UN SAINT DES
TEMPS MODERNES
FÉLIX
NEFF
VI. - La Voix de la Vallée
La Biaysse
Le Val de Freissinières ! Ces mots
glissent comme un ruisseau dans la paix du soir...
Dormillouse ! hameau du Val de
Freissinières, posé sur le bord d'un
précipice en face d'un paysage tout bleu
rayé par le trait blanc des cascades.
Benjamin VALLOTTON.
La Biaysse ! cette rumeur fait partie en
quelque sorte du paysage. Elle en est la musique
intime et majestueuse. C'est un hymne de travail et
de triomphe, chanté à pleine voix
sous le ciel bleu, sous l'ardeur du soleil, au midi
d'un beau jour d'été, dans
l'activité sereine des moissons et des
fenaisons.
Charles VALLOTTON.
-
Elle accourt avec joie, au bruit
des flots d'argent D'où monte
vers le ciel la voix de la
Vallée.
- Naguère elle entonnait la
chanson désolée
- De l'onde qui fuyait un horizon
sanglant ;
-
- Aujourd'hui, dans les soirs des
étés finissants
- Et dans la majesté de la
nuit étoilée,
- Cette onde est un écho
d'une Âme inviolée
- Et semble un chant d'amour aux
surhumains accents.
-
- Devant les pics géants,
sous les mélèzes d'or,
- S'exalte l'hymne heureux et,
dans un large essor, L'hosanna de la
paix s'envole vers les cimes.
-
- Dormillouse (*) est l'autel
dressé par les aïeux
- Dont la Biaysse redit le nom
harmonieux
- Éclairant les sommets
glacés et leurs
abîmes.
(*) Dormillouse, à environ
deux mille mètres d'altitude, est
le nom patois de la marmotte ou dormeuse.
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VII - Devant les cimes de
Dormillouse
Si leur pays avait été accessible
et habitable, ils eussent été
exterminés comme les Vaudois de
Val-Louise.
J'ai cru voir quelque
étincelle de réveil. Je
désirerais ne pas quitter cette
contrée où la moisson est grande
...
C'était comme une
résurrection !
Je commence même à leur
traduire l'Évangile en patois
Provençal.
Félix NEFF.
Il est difficile d'imaginer terre plus tragique
que ce recoin des Alpes Briançonnaises
où corps et âmes ont souffert tout ce
qu'il pouvait souffrir. Parfois, sans doute, entre
deux orages, une accalmie, l'espoir
ressuscité, jusqu'au jour ou l'avalanche
écrasait tout, avalanche de pierrailles
descendue des monts chauves, avalanche humaine plus
cruelle encore.
Benjamin
VALLOTTON.
-
Aïeux de Dormillouse et de
la Vallouise,
- C'est toujours votre voix qui se
mêle à la brise,
- Qui s'élève sans
fin des rives des torrents
- Vers les sommets neigeux, les
glaciers transparents.
- Dans la plainte des pins
couronnant Freissinières
- Le murmure des bois se
mêle à vos
prières
- Et la Biaysse, où se mire
un passé glorieux,
- Dans son onde a gardé vos
traits mystérieux
- Les aïeux sont
présents sur cette rude
terre
- Que couronne là haut
l'alpage solitaire.
- Sur les pentes s'allonge un
sillage éclatant
- Dont la pourpre ressemble
à des mares de sang
- Et sur les cimes, quand
descendent les
ténèbres,
- Se lèvent ô
martyrs, vos légions
funèbres
- Tous ils voulaient servir la
seule vérité ;
- Ils mouraient sous la Croix et
pour la liberté.
- Des siècles sur ces morts
étendent leur suaire,
- Et Dormillouse veille ainsi
qu'un sanctuaire
- Sur le Val grandiose où
dorment ces héros
- Dont nous parle la voix avec la
voix des flots
- C'est le galop des
dragonnades
- Qu'on entend au bruit des
cascades.
- 0 vieux mélèzes
des forêts
- Dont l'ombre a
d'étranges reflets,
- Biaysse élevant dans
le silence
- Un chant qui ne se tait
jamais,
- Vous étiez les
témoins de cette
« malheurance »
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VIII. - Sur les bords de la
Biaysse
Le passe répond de
l'avenir !
(inscription gravée sur la
porte d'entrée de Briançon)
Neff a travaillé, il y a cent ans, au
réveil d'une des régions les plus
déshéritées de notre France.
Par son esprit d'abnégation, par sa foi
admirable, par sa largeur de vues aussi bien que
par ses préoccupations d'ordre social, il a
mérité le titre d'Apôtre des
Hautes-Alpes.
A. GALLAND.
Quiconque aime à la fois la montagne et
le Midi ne peut manquer de reconnaître en
Freissinières une des vallées
alpestres les plus belles et les plus attachantes
que l'on puisse voir.
Charles VALLOTTON.
- Cet hymne vibrant
d'allégresse
- Célébrant les
sommets
- Sous leurs
mélèzes, c'est la
Biaysse
- Aux horizons de paix.
- Son onde pure et
transparente
- Et ses flots de cristal
- Le long de leur rive
odorante
- Entonnent un chant
triomphal.
- Elle est la Voix de la
Vallée,
- Échos très
lointain des aïeux,
- Et quand la nuit est
étoilée
- C'est tout un passé
fastueux,
- Dont rien n'égale la
noblesse,
- Qui s'éveille
majestueux
- Sur les bords de la Biaysse.
- Couvrant tous les cris
d'autrefois,
- C'est un hymne de
délivrance
- Dont la Biaysse emplit les
grands bois
- Et, dans la plaine, la Durance
- À ce chant vient unir sa
voix
- Sur la terre de sang
trempée
- Où ressuscite une
Épopée !
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IX & X - Au pays de Félix
Neff
Horizons de Genève
Et du lac Léman
Genève, la cité de Félix
Neff. qui fut au siècle dernier le berceau
providentiel de la Croix-Rouge, est devenu le
siège de cette Société des
Nations, dont l'idéal chrétien est
« la guerre hors la loi », et
apparaît comme une capitale mondiale,
internationale, servant de trait d'union entre les
peuples. a Post tenebras lux, reste sa noble
devise.
Devant leur Lac pacifique, Lausanne
et Genève sont actuellement deux des
métropoles les plus importantes de cette
Rhodanie fraternelle qui solidarise dans un
même idéal latin et dans leurs
intérêts communs tous les riverains du
Rhône, sans distinction de frontières,
des bords du Léman aux bords de la
Méditerranée.
Edg. DE V.
1° Horizons de
Genève
À la mémoire
de Frédéric de Stoutz.
- C'est l'austère
cité chère aux
Réformateurs.
- Dans l'étroite ruelle on
croit entrevoir Bèze
- Escorté de Calvin,
discutant
d'exégèse ;
- Les
« escholiers » font
cercle autour des deux docteurs.
-
- Éprise des exploits
d'aïeux libérateurs,
- Genève garde au coeur ce
feu que rien n'apaise,
- La passion du Droit, et reste
une fournaise
- Où bouillonnent sans fin
les pensers novateurs.
-
- Saint-Pierre avec ses tours
domine au loin la rade
- Quand de gais carillons
célèbrent
« l'Escalade »,
- La foule glorifie un Jour de
liberté.
-
- Ici le monde vit planer sur ses
querelles
- « La Croix
Rouge ».., et la Paix tente
d'ouvrir ses ailes
- Sur l'Europe meurtrie et sur
l'Humanité !
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2° Horizons du Lac
Léman
En mémoire de mes
amis
Ernest des Essarts et Alex. de
Stourdza.
- De glaciers en glaciers, le
Rhône Valaisan
- Semble précipiter son
cours. Rien ne l'arrête
- Il va vers le soleil ! Et
son onde discrète
- Vient d'un rêve enchanter
les rives du Léman.
-
- Sous l'Alpe, cheminant
mystérieusement,
- On devine cette onde
apaisée et muette,
- Et la voile latine au cri de la
mouette
- Prend son vol et s'ébat
sur le fleuve dormant.
-
- En ces golfes d'azur à la
grève fleurie
- Apparaît ton mirage,
ô lointaine patrie
- Des Îles de lumière
aux parfums enivrants !
-
- Ce Lac limpide, avec sa paix
virgilienne,
- Évoque la splendeur
méditerranéenne
- Des grands horizons d'or sous
leurs cieux
transparents.
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