me retournant, j'aperçus sur le bord du torrent des arbres en très grand nombre des deux côtés. Et il me dit : Ces eaux s'en vont vers le district oriental ; elles traverseront la plaine et entreront dans la mer (Morte) c'est pour aller à la mer qu'elles coulent, afin que l'eau en redevienne saine.... il y aura de la vie partout où arrivera le torrent et le poisson sera selon son espèce, comme celui de la grande mer et excessivement nombreux ... De chaque côté croîtront toute espèce d'arbres fruitiers .... et leur fruit sera bon à manger et leurs feuilles pour guérir. Ezéch. XLVII, 1-12.
Après la ruine de Jérusalem, il se
fit parmi les Juifs déportés en
Babylonie une sorte de triage. Les uns prirent
rapidement leur parti de l'exil et
s'arrangèrent à vivre en
Chaldée le plus confortablement possible.
Les autres, gardant au coeur le dépôt
sacré de l'amour du pays et de la foi au
vrai Dieu, perdaient le courage de vivre et
suspendaient leurs harpes aux saules du rivage.
Quand les habitants du pays leur demandaient de
jouer quelqu'une de leurs mélodies
nationales, ils ne pouvaient s'y
résoudre ; le souvenir des
cortèges solennels qui montaient à la
maison de l'Éternel au bruit de toutes
sortes d'instruments restait trop vivant à
leur mémoire « Si je t'oublie,
Jérusalem, que ma droite s'oublie ! Que
ma langue s'attache à mon palais, si je ne
me souviens de toi »
(Ps.
CXXXVII, 5, 6).
Dans aucune littérature le
patriotisme n'a fait jaillir des accents aussi
vibrants ; c'est que pour le Juif le sol natal
est le seul lieu où Dieu puisse
véritablement être adoré.
L'Israélite ne concevant de culte possible
qu'au temple de Sion, la
destruction de Jérusalem
et du temple marquait la disparition de l'alliance
de grâce, l'effondrement des
espérances en même temps que la
dispersion de la race.
Ezéchiel, le fils du
sacrificateur Buzi, prêtre lui-même,
reçoit aussi la vision prophétique du
rétablissement d'Israël dans son pays
mais sous un symbole sacerdotal. Il est
transporté auprès d'un temple
gigantesque, situé au centre même de
la Palestine sur une montagne idéale
dominant tout le pays. Et là, dans une
Jérusalem restaurée, se
célèbre à l'Éternel un
nouveau culte plus grandiose, plus spirituel que
l'ancien. Mais ce n'est pas seulement le
rétablissement du passé
qu'Ezéchiel entrevoit. Au chapitre XLVII en
particulier, il contemple symboliquement des
bénédictions spirituelles qui passent
par-dessus les temps prochains et qui n'auront leur
plein accomplissement qu'à l'époque
messianique.
Dans ce temple, le prophète voit
entrer l'Éternel
(chap.
XLIII). C'est maintenant un
véritable sanctuaire. De dessous le seuil,
l'eau pure jaillit, comme dans la vision de
l'Apocalypse « un fleuve d'eau vive
sortait de dessous le trône de Dieu et de
l'Agneau »
(Apoc.
XXII, 1). Cette eau va
grossissant jusqu'à devenir un torrent qu'il
faut traverser à la nage. Et ce torrent se
dirige vers la mer Morte à travers la
plaine. Tout le long de ses bords, des arbres
fruitiers croissent en grand nombre. Les fruits de
ces arbres sont savoureux, les feuilles salutaires.
Partout où passe l'eau c'est la
fécondité et la santé. Le
torrent se jette dans la mer Morte, la purifie et
la rend poissonneuse en sorte que ses bords
déserts se couvrent de
pêcheurs et qu'on voit sécher des
filets là où régnaient la
stérilité et la solitude.
La mer Morte est un lac de 73 km. de
long sur 17, 8 km. de large. Sa surface se trouve
à 394 m. au-dessous du niveau de la
Méditerranée. L'eau en est
saturée de sel et bitumineuse ;
même les poissons de mer y meurent. Le
souvenir qu'elle rappelle sent mauvais. Le nom de
Sodome, dont les ruines gisent dans ses
profondeurs, exprime en notre langue l'infamie dans
la débauche. S'il est un lieu maudit au
monde c'est celui-là. Si l'enfer avait une
issue sur la terre, il semble que c'est là
qu'elle s'ouvrirait. Quand le fleuve miraculeux
l'atteint, cette mer s'assainit et devient
féconde au point que la vie y
pullule.
Sous ce symbole se cache une
prophétie admirable.
Quand le culte israélite aura
recommencé au vieux pays de la promesse,
après le retour de la captivité, la
présence de l'Éternel se manifestera
dans une direction toute nouvelle et donnera
naissance à un torrent de vie, qui sera
l'oeuvre du Messie. Mais cette oeuvre aura un tout
petit commencement. Le Royaume de Dieu, dira
Jésus, est semblable à un homme qui
met en terre un grain de moutarde, qui est la plus
petite des semences. Quand celle-ci a crû,
elle donne naissance au plus grand des
légumes ; les oiseaux du ciel viennent
faire leur nid dans ses branches. Jésus, ses
douze apôtres, ses soixante et dix disciples,
les milliers de la Pentecôte, les dix
milliers de la Gentilité, puis les millions
des extrémités de la terre,
voilà le torrent de la vie qui va
grandissant.
Nous venons d'écrire le mot de
Gentilité. Pour les Juifs la masse des
peuples idolâtres n'était qu'une
« mer Morte », des gens vivant
sous la malédiction, « marchant
dans les ténèbres et habitant au pays
de l'ombre de la mort. » Et voilà
que le prophète contemple et annonce la
prédication universelle de l'Évangile
que d'autres voyants proclameront sous des formes
différentes. « Je changerai les
lèvres des peuples en des lèvres
pures, afin qu'ils invoquent tous le nom de
l'Éternel pour le servir
(littéralement) d'un même
dos »
(Soph.
III, 9). Même les
représentants de toutes les nations
païennes qui se sont le plus mal
montrées à l'égard
d'Israël, auront part à la
bénédiction des derniers temps :
« Tous ceux qui seront
demeurés de reste de toutes les nations qui
se seront élevées contre
Jérusalem, monteront chaque année
pour se prosterner devant le roi, l'Éternel
des armées, et pour célébrer
la fête des tabernacles »
(Zach.
XIV, 16).
« Dans les derniers temps, je
mettrai en repos les captifs de Moab »
(Jér.
XLVIII, 42, 47). Le
même prophète parle identiquement des
Hammonites (XLIX,
6) et Zacharie des
Philistins : « Le Philistin lui
aussi sera réservé pour
l'Éternel notre Dieu »
(IX,
7).
Dans le temps du salut,
l'humanité tout entière soutiendra
avec l'Éternel des relations analogues
à celles que par privilège exclusif
Israël seul avait connues. C'est en s'en
rapportant à cette grande
révélation des prophètes que
Jacques cite ces paroles d'Amos au concile de
Jérusalem - « Après cela je
reviendrai et je relèverai de sa chute la
tente de David, j'en réparerai les ruines et
je la redresserai, afin que le reste
des hommes cherche le Seigneur,
ainsi que toutes les nations sur lesquelles mon nom
est invoqué, dit le Seigneur qui fait ces
choses »
(IX,
11, 12). Au nom de ces
prophéties il tend la main d'association
à Paul et consent à recevoir dans
l'Église ceux des païens qui se
convertissent au Seigneur « sans leur
créer de difficultés ». Si
la mer Morte peut redevenir pure et féconde,
la Gentilité aussi remplira les filets des
pêcheurs d'hommes.
Mais cette action merveilleuse du
torrent d'Ezéchiel, c'est aussi le symbole
de la purification et du renouvellement du coeur de
l'homme et du coeur de ceux qui paraissent
être les membres les plus déchus de
l'humanité. Tel cloaque de grande ville se
transforme par la puissance du Christ en
« un jardin de
l'Éternel ». Tel corps d'homme,
réceptacle de tous les vices, devient un
temple du Saint-Esprit. L'histoire connaît
des histrions, ces prostitués masculins,
produits infâmes de la débauche
raffinée, qui sont devenus de vrais
chrétiens. Et aujourd'hui ces
« mer Morte » assainies nous
les connaissons dans l'Église de Christ.
J'emprunte les lignes suivantes au récit
intitulé : L'Ivrogne-né dans les
« Pots cassés »
(1).
L'Ivrogne-né distribuait ses journaux.
L'ouvrier commanda un verre.
- Allons, bois, vieux ! dit-il en
tendant le verre au converti :
L' « Ivrogne-né »
secoua la tête.
- Allons bois comme un homme !
Qu'est-ce qu'un verre pour toi ? C'est par
litres que tu comptes
- Non.
- Écoute, mon vieux, tu es
pauvre, n'est-ce pas ? Oui.
- Tu as ta vieille et ton môme
à nourrir ?
- Oui.
- Un schilling, c'est quelque chose pour
toi, pas ? Eh bien ! je te donnerai un
schilling, tout net - parole d'honneur, tu l'auras
- si tu bois le verre. Sens-le. Sens-le donc,
vieille bête. Ça sent-il bon !
Allons, bois-le, et gagne ton schilling.
- Jamais.
- Tu ne veux pas ?
- Non.
- Pas pour un schilling ?
- Pas pour mille.
- Sûr ?
- Oui.
- Eh bien, tu l'auras quand
même.
Et, en disant cela, l'ouvrier moqueur
lança tout le contenu du verre à la
figure du vieillard.
Il y eut des rires, qui saluèrent
la bonne blague et la pitoyable figure du vieil
homme ruisselant, qui clignait des yeux, secouait
les gouttes, essuyait le liquide sur sa bouche et
son menton.
- Eh bien ! ça sent bon, mon
vieux ? railla son bourreau. Quel bon parfum
ça a la bière, pas vrai ?
Espèce d'idiot ! Pourquoi ne l'as-tu
pas prise au dedans, et pas au dehors ?
Allons ! je t'en paierai un autre verre. Tu
l'auras. Tu n'auras pas le schilling, mais tu auras
la bière.
- Je n'en veux pas, dit le
vieillard.
Et puis le torrent rend fécond.
L'Évangile fait des vies utiles.
« Sauvé pour servir »,
telle était la devise de Torrey. Les arbres
qui ont grandi au bord du torrent donnent des
fruits nourrissants. Que l'on songe aux Georges
Muller, aux Dr Barnardo, aux Bodelschwingh, aux
Commandi, qui ont nourri, élevé,
relevé des milliers d'orphelins et de
sans-travail, à l'Armée du Salut et
à ses oeuvres sociales !
Leurs feuilles guérissent.
Partout, en Chine, en Inde, en Afrique, chez les
lépreux s'installent des missions
médicales. Chez nous des diaconesses aux
frais bonnets blancs se répartissent les
hôpitaux et les asiles d'incurables. Tandis
que les Dunant, les Florence Nightingale ont mis
tout leur coeur à atténuer les maux
de la guerre par l'organisation du secours aux
blessés.
Le torrent de la grâce passe chez
nous ! Quelques gouttes de son onde salutaire
ont-elles pénétré dans notre
coeur ? Avons-nous bu l'eau qui jaillit en vie
éternelle ? Aspirons-nous à
ressembler à l'arbre
« planté au bord des eaux
courantes et qui rend son fruit en sa
saison » ?
« Autrefois » morts dans nos
fautes, païens dans la chair.... maintenant
rapprochés par le sang de Christ... ?
(Ephés.
II). Autrefois
« mer Morte », aujourd'hui
petit ruisseau d'eau vive ?
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