Jean-Jacques Rousseau commence ses Confessions par ces
mots : "Je forme
une entreprise qui n’eut jamais
d’exemple, et dont l’exécution
n’aura point d’imitateurs. Je veux
montrer à mes semblables un homme dans toute
la vérité de la nature ; et cet
homme, ce sera moi...
"Que la trompette du jugement dernier sonne quand
elle voudra ; je viendrai, ce livre a la main,
me présenter devant le souverain Juge. Je
dirai hautement : Voilà ce que
j’ai fait, ce que j’ai pense, ce que je
fus. J’ai dit le bien et le mal avec la
même franchise ; je n’ai rien tu de
mauvais, rien ajouté de bon... J’ai
dévoilé mon intérieur tel que
tu l’as vu toi-même, Être
éternel."
Quiconque a lu les Confessions conviendra
que chaque page de ce livre est empreinte
d’une vanité enfantine. Rousseau ne se
vante pas seulement de ses actions. bonnes,
généreuses, sublimes. mais aussi des
indignités dont il s’est rendu
coupable. Il croit avoir droit à notre
admiration, parce qu’il ose mettre son
âme à nu ; il tire gloire de sa
franchise. Sa confession est pour lui une
expiation, et il estime que l'être
éternel qui voit tout, doit non seulement
lui pardonner, mais encore le louer hautement.
Un tout autre esprit inspire les Confessions de St-Augustin
et celles de tout homme
éclairé par la lumière de
Dieu. "Ou fuir ?" dit
l’évêque d’Hippone, "ou
chercher la délivrance des
péchés nombreux qui
m’accablent ?" Il est un Dieu qui
pardonne et qui guérit nos
infirmités. Cette certitude est la force et
la consolation du coupable.
L’homme qui se connaît lui-même
sait que la grâce divine triomphe seule en
nous du mal. L’exemple de Joseph nous prouve
qu’un enfant de Dieu peut remporter la
victoire dans les positions les plus dangereuses,
lorsqu’il le veut et qu’il laisse agir en
lui l’influence divine. Il ne nous montre pas
seulement comment nous devons lutter contre les
entraînements de la passion, mais aussi
contre tous nos autres péchés.
Les gens timorés estimeront peut-être
qu’il vaudrait mieux laisser cet
épisode de côté. Si nous
suivions leur conseil, la suite du récit
deviendrait incompréhensible. Nous
enlèverions la partie la plus
édifiante de l’histoire de Joseph,
celle qui nous laisse lire le plus avant dans son
coeur. Il est vrai que la Bible nous retrace les
faits sans en rien voiler ; elle nous montre
le péché non comme une
appétissante friandise, mais comme un
redoutable poison. Elle ne nous dit pas, comme les
romans modernes, que la faible nature humaine doit
forcément succomber à de pareils
assauts, mais que le croyant, uni à Dieu,
est suffisamment fort pour écraser le
serpent. Il est absurde de prétendre que de
semblables récits soient dangereux pour les
jeunes gens. Jeunes et vieux lisent dans les
journaux des choses plus dangereuses encore. Ils y
voient le vice honoré et la vertu
ridiculisée. Les feuilles quotidiennes
donnent le récit détaillé des
jugements des tribunaux et s’arrêtent
avec prédilection sur les vices les plus
honteux. Qu’on se souvienne de l’histoire
du prince Rodolphe et de tout ce que la presse a
publié à ce sujet. Soyez donc sans
inquiétude à l’égard des
récits bibliques et de ce que je pourrai en
dire.
Joseph avait passé plusieurs paisibles
années dans la maison de Potiphar. Quoique
esclave, il était devenu un homme savant et
influent. Il le dit lui-même : "Mon
maître a remis entre mes mains tout ce qui
lui appartient. Il n’est pas plus grand que
moi dans cette maison, et il ne m’a rien
interdit." Quel danger pour lui, dans un tel
état de choses, d’oublier
l’humilité et la vie de prières
avec son Dieu ! La tentation à
l’orgueil était déjà
redoutable, mais une autre se présente.
Joseph était alors dans tout
l’éclat de sa virilité. Le jeune
homme de dix-sept ans est plus
développé en Orient que dans nos
climats, et Joseph avait déjà
vingt-cinq ans. Il avait atteint son plein
épanouissement. Sa beauté
l’exposa à une terrible
épreuve.
La beauté joue dans l'écriture sainte
un rôle important. Les avantages physiques
nous y sont présentés comme un don de
Dieu. Dieu étant la source de toute
beauté, elle est en nous un des traits de
l’image divine. Si, dans le monde, elle ne
fait que de rares apparitions, la faute en est au
péché. Dans le ciel, où le mal
et ses conséquences seront anéantis,
les rachetés brilleront d’une splendeur
dont nous ne pouvons-nous faire aucune idée.
Déjà ici-bas, on rencontre parfois
une beauté qui semble prophétique et
nous introduit par avance dans le monde à
venir. Elle se fane vite et celui qui, dans le
mariage, est séduit par ses seuls attraits,
s’en repentira. La désillusion ne se
fait pas attendre, et la répulsion
succède à l’adoration. Il se
trompe celui qui ne compte que sur ses dons
extérieurs pour assurer son bonheur
terrestre, sans parler de son bonheur
éternel.
Quelque fragile que soit la beauté, elle
exerce sur tous les hommes une influence
magnétique ; chacun doit veiller
à ne pas être séduit par cette
enchanteresse. Quand un homme me dit que la
grâce extérieure ne fait sur lui
aucune impression, je ne le crois pas. Cela fut-il
vrai, cela prouverait, non que cet homme est plus
pieux que les autres, mais qu’il existe chez
lui une lacune.
La beauté physique est un don, mais un don
très dangereux. Elle est, pour ceux qui la
possèdent, une source de plus de malheurs
que la laideur ou les infirmités. Que de
fois la beauté du corps n’a-t-elle pas
entravé l’épanouissement de
l’homme intérieur, qui seul a un grand
prix devant Dieu ! Le corps humain est une
coquille. Que celle-ci brille des plus ravissantes
couleurs, ou que rien en elle n’attire les
regards, la perle précieuse qu’elle
renferme lui donne seule sa valeur. Combien souvent
on gâte les enfants en leur
répétant sans cesse qu’ils sont
charmants ! Des gens intelligents et
sérieux tombent dans cette erreur. Peu de
mots suffisent pour ternir la sainte
simplicité et la touchante innocence
d’un jeune coeur. Des louanges
exagérées et des soins de toilette
excessifs créent chez l’enfant la
coquetterie et tuent la naïveté.
Les avantages extérieurs chez les adultes
sont fréquemment une source de perdition
pour celui qui les possède. Les hommes
adorent la beauté, ils permettent et
pardonnent tout à ceux qui la
possèdent ; mais, lorsqu’elle est
passée, ils n’ont plus pour eux que de
compatissants sourires.
Chez les peuples chrétiens, la beauté
est plus dangereuse pour la femme que pour
l’homme. Il est rare de voir, comme dans notre
histoire, la femme pousse l’homme au mal. Le
plus souvent, c’est l’homme qui
entraîne la femme par ses flatteries, ses
louanges, et les autres pièges qu’il
lui tend. Même dans les cas où
l’éducation et la position de la femme
la mettent à l’abri des tentations
grossières, les dangers qu’elle court
n’en sont pas moins grands. Grisée par
les adulations et par l’effet qu’elle
produit, elle succombe à la vanité et
a l’adoration d’elle-même.
En vain voudrions-nous que ceux qui sont beaux
l’ignorassent. Leur tort n’est pas de le
savoir, mais d’en tirer vanité. Heureux
sont-ils lorsqu’ils comprennent que la
pureté de l’esprit et une foi enfantine
ont plus de prix que tous les avantages
extérieurs, que la beauté n’est
qu’une fleur qui se fane, mais que
l’âme ou Dieu a sa demeure est
destinée à une splendeur
éternelle ! Heureux sont-ils
lorsqu’ils demandent journellement à
Dieu l’humilité et la
simplicité, et lorsque
éclairés par sa lumière, ils
savent distinguer entre ce qui a de la valeur et ce
qui n’en a pas !
Joseph nous prouve qu’un homme beau, honore,
peut rester humble, croyant, et résister aux
plus effroyables tentations.
La joie et la douleur, l’espérance
et l’angoisse, la lutte et la paix, la vertu
et le vice, sont toujours représentés
par les artistes sous des formes féminines,
probablement parce que la femme va plus loin que
l’homme dans ces divers domaines. La douceur,
l’indulgence, l’humilité, la
bonté, le dévouement revêtent
chez elle des formes plus attrayantes que chez
l’homme. Le vice, en revanche, est plus
particulièrement repoussant chez le sexe
faible. Lorsque la femme renonce à sa
noblesse native, lorsqu’elle franchit les
bornes prescrites à sa nature, rien ne
saurait plus la retenir. L'écriture sainte
nous montre, dans Jézabel et
Hérodiade des femmes qui ne reculent devant
aucun moyen pour assouvir leur haine. La femme de
Job pousse si loin l’ironie qu’on
croirait entendre un sceptique du XIXe
siècle. Le désordre, la
malpropreté, le manque de tact sont bien
plus repoussants chez la femme que chez
l’homme. Et que dire des mauvaises langues des
filles d'Eve !... Que dire surtout des femmes
qui, comme celle de Potiphar, s’abandonnent
à des passions coupables ? Quand une
femme veut une chose, elle déploie une
énergie, une habileté et une prudence
extraordinaires, dans le bien comme dans le
mal.
L’épouse de Potiphar met tout en oeuvre
pour l’accomplissement de son infâme
projet. Elle échoue. La voici seule,
repoussée, méprisée.
L’angoisse la saisit. Mais tout à coup
un moyen de salut s’offre à elle. Avec
une hardiesse sans égale, elle rejette toute
la faute sur Joseph ; elle ose même
accuser son mari d’avoir introduit cet
Hébreu dans sa maison pour l’humilier,
elle, la femme vertueuse, le modèle des
épouses !
Agir ainsi, c’est perdre Joseph ; peu
importe, c’est précisément ce
qu’elle veut. Son amour s’est
changé en haine.
Nous sommes ici en présence d’une
intrigue de l’espèce la plus
grossière. Nous voyons par là
à quel degré d’abjection un
être humain arrive quand il met un pied sur
la pente du péché. Les Livres saints
nous racontent des intrigues de diverses natures.
Rappelons Jézabel qui, par fanatisme, fait
brûler des prophètes et lapider Naboth
pour donner sa vigne à l’insatiable
Achab.
Rappelons encore Hérodiade, qui emploie la
grâce et la beauté de sa fille pour
ensorceler Hérode et lui arracher une
promesse imprudente. Elle veut la tête de
Jean-Baptiste et l’obtient. Le serviteur de
Dieu n’avait-il pas condamné sa
conduite ?
Nous tremblons devant une telle
méchanceté, mais notre effroi
n’a pas de valeur morale. Nous ferions mieux
de nous demander si nous sommes sans reproche dans
ce domaine, si nous n’avons jamais
employé l’arme empoisonnée de la
calomnie, si nous n’avons jamais, par envie ou
désir de vengeance, détruit la
réputation d’un de nos semblables, ou
tout au moins mis un point d’interrogation a
sa vertu, a ses desseins, à ses bonnes
intentions. Mieux vaut rentrer en nous-mêmes
que jeter la pierre à ceux qui sont
tombés. Cet examen de conscience nous
conduira à la tristesse selon Dieu, qui est
la source de toute vraie joie. Elle nous conduira
aussi — dussions-nous être
nous-mêmes au pilori — à rendre
à notre prochain l’honneur ou le
bonheur que nous avions voulu lui ravir.
La position de Joseph était terrible, et
la tentation bien forte. La suite du récit
nous montre qu’elle n’était pas
insurmontable, car au milieu des troubles de la
passion, le jeune homme eut toujours devant les
yeux le Dieu saint avec lequel il marchait. Il
contemplait ce Dieu, et puisait en lui la force qui
lui était nécessaire. Il en sera de
même pour vous, si vous êtes
décidés à suivre la bonne
route.
Au point de vue terrestre, tout conspirait pour
faire tomber Joseph : la voix des sens, celle
de la prudence mondaine qui lui conseillait de ne
pas déplaire à une femme
toute-puissante pour le servir ou pour le perdre.
Il pouvait prévoir que sa vengeance serait
terrible s’il lui résistait. Il savait
aussi que le secret de son péché
serait bien garde ; il savait enfin qu’on
ne donne jamais raison à un esclave contre
la dame de la maison. D’autre part, il y avait
les droits de son maître terrestre et ceux de
son Maître céleste.
Le souvenir de Potiphar, qui avait confiance en lui
et comptait sur sa fidélité,
n’aurait pas été assez puissant
pour lui donner la victoire. Si Potiphar se fiait
à son esclave, c’est qu’il avait
reconnu en lui un serviteur de Dieu, et si Joseph
était un fidèle esclave, c’est
qu’il était un croyant. Le jeune homme
se défend tout d’abord en parlant de
son chef. "Comment ferais-je un si grand
mal ?" dit-il, et il semble qu’il va
ajouter : "Et pécherais-je contre mon
maître ?" Mais non : "Et
pécherais-je contre Dieu ?" Dieu est
toujours son argument suprême. Dieu l’a
conduit d’une manière merveilleuse,
l’a amené dans la maison de Potiphar,
lui a donné la sagesse et
l’intelligence nécessaires à son
travail, a incliné vers lui le coeur de son
maître, a permis qu’il fut soumis
à cette tentation ; c’est envers
Dieu qu’il est responsable, c’est
à Dieu qu’il doit obéir avant
tout.
Nous voyons ici un nouvel exemple de l’union
entre la liberté et la
fidélité. Joseph est affranchi du
joug des hommes et fidèle envers tous, parce
qu’il est fidèle à Dieu et ne
dépend que de lui. Se séparer de
Dieu, agir contre sa volonté, là est,
pense-t-il, le plus grand des maux. Il est
d’accord en cela avec St-Chrysostome, qui
disait deux mille trois cents ans plus tard :
"Le péché est le seul mal."
L’esclavage, la prison, la honte, les
souffrances corporelles, la perte de la fortune
sont choses amères et douloureuses ;
mais, si elles nous sont imposées par Dieu,
elles ne sont pas des maux. Lorsque nous les
acceptons avec foi et soumission, elles sont au
contraire un moyen d’arriver à une joie
durable. Le péché, en revanche, est
toujours un mal, car il nous prive de la paix, du
bonheur, de la vie. Si le péché est
le seul véritable mal, le pardon est le bien
suprême, car tous les autres biens en
dépendent. Lorsque nos péchés
sont effacés, la vie est
transfigurée. La croix de Christ est le
garant de notre salut ; elle est, pour ceux
qui se repentent, le trône de la
miséricorde divine. Voilà pourquoi la
lutte contre nous-mêmes n’est jamais
inutile. Les grâces
expérimentées la rendent possible et
efficace.
Pécher, c’est se séparer
d’avec Dieu et suivre sa propre
volonté. C’est ainsi que pécha
Eve. Elle voulut devenir sage par une voie que Dieu
lui avait dit être celle de la mort. Elle
crut à la voix qui lui insinuait que la
désobéissance aux commandements
divins lui donnerait la liberté et le
bonheur. Les choses n’ont pas changé
dès lors. Le mensonge, le meurtre, le vol,
la calomnie, la haine, sont au fond des
péchés analogues ; c’est la
révolte contre la volonté divine.
Plus l’opposition est consciente, plus
l’homme a été averti, plus il
est coupable.
Puisque le péché est une
séparation d’avec Dieu, la
véritable piété est une union
avec lui dans toutes les circonstances.
L’âme pieuse est persuadée
qu’il n’y a pas de bonheur sans communion
avec Dieu, aussi résiste-t-elle à sa
volonté et à ses désirs
propres pour triompher du mal. Elle ne se laisse
pas induire en erreur par le fait que sa foi lui
attire la douleur, le mépris ou la
persécution. Elle se repose sur le :
"Quoi qu’il en soit, c’est en Dieu que
mon âme se confie" du Psalmiste ; elle
croit que la lumière et le bonheur ne
manquera jamais au juste.
Pour quiconque craint Dieu seul, tout doit bien
finir. Celui qui veut être
véritablement heureux doit choisir la
même voie que Joseph, c’est une voie
douloureuse, mais les larmes qu’on y
répand sont de celles dont il est dit :
"Ceux qui sèment avec larmes moissonneront
avec chant de triomphe." Si vous êtes vaincus
dans une circonstance particulière comme
Abraham, Jacob, Moïse, David, Pierre, etc.
l’ont été, ne vous
découragez pas, Jésus vous donnera la
victoire malgré vos défaites.
Joseph est un lutteur si idéal que ceux qui
ne regardent que lui seront peut-être
tentés de perdre courage sur
eux-mêmes. Il est aussi grand dans la
soumission que dans la lutte ; ces deux choses
vont rarement ensemble. On rencontre, surtout chez
le sexe faible, des personnes qui, grâce
à leur foi, supportent sans murmure et sans
défaillance de longues souffrances ;
mais ces mêmes personnes sont souvent faibles
quand il s’agit de résister à
des incrédules ou de lutter contre le
péché. La sainte hardiesse, le joyeux
courage nécessaires pour cela leur fait
défaut. Luther possédait ces vertus
à un haut degré ; elles
manquaient à Mélanchthon, son ami
intime. En revanche, celui-ci avait une patience
qu’on aurait cherchée en vain chez
Luther. Ces deux qualités peuvent être
réunies. En tout cas, nous devons nous
efforcer de les acquérir. Les dispensations
divines ont pour but de nous enseigner l’une
et l’autre ; soyons-y attentifs, et nous
découvrirons ou Dieu veut nous conduire.
L’exemple de Joseph nous montre comment il
faut combattre toute espèce de
péché. Il avait à la fois une
intelligence et une fidélité
remarquables, et une belle santé qu’il
devait à sa bonne conduite. Une robuste
constitution peut seule, en effet, résister
à de telles épreuves. La
sobriété, le goût du travail,
la fidélité et la santé sont
le plus souvent liés les uns aux autres.
Goethe a dit : "Tout péché
reçoit sur la terre déjà son
châtiment." Ceci est vrai surtout de
l’abus des plaisirs.
Que de victimes les jouissances matérielles
ne font-elles pas ! Que de jeunes gens
blasés, que de santés ruinées,
que d’intelligences obscurcies ! Plus de
saine joie ! plus de courage pour le
travail ! surtout, plus de respect de
soi-même ! Chez les hommes de plaisir,
la foi enfantine disparaît, la prière
ne peut plus monter vers Dieu, le scepticisme
envahit tout. Qu’ils ne se découragent
pas néanmoins. Revenez, revenez, enfants
prodigues ! apportez votre fardeau à
votre Père céleste ;
Jésus n’a pas repoussé les
esclaves du vice. Pour vous, il est vrai, le retour
à la foi est plus difficile que pour
d’autres, mais il n’est pas impossible.
Vos tentations sont grandes, elles ne sont pas
insurmontables. L’exemple de Joseph montre
comment on en triomphe.
Marcher avec Dieu est la première sauvegarde
contre le péché. Si nous sommes dans
la lumière comme il l’est, nous voulons
que notre corps soit le temple du St-Esprit. La
présence divine nous purifie et nous
sanctifie ; elle nous communique des forces
que connaît seul l’enfant de Dieu.
Un moyen puissant de combattre l’attrait des
plaisirs est un travail assidu et
’accomplissement fidèle du devoir. Il y
a, dans un labeur joyeux, un contrepoison contre
les maladies morales, tandis que
l’oisiveté est la mère de tous
les vices. Si vous êtes jeunes et
qu’aucun travail fatigant ne s’impose
à vous, créez-vous en un, domptez
votre corps par l’exercice, et avant tout
gardez-vous de l’intempérance. Le
poète Arn se trouva, dans sa jeunesse, en
proie aux plus redoutables tentations. Il nous dit
lui-même qu’il en triompha par la
prière et un travail assidu. Les yeux de ce
respectable nonagénaire étaient
encore brillants lorsque je le vis un jour
passé dans les rues de Bonn.
Pour vous préserver du mal, n’allez pas
au-devant de la tentation. Évitez tout ce
qui remplit votre esprit de pensées
coupables, les oeuvres artistiques en particulier
qui échauffent ou empoisonnent votre
imagination. La conservation de votre bonheur, de
votre paix, de votre joie, est un si grand bien que
la jouissance esthétique ne peut être
mise avec elle dans la balance. Je ne puis vous
faire ici aucune recommandation spéciale,
car les natures sont différentes et ce qui
fait du mal a l’un, n’en fait aucun
n’a l’autre, mais je veux vous mettre en
garde contre les livres, les tableaux et les
représentations théâtrales qui
souillent l’imagination et donnent à
l’âme des pensées coupables.
L’esprit de Dieu avertira chacun de ce
qu’il doit faire dans son cas particulier.
"Mais", me direz-vous, "si nous sommes
exposés malgré nous à la
tentation, que faire ?" Il ne vous reste
qu'à fuir, dussiez-vous affronter les
moqueries ; la fuite sera votre salut.
Bientôt vous serez dans la joie, et les
moqueurs dans la tristesse.
Joseph se déroba, non seulement à la
femme de Potiphar, mais à lui-même,
voulant avant tout conserver la paix avec son Dieu
et avec sa conscience.
Le prince d’Orange annonça à son
neveu, le grand-duc
Frédéric-Guillaume, qu’il
accomplirait un jour de grandes choses, parce
qu’il l’avait vu fuir le cercle des
jeunes gens qui voulaient l’entraîner au
mal. Cette fuite ne fit pas de lui un héros,
mais sans elle il ne se serait jamais
distingué plus tard.
Sans doute, là où la foi en Dieu est
considérée comme une folie, la ou
règne le naturalisme et ou les mots de
péché et de responsabilité ne
sont que des fantômes, il n’y a aucune
digue contre le mal. "Là où est le
corps mort, les aigles s’assembleront." Joseph
fut fort parce qu’il marchait avec Dieu.
Là sera aussi votre force dans la sainte
lutte.
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