Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE X

LES ENTRAÎNEMENTS DE LA PASSION

-------

Genèse 39. 7-20.

1. Ce chapitre doit-il être sauté ?

 Jean-Jacques Rousseau commence ses Confessions par ces mots : "Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateurs. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi...

"Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai, ce livre a la main, me présenter devant le souverain Juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pense, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise ; je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon... J’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même, Être éternel."
Quiconque a lu les Confessions conviendra que chaque page de ce livre est empreinte d’une vanité enfantine. Rousseau ne se vante pas seulement de ses actions. bonnes, généreuses, sublimes. mais aussi des indignités dont il s’est rendu coupable. Il croit avoir droit à notre admiration, parce qu’il ose mettre son âme à nu ; il tire gloire de sa franchise. Sa confession est pour lui une expiation, et il estime que l'être éternel qui voit tout, doit non seulement lui pardonner, mais encore le louer hautement.

Un tout autre esprit inspire les Confessions de St-Augustin et celles de tout homme éclairé par la lumière de Dieu. "Ou fuir ?" dit l’évêque d’Hippone, "ou chercher la délivrance des péchés nombreux qui m’accablent ?" Il est un Dieu qui pardonne et qui guérit nos infirmités. Cette certitude est la force et la consolation du coupable.
L’homme qui se connaît lui-même sait que la grâce divine triomphe seule en nous du mal. L’exemple de Joseph nous prouve qu’un enfant de Dieu peut remporter la victoire dans les positions les plus dangereuses, lorsqu’il le veut et qu’il laisse agir en lui l’influence divine. Il ne nous montre pas seulement comment nous devons lutter contre les entraînements de la passion, mais aussi contre tous nos autres péchés.

Les gens timorés estimeront peut-être qu’il vaudrait mieux laisser cet épisode de côté. Si nous suivions leur conseil, la suite du récit deviendrait incompréhensible. Nous enlèverions la partie la plus édifiante de l’histoire de Joseph, celle qui nous laisse lire le plus avant dans son coeur. Il est vrai que la Bible nous retrace les faits sans en rien voiler ; elle nous montre le péché non comme une appétissante friandise, mais comme un redoutable poison. Elle ne nous dit pas, comme les romans modernes, que la faible nature humaine doit forcément succomber à de pareils assauts, mais que le croyant, uni à Dieu, est suffisamment fort pour écraser le serpent. Il est absurde de prétendre que de semblables récits soient dangereux pour les jeunes gens. Jeunes et vieux lisent dans les journaux des choses plus dangereuses encore. Ils y voient le vice honoré et la vertu ridiculisée. Les feuilles quotidiennes donnent le récit détaillé des jugements des tribunaux et s’arrêtent avec prédilection sur les vices les plus honteux. Qu’on se souvienne de l’histoire du prince Rodolphe et de tout ce que la presse a publié à ce sujet. Soyez donc sans inquiétude à l’égard des récits bibliques et de ce que je pourrai en dire.


2. Les dangers de la beauté.

 Joseph avait passé plusieurs paisibles années dans la maison de Potiphar. Quoique esclave, il était devenu un homme savant et influent. Il le dit lui-même : "Mon maître a remis entre mes mains tout ce qui lui appartient. Il n’est pas plus grand que moi dans cette maison, et il ne m’a rien interdit." Quel danger pour lui, dans un tel état de choses, d’oublier l’humilité et la vie de prières avec son Dieu ! La tentation à l’orgueil était déjà redoutable, mais une autre se présente. Joseph était alors dans tout l’éclat de sa virilité. Le jeune homme de dix-sept ans est plus développé en Orient que dans nos climats, et Joseph avait déjà vingt-cinq ans. Il avait atteint son plein épanouissement. Sa beauté l’exposa à une terrible épreuve.

La beauté joue dans l'écriture sainte un rôle important. Les avantages physiques nous y sont présentés comme un don de Dieu. Dieu étant la source de toute beauté, elle est en nous un des traits de l’image divine. Si, dans le monde, elle ne fait que de rares apparitions, la faute en est au péché. Dans le ciel, où le mal et ses conséquences seront anéantis, les rachetés brilleront d’une splendeur dont nous ne pouvons-nous faire aucune idée. Déjà ici-bas, on rencontre parfois une beauté qui semble prophétique et nous introduit par avance dans le monde à venir. Elle se fane vite et celui qui, dans le mariage, est séduit par ses seuls attraits, s’en repentira. La désillusion ne se fait pas attendre, et la répulsion succède à l’adoration. Il se trompe celui qui ne compte que sur ses dons extérieurs pour assurer son bonheur terrestre, sans parler de son bonheur éternel.

Quelque fragile que soit la beauté, elle exerce sur tous les hommes une influence magnétique ; chacun doit veiller à ne pas être séduit par cette enchanteresse. Quand un homme me dit que la grâce extérieure ne fait sur lui aucune impression, je ne le crois pas. Cela fut-il vrai, cela prouverait, non que cet homme est plus pieux que les autres, mais qu’il existe chez lui une lacune.

La beauté physique est un don, mais un don très dangereux. Elle est, pour ceux qui la possèdent, une source de plus de malheurs que la laideur ou les infirmités. Que de fois la beauté du corps n’a-t-elle pas entravé l’épanouissement de l’homme intérieur, qui seul a un grand prix devant Dieu ! Le corps humain est une coquille. Que celle-ci brille des plus ravissantes couleurs, ou que rien en elle n’attire les regards, la perle précieuse qu’elle renferme lui donne seule sa valeur. Combien souvent on gâte les enfants en leur répétant sans cesse qu’ils sont charmants ! Des gens intelligents et sérieux tombent dans cette erreur. Peu de mots suffisent pour ternir la sainte simplicité et la touchante innocence d’un jeune coeur. Des louanges exagérées et des soins de toilette excessifs créent chez l’enfant la coquetterie et tuent la naïveté.

Les avantages extérieurs chez les adultes sont fréquemment une source de perdition pour celui qui les possède. Les hommes adorent la beauté, ils permettent et pardonnent tout à ceux qui la possèdent ; mais, lorsqu’elle est passée, ils n’ont plus pour eux que de compatissants sourires.

Chez les peuples chrétiens, la beauté est plus dangereuse pour la femme que pour l’homme. Il est rare de voir, comme dans notre histoire, la femme pousse l’homme au mal. Le plus souvent, c’est l’homme qui entraîne la femme par ses flatteries, ses louanges, et les autres pièges qu’il lui tend. Même dans les cas où l’éducation et la position de la femme la mettent à l’abri des tentations grossières, les dangers qu’elle court n’en sont pas moins grands. Grisée par les adulations et par l’effet qu’elle produit, elle succombe à la vanité et a l’adoration d’elle-même.

En vain voudrions-nous que ceux qui sont beaux l’ignorassent. Leur tort n’est pas de le savoir, mais d’en tirer vanité. Heureux sont-ils lorsqu’ils comprennent que la pureté de l’esprit et une foi enfantine ont plus de prix que tous les avantages extérieurs, que la beauté n’est qu’une fleur qui se fane, mais que l’âme ou Dieu a sa demeure est destinée à une splendeur éternelle ! Heureux sont-ils lorsqu’ils demandent journellement à Dieu l’humilité et la simplicité, et lorsque éclairés par sa lumière, ils savent distinguer entre ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas !
Joseph nous prouve qu’un homme beau, honore, peut rester humble, croyant, et résister aux plus effroyables tentations.


3. La tentation.

 La joie et la douleur, l’espérance et l’angoisse, la lutte et la paix, la vertu et le vice, sont toujours représentés par les artistes sous des formes féminines, probablement parce que la femme va plus loin que l’homme dans ces divers domaines. La douceur, l’indulgence, l’humilité, la bonté, le dévouement revêtent chez elle des formes plus attrayantes que chez l’homme. Le vice, en revanche, est plus particulièrement repoussant chez le sexe faible. Lorsque la femme renonce à sa noblesse native, lorsqu’elle franchit les bornes prescrites à sa nature, rien ne saurait plus la retenir. L'écriture sainte nous montre, dans Jézabel et Hérodiade des femmes qui ne reculent devant aucun moyen pour assouvir leur haine. La femme de Job pousse si loin l’ironie qu’on croirait entendre un sceptique du XIXe siècle. Le désordre, la malpropreté, le manque de tact sont bien plus repoussants chez la femme que chez l’homme. Et que dire des mauvaises langues des filles d'Eve !... Que dire surtout des femmes qui, comme celle de Potiphar, s’abandonnent à des passions coupables ? Quand une femme veut une chose, elle déploie une énergie, une habileté et une prudence extraordinaires, dans le bien comme dans le mal.

L’épouse de Potiphar met tout en oeuvre pour l’accomplissement de son infâme projet. Elle échoue. La voici seule, repoussée, méprisée. L’angoisse la saisit. Mais tout à coup un moyen de salut s’offre à elle. Avec une hardiesse sans égale, elle rejette toute la faute sur Joseph ; elle ose même accuser son mari d’avoir introduit cet Hébreu dans sa maison pour l’humilier, elle, la femme vertueuse, le modèle des épouses !

Agir ainsi, c’est perdre Joseph ; peu importe, c’est précisément ce qu’elle veut. Son amour s’est changé en haine.
Nous sommes ici en présence d’une intrigue de l’espèce la plus grossière. Nous voyons par là à quel degré d’abjection un être humain arrive quand il met un pied sur la pente du péché. Les Livres saints nous racontent des intrigues de diverses natures. Rappelons Jézabel qui, par fanatisme, fait brûler des prophètes et lapider Naboth pour donner sa vigne à l’insatiable Achab.
Rappelons encore Hérodiade, qui emploie la grâce et la beauté de sa fille pour ensorceler Hérode et lui arracher une promesse imprudente. Elle veut la tête de Jean-Baptiste et l’obtient. Le serviteur de Dieu n’avait-il pas condamné sa conduite ?

Nous tremblons devant une telle méchanceté, mais notre effroi n’a pas de valeur morale. Nous ferions mieux de nous demander si nous sommes sans reproche dans ce domaine, si nous n’avons jamais employé l’arme empoisonnée de la calomnie, si nous n’avons jamais, par envie ou désir de vengeance, détruit la réputation d’un de nos semblables, ou tout au moins mis un point d’interrogation a sa vertu, a ses desseins, à ses bonnes intentions. Mieux vaut rentrer en nous-mêmes que jeter la pierre à ceux qui sont tombés. Cet examen de conscience nous conduira à la tristesse selon Dieu, qui est la source de toute vraie joie. Elle nous conduira aussi — dussions-nous être nous-mêmes au pilori — à rendre à notre prochain l’honneur ou le bonheur que nous avions voulu lui ravir.


4. Lutte et victoire.

 La position de Joseph était terrible, et la tentation bien forte. La suite du récit nous montre qu’elle n’était pas insurmontable, car au milieu des troubles de la passion, le jeune homme eut toujours devant les yeux le Dieu saint avec lequel il marchait. Il contemplait ce Dieu, et puisait en lui la force qui lui était nécessaire. Il en sera de même pour vous, si vous êtes décidés à suivre la bonne route.

Au point de vue terrestre, tout conspirait pour faire tomber Joseph : la voix des sens, celle de la prudence mondaine qui lui conseillait de ne pas déplaire à une femme toute-puissante pour le servir ou pour le perdre. Il pouvait prévoir que sa vengeance serait terrible s’il lui résistait. Il savait aussi que le secret de son péché serait bien garde ; il savait enfin qu’on ne donne jamais raison à un esclave contre la dame de la maison. D’autre part, il y avait les droits de son maître terrestre et ceux de son Maître céleste.
Le souvenir de Potiphar, qui avait confiance en lui et comptait sur sa fidélité, n’aurait pas été assez puissant pour lui donner la victoire. Si Potiphar se fiait à son esclave, c’est qu’il avait reconnu en lui un serviteur de Dieu, et si Joseph était un fidèle esclave, c’est qu’il était un croyant. Le jeune homme se défend tout d’abord en parlant de son chef. "Comment ferais-je un si grand mal ?" dit-il, et il semble qu’il va ajouter : "Et pécherais-je contre mon maître ?" Mais non : "Et pécherais-je contre Dieu ?" Dieu est toujours son argument suprême. Dieu l’a conduit d’une manière merveilleuse, l’a amené dans la maison de Potiphar, lui a donné la sagesse et l’intelligence nécessaires à son travail, a incliné vers lui le coeur de son maître, a permis qu’il fut soumis à cette tentation ; c’est envers Dieu qu’il est responsable, c’est à Dieu qu’il doit obéir avant tout.

Nous voyons ici un nouvel exemple de l’union entre la liberté et la fidélité. Joseph est affranchi du joug des hommes et fidèle envers tous, parce qu’il est fidèle à Dieu et ne dépend que de lui. Se séparer de Dieu, agir contre sa volonté, là est, pense-t-il, le plus grand des maux. Il est d’accord en cela avec St-Chrysostome, qui disait deux mille trois cents ans plus tard : "Le péché est le seul mal." L’esclavage, la prison, la honte, les souffrances corporelles, la perte de la fortune sont choses amères et douloureuses ; mais, si elles nous sont imposées par Dieu, elles ne sont pas des maux. Lorsque nous les acceptons avec foi et soumission, elles sont au contraire un moyen d’arriver à une joie durable. Le péché, en revanche, est toujours un mal, car il nous prive de la paix, du bonheur, de la vie. Si le péché est le seul véritable mal, le pardon est le bien suprême, car tous les autres biens en dépendent. Lorsque nos péchés sont effacés, la vie est transfigurée. La croix de Christ est le garant de notre salut ; elle est, pour ceux qui se repentent, le trône de la miséricorde divine. Voilà pourquoi la lutte contre nous-mêmes n’est jamais inutile. Les grâces expérimentées la rendent possible et efficace.

Pécher, c’est se séparer d’avec Dieu et suivre sa propre volonté. C’est ainsi que pécha Eve. Elle voulut devenir sage par une voie que Dieu lui avait dit être celle de la mort. Elle crut à la voix qui lui insinuait que la désobéissance aux commandements divins lui donnerait la liberté et le bonheur. Les choses n’ont pas changé dès lors. Le mensonge, le meurtre, le vol, la calomnie, la haine, sont au fond des péchés analogues ; c’est la révolte contre la volonté divine. Plus l’opposition est consciente, plus l’homme a été averti, plus il est coupable.

Puisque le péché est une séparation d’avec Dieu, la véritable piété est une union avec lui dans toutes les circonstances. L’âme pieuse est persuadée qu’il n’y a pas de bonheur sans communion avec Dieu, aussi résiste-t-elle à sa volonté et à ses désirs propres pour triompher du mal. Elle ne se laisse pas induire en erreur par le fait que sa foi lui attire la douleur, le mépris ou la persécution. Elle se repose sur le : "Quoi qu’il en soit, c’est en Dieu que mon âme se confie" du Psalmiste ; elle croit que la lumière et le bonheur ne manquera jamais au juste.

Pour quiconque craint Dieu seul, tout doit bien finir. Celui qui veut être véritablement heureux doit choisir la même voie que Joseph, c’est une voie douloureuse, mais les larmes qu’on y répand sont de celles dont il est dit : "Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec chant de triomphe." Si vous êtes vaincus dans une circonstance particulière comme Abraham, Jacob, Moïse, David, Pierre, etc. l’ont été, ne vous découragez pas, Jésus vous donnera la victoire malgré vos défaites.

Joseph est un lutteur si idéal que ceux qui ne regardent que lui seront peut-être tentés de perdre courage sur eux-mêmes. Il est aussi grand dans la soumission que dans la lutte ; ces deux choses vont rarement ensemble. On rencontre, surtout chez le sexe faible, des personnes qui, grâce à leur foi, supportent sans murmure et sans défaillance de longues souffrances ; mais ces mêmes personnes sont souvent faibles quand il s’agit de résister à des incrédules ou de lutter contre le péché. La sainte hardiesse, le joyeux courage nécessaires pour cela leur fait défaut. Luther possédait ces vertus à un haut degré ; elles manquaient à Mélanchthon, son ami intime. En revanche, celui-ci avait une patience qu’on aurait cherchée en vain chez Luther. Ces deux qualités peuvent être réunies. En tout cas, nous devons nous efforcer de les acquérir. Les dispensations divines ont pour but de nous enseigner l’une et l’autre ; soyons-y attentifs, et nous découvrirons ou Dieu veut nous conduire.

L’exemple de Joseph nous montre comment il faut combattre toute espèce de péché. Il avait à la fois une intelligence et une fidélité remarquables, et une belle santé qu’il devait à sa bonne conduite. Une robuste constitution peut seule, en effet, résister à de telles épreuves. La sobriété, le goût du travail, la fidélité et la santé sont le plus souvent liés les uns aux autres. Goethe a dit : "Tout péché reçoit sur la terre déjà son châtiment." Ceci est vrai surtout de l’abus des plaisirs.

Que de victimes les jouissances matérielles ne font-elles pas ! Que de jeunes gens blasés, que de santés ruinées, que d’intelligences obscurcies ! Plus de saine joie ! plus de courage pour le travail ! surtout, plus de respect de soi-même ! Chez les hommes de plaisir, la foi enfantine disparaît, la prière ne peut plus monter vers Dieu, le scepticisme envahit tout. Qu’ils ne se découragent pas néanmoins. Revenez, revenez, enfants prodigues ! apportez votre fardeau à votre Père céleste ; Jésus n’a pas repoussé les esclaves du vice. Pour vous, il est vrai, le retour à la foi est plus difficile que pour d’autres, mais il n’est pas impossible. Vos tentations sont grandes, elles ne sont pas insurmontables. L’exemple de Joseph montre comment on en triomphe.

Marcher avec Dieu est la première sauvegarde contre le péché. Si nous sommes dans la lumière comme il l’est, nous voulons que notre corps soit le temple du St-Esprit. La présence divine nous purifie et nous sanctifie ; elle nous communique des forces que connaît seul l’enfant de Dieu.

Un moyen puissant de combattre l’attrait des plaisirs est un travail assidu et ’accomplissement fidèle du devoir. Il y a, dans un labeur joyeux, un contrepoison contre les maladies morales, tandis que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Si vous êtes jeunes et qu’aucun travail fatigant ne s’impose à vous, créez-vous en un, domptez votre corps par l’exercice, et avant tout gardez-vous de l’intempérance. Le poète Arn se trouva, dans sa jeunesse, en proie aux plus redoutables tentations. Il nous dit lui-même qu’il en triompha par la prière et un travail assidu. Les yeux de ce respectable nonagénaire étaient encore brillants lorsque je le vis un jour passé dans les rues de Bonn.

Pour vous préserver du mal, n’allez pas au-devant de la tentation. Évitez tout ce qui remplit votre esprit de pensées coupables, les oeuvres artistiques en particulier qui échauffent ou empoisonnent votre imagination. La conservation de votre bonheur, de votre paix, de votre joie, est un si grand bien que la jouissance esthétique ne peut être mise avec elle dans la balance. Je ne puis vous faire ici aucune recommandation spéciale, car les natures sont différentes et ce qui fait du mal a l’un, n’en fait aucun n’a l’autre, mais je veux vous mettre en garde contre les livres, les tableaux et les représentations théâtrales qui souillent l’imagination et donnent à l’âme des pensées coupables. L’esprit de Dieu avertira chacun de ce qu’il doit faire dans son cas particulier. "Mais", me direz-vous, "si nous sommes exposés malgré nous à la tentation, que faire ?" Il ne vous reste qu'à fuir, dussiez-vous affronter les moqueries ; la fuite sera votre salut. Bientôt vous serez dans la joie, et les moqueurs dans la tristesse.
Joseph se déroba, non seulement à la femme de Potiphar, mais à lui-même, voulant avant tout conserver la paix avec son Dieu et avec sa conscience.

Le prince d’Orange annonça à son neveu, le grand-duc Frédéric-Guillaume, qu’il accomplirait un jour de grandes choses, parce qu’il l’avait vu fuir le cercle des jeunes gens qui voulaient l’entraîner au mal. Cette fuite ne fit pas de lui un héros, mais sans elle il ne se serait jamais distingué plus tard.

Sans doute, là où la foi en Dieu est considérée comme une folie, la ou règne le naturalisme et ou les mots de péché et de responsabilité ne sont que des fantômes, il n’y a aucune digue contre le mal. "Là où est le corps mort, les aigles s’assembleront." Joseph fut fort parce qu’il marchait avec Dieu. Là sera aussi votre force dans la sainte lutte.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant