Fondé en mars 1872 dans
le but d'augmenter le nombre des ambassadeurs de
Jésus-Christ parmi les païens. |
C'était le 25 janvier 1888.
Les vastes salles d'Exeter Hall et de Berger Hall s'étaient
successivement remplies. Le Dr Barnardo, MM. Reginald Radcliffe,
Grattan Guiness et tant d'autres avaient fait entendre les appels et
les adieux les plus touchants.
À Bromley Tabernacle (1) les
foules ne s'étaient pas moins pressées. Multitude de pauvres gens qui
avaient voulu entendre une dernière fois leur « chère
amie. »
Des milliers de coeurs s'étaient unis pour faire
monter à Dieu l'action de grâce et la supplication.
À Harley House, à Pirland Road, l'English home
si connu de la China Inland Mission, visites d'adieux,
derniers entretiens. Quantité de petits de ce monde qui étaient venus
une dernière fois serrer la main à celle qui leur avait fait connaître
le Sauveur.
Au sein de la famille, le livre de Dieu qui dès le
commencement en a chaque jour réuni tous les membres, avait fait
entendre les promesses les plus rassurantes : « Le
secours me vient de l'Éternel qui a fait les cieux et la terre. »
« L'Éternel te gardera de tout mal ; il gardera ton
âme ; l'Éternel gardera ton départ et ton arrivée, dès
maintenant et à jamais. »
Et nos missionnaires (2)
avaient passé à toute vapeur à travers les quartiers populeux de
l'Est. Maintenant ils s'engagent sur l'étroite passerelle, la cloche
sonne, le paquebot s'ébranle... Des centaines de mains se
lèvent : « Dieu vous accompagne ! Dieu vous
bénisse ! » Ce sont les ouvrières des fabriques, les hommes,
des écoles du soir et tous ces pauvres gens de l'East End que
Géraldine aimait tant ; puis les diaconesses, les étudiants de
Harley House, etc.
Mais une voix forte et grave se fait entendre,
c'est celle qui le matin au culte de famille lisait le Psaume d'adieu.
Le silence se fait. La voix prie pour la Chine et pour les
missionnaires. Dieu bénisse la Chine ! crie la foule. Dieu
bénisse la Chine ! répète le petit groupe de missionnaires
qui s'éloigne.
Puis les étudiants, les diaconesses, les gens
d'East London entonnent le magnifique choeur :
Que le monde entier L'adore,
Couronnez-le Seigneur et Roi !
C'est en Son Nom qu'ils partent. Ils portent la Bonne Nouvelle de son amour « jusqu'aux extrémités de la terre. » Les derniers mots qui leur viennent de la rive, répètent :
Couronnez-le Seigneur et Roi !
31 Janvier 1888
Si je pouvais jouir d'un moment de tranquillité, peut-être
parviendrais-je à vous écrire une lettre intéressante. Mais, autour de
moi, tout est bruit et confusion. C'est là le grand inconvénient d'un
voyage en seconde classe. Néanmoins je suis assurée que c'est un
avantage aussi bien qu'un devoir pour nous de n'être que des passagers
de seconde.
Nous avons environ vingt-cinq compagnons de route,
parmi lesquels cinq femmes seulement. J'ai fait bonne connaissance
avec tous. Ils sont très aimables et pleins de coeur.
Parmi eux se trouvent deux messieurs hindous
retournant à Bombay, et une charmante bonne d'enfants, chinoise, de
Canton. Les enfants confiés, à sa charge sont parmi les passagers de
première classe. Nous la regardons avec le plus grand intérêt, et non
sans un mélange d'appréhension, car elle porte le costume de son
pays, et cela nous rappelle que nous sommes appelées à être
Chinoises parmi les Chinois. Chère femme ! elle est chrétienne,
douce, et aimable.
J'ai été profondément émue en pensant aux besoins d'un autre
continent grand, aussi misérable, la sombre Asie. D'après Vichmann, la
population de l'Afrique est de sept habitants par kilomètre carré, et
celle de l'Asie de dix-neuf pour la même étendue.
Oh ! si Dieu suscitait un Livingstone pour ce
pays encore en grande partie inexploré, inconnu et fermé à
l'Évangile ! Dans le seul empire Chinois, pensez à la Corée, à la
Mandchourie, aux deux Mongolies, à la Songarie, au Kobolo, à l'Ili,
grand pays populeux ; pensez au Kokonor, au Khan, au Thibet...
aucun de ces pays n'a encore entendu le message de Dieu !
6 Février.
Il faisait nuit quand nous quittâmes Naples ; j'étais
seule sur le pont, et comme j'ignorais que nous dussions traverser le
détroit de Messine, j'y restai longtemps, croyant contempler pour la
dernière fois, la chère vieille Europe que je n'avais encore jamais
quittée.
Les lumières de la ville se réfléchissaient dans
les eaux de la baie, je les contemplais debout, vos lettres chéries
dans les mains. Je repassais le contenu de ces lettres dans mon coeur,
et un nouvel esprit de force et de consécration remplissait mon âme.
Je méditai et priai longuement.
Nous glissions rapidement et sans bruit sur les
eaux, et je regardais et encore, mais les lumières s'éteignirent
bientôt dans le lointain. Pendant que je pleurais et priais, Dieu dans
son amour brisa la dernière chaîne qui pouvait empêcher mon complet
abandon à sa volonté. Comme la dernière lumière disparaissait à la
surface des eaux, je redescendis servant précieusement vos lettres
bien-aimées et, d'un coeur humble et reconnaissant, je murmurai :
« Tout va bien maintenant, tout va bien ! »
Je n'oublierai jamais la journée passée à Aden. Nous abordâmes,
au milieu des scènes de confusion et de colère qui sont habituelles
dans ce port. Après des discussions interminables, nous parvînmes à
payer nos bateliers et à changer notre or anglais contre des roupies
hindoues. Enfin nous pûmes prendre des voitures et partir pour visiter
Aden et les citernes restaurées de Salomon. Bien entendu, tous ces
préparatifs, eurent lieu au milieu d'une agitation et d'une excitation
inexplicables pour des Occidentaux habitués à voyager tranquillement.
Mais une fois partis, quelle course
intéressante ! Tout était si étrange, si nouveau, c'était comme
un conte des Mille et une nuits. Le lieu désert, brûlé par le soleil,
le sentier à peine tracé à travers les sables, les montagnes
volcaniques surgissant partout avec leurs pointes dénudées, sans
vestige de végétation, le jour éblouissant, le ciel d'un bleu intense,
les nuages et les colonnes de sable emportés çà et là par le vent,
avec une effrayante rapidité ..... Comme tout cela s'harmonisait avec
les hommes et les choses qui nous entouraient !
En premier lieu une suite de chameaux attachés les
uns aux autres par la tête et la queue, chargés d'une grande variété
de ballots et guidés par des conducteurs agiles, bruyants et sauvages
revêtus de costumes pittoresques.
Plus loin un groupe d'hommes de Zanzibar grands et
beaux, à l'aspect militaire. Les uns sont enveloppés de draperies aux
mille couleurs, les autres sont d'une blancheur éblouissante, et tous
se détachent en un relief hardi sur les grands rochers noirs.
Nous passons bientôt auprès de deux ou trois
voitures découvertes très curieuses, contenant des personnages
bizarres dans toutes les attitudes ; quelques-uns coiffés de
turbans, vêtus de robes aux couleurs éclatantes, fument de longues
pipes richement ornées et sont penchés sur des coussins écarlates ou
couleur d'ambre ; d'autres portent des vêtements de peau brune.
Les uns ont la tête rasée, d'autres de longs cheveux teints d'une
couleur étrange. Quantité d'individus également bizarres défilent
devant nous ; des cochers, vifs et bruyants les conduisent avec
la rapidité de l'éclair.
Nous arrivons bientôt devant une longue rangée de
maisons, misérables, basses, à demi ruinées, dont les portes grandes
ouvertes révèlent des intérieurs peu attrayants. Dans la rue, des
enfants qui jouent, des femmes qui causent. La plupart des enfants ont
de ravissantes petites figures brunes, et des yeux ! ... Les
femmes ont un air très doux, mais elles sont si sales, si
sales ! ! ...
D'étonnement en étonnement nous suivons la route
qui contourne les collines et nous atteignons le fameux tunnel que
l'énergie des Anglais a percé, au coeur même de la montagne qui sépare
la ville d'Aden du port et de l'établissement étranger.
Après, avoir visité les citernes, nous nous rendons
aux marchés et circulons lentement à travers les principales rues,
toujours étonnés de l'aspect curieux des hommes et des choses.
Tout en marchant, je pense aux rudes travaux du
missionnaire Keith Falconer qui sacrifia sa vie au service de ce pays.
Nous sommes en Février et nous trouvons la chaleur presque
intolérable. Les gens du pays disent que c'est l'hiver ! Quelle
est donc la température en été ?
Peu après, les regards tournés du côté de l'Orient,
nous cinglons rapidement vers Ceylan. C'est à coup sur la meilleure
saison pour aller en Chine.
Lundi, si le Seigneur le permet, nous aborderons à
Ceylan et dirons adieu à ce bateau. Le Seigneur nous y a bénis ;
en tous cas, ma cabine restera dans mon souvenir comme un lieu sacré.
La bonté du Seigneur est grande ! La beauté de ses voies est
incomparable ! Nos coeurs ont plus que jamais besoin de Lui, et
de « ne savoir autre chose que Jésus, et Jésus
crucifié ! » Il nous satisfait tous les jours, plus
complètement.
Bien que la vie à bord ne soit pas des plus
favorables à l'évangélisation, Mlle Guinness et ses amis tenaient de
fréquentes réunions religieuses qui portaient beaucoup de fruits.
Tout près de moi, écrit notre amie à ce sujet, un
de nos compagnons de route étudie avec beaucoup d'attention le livre
de Meyer sur le prophète Elie. Deux jours, à peine se sont écoulés
depuis qu'il a été amené a se confier en
Jésus-Christ. Il a crû si rapidement dans la grâce qu'on le prendrait
pour un de vieille date. Il montre un zèle touchant à chercher les
âmes perdues. C'est un homme d'âge mur. Il a passé sa vie sur mer.
Nous demandons à Dieu d'approfondir son oeuvre dans son coeur car il
peut avoir une grande influence à Bornéo où il aura de nombreuses
occasions de confesser son Maître. Il commande un corps de troupes du
Rajah Broke à Sarawak. Mais maintenant il est avant tout au service du
Roi des rois. Nous avons beaucoup d'espoir pour le salut de plusieurs
autres passagers.
Nous savons que vos prières ne nous font pas
défaut ; elle sont un grand encouragement pour nous.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |