Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE X

En brouette, en route pour le district d'Antong.

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 District d'Antony, Vendredi soir, 11 Mai.

Se peut-il qu'il n'y ait que deux jours que j'ai écrit pour la dernière fois dans mon journal ? Il me semble qu'il y a deux mois qu'à la tranquille clarté des étoiles je m'appuyais sur le rebord de la fenêtre de notre petite chambre à Tsing-kiang-pu. Rien n'est arrivé comme nous le pensions, sauf la présence et les bontés continuelles de notre Père céleste qui, du reste, ont surpassé notre attente.
Il est tard, Lottie et moi nous nous sommes retirées pour la nuit. Assise sur mon lit, j'écris sur mes genoux à la lueur d'une lampe perchée au-dessus de la figure de ma compagne endormie. Qu'il me semble étrange de me trouver dans cette grande et sombre chambre, avec cette lampe fumeuse qui projette d'immenses ombres, et nos aimables visiteurs les rats qui se font entendre de tous côtés.

 Samedi matin, 12 Mai.

Hier soir ma lumière attirait trop l'attention de nos hôtes ; je n'ai pas pu continuer à vous écrire, aussi dois-je essayer de le faire pendant le jour. Il m'est cependant bien difficile de penser et d'écrire quand je me vois, comme maintenant, entourée d'une foule de ces pauvres gens qui m'examinent de toutes façons, qui s'étonnent et font sur le moindre objet que je porte ou dont je me sers, toutes sortes de remarques que je comprends à peine, et qui même mettent la main sur tout ce qui excite leur curiosité.

Jeudi matin à Tsing-kiang-pu, nous étions debout de bonne heure nous préparant pour notre longue journée de voyage ; la distance qui nous séparait de notre ferme près d'Antong n'était que de quarante kilomètres, mais il ne nous fallait pas moins de dix heures pour la franchir, dix heures en brouette ! Un voyage difficile à décrire, je vous assure ; je n'y pensais pas sans appréhension, mais maintenant je suis reconnaissante que cela ait été si supportable et même parfois agréable, quand du moins les routes étaient passables.

Nous eûmes beaucoup de peine à arranger nos paquets sur nos brouettes, cependant à sept heures nous étions en route. La matinée était brillante et radieuse, mais si chaude ! Le soleil était brûlant, que devait-il donc être plus tard ? Nous partîmes à pied et Mary nous accompagna quelque temps.
Nous traversons d'abord un quartier tranquille qui longe intérieurement les remparts de la ville, mais bientôt nous arrivons sur une place où se croisent des rues fréquentées. Il faut nous séparer. Hélas ! une séparation à la chinoise ! Nous ne pouvons que nous serrer les mains pour exprimer toute l'émotion qui remplit notre coeur ; en Angleterre nous nous embrasserions, mais ici nous ne le pouvons pas. Nous restons debout l'une à côté de l'autre et nous chantons doucement ces paroles d'un de nos cantiques qui nous sont si chères:

« Te suivre, Jésus, te suivre !
En tout temps, en tous lieux,
Je veux te suivre ! »

 Nous les chantons en chinois, ce qui nous les rend plus douces encore et nous fait mieux sentir notre privilège de suivre réellement Jésus en cherchant ses brebis perdues, celles des « autres bergeries. » Puis nous exprimons tout ce que nous pourrions dire encore par un dernier regard d'affection, et nous montrant le ciel, nous nous séparons prenant chacune son chemin. Mary retourne à l'oeuvre dans notre chère station de Tsing-kiang-pu, et nous, nous partons sans savoir exactement où nous allons, nous cherchons le lieu que Dieu nous a préparé, nous confiant dans ses directions.


En brouette!

Nous nous engageons donc dans les rues fréquentées ; et bien que l'heure soit matinale, tout y est bruit et confusion. Une fois dans les champs, nous montons sur nos brouettes. Ces véhicules nous paraissent si étranges, si comiques ! Ils sont indescriptibles ; mais comment se fait-il qu'ils soient devenus le principal moyen de locomotion en Chine ? La forme de ces brouettes varie beaucoup, les nôtres sont tout à fait plates, formées d'un large plateau triangulaire reposant sur une roue ; mais je n'ai pas le temps de vous les décrire ni de vous dire les impressions très variées qu'elles nous ont fait éprouver. Notre première halte a lieu dans un beau verger de cerisiers sous le frais ombrage desquels nous nous reposons pendant que les hommes qui poussent nos brouettes fument leurs longues pipes tout près de nous. Nous ne restons pas longtemps seules ; des femmes nous aperçoivent et arrivent de tous côtés, aussi Lottie parle-t-elle bientôt à un nombreux groupe réuni sous les cerisiers.

 Mais nos hommes sont impatients de se remettre en route, et nous partons, laissant quelques évangiles à cet aimable peuple.

Notre étape suivante est dans l'ancien lit du Fleuve Jaune. C'est avec un vif intérêt que nous nous arrêtons sur la berge élevée de l'ancien fleuve, contemplant cet immense lit presque desséché et pensant à ce courant formidable qui, il n'y a que peu d'années, roulait ses eaux sur ce même sable et qui maintenant encore menace de reprendre sa course première. Une troupe d'hommes est à l'oeuvre, nettoyant et élargissant le lit du cours d'eau qui coule tout au fond du lit de l'ancien fleuve. Mais pensent-ils que leur travail puisse servir à quelque chose ? Ils n'ont pas l'air de le croire ; tant ils travaillent lentement et négligemment. Si vraiment le puissant fleuve menace de reprendre son ancien lit, il faudrait dix fois plus d'hommes à l'oeuvre et surtout il faudrait qu'ils fussent réellement à l'oeuvre et non jouant machinalement à sauver des vies humaines.
Quelle image frappante de la manière dont l'Église travaille pour le salut du monde, pour les quatre cent cinquante millions de Chinois par exemple !

Nous suivons nos brouettes en bas les pentes raides jusque tout au fond du lit boueux ; là un bac nous attend et nous transporte, nous et nos brouettes, sur l'autre rive du petit cours d'eau ; nous gravissons les pentes escarpées du rivage opposé et nous voici de nouveau dans les vertes campagnes ; nous traversons une immense étendue plate et sablonneuse puis nous rentrons dans les champs de blé....

Il est inutile que j'essaie de continuer à écrire, il faut que je remette cela à ce soir bien décidée cette fois à écrire de nuit. Depuis que j'ai commencé cette page, on m'a amené quatre malades à soigner, trois cas médicaux et un cas de chirurgie. Heureusement que j'ai avec moi ma petite trousse et ma petite pharmacie et que les cas sont très simples. Hier soir, on m'a amené un pauvre petit qui avait la petite vérole et je dois l'aller voir aujourd'hui : ce n'est pas peu de chose pour mon inexpérience.

 9 heures du soir, même jour.

Voici maintenant le soir d'une journée longue et pleine d'événements. Lottie fait le culte avec les gens de la maison, chères âmes ! et je me suis échappée (ce qui est merveilleux) pour être seule dans notre chambre à coucher et profiter de quelques moments tranquilles pour écrire ; je continue le récit de notre voyage.
Nous avons donc poursuivi notre course à travers des champs de blé sans fin, une véritable mer d'épis dorés ondulant sous la brise, parsemée de beaucoup d'arbres, de cottages et de petits hameaux.

Vers midi, nous atteignons une petite ville où nous nous arrêtons, dans une rue tranquille, devant un magasin de thé de bonne apparence, pour y prendre notre repas. Devant la maison s'étend un toit d'herbe soutenu par de hautes perches. Cet endroit ombragé, pourvu de tables et de bancs, nous offre une retraite charmante ; nous y prenons place dans la douce perspective d'y jouir de quelques minutes de repos ; mais notre attente est bien trompée. En un clin d'oeil la ville est informée de notre arrivée et le peuple arrive en foule de tous côtés. Quelle multitude ! En un instant nous sommes complètement entourées ; nous ne voyons plus que faces olivâtres et yeux noirs brillants braqués sur nous de toutes parts. C'était une belle occasion d'annoncer notre message, aussi pendant que je prépare le déjeuner, Lottie et San-sa annoncent la Bonne Nouvelle à tous.

Le repas prêt, nous nous asseyons au milieu de la foule, nous buvons notre thé, et nous mangeons notre pain et nos oeufs durs avec tout le calme possible. Mais avec quelle curiosité cette multitude d'yeux noirs veillent sur tous nos mouvements, et avec quelle activité toutes ces langues se démènent pour faire à notre sujet toutes les remarques possibles ! Nous étions heureuses de n'avoir que très peu d'objets étrangers sur nous ; nous n'en avions guère d'autre que le crayon avec lequel j'écris mes notes et le sel blanc avec lequel nous mangions nos oeufs. (Mais non ! j'oublie ! il y avait encore nos bas et les longues manches d'une veste qui ne pouvaient manquer de les frapper dans l'examen minutieux qu'ils nous faisaient subir. C'était peu de chose et cependant nous aurions désiré voir ces objets étrangers bien loin de nous.)
Nos conducteurs pressés de repartir ne nous laissent pas le temps de nous reposer ; nous saluons donc cette foule amicale et nous nous replaçons sur nos brouettes.

L'après-midi nous atteignons un autre grand village dont les chers habitants viennent à notre rencontre et nous retiennent fort amicalement une demi-heure en conversation sur la grande route ; ils sont très intéressés par tout ce que nous disons. Comme nous nous éloignons, ils nous rappellent et nous invitent à rester dans leur village nous offrant un gîte. Mais le soleil se couche et nous nous hâtons ; nous voici de nouveau dans les champs de blé et nous perdons bientôt de vue les murs de boue des maisons du village.

Oh ! qu'elles sont paisibles et riantes ces vertes campagnes qui s'étendent à perte de vue de tous côtés, baignées par les flots de lumière dorée que répand un splendide coucher de soleil ! Rien ne marque la séparation des champs, si ce n'est par ci par là un fossé, un cours d'eau ; et ces blés, maintenant dans toute leur fraîcheur et leur beauté, ondulant doucement sous le vent, nous font l'effet d'une mer sans limites, douce et paisible. Les sentiers et les routes qui sillonnent la contrée sont entièrement cachés dans cet océan de verdure, et, même à une très petite distance, les gens qui approchent semblent émerger d'une mer dont les vagues gracieuses les recouvrent jusqu'à mi-corps.

Le paysage est vraiment d'une beauté merveilleuse. On distingue une multitude de fermes disséminées dans toutes les directions ; les divers bâtiments qui composent chacune d'elles sont groupés sous les arbres ; et l'on voit de toutes parts la population qui reprend le chemin du foyer après cette longue et brûlante journée.

Devant combien de centaines de ces maisons basses à toits de chaume avons-nous pas passé pendant cette journée de voyage ! Chacune de ces maisons renferme une nombreuse famille de trois générations au moins, c'est tout un clan, fils, belles-filles, enfants et petits enfants. Et cependant il n'y a pas là une seule âme qui connaisse le beau nom de Jésus et qui puisse contempler avec joie, au delà des nuages, ces glorieuses demeures que le Seigneur désire voir remplies d'êtres semblables à eux. Pas même une !

Riante vallées...

 

 Et personne pour leur montrer le chemin ! personne pour « les contraindre d'entrer ! » Et pourtant combien de portes ouvertes de tous côtés ! Et quel glorieux privilège (nous en faisons l'expérience) que d'aller, ambassadeurs de Jésus-Christ, porter son invitation royale, fortifiés par sa grâce toute puissante ! Ambassadeurs bien humbles et cependant constamment environnés de la présence du Roi, conversant sans cesse avec Lui, nous reposant dans son amour qui jamais ne change.
Notre voyage ne peut durer longtemps encore, nous devons approcher du lieu que Dieu nous a préparé.

Il y a deux semaines que nous avons quitté Yang-chau, et que nous voyageons par terre et par eau.... enfin ! voici le petit groupe de maisons. Nous traversons l'étroite passerelle jetée sur le petit cours d'eau qui fuit sous les arbres devant la ferme, et nous nous arrêtons devant la haute muraille de pisé qui entoure les bâtiments principaux, la maison du maître chez qui nous sommes attendus et celles de ses deux frères.
De chaque côté de ce grand enclos se trouvent les petits cottages des ouvriers employés dans la propriété.

La porte d'osier étant ouverte, nous entrons dans l'enclos qui renferme trois cours, chacune d'elles entourée de murailles intérieures. Devant nous se trouve une première cour, une seconde est à gauche, la troisième se trouve par derrière.

 Nous entrons dans la première en passant par la porte intérieure qui se trouve devant nous et nous nous trouvons en face de la maison du frère aîné dont nous venons visiter la femme et les filles ; pour atteindre cette maison, nous passons devant le grand bâtiment qui renferme la cuisine ainsi que devant plusieurs autres bâtiments qui se trouvent à droite et à gauche, La jeune fille de la maison vient à notre rencontre ; c'est une douce et aimable fille de vingt-un ans, la seule de la famille qui ne soit pas mariée et qui par conséquent soit restée à la maison. Elle, sa mère et une de ses belles-soeurs qui tient un bébé dans ses bras nous conduisent à la salle de réception. Quelles sont aimables ! mais si calmes, si timides ! et chose étrange, elles semblent avoir peur de nous.

Nous nous asseyons, et pendant le silence qui suit, je regarde autour demoi ; peu s'en faut alors que le coeur ne me défaille. Est-il possible que nous devions demeurer ici ? Cette chambre qui est toujours sombre m'apparaît encore plus sombre dans l'obscurité du soir ; je la vois horriblement triste. Elle est haute et grande, cinq mètres sur six environ, mais sale, oh ! sale ! vous ne pouvez vous le figurer. Pas de fenêtre, cela va sans dire ; la seule ouverture c'est la porte qui est toujours ouverte.

L'ameublement consiste en une table, deux chaises et un ou deux petits bancs de grossier bois. Du sol humide, sale et boueux, je porte les yeux sur les murailles, oh ! quelle saleté ! et le toit qui sert de plafond ! quels nids de poussière et de toiles d'araignées ! Pendant un moment d'angoisse je me demande s'il sera possible de séjourner dans un pareil endroit.

Heureusement que le silence est rompu par Lottie ; elle dit que nous serions heureuses de nous retirer dans notre chambre si cela ne dérange personne. Notre ménagère toujours timide et silencieuse nous conduit alors à l'une des deux pièces qui ouvrent sur celle où nous sommes, du côté opposé à la porte ; l'entrée, en est fermée par deux vieux rideaux de coton bleu, pas des plus propres, je vous assure. Notre hôtesse soulève un des rideaux et nous introduit dans une pièce parfaitement obscure ; nous n'y distinguons absolument rien, par contre nous y sentons une odeur abominable que je n'essayerai pas de définir. Au bout de quelques instants cependant nous distinguons les lignes noires d'une énorme armoire de bois qui s'avance jusqu'au milieu de la chambre, et dans l'enfoncement nous découvrons un lit d'apparence très suspecte.

Le peu de lumière qui nous permet de faire ces découvertes arrive par une toute petite fenêtre si haut placée et si bien garnie d'épais barreaux que nous ne pouvions la discerner d'emblée. Quelques instants après, nos yeux s'accoutumant à l'obscurité, nous voyons les murailles, le sol, le toit. Hélas ! C'est comme dans l'autre chambre, c'est encore plus humide, plus sale et plus couvert de toiles d'araignées, si possible. Une ou deux vieilles caisses, des bancs et une table boiteuse placée sous la fenêtre, complètent l'ameublement de la chambre ; sans parler de toutes sortes d'objets jetés dans tous les coins et d'une corde tendue au travers de la chambre, à laquelle corde pendent, pour sécher apparemment, quantité de vêtements de triste apparence. Nous nous regardons en silence, Lottie et moi, et surtout nous regardons En Haut ....

Comme tout est silencieux ici ! Personne qui vienne nous voir ! San-sa et les deux chrétiens indigènes qui nous ont accompagnées dans notre voyage nous manquent terriblement. Il ne leur est pas permis d'approcher, car c'est ici l'appartement des femmes. Nous ne voyons absolument que nos trois hôtesses et quelques enfants qui viennent en silence nous examiner ; entre eux tous c'est à peine s'ils disent un mot.

Le riz et les oeufs durs sont servis ; avec le thé, c'est notre repas du soir. Le thé et le silence ! Après le thé, nous espérons pouvoir rassembler tous les gens de la maison pour le culte du soir ; mais le père nous fait dire que sa fille est jeune et non mariée, que, par conséquent, aucun homme ne doit approcher de l'appartement où elle se trouve, et qu'elle ne doit pas davantage approcher des autres appartements. Nous prions donc où nous sommes avec elle et sa mère. Elle est si douce, si aimable ; mais si tranquille !

Après cela, étant fatiguées, nous allons nous coucher, mais nos aimables hôtesses ne nous perdent pas de vue un seul instant. Lottie me dit alors qu'elle a appris d'un des hommes de notre escorte que le principal des trois frères dans la propriété desquels nous sommes, s'oppose grandement à ce que nous y restions ; il désire nous voir partir au plus tôt.

Nous lisons, nous prions ensemble, Lottie et moi, nous nous déshabillons, et toujours nos amies, avec tous les enfants, sont là sur le seuil de la porte nous observant dans le plus grand silence. À part ces pauvres créatures, nous ne voyons personne ; on dirait que pas une âme ne se trouve dans notre voisinage.

Il me semble que j'ai été subitement enfermée dans quelque sombre Zénana. Nous sommes, en effet, retranchées du reste de l'humanité ; les hautes murailles de boue qui nous enferment nous séparent même absolument de la délicieuse nature qui les entoure. Enfin nous nous glissons dans notre lit, mais même alors nos silencieux amis ne songent pas à quitter la chambre : ils continuent à nous observer.
Nous les prions d'éteindre la chandelle, ce qu'ils font obligeamment, et, pour autant que je puis le savoir, ils se retirent dans l'obscurité.

Enfin le silence n'est plus accompagné de gêne ; je cesse de souffrir de mon incapacité à parler à ces chers Chinois ; et Lottie peut se reposer des efforts qu'elle a dû faire toute la soirée malgré la fatigue de notre voyage.

Mais maintenant se pose la question : Que faire ? Si le frère ne veut pas que nous restions ici, devons-nous essayer d'y rester ? et de quelle utilité cela pourrait-il être si personne ne vient à nous ? Et si nous ne devons pas rester ici, où aller ? Nous ne connaissons aucune autre maison et les deux chrétiens indigènes de la contrée ne peuvent rien faire pour nous. Comme tout est différent de ce que nous attendions, et quelle étrange position que la nôtre ! Nous sommes très préoccupées, mais nous nous endormons regardant en Haut et bien assurées d'une chose, c'est que le Dieu qui nous a amenées ici saura se glorifier par notre moyen ; il fera de nous une bénédiction pour les âmes, quoique nous ne puissions voir comment.

 
Celui qui n'est prêt à

prêcher l'Évangile partout,

n'est prêt à le prêcher nulle part.

CHAPITRE XI

Dans une ferme chinoise.


 Le jour suivant se lève brillant et radieux ; avant cinq heures nous sommes sur pied saluées par nos bonnes hôtesses qui viennent assister à notre toilette tout en faisant la leur qui est des plus simples. Quel soulagement que de pouvoir s'échapper de là, la Bible à la main, pour jouir du grand air et des rayons du soleil ! Je cherche toute seule mon chemin à travers les cours, et me voici, bientôt au-delà des hautes murailles de boue. Oh ! que la campagne est belle ! Devant moi est l'aire où l'on bat et moud le blé, où on lave le riz et où l'on fait mainte autre opération agricole ; au delà clapotent les eaux d'un petit lac bordé d'arbres, puis à perte de vue les blés verdoyants, les arbres et les cottages dont je vous ai parlé.

Au premier plan, scène délicieuse ! c'est notre cher San-sa et Tsuci-ning, assis sur une meule et méditant leur Nouveau Testament ; je les entends qui discutent sur le premier chapitre de Jean. C'est avec un coeur heureux que nous rentrons pour le déjeuner qui est prêt à six heures. Le menu est toujours le même : riz, oeufs durs et thé. (Que ferons-nous si nous ne pouvons nous procurer d'autre nourriture ?)

Nos bonnes hôtesses ne veulent pas que San-sa fasse rien pour nous, ainsi qu'il en a l'habitude ; du reste, il est tenu rigoureusement au delà de notre cour intérieure. Au surplus, elles refusent de recevoir le prix convenu pour notre pension ; elles veulent nous traiter comme des hôtes ; ce qui fait naturellement que nous ne pouvons rester longtemps ici.


Ferme chinoise. le père de famille lisant: "Le Livre du Ciel".

 Au surplus un des frères désire nous voir partir et voilà que pendant le déjeuner Lottie découvre que la bonne femme elle-même a peur que nous restions ici. Des bandes de voleurs très dangereux errent dans le voisinage et elle craint que notre présence étant connue, ils ne viennent tomber sur la ferme. Nous lui disons en conséquence que nous voulons partir au plus tôt. Mais nous sommes bien en peine ; où aller ? Nous n'avons pas eu le temps de faire des connaissances ; nous n'avons pas même pu nous arrêter dans la petite ville qui est près d'ici, et quant aux deux chrétiens qui demeurent dans le voisinage, leurs maisons sont trop petites pour nous recevoir. De plus Lottie est très souffrante et moi je suis loin d'être bien. Nous regardons en Haut.

Après avoir prié avec les femmes de la maison, nous allons visiter quelques cottages voisins où chacun écoute avec intérêt la Bonne Nouvelle du salut, puis conduits par Chang-sien-seng, un de nos compagnons de voyage chrétiens ; nous nous enfonçons dans les champs de blé. Nous n'avons dit à personne nos difficultés, excepté au Seigneur et à San-sa.

À peu de distance, nous atteignons un petit cottage qui fait partie d'un hameau. Une vieille femme nommée Ten-nai-nai, personne aimable et pleine d'énergie se présente et nous souhaite la bienvenue dans son aimable demeure. La chambre est bientôt remplie de gens auxquels Lottie et San-sa annoncent l'Évangile ; quant à moi, j'écoute et je prie avec délices, soupirant toutefois après le moment où je pourrai parler comme ma compagne.

À notre grande, mais bien joyeuse surprise, nous découvrons que notre chère, vieille femme n'est pas seulement une âme anxieuse, mais une vraie croyante, quoique dans l'ignorance. Sa bonté ne peut être surpassée ; elle insiste pour que nous prenions de la nourriture et pendant qu'elle la prépare elle nous fait reposer dans son autre chambre. Avant de la quitter, Lottie lui dit que nous aimerions beaucoup pouvoir passer au besoin une nuit chez elle, si c'était possible. Immédiatement sa figure s'illumine et, pleine d'affection, elle nous dit combien nous serions les bienvenues ; qu'elle nous donnerait la chambre intérieure (celle où nous étions), et qu'elle voudrait nous recevoir non pas une nuit mais une année. Chère femme ! elle ne sait pas combien son offre nous réjouit. Nous convenons de venir chez elle le dimanche matin pour présider le culte dans sa chambre de réception ; puis nous la quittons pour visiter d'autres maisons, remerciant le Seigneur pour cette porte ouverte en cas de besoin.

Après une bonne journée employée à visiter plusieurs petits groupes de maisons, dans chacune desquelles la foule se rassemble, nous revenons à la ferme par la fraîcheur du soir. Nos bonnes hôtesses se montrent très joyeuses de nous revoir ; elles ont préparé pour nous un souper vraiment somptueux qu'elles nous servent dans la chambre de réception. Nous en sommes remplies de reconnaissance. Il y a du thé, cela va sans dire, puis une sorte de pain rôti, du riz dans de grands plats, du poulet découpé en petits morceaux à piquer à la baguette, une assiette de légumes verts et des oeufs frits. Nos amies nous regardent manger avec le plus grand intérêt, et je n'en suis pas trop intimidée, car je commence à manier assez bien les baguettes ; quant à Lottie, depuis trois ans qu'elle est en Chine, elle est passée maîtresse.

Nous faisons ensuite le culte avec ces chères femmes. Il est délicieux de voir la jeune fille buvant les paroles de vie de notre précieuse Bible, puis priant agenouillée auprès de nous. Elle est une vraie chrétienne, fruit de la visite d'une de nos soeurs dans cette maison. Elle n'a jamais été baptisée, mais elle désire l'être. La mère et la belle-soeur s'agenouillent aussi avec nous et semblent profondément touchées. Cher peuple ! ces gens sont si bons, si bons, si affectueux !

Le samedi matin, nous eûmes une grande surprise. Le second frère qui s'était d'abord si fortement opposé à notre présence dans la ferme, devint tout à coup notre plus grand ami. Il nous offre un logement dans les bâtiments qui lui appartiennent, un magnifique logement ! Belle salle qui ouvre sur la cour d'entrée, et qui, a servi à une école de garçons. Elle est très claire, les fenêtres y sont grandes et nombreuses. Elle est en outre élevée et fraîche, et mesure environ neuf mètres de longueur sur six de largeur. Le propriétaire nous offre d'y faire une cloison pour nous y ménager une chambre à coucher ; et nous pourrions tenir des réunions dans la plus grande des pièces. Notre surprise n'est égalée que par notre joie. Dans les grandes chaleurs qui approchent, cette salle sera d'une fraîcheur délicieuse ; en outre, on y jouit d'une vue que nous apprécions beaucoup : par dessus les hautes murailles de boue on aperçoit le sommet de nos chers arbres si verts et de plus un magnifique coin de ciel ! Le propriétaire nous offre tout cela pour trois dollars par mois ; il se montre charmant dans toute cette affaire.
Nous pouvons à peine en croire nos oreilles et peu s'en faut que nous n'acceptions son offre immédiatement, comme venant du Seigneur, mais nous remettons notre réponse au soir, afin d'avoir le temps de prier et de réfléchir. Notre ami Chang-sien-seng nous conseille d'accepter tout de suite pour cinq mois ; mais nous y voyons un grand inconvénient. Cette salle serait délicieuse pour nous, mais atteindrions-nous le peuple qui nous entoure ? il ne semble guère venir ici. Il est vrai que nous pouvons visiter les hameaux voisins, mais les terribles chaleurs qui approchent vont grandement empêcher nos courses, et si l'on ne vient pas à nous, notre temps sera perdu.


NANG-KIA-TSIH.

 La ville voisine, Nang-kia-tsih, serait un meilleur centre d'évangélisation et peut-être pourrions-nous y trouver un logement ; il faut examiner cela avant de prendre une décision. En conséquence, nous partons en brouette, le samedi après-midi, pour cette ville ; nos fidèles amis San-sa, Shen-u-ling et Chan-sien-seng nous accompagnent. C'est jour de marché à Nang-kia-tsih, aussi prenons-nous un grand nombre d'évangiles pour les y vendre.

Une fois engagés dans les champs de blé, nous nous souvenons que nous n'avons pas prié ensemble d'une manière spéciale pour le but de notre expédition ; nous nous jetons à genoux sur place, à la grande surprise des hommes qui poussent nos brouettes, et nous remettons tout ce qui nous préoccupe entre les mains de notre Père céleste. Pendant que nous prions, un bruissement se fait entendre de tous côtés dans les blés, je lève les yeux et je vois ces chers, ces braves gens arriver à nous de toutes parts. - Quand ils sont rassemblés autour de nous, nous leur annonçons l'Évangile ; un homme très intelligent et qui semble profondément ému nous adresse alors plusieurs questions. Il n'a pas d'argent sur lui et il est fort ennuyé de ne pouvoir acheter un évangile ; nous lui en donnons un et il nous promet de le lire.

La ville de Nang-kia-tsih est toute en mouvement par suite du marché ; les rues principales sont encombrées de monde. Nous les parcourons pour arriver an plus grand débit de thé et y laisser nos brouettes. Pendant une heure ou deux la foule nous environne, foule compacte de paysans qui, je pense, n'ont jamais vu d'étrangers. Quelle ardeur ils mettent tous à venir nous entendre, nous contempler, nous toucher ! Nous sommes la plupart du temps divisés en trois bandes et nous nous efforçons de leur faire entendre l'Évangile. Quant à Lottie et à moi, on nous écoute parfois, mais auprès de nous, c'est le bruit qui domine. Au coucher du soleil, les paysans demeurant au loin sont obligés de se retirer, nous avons alors un peu de relâche et nous en profitons pour visiter la ville.

À notre grande joie, nous découvrons une maison vide au centre de la ville, dans la rue principale ; nos amis s'informent et apprennent qu'elle est à louer. Ce que nous en voyons n'est pas très engageant, mais nous pensons devoir nous l'assurer, si possible.
Revenues à la maison, nous trouvons nos amis les fermiers un peu moins anxieux quant aux voleurs, car ils ont appris que le chef d'une bande a été pris et décapité le jour précédent.

LE DIMANCHE MATIN de bonne heure nous nous dirigeons vers la chaumière de la chère vieille Ten-nai-nai pour notre petite réunion de chrétiens. Réunion vraiment bénie ! petite poignée d'humbles croyants, six en tout, mais le Seigneur nous a fait si vivement sentir sa présence ! Au milieu de nos prières, arrive Shen-u-ling accompagné d'un étranger. Quelles figures radieuses ! Bien que fatigués de leur longue marche sous un soleil brûlant, ils sont tout heureux de se voir au milieu de nous et se joignent aussitôt à nos prières. Quand nous avons fini, Shen-u-ling nous présente son ami, nommé Chang, c'est un homme d'âge mûr, à l'extérieur agréable ; et quelle n'est pas notre joie quand nous découvrons que c'est un enfant de Dieu ! Il n'avait jamais assisté à un culte chrétien, jamais entendu le chant d'un cantique, jamais vu d'autre chrétien que Shen-u-ling. Des larmes jaillissent de mes yeux quand je contemple sa figure rayonnante et quand je l'entends dire combien il est joyeux de se trouver enfin au milieu de frères et de soeurs qui aiment son Sauveur.

Quelle scène touchante que de voir tous ses frères et soeurs qui l'entourent et lui souhaitent la bienvenue au nom du Seigneur ! Il ne connaît la vérité que depuis deux mois ; ce n'est que par un Évangile, sans le secours d'aucun homme, qu'il a été amené au Sauveur. Après cela, il vint de temps en temps chez Schen-u-ling pour apprendre à mieux connaître la voie de Dieu. Sa joie de nous voir est grande. Il a beaucoup de persécutions à endurer de la part de sa propre famille.

Nous sommes heureuses d'apprendre qu'il demeure tout près de Niang-kiatsih et qu'il désire beaucoup que quelque chrétien puisse visiter sa famille.
Il reste avec nous, ainsi que Shen-u-ling, et nous passons un moment béni dans la méditation du premier chapitre de la première épître aux Thessaloniciens. Quand il s'en retourne à travers les blés verdoyants, nous chantons en plein air, avant de nous séparer :

Ken-Sui, Ken-Sui, O, pih Ken-Sui Kiu-chu.
(« Te suivre, ô Jésus ! te suivre, partout et toujours ! »)

 Moment béni ! puis nos garçons l'accompagnent.
Quand la chaleur du jour est passée, nous visitons les fermes du voisinage. Quels délicieux moments ! Jamais les femmes n'ont paru si joyeuses de nous voir. L'une d'elles qui a entendu l'Évangile pour la première fois, l'autre jour, quand nous sommes venues la voir, paraît avoir accepté Jésus pour sonSauveur. C'est touchant de voir quel zèle elle met à augmenter sa connaissance des choses de Dieu ; nous passions devant sa chaumière quand elle vint nous supplier de lui en apprendre davantage. Avec quelle joie nous le fîmes ! Elle est très malade, elle est atteinte de consomption ; je lui ai donné un remède qui paraît avoir calmé sa toux et elle en est si reconnaissante ! Pendant que nous sommes chez elle, notre ami Chang-sien-seng vient nous demander d'aller visiter une autre maison. Nous y allons et nous avons là une magnifique occasion de prêcher l'Évangile. Une des chères femmes de la famille qui nous reçoit cherche la vérité avec ardeur ; elle sera bénie, j'en suis sûre.

Après être restées assez longtemps dans cette maison, nous revenons au logis ; il est plus de sept heures ; mais nous sommes arrêtées par un groupe de femmes complètement inconnues qui nous invitent si instamment à venir chez elles, que nous les suivons joyeusement ; un petit garçon, de leurs enfants, nous prend même à toutes deux les mains et nous force à venir dans leur maison, où nous avons encore une belle occasion d'annoncer le salut. Après y être restées longtemps, nous voulons nous en aller, mais elles ne veulent pas en entendre parler, elles nous prennent par les mains et par nos vêtements et nous font rasseoir. Cependant après nous avoir gardées encore longtemps, voyant qu'il est tard, les hommes de la maison insistent pour nous ramener au logis dans leurs propres brouettes.

Nous avions envoyé ce matin un messager prendre des informations au sujet de la maison à louer de Nang-kia-tsih, et en rentrant dans notre chère ferme, nous apprenons que le propriétaire ne veut pas nous la louer. Il avait d'abord bien reçu nos propositions ; mais ensuite il objecta que si nous venions dans sa maison, la ville tout entière embrasserait bientôt notre doctrine et qu'alors peut-être le mandarin viendrait et lui couperait la tête.

Je suis profondément convaincue que le Seigneur va bénir abondamment cette contrée ; il est extrêmement réjouissant de voir comme Il conduit toutes choses et comme Il incline les coeurs en notre faveur. Quel que soit le résultat, il sera à sa gloire. Nous le louons et nous nous réjouissons en Lui.


Le mandarin

 Je suis profondément convaincue que le Seigneur va bénir abondamment cette contrée ; il est extrêmement réjouissant de voir comme Il conduit toutes choses et comme Il incline les coeurs en notre faveur. Quel que soit le résultat, il sera à sa gloire. Nous le louons et nous nous réjouissons en Lui. Maintenant que nos hôtes voient que notre départ va devenir une réalité, ils sont remplis de regrets ; il nous supplient de rester et nous promettent toutes sortes d'agréments. Nous sommes vraiment tristes à la pensée de les quitter.
Je leur donnais aujourd'hui des explications sur les pages que j'écris ; je leur disais que c'était des lettres pour mes parents auxquels je raconte toutes les bontés que nous recevons ici. « Ma mère, ma bien-aimée mère, leur disais-je, vous remercie de tout son coeur pour les bontés que vous avez pour moi. » Et la jeune fille répondit avec vivacité : « Puh sie sie ! puh sie sie !) c'est nous qui la remercions ! c'est nous qui la remercions ! » Que le Seigneur les bénisse et les récompense pour tout le bien qu'il nous font ! Il est tard, tout est silencieux dans la maison, chacun dort. J'aimerais profiter de cette tranquillité si rare pour vous dire les grâces dont Dieu nous comble sans cesse, mais je dois m'arrêter. Je suis frappée des glorieuses capacités qui se trouvent en germe dans ce cher peuple, aptitudes de l'intelligence, de coeur et de l'âme, capacité pour tout ce qui est bien ; le fait est certain, en dépit de tant d'autres choses qui pourraient décourager le missionnaire.

 Oh ! quelles portes ouvertes pour l'Évangile chez ces chères âmes qui en ont faim et soif ! Il serait impossible de ne pas les aimer ; mon amour pour elles, ne fait qu'augmenter.

 Mardi matin, 15 Mai.

Bien que ce ne soit que 6 h. 30 du matin, trois malades sont déjà venus me consulter. L'une d'entre elles, une chère femme ! est atteinte de consomption, elle est très faible et cependant elle a fait quatre kilomètres pour venir ici. J'ai fait tout ce que je pouvais pour elle ; bien peu, vu mon ignorance ; et maintenant la chère Lottie lui parle de notre bien-aimé Sauveur qui peut lui donner un nouveau corps aussi bien qu'un nouveau coeur, et une splendide demeure là où il n'y aura plus ni peine ni douleur. Il est extrêmement touchant de voir l'intérêt qu'elle prend aux choses qui lui sont dites et comment elle suit d'une voix tremblante les prières adressées à Celui qui seul peut la secourir. Ah ! certainement qu'il répondra à sa prière, Lui dont l'oreille est toujours ouverte au cri des affligés.

 Même jour, 8 h. du soir.

Nous venons de rentrer après avoir fait des visites tout l'après-midi. La première maison que nous avons visitée était celle d'une grande ferme. Dès qu'on nous aperçut, les gens accoururent de tous les champs et de toutes les maisons des alentours. Devant les bâtiments de la ferme se trouve l'aire, vaste place qui était tout à fait propre, on y apporta des bancs et l'on nous pressa de nous asseoir. Les femmes se rassemblèrent autour de nous, aussi près que possible, nous prenant les mains et nous les caressant ; Lottie leur parla, nous chantâmes, et pendant ce temps elles me donnaient leurs bébés à soigner. Cher peuple ! comme tous étaient contents, simples, affectueux ! Les hommes formaient le cercle extérieur ; en dix minutes nous avons eu de quarante à cinquante personnes autour de nous, sans compter les nombreux enfants, et c'était dans un endroit fort écarté, à cinq kilomètres de tout village, et sans avoir cherché à rassembler personne. Oh ! quel pays populeux !

Nous sommes restées là environ une heure, notre auditoire ayant témoigné le plus grand intérêt pour l'Évangile et ayant fait preuve d'une intelligence remarquable. Guidées par plusieurs des femmes qui nous avaient écoutées, nous vînmes ensuite au groupe de maisons le plus rapproché, et nous eûmes là la répétition de la même scène. Cher peuple ! ces gens se montraient si bons ! Ils insistèrent bientôt pour nous faire prendre du thé et des oeufs. Nous acceptâmes, et tous restèrent pour nous regarder manoeuvrer nos baguettes et manger.

Au coucher du soleil nous reprenions le chemin de la maison à travers les paisibles champs de blé. En approchant d'ici, les bâtiments bruns de notre ferme et ses grands arbres se dessinant sur l'azur du ciel, avaient un aspect vraiment délicieux. Nous nous arrêtâmes un moment pour contempler la splendeur du ciel et des campagnes et pour nous entretenir du jour où Jésus paraîtra dans la gloire ; puis nous nous agenouillâmes et répandîmes notre coeur devant Dieu ; quelques minutes après nous étions à la ferme.

En ce moment, pendant que j'écris, j'entends la chère Lottie qui, dans l'autre chambre, de l'autre côté du rideau, préside au culte du soir avec les femmes de la maison. Elles ont chanté le cantique : « Jésus m'aime, » et maintenant elles prient. Les portes sont toutes fortement barricadées à cause des bandes de voleurs qui infestent toujours le voisinage, et comme la nuit est très chaude, et qu'il n'y a pas de fenêtres à nos chambres, l'atmosphère y est très étouffée.

 Mercredi après-midi, 16 Mai.

TOUT est enfin décidé quant au lieu que nous devons habiter. Tout va pour le mieux, mais bien différemment de ce que nous avions pensé. Nous avons reçu ce matin la réponse de Nang-kia-tsih ; le mandarin ne consent pas à ce que nous allions nous y établir, le propriétaire de la petite maison n'ose donc pas nous recevoir. Nous avions, beaucoup prié, demandant au Seigneur qu'il mit obstacle à notre établissement dans cette ville, s'il ne le jugeait pas convenable ; aussi, bien que surprises de la nouvelle qui nous arrive, nous n'en sommes nullement désappointées. Le Seigneur « a pourvu à quelque chose de meilleur pour nous » et nous commençons à nous en apercevoir.


Pendant que j'écris ici, à la table de la chambre de réception, devinez qui se trouve auprès de moi. Le frère ! celui qui d'abord était si opposé à notre séjour dans la ferme ! Il est maintenant de nos meilleurs amis. Il vient d'entrer et comme il paraît désireux de rester, je lui donne à lire l'intéressant dialogue de M. Baller, admirable exposition de la doctrine chrétienne sous forme de conversation. Il l'a pris volontiers et à commencé à lire, il y a dix minutes environ, d'une voix haute et monotone ; mais étant bientôt captivé, il a vite ôté son habit, posé sa pipe par terre et tiré sa chaise contre une table, et le voilà qui lit le plus attentivement du monde, d'un air intelligent et satisfait. J'en suis si contente, car il n'a jamais assisté à notre culte, comme le font ses frères et les autres hommes de la ferme, et il paraissait complètement indifférent au sujet de l'Évangile. C'est un homme de rapports agréables et il a un cher petit garçon, éveillé et plein d'intelligence qui m'aide beaucoup dans l'étude du chinois.

Tandis que le Seigneur nous fermait la porte du côté de Nang-kia-tsih, il nous l'ouvrait ici. Il a remarquablement incliné en notre faveur les coeurs de tous ceux qui demeurent dans la ferme. Toute réserve et toute méfiance semblent avoir disparu. Quand nos hôtes virent qu'ils allaient nous perdre, ils en éprouvèrent un regret et un chagrin réels ; ils nous supplièrent de rester, nous offrant d'ajouter à la chambre que nous occupons, une immense grange pour tenir nos réunions. Et encore cette fois ils ne voulaient recevoir aucun paiement de notre part ; mais enfin, voyant que nous en étions vraiment peinées, ils cédèrent avec beaucoup d'amabilité.

 La grange sera convenablement réparée, on y fera une seconde fenêtre, et à l'une des extrémités, l'on construira une chambre pour San-sa. La salle ainsi préparée pourra contenir 150 personnes assises. Nous payerons pour le tout 10 francs par mois. Pour notre pension, logement et nourriture, nous payerons 12 fr. 50 par personne et par mois. De sorte que pour la modique somme de 35 fr. par mois, nous disposerons de trois grandes chambres et de tout ce que nous pourrons consommer en fait de pain, de farine d'avoine de première qualité, de légumes, de riz, d'oeufs, de volailles et autres viandes, le tout très bien préparé et servi dans le haut style chinois ! Nous pouvons à peine le croire, mais c'est le prix qu'ils ont fixé eux-mêmes et ils paraissent le trouver tout à fait raisonnable.

Nous commençons déjà à voir les avantages qu'il y aura à ce que nous restions ici. Les gens viennent mieux vers nous que précédemment ; ils sont en partie attirés, je pense, par ma pauvre petite pharmacie. Et maintenant qu'on n'a plus aucune peur de nous, nous sommes traitées ici tout à fait comme des membres de la famille ; nous sommes admises au milieu d'eux sans aucune réserve, de sorte que nous avons une occasion unique de pénétrer dans l'intimité de la vie chinoise. N'ayant aucun souci de ménage, nous pouvons donner tout notre temps à notre oeuvre et à l'étude ; nous pouvons aller et venir comme bon nous semble, passer une nuit ou deux dans les hameaux ou les villes où l'on nous inviterait, sachant que nos effets sont en sûreté à la ferme. Nous nous habituons aux murs et aux sols de terre, ainsi qu'à toutes les coutumes chinoises. Nos chambres seront bientôt telles que nous les souhaitons, peu à peu nous les rendrons propres. En ce moment, elles laissent beaucoup à désirer ; hélas, il y a là un trait de la vie chinoise auquel nous remédierons par la poudre insecticide dont nous sommes pourvues.

Nous sommes si heureuses et si reconnaissantes d'avoir devant nous un mois ou deux de bon travail à faire dans cette contrée qui nous est si chère. Le Seigneur nous bénit grandement. Nous sentons déjà les premières gouttes de l'averse qu'il nous prépare ; notre action s'étendra jusqu'à Nang-kia-tsih, à cinq kilomètres d'ici, j'en ai la confiance. « Béni soit Dieu qui chaque jour nous comble de ses bienfaits ! »

 Même jour, le soir.

Je me sens de nouveau contrainte de prendre la plume pour vous dire la bonté du Seigneur à notre égard.
Ce soir, pendant que nous prenions le thé, avec riz, fèves au lait caillé, oeufs, etc., maniant nos baguettes à la grande admiration des nombreux spectateurs, le maître de la maison, notre cher hôte Shen Lao-ti, entra portant une grande barre de fer dont il nous expliqua l'usage. Cette barre est une arme défensive en vue, des voleurs qu'on attend chaque nuit ; elle est formidable, et, comme le dit notre ami, il n'en faudrait pas deux coups pour tuer un homme. Les voleurs viennent en grandes bandes, armés de couteaux et autres armes dont ils ne se font pas faute d'user. La ferme a été une fois pillée, et tout fut pris, même les vêtements que nos amis avaient sur le corps. Après avoir entendu cela, nous dîmes naturellement à Shen Lao-ti que les disciples de Jésus n'ont aucun besoin d'arme défensive puisqu' « il est un mur de feu tout autour d'eux, » que la prière est la seule arme dont nous avons besoin et que, si elle est faite avec foi, elle est une parfaite sauvegarde.




 Il écouta avec le plus profond intérêt et mit immédiatement sa barre de fer de côté, disant que s'il en était ainsi, il ne s'en servirait certainement pas.
Nous voulûmes savoir si vraiment nos hôtes s'attendaient à une attaque immédiate, et lorsque nous vîmes qu'il en était ainsi, nous demandâmes à Shen Lao-ti s'il ne voulait pas prier lui-même que Dieu nous défendit. Il répondit immédiatement que oui ; nous nous mîmes aussitôt à genoux, au milieu de notre souper ; il s'agenouilla avec nous, et à notre grande surprise se mit lui-même à prier.

Il ne fait pas profession d'être chrétien et bien qu'il nous ait réjouies une fois ou deux par l'intérêt qu'il prend à la vérité, nous n'étions guère préparées à un pas aussi décisif. Sa prière alla droit au but, elle fut pleine d'intelligence et d'une foi réelle ; il dit, entre autres choses, que Dieu nous avait envoyées ici pour prêcher sa doctrine et qu'il devait nous protéger contre tout danger. C'était profondément touchant de voir ce cher vieillard agenouillé à côté de sa bonne femme et de sa fille, la face contre terre, et priant le vrai Dieu, je pense, pour la première fois de sa vie. Il est si heureux que nous restions ici ! en dépit des voleurs ; et il est toujours pour nous la bonté même. C'est tout ce qu'il y a de plus comique de le voir venir de temps en temps pendant les repas (les hommes naturellement ne prennent pas leurs repas avec les femmes) ; il apporte au bout de ses baguettes quelque morceau délicat qu'il dépose subitement dans l'un de nos bols, ou bien c'est une soucoupe remplie d'un mets recherché qu'il ajoute à notre menu.

Il a été longtemps un fumeur d'opium ; mais il s'efforce de ne plus l'être, je suis reconnaissante de pouvoir le dire. Quant aux voleurs, je n'ai guère besoin d'ajouter que nous n'en avons aucune crainte. Comment pourrions-nous craindre quand est pareillement engagé l'honneur de notre Père céleste en qui nous nous glorifions parmi les païens ? Impossible !

Après le souper, nous sommes sorties par un magnifique clair de lune pour visiter les fermes des environs et inviter les paysans à venir à notre culte du soir. Quel cordial accueil nous avons reçu de tous ! La dernière chaumière que nous ayons visitée est celle de cette chère femme qui se meurt de consomption et chez laquelle la semence divine a trouvé un si bon terrain. Elle a d'emblée accepté le Sauveur. Avec quel amour elle nous a souhaité la bienvenue ! pendant que Lottie lui parlait, elle tenait ses mains dans les siennes et buvait avidement toutes ses paroles. Il y a trois jours elle était une païenne vivant dans les ténèbres les plus épaisses ; elle est maintenant une disciple humble de Jésus, remplie de foi et d'amour et croissant dans la grâce. La réception qu'elle nous a faite était de nature à faire naître des vocations missionnaires ; elle a dû produire de la joie dans le ciel. Je n'oublierai jamais ce tableau : l'intérieur étrange de la pauvre petite chaumière éclairée seulement par le feu qui faisait cuire le souper ; puis cette physionomie exprimant un désir si intense, un amour si ardent ; ce regard tourné vers le ciel ; et ce ton si solennel, si saintement passionné avec lequel elle nous dit : « Je l'aime. Il m'aime et je l'aime ! Il ne m'abandonnera jamais, n'est-ce pas ? Non ! il ne nous abandonnera jamais ! » Le Seigneur lui-même lui a appris cela, car nous ne le lui avions pas dit.

Chère femme ! il ne s'écoulera pas longtemps avant qu'Il vienne la chercher pour la transporter dans ses demeures éternelles. Quelle joie de l'y rencontrer bientôt !

 Samedi, 19 Mai.

FIVE O'CLOCK !
Il est cinq heures du matin. Quelques rayons de soleil s'efforcent de pénétrer à travers notre fenêtre de vingt centimètres carrés, ils éclairent l'intérieur d'une chaumière de terre où nous logeons pour la première fois. Je vous écris assise sur un étrange lit chinois. Hier après midi nous sommes arrivées ici, complètement inconnues, conduites par un de nos chrétiens indigènes. Mais un instant après nous n'étions plus des étrangères. Ces bonnes gens que nous aimons tant ! ils nous ont fait un accueil si aimable, si cordial, le plaisir qu'ils avaient à nous voir était si évident, que nous nous sommes tout de suite senties entièrement chez nous. Mais quelle journée de voyage pour arriver jusqu'ici ! Trente kilomètres en brouette, à travers les champs de blé, sous un soleil brûlant, et sur le sentier le plus, raboteux qu'on puisse voir ! Lottie a fait une chute qui manquait tout à fait de dignité, et nous avons dû fréquemment descendre de nos véhicules pour franchir de profondes ornières. Cependant la campagne était splendide et une brise délicieuse tempérait la chaleur du jour. N'y a-t-il pas toujours des compensations ?


 Plusieurs haltes ont retardé notre arrivée ; les paysans quittaient les champs et reprenaient le chemin du logis quand nous arrivions aux chaumières, cachées dans les arbres, qui étaient le but de notre voyage.

Arrivées devant la première porte, nous mettons pied à terre, nous traversons une première maison et nous arrivons dans la cour où nous trouvons notre bonne ménagère fort occupée à cribler du blé. Elle ne nous attendait pas et n'avait jamais vu d'étrangers, niais elle nous fit vraiment la plus aimable de toutes les réceptions. On se rassembla de tous côtés autour de nous et en quelques minutes nous avions un auditoire de quarante à cinquante personnes, auquel notre chère Lottie parla longtemps de la façon la plus solennelle ; et de temps en temps, quand l'attention baissait ou était distraite par de nouveaux arrivants, nous chantions des cantiques et des choeurs que tous pouvaient comprendre.

 Quand la nuit fut noire et que l'air devint frais, notre hôtesse nous invita à venir souper dans la petite chambre commune située dans la partie de la maison réservée aux femmes. Il y avait toujours foule autour de nous ; mais comme ces braves gens promettaient de revenir dans une heure, nous pûmes les quitter en bonne conscience, et nous suivîmes notre aimable amie jusqu'à la salle à manger. Nous étions fatiguées, oh ! si fatiguées ! mais joyeuses. À la clarté d'une lampe chinoise (un petit morceau de moelle de bambou brûlant dans une soucoupe d'huile) nous constatons que la salle a environ cinq mètres de longueur sur quatre de largeur, qu'elle est sans fenêtre et qu'elle donne accès à deux petites chambres à coucher. Le souper est servi et nous nous mettons à table avec notre hôtesse, contemplées par tous les habitants, de la maison. Nous avons des oeufs frits, du pain, du gruau d'avoine, du chou conservé au vinaigre et du thé, car nous refusons le vin qui nous est offert. Le repas était à peine fini que nos auditeurs revenaient.

Toute la soirée la chambre fut bondée de femmes et au dehors les hommes étaient encore plus nombreux. L'arrivée d'une famille du beau monde, personnages marquants de la localité, fit sensation ; ces gens parurent fort intéressés, surtout la dame qui se montra très intelligente. Lottie à l'intérieur, Chang-sien-seng et Tsnei-ning au dehors, répétèrent nombre de fois l'histoire évangélique, jusqu'à ce qu'il fût si tard que chacun dut s'en aller. Nous les invitâmes à revenir le lendemain matin avant d'aller à l'ouvrage ; et, complètement épuisées mais remplies de joie, nous suivîmes notre hôtesse dans la petite chambre où nos pikai (lits) avaient été préparés. Nous nous y mîmes au plus tôt, reconnaissantes de n'avoir presque rien sur nous qui ne fût complètement chinois. Les cinq chères femmes de la maison, en effet, remplissaient toute la chambre, nous contemplant et nous observant avec la plus grande attention.

Enfin quand nous fûmes roulées dans nos couvertures, elles nous comblèrent de leurs meilleurs voeux et se retirèrent dans la chambre de réception où nous les entendîmes longtemps discuter sur ce qu'elles avaient vu et entendu.
Elles s'efforçaient aussi de répéter le cantique que nous avions essayé de leur apprendre : « Jésus m'aime, c'est ce que je sais. »
Un magnifique clair de lune répandait une faible lueur dans notre petite chambre, et la dernière chose que je vis fut une radieuse petite étoile qui s'encadrait dans un des petits carrés de notre fenêtre.

Au point du jour, j'examine tout ce qui m'entoure avec ébahissement. Quelle indescriptible chambrette ! La moitié de la place est prise par le lit situé sur une plateforme haute de deux pieds. Ce lit, quelle étrangeté ! ce sont des planches enchâssées dans le mur de trois côtés et couvertes d'herbes sèches sur lesquelles s'étend une natte. Un monceau de guenilles d'une odeur infecte en occupe un des coins ; quelques vieilles planches au fond sont appliquées contre le mur. Et nous, du côté du bord, nous reposons avec un sentiment délicieux de bien-être.

Entre le lit et le toit déjà bien bas, se trouve un plafond intérieur s'étendant sur la moitié de la pièce et formant une grande et profonde tablette, réceptacle, paraît-il, de tout ce qui est hors d'usage ; comme le plus élevé, ce second plafond est fait d'herbes tressées. Deux ou trois tiges de bambou placées en travers de la chambre servent de garde-robe pour la famille, il y pend surtout des vieux souliers, autant que je puis voir dans le demi-jour où nous sommes. À en juger par les paniers de grains et autres qui couvrent le sol de terre, cette pièce doit être la chambre aux provisions.

 Samedi soir.

Nous voici de retour dans notre ferme ordinaire après une grande journée fort remplie. À peine avais-je fini d'écrire, dans la ferme précédente, que la cour était remplie de visiteurs impatients ; et, avant sept heures du matin, Lottie y était entourée d'une cinquantaine de femmes fort gaies auxquelles elle racontait une fois de plus l'histoire du Sauveur ; ce qui ne fut interrompu que par le déjeuner, pendant lequel cependant de nouveaux auditeurs ne cessèrent pas d'arriver : de sorte que vers huit heures, la cour était bondée de monde. Lottie leur lut et leur expliqua la parabole de l'enfant prodigue, puis nos amis chrétiens prièrent et parlèrent. Pendant tout le temps le silence fut complet et l'attention remarquable. Nous avions là quelques-uns, de nos auditeurs précédents, mais il y avait en outre de quatre-vingts à quatre-vingt-dix individus qui entendaient l'Évangile pour la première fois. Quand ce culte que nous avions annoncé comme le service du matin fut terminé, la foule loin de se disperser ne fit que s'accroître. Mais nous ne pouvions rester, étant rappelées à la ferme par notre oeuvre du dimanche, et nous craignions de retarder notre départ à cause de la grande chaleur et de la longueur du voyage ; nous partîmes donc à regret, promettant de revenir bientôt, Dieu voulant.

Quelles pressantes et aimables invitations nous reçûmes alors ! Cher peuple il n'attend que l'Évangile et il est si bien préparé à l'accepter ! Pourquoi donc y a-t-il si peu de voix pour le lui annoncer ?

Pendant notre retour, nous n'avions pas fait deux kilomètres que nous avions déjà été arrêtées quatre fois par des malades qui venaient nous demander des remèdes. Hélas ! que nous sommes impuissantes à répondre à de telles demandes ! (1) Partout où nous nous arrêtions, la foule se rassemblait ; nous dûmes nous arrêter six fois pour prêcher l'Évangile et nous aurions pu le faire dix fois plus souvent si nous en avions eu le temps et les forces. Oh ! quelle populeuse, populeuse contrée ! et comme ces gens sont aimables, comme leurs coeurs sont ouverts ! Quelle responsabilité pour les chrétiens de notre époque ! Béni soit Dieu de ce que l'Église commence à le comprendre, mais quels progrès à faire encore !

Très fatiguées mais pleines de reconnaissance, nous sommes arrivées ici au gros de la chaleur, et depuis lors nous avons eu trois bandes de nouveaux visiteurs auxquels notre chère Lottie s'est efforcée de faire comprendre la Bonne Nouvelle du salut qui est en Jésus-Christ. Maintenant, ils sont tous partis, nous avons un petit moment de tranquillité avant le thé, et je passe en revue les événements de la journée avec une gratitude inexprimable, mais aussi avec un ardent désir de voir le règne de Dieu s'avancer : « Les campagnes sont blanches pour la moisson, » et « le jour approche. » Oh ! que le Seigneur pousse en avant les ouvriers qu'il aura choisis ! et que nous qui avons le privilège inappréciable d'être employées à son oeuvre, nous soyons remplies de son Esprit afin d'être puissantes dans le combat !





(1
) A ce sujet, le lecteur lira avec intérêt l'opuscule du Rév. Murray intitulé Jésus guérit les malades (disponible dans la bibliothèque "Regard")
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