Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

Peut-on fixer les impressions spirituelles ?

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Jean, XV, 4.

 Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous.



Lisez attentivement la première moitié de ce chapitre, et remarquez que Jésus-Christ y répète jusqu'à onze ou douze fois le mot demeurer. L'intention bien évidente du Seigneur et l'enseignement capital qu'il donne ici à ses disciples, c'est de leur apprendre qu'il faut qu'ils demeurent en lui pour que lui demeure en eux. Aller à Jésus, et marcher avec lui, ne suffit donc pas ; il faut de plus demeurer en lui, car hors de lui nous ne pouvons rien faire. Il en est de nous comme des sarments de la vigne, qui ne sont plus qu'un bois inutile et mort du moment qu'ils sont détachés du cep.
Le mot demeurer est le mot favori de Jésus-Christ ; c'est le mot qui convient à la fidélité et à la persévérance. Un soldat qui demeure à son poste, une servante qui vieillit au service du même maître, un négociant qui a toujours été fidèle à ses engagements sont des modèles chacun dans leur genre ; Jésus-Christ demande cette fidélité à tous ses disciples, quelle que soit leur position sociale.
Le Seigneur ne répéterait pas si souvent la même recommandation s'il ne savait à quel point notre coeur est volage et inconstant ; s'il le fait, c'est qu'il sait que c'est là ce qui nous manque surtout.
Quand on y réfléchit, rien n'est si humiliant que de mériter des reproches tels que ceux-ci : O Israël, ne m'oublie point ! - Ils m'ont abandonné, moi qui suis la source des eaux vives, pour se creuser des citernes, même des citernes crevassées, qui ne peuvent contenir les eaux. - Soit que je les aie châtiés, soit que j'aie fortifié leurs bras, ils ont pensé du mal contre moi. - Le véritable Israël est celui dont le coeur demeure où est son trésor ; sommes-nous de ce nombre ? Nous éprouvons facilement des impressions fugitives ; mais à quoi conduisent-elles ? À un christianisme qui s'évapore et se volatilise comme la rosée sous les feux du matin. Nous avons besoin de toute autre chose. II nous faut de profondes racines et une variété de fruits toujours nouveaux.

Quand vous avez parcouru le cercle des fêtes religieuses, Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte, vous en reste-t-il quelque chose ? Vos fréquentes communions, vos lectures assidues de la Bible et tous les sermons que vous avez entendus du premier janvier au trente et un décembre, ont-ils produit quelque chose de nouveau en vous, quelque chose de fondamental et qui soit réellement du progrès ? Je ne vous en demanderai pas même autant, si vous voulez..... Sentez-vous seulement que vous avez besoin de croître et gémissez-vous d'être une statue plantée au milieu du chemin, plutôt qu'un disciple qui court vers le but ?
Du temps d'Esaïe, il y avait déjà de ces âmes mobiles qui voyaient beaucoup de choses et qui ne prenaient garde à rien, qui avaient les oreilles ouvertes et qui n'entendaient rien. Cependant Jésus-Christ ne dirait pas : Demeurez en moi, si la chose n'était pas possible. Il y aurait injustice à nous demander un état de persévérance auquel nous ne pourrions arriver.
Si le Psalmiste, sous les ombres de la loi, a pu parvenir à un état d'âme où il se proposait toujours l'Éternel devant lui, si ses yeux ont été continuellement tournés vers l'Éternel, ne le pourrions-nous pas, nous qui sommes parvenus à la plénitude de la lumière ? Rien de si beau qu'une âme bien fondée, bien pénétrée et invariablement attachée à Jésus-Christ. Mais comment faut-il nous y prendre pour demeurer en lui et pour sentir qu'il demeure en nous ? ou, en d'autres termes, comment faire pour donner à notre vie intérieure plus de solidité et de consistance ? Peut-on fixer les impressions spirituelles ? car c'est là en réalité ce que le Seigneur demande, quand il nous dit : Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous. Voyons s'il y a moyen de trouver une réponse à cette question et d'obtenir de l'Écriture quelques conseils.

À qui Jésus-Christ a-t-il dit : Demeurez en moi ? Ce n'est évidemment qu'à ceux qui sont ses sarments ou ses disciples. Si son oeuvre n'était pas même commencée en vous et que vous eussiez à faire le premier pas, il n'y aurait rien d'étonnant que tout ce que vous entendez s'en fût en fumée. Il faut un sol pour planter un arbre, un terrain quelconque pour asseoir un fondement. - Si votre christianisme est comme un château en l'air, il ne peut manifestement pas vous servir d'habitation, et vous comprenez qu'avant de songer à demeurer en Christ, il faut premièrement et indispensablement être venu à lui pour avoir la vie. On ne peut faire le second pas, qu'après avoir fait le premier. Un voyageur qui ne s'est pas encore mis en route ne peut se plaindre de ne pas avancer. Il faut donc avant tout sortir de votre vieille et vaine manière de vivre, et vous déterminer à subir ce changement que Dieu appelle la conversion ; le reste viendra de soi.

Mais votre malheur est de ne pouvoir vous décider ; vous avez l'air, il est vrai, d'être mécontent de vous-même, mais, au fond, vous vous accommodez parfaitement du christianisme que vous possédez. Le zèle de la maison de Dieu ne vous a pas encore rongé ; votre coeur froid ne vous est pas à charge, et vos péchés ne troublent pas souvent votre sommeil. Il n'est pas étonnant qu'avec une vie semblable vous restiez tel quel, au milieu même des ressources religieuses les plus abondantes : vous êtes un mort que les morts enterreront. On ne cueille pas des raisins sur des épines, ni des figues sur des chardons. C'est un autre esprit, un autre coeur, une nouvelle volonté qu'il vous faut. Allez à Jésus-Christ ; lui seul dispose de tout cela, et il vous le donnera gratuitement, dès que vous le demanderez sérieusement.

Personne mieux que vous ne sait combien vous gagneriez à devenir un véritable chrétien, car avec tous vos dehors de probité, de paix, de bonne foi, vous n'êtes pas heureux. Si vous êtes sincère, vous avouerez que vous avez beaucoup à souffrir de vous-même. Vous êtes l'esclave de vos dispositions, ce qui arrive toujours quand on n'a pas la vraie paix ; et cette inégalité d'humeur que connaissent très bien ceux avec qui vous vivez, deviendra tôt ou tard beaucoup plus grave.

Un état flottant comme le vôtre n'offre aucune garantie ; il vous faut un christianisme qui soit une vie et non pas une doctrine, qui ait une sève de croissance, et vous êtes obligé de confesser que cette puissance de Dieu vous manque, et que jusqu'ici vous puisez vos forces en vous-même et non dans la plénitude de Christ. C'est pourquoi entrez sans tarder en rapport avec lui ; hors de lui vous ne pouvez rien faire ; lui seul conduit au Père ; lui seul peut donner un coeur touché d'une véritable componction. Alors, et quand il vous aura éclairé sur vous-même et que le fondement trompeur de votre sécurité actuelle sera ruiné, alors, dis-je, vous serez dans le chemin de la vie, et il sera temps pour vous de vous enquérir comment on demeure en lui quand il demeure en nous.

Mais si on connaît Jésus, que faut-il faire pour que les impressions divines se fixent et se consolident ?

Avant toutes choses, il nous faut veiller sur notre manière d'être et ne pas tolérer dans nos actions quoi que ce soit de louche, à plus forte raison quoi que ce soit qui manquerait décidément de droiture.
Marchons dans la lumière et non dans le brouillard ; écoutons les avertissements du Saint-Esprit à la conscience ; plus nous les écouterons, plus ils se multiplieront. Il y a beaucoup de choses qu'on ne peut appeler des péchés, mais qui peuvent cependant conduire au péché. Gardons-nous, par exemple, de cette indolence spirituelle qui nous envahit si souvent. C'est un mauvais symptôme. La plupart des maladies corporelles s'annoncent par la perte de l'appétit ; le relâchement de la vie de l'âme s'annonce souvent aussi par une diminution de besoins. Dès que l'on se sent un esprit distrait, un coeur refroidi et paresseux à la prière, un vague malaise comme celui que donne la lourdeur de l'air à l'approche d'un orage, tremblons, car le danger est proche.

Combattons le mal dans son principe ; il sera plus aisément vaincu. Approchons-nous plus fréquemment du Seigneur et surveillons les côtés par où l'ennemi nous attaque ordinairement. L'Écriture a dit : Recherche l'Éternel et sa force ; considère-le dans toutes tes voies, et il dirigera tes sentiers.
Si nous ne le faisons pas, voici ce qui nous arrivera. L'esprit froid que nous avons laissé dominer nous jettera dans une foule d'infidélités de détail qui rongent la vie intérieure, comme les chenilles rongent la fleur des arbres. Un esprit mal discipliné entraîne à de petites négligences, à de petits mensonges, à une foule de caprices et de mauvaises humeurs. Quand cette ligne est franchie, il n'y a qu'un pas pour être entraîné à quelque chose de plus grave et d'où l'on ne sort pas si facilement. Encore une fois, veillez sur toute votre manière d'être : c'est le premier conseil que nous vous donnons.

En voici un autre : méditez la parole de Dieu avec des intentions plus directes. Puisqu'elle est le lait spirituel et pur par le moyen duquel nous croissons, désirons avec ardeur ce lait ; ne le regardons pas seulement, nourrissons-nous-en.
Je parle des applications personnelles qu'on laisse pénétrer jusqu'aux moelles et aux jointures.

Lire ne suffit pas, il faut amener les pensées captives et laisser fléchir la volonté. Il y a tant de passages incisifs dans la Parole sainte ! Ce n'est pas sans raison qu'elle est appelée une épée à deux tranchants.
Prenez des chapitres comme Matth., V, Rom., XII, Col., III, 1 Pierre, II, et lisez avec l'intention directe de vous juger devant Dieu et de voir clair en vous-même.

La Bible a deux manières d'agir. Tantôt par des impressions humiliantes elle frappe à mort notre vieil homme tantôt par des impressions de vie elle ranime le courage. Le premier élément est pour éclairer la conscience, le second pour restaurer le coeur ; réunis ils entretiennent la spiritualité.
Ne fermez point la Bible avant qu'elle vous ait parlé de ces deux manières.
Laissez-la vous montrer combien vous êtes naturellement éloigné de Dieu, et combien Dieu a de grâces en réserve pour tout pécheur qui croit. Plus la Parole de Dieu gagne en autorité, plus la vie intérieure devient intense et le combat victorieux. Mais il faut que cette méditation soit régulière et faite devant Dieu et dans la présence de Jésus-Christ. Vous savez trouver du temps pour vos affaires, pour votre famille, pour vos plaisirs ; sachez aussi trouver le temps de vous recueillir devant Jésus-Christ. Demeurez en lui, il demeurera en vous.

Un troisième conseil encore. Faites que votre prière, d'une simple pratique, devienne un état, et un état habituel. Il y a deux manières de prier : dans l'une, on parle au Seigneur ; dans l'autre, on est avec le Seigneur.
La première conduit à la seconde, mais il faut commencer par la première. Parler au Seigneur, comme un ami parle avec son intime ami, répandre son coeur en sa présence, lui exposer nos besoins en toutes occasions, est une nécessité que rien ne remplace, pas même la lecture assidue de la Bible.
La prière est la récapitulation de la vie et le laboratoire de l'âme. Ayez des heures fixes pour ces tête-à-tête avec Dieu ; multipliez-les, si vous le pouvez ; une liaison devient d'autant plus étroite qu'on se voit plus souvent et plus longtemps.

Mais cette première manière de prier ne suffit pas. Quand on a acquis l'habitude de parler au Seigneur, il faut contracter l'habitude d'être avec le Seigneur, et pour cela on n'a pas toujours besoin de paroles. On s'établit près de lui, on vit pour ainsi dire dans l'air qu'il respire, on agit dans le sentiment de sa présence, comme un voyageur reste dans une bonne atmosphère, tout en continuant à marcher. Quand la Bible dit : Priez sans cesse, priez sans vous relâcher jamais, c'est de cette seconde manière de prier qu'elle entend parler. La prière intermittente devient un état permanent, et quand l'âme est dans cette attitude, elle peut être au milieu du bruit, vaquer à toutes sortes d'occupations, et ne pas sortir du commerce de son Dieu. On dit dans le monde qu'on n'est nulle part aussi bien que chez soi ; eh bien ! l'âme est chez elle, quand elle a pris une position solide aux pieds du Seigneur. L'aplomb spirituel vient de cette seconde manière de prier. Si vous conservez le vif sentiment qu'une seule chose est nécessaire, vous ne perdrez point votre centre de gravité. Au lieu d'être dominé par les choses de la terre, vous le serez car l'Esprit du Seigneur, et la liberté est là où cet Esprit domine. Il vous établira sur la pierre angulaire et précieuse, il vous préservera des chutes, il vous fera habiter dans la retraite secrète du Souverain, il vous donnera la pleine réalisation de cette parole : Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous.

Cela ne veut pas dire cependant qu'il vous mette pour toujours à l'abri de secousses, de tentations, ou de moments d'infidélité. Le Seigneur parle de sarments qui portent du fruit, mais qui, néanmoins, ont besoin d'être émondés pour qu'ils portent encore plus de fruit. L'instrument tranchant du céleste cultivateur, c'est tout ce qui attaque le vieil homme et le poursuit dans ses derniers retranchements. Le Saint-Esprit a une discipline de feu et de fer : heureux ceux qui s'y soumettent !

Ne négligez pas la repentance ; c'est encore un conseil que nous vous donnons. Nos plus mauvais jours sont ceux où nous ne voyons rien à émonder ; et s'il y a des jours pires encore, ce sont ceux où nous nous imaginons que la repentance ne nous concerne plus.
Bien des chrétiens sont dans ce cas ; je dis des chrétiens et non pas des gens du monde ; parce qu'ils connaissent le Seigneur et qu'ils ont connu une fois cette conviction de péché que donne le Saint-Esprit, ils croient que c'est une oeuvre faite et que ce serait nier le pardon que Dieu leur a accordé que de le redemander une seconde, une troisième fois. Aussi ils ne voient bientôt plus les chameaux qu'ils avalent.
Malheureusement on peut s'habituer à tout, même à être un sel insipide. Peut-on s'étonner alors qu'il y ait d'anciens réveillés qui ne réveillent plus personne, parce qu'ils dorment eux-mêmes ?
Ce qui leur manque journellement, c'est la sainte tristesse, sans laquelle il n'y a pas de sainte joie. Voulez-vous demeurer en Christ ? voulez-vous que vos dernières oeuvres surpassent les premières ? Laissez arriver chaque jour jusqu'à vous les accusations de la loi. Ecoutez-la comme si vous lui étiez encore assujetti.

Le commandement qui ne peut donner la vie, peut garder dans la vie celui qui y est ; il est au croyant ce que les barrières du pont sont au voyageur. Souvenez-vous, du reste, que celui qui est lavé a besoin qu'on lui lave encore les pieds, à cause des souillures journalières qui s'attachent à nous tant que nous cheminons ici-bas.

Un mot encore et je finis. Mettez-vous chaque jour en présence de votre mort et de votre éternité I Votre dernière heure peut vous surprendre ; elle vient toujours plus tôt qu'on ne l'attend. En ce moment-là, que servirait-il à un homme d'avoir gagné tout le monde ? Quelle paix, quel soulagement peuvent donner des biens qu'il faut laisser à d'autres ?
Heureux donc les coeurs libres, les coeurs détachés ! Ce sont eux qui demeurent en Christ, et en qui Christ demeure. Enracinés dans le sol de la vie, ils rendent le fruit dans leur saison et leur feuillage ne se flétrit point. Ils se laissent émonder avec joie, pour rester insérés dans le vrai cep, et ne rien recevoir que de lui. Ils font la double expérience que hors de lui ils ne peuvent rien faire, mais qu'ils peuvent tout par lui, quand il les fortifie.

Ils sont dans le dénûment complet et pourtant ils ont la plénitude de toutes choses. Ils sont étonnés de ce qu'ils font, car ils sentent clairement que ce n'est pas eux qui le font. Ils sont humiliés de ce que Dieu daigne se servir d'instruments comme eux, et toutefois, par les résultats, ils ne peuvent méconnaître que Dieu se sert réellement d'eux.
Quand nous entretenons la conscience de notre néant, le Saint-Esprit entretient en nous la conscience que nous demeurons en Christ et que Christ demeure en nous. C'est à cette permanence qu'il faut arriver ; alors nos impressions spirituelles se fixeront, et nous ne flotterons plus au gré des hommes.
Notre chaussure sera de fer et d'airain, et notre force durera autant que nos jours. Vous qui hésitez, mettez-vous en route ; et vous qui êtes en roule, ceignez plus fortement vos reins, afin que ce qui cloche ne se dévoie pas tout à fait, mais plutôt qu'il se rétablisse.


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