Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Réunions de prières et d'adieux.

CHAPITRE I.

Le Départ.

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INSTITUT MISSIONNAIRE DE HARLEY HOUSE
Bow. London, E., Angleterre.
Directeur H. Grattan Guinness, P. P.

 Fondé en mars 1872 dans le but d'augmenter le nombre des ambassadeurs de Jésus-Christ parmi les païens.
La terre compte 1400 millions d'habitants ; près de 400 millions portent le nom de chrétiens, et plus de mille millions sont non-chrétiens, la plupart païens.

L'Institut reçoit hommes et femmes de toutes dénominations évangéliques et de toutes nationalités, appelés de Dieu au travail des missions, et leur donne gratuitement la préparation dont ils pourraient avoir besoin.
Il les introduit dans le champ missionnaire, se chargeant des frais d'envoi et d'entretien, quand il en est besoin.
Environ sept cents missionnaires ont été ainsi formés et envoyés à destination. Il en part de l'Institut en moyenne un par semaine.


 C'était le 25 janvier 1888.

Les vastes salles d'Exeter Hall et de Berger Hall s'étaient successivement remplies. Le Dr Barnardo, MM. Reginald Radcliffe, Grattan Guiness et tant d'autres avaient fait entendre les appels et les adieux les plus touchants.

À Bromley Tabernacle (1) les foules ne s'étaient pas moins pressées. Multitude de pauvres gens qui avaient voulu entendre une dernière fois leur « chère amie. »
Des milliers de coeurs s'étaient unis pour faire monter à Dieu l'action de grâce et la supplication.

À Harley House, à Pirland Road, l'English home si connu de la China Inland Mission, visites d'adieux, derniers entretiens. Quantité de petits de ce monde qui étaient venus une dernière fois serrer la main à celle qui leur avait fait connaître le Sauveur.
Au sein de la famille, le livre de Dieu qui dès le commencement en a chaque jour réuni tous les membres, avait fait entendre les promesses les plus rassurantes : « Le secours me vient de l'Éternel qui a fait les cieux et la terre. » « L'Éternel te gardera de tout mal ; il gardera ton âme ; l'Éternel gardera ton départ et ton arrivée, dès maintenant et à jamais. »

Et nos missionnaires (2) avaient passé à toute vapeur à travers les quartiers populeux de l'Est. Maintenant ils s'engagent sur l'étroite passerelle, la cloche sonne, le paquebot s'ébranle... Des centaines de mains se lèvent : « Dieu vous accompagne ! Dieu vous bénisse ! » Ce sont les ouvrières des fabriques, les hommes, des écoles du soir et tous ces pauvres gens de l'East End que Géraldine aimait tant ; puis les diaconesses, les étudiants de Harley House, etc.

Mais une voix forte et grave se fait entendre, c'est celle qui le matin au culte de famille lisait le Psaume d'adieu. Le silence se fait. La voix prie pour la Chine et pour les missionnaires. Dieu bénisse la Chine ! crie la foule. Dieu bénisse la Chine ! répète le petit groupe de missionnaires qui s'éloigne.
Puis les étudiants, les diaconesses, les gens d'East London entonnent le magnifique choeur :

Que le monde entier L'adore,
Couronnez-le Seigneur et Roi !

 C'est en Son Nom qu'ils partent. Ils portent la Bonne Nouvelle de son amour « jusqu'aux extrémités de la terre. » Les derniers mots qui leur viennent de la rive, répètent :

Couronnez-le Seigneur et Roi !






CHAPITRE Il.

En seconde classe. Journal d'une voyageuse.


La Méditerranée, Aden.


 31 Janvier 1888

 Si je pouvais jouir d'un moment de tranquillité, peut-être parviendrais-je à vous écrire une lettre intéressante. Mais, autour de moi, tout est bruit et confusion. C'est là le grand inconvénient d'un voyage en seconde classe. Néanmoins je suis assurée que c'est un avantage aussi bien qu'un devoir pour nous de n'être que des passagers de seconde.

Nous avons environ vingt-cinq compagnons de route, parmi lesquels cinq femmes seulement. J'ai fait bonne connaissance avec tous. Ils sont très aimables et pleins de coeur.
Parmi eux se trouvent deux messieurs hindous retournant à Bombay, et une charmante bonne d'enfants, chinoise, de Canton. Les enfants confiés, à sa charge sont parmi les passagers de première classe. Nous la regardons avec le plus grand intérêt, et non sans un mélange d'appréhension, car elle porte le costume de son pays, et cela nous rappelle que nous sommes appelées à être Chinoises parmi les Chinois. Chère femme ! elle est chrétienne, douce, et aimable.


 Hier soir nous avons doublé la pointe de Gibraltar vers dix heures et demie. La nuit était brillante et sereine. La clarté de la lune produisait un effet incomparable sur les eaux doucement agitées et sur la côte abrupte et rocailleuse.
Les passagers guettaient tous les lumières de la ville de Gibraltar.
Pas besoin de vous dire que presque tout le temps je me suis tenue de l'autre côté du navire, suivant des yeux la ligne indécise du continent africain.
Je le voyais enfin ce rivage ! Mes yeux le contemplaient pour la première fois ! Mais ce n'était pas, la première fois que mon coeur s'y transportait tout entier, Oh ! non !

L'Afrique, l'Afrique ! l'immense étendue solitaire, le sombre continent ! Il était tout près, au-delà de ce rayon de lune, si près même qu'il semblait possible de le toucher !

Seule avec Dieu sur le pont supérieur de notre vaisseau, je pensais longuement à ces vies héroïques inspirées par l'Esprit de Dieu, à ces hommes qui ont vécu, travaillé, souffert et succombé pour ce pays désolé ; à ceux dont la vie se dépense encore pour le sauver, et qui tiennent une grande place dans, nos coeurs.

 Un à un ils se présentèrent à mon esprit, jusqu'à ce qu'il me sembla être véritablement dans la compagnie de ces hommes puissants et de leurs courageuses, compagnes. Les Moffat, les Livingstone, les Gordon, les Coillard, les Hannington, les Adam MacAll, les Henry Craven, les Frédéric Stanley Arnot ; ils étaient tous là ; chacun d'eux, brave, patient, rempli de foi.

Pensez si mon esprit fut encouragé et fortifié, si je renouvelai le don de ma faible vie à Dieu pour le salut d'un monde qui périt, et si je demandai la force de suivre ces hommes comme eux-mêmes avaient suivi Jésus-Christ ! Je sentis là ce moment qu'aucun sacrifice de ma part, aucun isolement, aucune difficulté ne pourraient se comparer à tout ce qu'avaient supporté ces hommes vaillants pour l'Afrique et pour Dieu.

 J'ai été profondément émue en pensant aux besoins d'un autre continent grand, aussi misérable, la sombre Asie. D'après Vichmann, la population de l'Afrique est de sept habitants par kilomètre carré, et celle de l'Asie de dix-neuf pour la même étendue.

Oh ! si Dieu suscitait un Livingstone pour ce pays encore en grande partie inexploré, inconnu et fermé à l'Évangile ! Dans le seul empire Chinois, pensez à la Corée, à la Mandchourie, aux deux Mongolies, à la Songarie, au Kobolo, à l'Ili, grand pays populeux ; pensez au Kokonor, au Khan, au Thibet... aucun de ces pays n'a encore entendu le message de Dieu !

 

 6 Février.

 Il faisait nuit quand nous quittâmes Naples ; j'étais seule sur le pont, et comme j'ignorais que nous dussions traverser le détroit de Messine, j'y restai longtemps, croyant contempler pour la dernière fois, la chère vieille Europe que je n'avais encore jamais quittée.

Les lumières de la ville se réfléchissaient dans les eaux de la baie, je les contemplais debout, vos lettres chéries dans les mains. Je repassais le contenu de ces lettres dans mon coeur, et un nouvel esprit de force et de consécration remplissait mon âme. Je méditai et priai longuement.

Nous glissions rapidement et sans bruit sur les eaux, et je regardais et encore, mais les lumières s'éteignirent bientôt dans le lointain. Pendant que je pleurais et priais, Dieu dans son amour brisa la dernière chaîne qui pouvait empêcher mon complet abandon à sa volonté. Comme la dernière lumière disparaissait à la surface des eaux, je redescendis servant précieusement vos lettres bien-aimées et, d'un coeur humble et reconnaissant, je murmurai : « Tout va bien maintenant, tout va bien ! »


UNE JOURNÉE A ADEN

 

 Je n'oublierai jamais la journée passée à Aden. Nous abordâmes, au milieu des scènes de confusion et de colère qui sont habituelles dans ce port. Après des discussions interminables, nous parvînmes à payer nos bateliers et à changer notre or anglais contre des roupies hindoues. Enfin nous pûmes prendre des voitures et partir pour visiter Aden et les citernes restaurées de Salomon. Bien entendu, tous ces préparatifs, eurent lieu au milieu d'une agitation et d'une excitation inexplicables pour des Occidentaux habitués à voyager tranquillement.
Mais une fois partis, quelle course intéressante ! Tout était si étrange, si nouveau, c'était comme un conte des Mille et une nuits. Le lieu désert, brûlé par le soleil, le sentier à peine tracé à travers les sables, les montagnes volcaniques surgissant partout avec leurs pointes dénudées, sans vestige de végétation, le jour éblouissant, le ciel d'un bleu intense, les nuages et les colonnes de sable emportés çà et là par le vent, avec une effrayante rapidité ..... Comme tout cela s'harmonisait avec les hommes et les choses qui nous entouraient !


En premier lieu une suite de chameaux attachés les uns aux autres par la tête et la queue, chargés d'une grande variété de ballots et guidés par des conducteurs agiles, bruyants et sauvages revêtus de costumes pittoresques.

Plus loin un groupe d'hommes de Zanzibar grands et beaux, à l'aspect militaire. Les uns sont enveloppés de draperies aux mille couleurs, les autres sont d'une blancheur éblouissante, et tous se détachent en un relief hardi sur les grands rochers noirs.

Nous passons bientôt auprès de deux ou trois voitures découvertes très curieuses, contenant des personnages bizarres dans toutes les attitudes ; quelques-uns coiffés de turbans, vêtus de robes aux couleurs éclatantes, fument de longues pipes richement ornées et sont penchés sur des coussins écarlates ou couleur d'ambre ; d'autres portent des vêtements de peau brune. Les uns ont la tête rasée, d'autres de longs cheveux teints d'une couleur étrange. Quantité d'individus également bizarres défilent devant nous ; des cochers, vifs et bruyants les conduisent avec la rapidité de l'éclair.

Nous arrivons bientôt devant une longue rangée de maisons, misérables, basses, à demi ruinées, dont les portes grandes ouvertes révèlent des intérieurs peu attrayants. Dans la rue, des enfants qui jouent, des femmes qui causent. La plupart des enfants ont de ravissantes petites figures brunes, et des yeux ! ... Les femmes ont un air très doux, mais elles sont si sales, si sales ! ! ...

D'étonnement en étonnement nous suivons la route qui contourne les collines et nous atteignons le fameux tunnel que l'énergie des Anglais a percé, au coeur même de la montagne qui sépare la ville d'Aden du port et de l'établissement étranger.

Après, avoir visité les citernes, nous nous rendons aux marchés et circulons lentement à travers les principales rues, toujours étonnés de l'aspect curieux des hommes et des choses.
Tout en marchant, je pense aux rudes travaux du missionnaire Keith Falconer qui sacrifia sa vie au service de ce pays.




 Nous sommes en Février et nous trouvons la chaleur presque intolérable. Les gens du pays disent que c'est l'hiver ! Quelle est donc la température en été ?
Peu après, les regards tournés du côté de l'Orient, nous cinglons rapidement vers Ceylan. C'est à coup sur la meilleure saison pour aller en Chine.

Lundi, si le Seigneur le permet, nous aborderons à Ceylan et dirons adieu à ce bateau. Le Seigneur nous y a bénis ; en tous cas, ma cabine restera dans mon souvenir comme un lieu sacré. La bonté du Seigneur est grande ! La beauté de ses voies est incomparable ! Nos coeurs ont plus que jamais besoin de Lui, et de « ne savoir autre chose que Jésus, et Jésus crucifié ! » Il nous satisfait tous les jours, plus complètement.

Bien que la vie à bord ne soit pas des plus favorables à l'évangélisation, Mlle Guinness et ses amis tenaient de fréquentes réunions religieuses qui portaient beaucoup de fruits.
Tout près de moi, écrit notre amie à ce sujet, un de nos compagnons de route étudie avec beaucoup d'attention le livre de Meyer sur le prophète Elie. Deux jours, à peine se sont écoulés depuis qu'il a été amené a se confier en Jésus-Christ. Il a crû si rapidement dans la grâce qu'on le prendrait pour un de vieille date. Il montre un zèle touchant à chercher les âmes perdues. C'est un homme d'âge mur. Il a passé sa vie sur mer. Nous demandons à Dieu d'approfondir son oeuvre dans son coeur car il peut avoir une grande influence à Bornéo où il aura de nombreuses occasions de confesser son Maître. Il commande un corps de troupes du Rajah Broke à Sarawak. Mais maintenant il est avant tout au service du Roi des rois. Nous avons beaucoup d'espoir pour le salut de plusieurs autres passagers.
Nous savons que vos prières ne nous font pas défaut ; elle sont un grand encouragement pour nous.





(1) Centre de la mission de Harley House dans les plus misérables quartiers de Londres.

(2) Avec Miss Géraldine nous remarquons entre autres Miss Mary Reed, M. Pigott et M. et Mme Hunt.
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