Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

II

L'onction.

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1 Jean. II, 27.

 L'onction que vous avez reçue de lui demeure en Tous, et vous n'avez pas besoin que personne vous instruise, mais comme cette même onction vous enseigne toutes choses et qu'elle est véritable et exempte de mensonge, vous demeurerez eu lui selon qu'elle vous a enseigné.



II y a plusieurs signes auxquels on peut reconnaître une vraie conversion. Examinez-vous sur les passages suivants ; ils vous feront remonter d'effets bien différents à une seule et même cause :
Avez-vous appris à être content de l'état où vous vous trouviez ?
Avez-vous le même esprit dans la pauvreté et dans l'abondance, que
vous soyez rassasié ou que vous ayez faim, et pouvez-vous rendre grâces pour toutes choses, puisque c'est la volonté de Dieu en Jésus-Christ à notre égard ?
Quand le juste vous frappe, cela vous est-il une faveur ? ou quand on vous reprend, cela vous est-il un baume excellent ?
N'avez-vous plus de ces bouillonnements d'amour-propre, de susceptibilité, d'orgueil mal étouffé ?
Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, le leur faites-vous de prime abord ? est-ce là votre loi, sont-ce là vos prophètes ?
Ou, en supposant que vous remplissiez tous vos devoirs à l'exception d'un seul, êtes-vous tourmenté dans votre conscience par celle seule transgression du commandement comme si vous les aviez tous violés ?
Vous considérez-vous vous-même comme le plus grand des pécheurs ?
Et si tout autre avait été à votre place, croyez-vous que tout autre eût mieux rempli cette place que vous ?

Une seule demande encore, et ici nous arrivons à notre texte et aux conséquences que nous pouvons en tirer :
Avez-vous reçu l'onction d'en haut, et vous conformez-vous à ce qu'elle vous enseigne ?

Un christianisme sans onction n'est pas encore une conversion. L'onction est le signe de la maturité, d'un travail général, d'un état de persévérance. C'est donc ici une pierre de touche qui mérite bien que nous l'examinions. Cherchons donc ce que c'est que l'onction et à quoi on peut la reconnaître ; puis nous verrons comment on peut arriver à ce caractère d'un enfant de Dieu.


I.

 L'onction fait penser à l'huile qui jouait un si grand rôle dans les cérémonies de l'Ancien Testament. Les prophètes, les rois et les souverains sacrificateurs recevaient l'investiture de leurs fonctions par le moyen d'une huile sacrée qu'on répandait sur leur tête, qui découlait sur leur barbe et descendait jusque sur le bord de leurs vêtements. Cette effusion était un acte symbolique et désignait la vie du Saint-Esprit et cette abondance de grâces spirituelles qui est nécessaire aux hauts fonctionnaires établis de Dieu, soit qu'ils gouvernent les peuples, soit qu'ils travaillent à l'avancement de son règne. Mais cette onction réservée sous la loi à quelques favorisés, devient, sous la nouvelle alliance, le privilège de tout membre de Christ.
Tout le troupeau du Seigneur est une race élue, un peuple de sacrificateurs et de rois. Dans la parabole des dix vierges, c'est l'huile ou le manque d'huile qui décide du salut ou de l'exclusion finale ; et le vase de parfums que la femme de l'Évangile brise et répand sur les pieds du Sauveur est l'image de ce parfum de vie que nous devons tous répandre, et que donne l'onction chrétienne. C'est un cachet d'en haut qui revêt d'un caractère particulier ce qui est divin et de bon aloi. Rien au monde ne peut remplacer cette investiture de Dieu. L'onction est une vertu qui demeure en nous ; c'est une force et une intelligence spirituelle tout à la fois ; ceux qui l'ont reçue, n'ont pas besoin que personne les instruise ; ils sont sous l'influence de la vérité, car ils sont sous la direction de l'Esprit de Dieu.
Cette même onction leur enseigne toutes choses et fait leur éducation, en les avertissant, les convainquant, les corrigeant ou les instruisant dans la justice.

C'est une atmosphère divine dans laquelle on est maintenu, dans laquelle on grandit et on fructifie pour Dieu, comme un arbre planté près des ruisseaux d'eau courante. L'onction a pour but de rendre l'homme de Dieu accompli et parfaitement propre pour toute bonne oeuvre.
C'est un enseignement pratique qui fait surmonter les mauvaises tendances du coeur, les aspérités du caractère et toutes les excroissances du vieil homme, de ses affections et de ses convoitises. Le travail de l'onction embrasse tout notre être, quelque multiple qu'il soit ; on le reconnaît partout comme tout ce qui sort des mains de Dieu. De même que la Bible est partout la Bible, à quelque page que vous l'ouvriez, l'onction du Saint-Esprit n'a rien d'inégal, rien de disparate dans son ensemble.

Toute oeuvre de Dieu a un côté intérieur et un côté extérieur ; il en est de même du travail dont nous parlons. Il commence par le renouvellement de l'esprit et la transformation du coeur ; puis, gagnant de là la surface de la vie, il s'étend aux paroles, aux actes, à toute la manière d'être. Comme l'huile rend luisants et souples les corps qu'elle pénètre, l'onction donne à la vie chrétienne un caractère lumineux et une merveilleuse souplesse. On n'avance plus par sauts et par bonds ; on n'est pas plein de feu aujourd'hui, tout de glace demain ; on est pénétré de Dieu, comme la pâte est pénétrée du levain, et l'esprit, l'âme et le corps obéissent à la même discipline.

Pour voir de près l'onction chrétienne, et savoir comment elle demeure en nous, comment elle nous enseigne toutes choses, il faut regarder Jésus-Christ dans sa vie intérieure aussi bien que dans sa vie extérieure. On voit partout les mêmes impulsions ; elles se suivent et se continuent sans interruption.
L'amour et l'obéissance, la douceur et l'humilité du coeur, tout marche de front et rayonne de tous les côtés. L'harmonie qui régnait dans son âme, se retrouve dans les plus simples détails de sa vie. La même majesté paisible, la même gravité pénétrée de tendresse, se fait sentir dans les situations les plus différentes et dans les rapports les plus difficiles. Quand on pourrait nier tous les miracles du Sauveur, l'onction de sa vie, depuis la crèche jusqu'à la croix, resterait encore un miracle inexplicable.
C'était cette onction qui lui enseignait toutes choses et qui lui faisait sentir continuellement qu'il était venu pour faire, non sa volonté, mais celle de son Père céleste ; qu'il ne pouvait faire que ce qu'il avait vu faire à son Père ; qu'il n'était pas venu pour condamner le monde, mais afin que le monde fût sauvé par lui.

Cette unité compacte doit se retrouver en nous tous. Ce qui y conduit, c'est la connaissance du Fils de Dieu et la force qu'il distribue dans chaque membre. L'âme où Christ vit et où son oeuvre se fait sans entrave, possède une vie bien proportionnée et bien jointe par la liaison de ses parties, qui communiqueront les unes aux autres, et qui s'entre-répondront comme les membres du même corps. Elle ne vit plus de deux manières ; elle croît en toutes choses dans Celui qui est le Chef. L'huile d'en haut découle jusque sur le bord de ses vêlements ; quoi qu'elle fasse, elle le fait par le Seigneur et pour le Seigneur. La bonté et la vérité se rencontrent en elle ; la justice et la paix s'entre-baisent.

L'homme du monde sent fort bien ce qu'il y a de divin dans une vie qui porte ce cachet bien intact. C'est une douce violence qui gagne les coeurs et qui enlève les forteresses ; mais l'homme du monde discerne aisément aussi l'onction contrefaite, l'imitation humaine de celle qui est l'oeuvre de Dieu. Vous ne lui ferez jamais prendre pour de l'onction véritable la fausse gravité ou l'affectation religieuse. Certaines gens ont des airs de pontifes, un genre solennel, une majesté de gestes, un ton doctoral, une emphase de paroles ou un pathétique larmoyant qu'ils voudraient bien faire passer pour de l'onction. Mais non, l'onction est toute autre chose. C'est une chaleur moelleuse, douce, simple, nourrissante, qui se répand sur les âmes et sur les coeurs destinés à la recevoir. La piété n'est pas un rôle qu'on puisse étudier ; celui qui l'essaie, ne sera jamais qu'un comédien. Un genre qui n'est qu'adopté se trahit souvent sans le savoir ; on ne se soutient pas longtemps dans un rôle qui n'est qu'une étude, et quand la vérité perce à travers la feinte, les contrastes n'en sont que plus criants. On peut imiter des billets de banque, un langage de salon ou une passion de théâtre, mais on ne peut point falsifier la vérité de Dieu. L'homme naturel ne comprend point les choses qui sont de l'Esprit de Dieu. Un coeur touché a un langage à part ; celui qui veut l'imiter, n'est qu'un airain qui résonne ou qu'une cymbale qui retentit.


II.

 Après avoir parlé de l'onction même, après avoir dit ce qu'elle est et comment on la peut reconnaître, nous allons voir comment on y arrive.

Avant tout, il faut croître dans l'empire sur nous-mêmes. Il faut savoir nous posséder, nous maîtriser, garder notre coeur plus que toute autre chose qu'on garde. Nos chutes viennent toujours de l'entraînement au mal, et cette mauvaise tendance est cause de nos inégalités d'humeur et de nos vices de caractère. Plus nous dominerons notre esprit, plus nous préparerons le terrain à l'onction d'en haut. L'affection du Saint-Esprit est ennemie de tout ce qui est passionné, désordonné, mouvement brusque ou échauffement naturel. Dieu nous excite à l'attention tous les matins et nous touche l'oreille, afin que nous écoutions comme on écoule les maîtres.
Les voix de l'Esprit sont bien diverses et bien nombreuses ; donnons à ces voix tout pouvoir sur nous, et elles nous préserveront d'un esprit relâché et de ce tumulte intérieur qui précède ordinairement les éclats du péché. C'est un grand gain que de savoir surmonter le mal par le bien. De même qu'une seule étincelle peut allumer toute une forêt, de même, il suffit de se livrer à un seul mauvais mouvement, pour perdre l'équilibre spirituel et pour ouvrir la porte à dix autres péchés. Surveillons-nous donc et soyons sobres, car l'homme qui ne peut pas retenir son esprit, est comme une ville où il y a une brèche, ou qui est sans murailles.

C'est le premier point. En voici un second : gardez-vous des influences du monde, car rien n'est si contraire à l'onction que la mondanité. Il ne suffit pas de combattre le mal en nous, il faut aussi connaître les ennemis qui nous viennent du dehors et se tenir en garde contre cette atmosphère de vanité dans laquelle nous vivons. Saint Jean, quelques versets plus haut que notre texte, avait dit : N'aimez point le monde ni les choses qui sont dans le monde ; si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père (et nous pouvons ajouter : l'onction de l'Esprit) n'est point en lui.
Le monde, c'est l'enchaînement à la terre, c'est ce que nous préférons à Dieu et aux biens éternels. Que notre coeur se passionne pour les plaisirs ou pour les affaires ; qu'il se laisse enchaîner par des habitudes ou par des relations de coeur, c'est toujours l'esclavage des choses d'en bas.

Ce que nous ne dominons pas nous domine, et l'onction est impossible dans un coeur asservi. Usez de ce monde comme n'en usant pas ; intéressez-vous à toutes choses, mais ne vous rendez esclave de rien. Il n'y a qu'une seule chose nécessaire ; que ce soit elle qui nous domine, et nous serons en liberté.

Il y a des chrétiens qui sont habituellement agités. On ne les trouve presque jamais dans une disposition calme. Ces préoccupations leur viennent de l'amour du monde, car la mondanité est un levain de trouble, elle exclut toute onction. Les habitudes les plus innocentes, les affections les plus légitimes peuvent, si l'on n'y prend garde, devenir une forte chaîne. Il y a une mondanité sérieuse, comme il y a une mondanité frivole ; il y a aussi une demi-mondanité qui entre fort avant dans la vie chrétienne, et qui n'empêche pas de prier à genoux ni d'aller dans un lieu de culte. Eh bien, quelle que soit la part que vous laissiez au monde dans vos rapports avec Dieu, vous affaiblissez votre vie chrétienne et vous lui faites perdre son vrai caractère qui est l'onction du Saint-Esprit.

Plus l'amour du monde recule, plus l'attachement au Seigneur avance ; c'est lui qui prépare à l'esprit de sacrifice - le signe le plus sûr que nous avons reçu l'onction de la part du Saint, et qu'elle demeure en nous. Voyez l'apôtre Jean lui-même : cette onction divine qui coule dans ses épîtres et qui se montre aussi dans son évangile, comment est-il arrivé à la posséder ? Uniquement en aimant.
Aimer, c'est se donner, c'est revêtir le Seigneur Jésus-Christ. C'est ce qu'a fait saint Jean ; le maître vit tellement dans le disciple, que le disciple s'écrie : Qui a le Fils, a la vie ; qui n'a point le Fils de Dieu, n'a point la vie. Il faut se dépouiller de sa vie propre, pour être marqué du sceau d'un enfant de Dieu. Les chrétiens qui ont le plus d'onction sont ceux qui peuvent le plus facilement se donner et mettre tout ce qui les concerne sous la croix. Moins nous opposons de résistance quand Jésus-Christ nous réclame, plus le Seigneur se glorifiera en nous ; les montagnes s'abaissent, les vallées se comblent, ce qui est tortu est redressé, ce qui est raboteux est aplani.

Pouvez-vous vous rendre le témoignage que vous êtes séparé de vous-même et que vous êtes uni à Jésus en simplicité de coeur ? Avez-vous l'esprit de sacrifice, ou bien peut-être cet esprit vous fait-il peur ?
Il est dit d'Étienne qu'au moment où on le lapidait, son visage parut semblable à celui d'un ange. Voilà l'onction d'en haut ; c'est le rayonnement d'une âme qui a mis sa vie propre aux pieds du Seigneur.
Saint Jean dit d'un tel homme qu'il n'a pas besoin que personne l'instruise ; car cette onction lui enseigne toutes choses parce qu'elle est véritable, exempte de mensonge, et quelle lui apprend à demeurer en lui.

Ces paroles nous montrent pourquoi l'onction est le signe d'une vraie conversion. C'est elle qui nous donne une intelligence tellement claire et tellement conforme à la volonté de Dieu, qu'il n'est plus possible de se tromper. Avec elle, il n'est plus besoin d'avoir le catalogue de ses devoirs ; l'ensemble de la vie appartient si intimement au Seigneur que la conscience est avertie dès qu'il y a trouble dans nos rapports avec lui. Elle donne un tact qui nous maintient dans le vrai, de sorte qu'il n'est plus besoin que personne nous instruise, On vit avec le Seigneur, on reçoit de lui, on est éclairé par lui, on a l'organe de la vérité et l'on juge sur-le-champ ce qui est mensonge. L'onction est autre chose qu'une fausse illumination. Le mysticisme prétend aussi être un enseignement de Dieu et une révélation exempte de mensonge, mais le fondement des mystiques n'est pas le même que. celui de l'onction chrétienne. Les mystiques substituent à la parole écrite de la Bible une parole intérieure qui n'est trop souvent que celle de leur volonté propre et de leur orgueil spirituel. L'onction, au contraire, n'est pas autre chose que la Parole écrite, mais dont la vertu se traduit dans la vie et dans la force intime du christianisme. Le Saint-Esprit rappelle aux amis du Sauveur les commandements de leur Maître, et de même que toute l'Écriture est véritable et exempte de mensonge, l'onction qui vient de l'Esprit qui a inspiré l'Écriture, a le même cachet et ne laisse point tomber dans l'erreur.

Saint Jean ajoute cette exhortation, après la parole qui nous occupe : Maintenant donc, mes petits enfants, demeurez en lui, afin que quand il paraîtra, nous ayons de la confiance et que nous ne soyons pas confus devant lui à son avènement.
L'onction, d'après cela, ne laisse point stationnaire. Elle est au contraire la force du progrès, elle fait avancer dans la vie, elle nous excite à poursuivre constamment et joyeusement la course qui nous est proposée.

C'est le travail d'un inexprimable amour, le soupir d'une âme sauvée en espérance, mais qui sent que ce qu'elle sera n'a pas encore été manifesté. On a encore à combattre, encore à pleurer, mais ce sont des luttes qui rapprochent de la victoire, des larmes qui préparent à la moisson et au triomphe. On a confiance en Celui qui nous a appelés et qui ne rendra point les siens confus à son avènement. Dans la vie chrétienne il faut courir et il faut atteindre ; mais on peut faire l'un et l'autre quand on a l'assurance qu'il demeure en nous et que nous demeurons en lui.
Cette espérance prêche toute seule ce que nous avons à faire et elle rend inutile qu'on nous enseigne ou qu'on nous encourage : l'onction est un embrasement de l'âme, un stimulant céleste qui ne laisse point à moitié chemin. On sent qu'on ne sera heureux que quand on sera conforme en toutes choses à l'image du Fils de Dieu, de ce premier-né entre plusieurs frères. Un amour partagé, un coeur qui se refroidit, deviennent insupportables ; on languit de posséder ce nom nouveau que personne ne connaît que celui qui le reçoit. Saint Jean se repose aujourd'hui. Il est un de ceux qui ont vaincu. L'onction qu'avait ce disciple bien-aimé, était en lui les arrhes de la vie éternelle. Il a attendu avec patience Celui qui devait venir et qui est venu. Ayons la même confiance, et comme lui nous ne serons point confus au jour de son avènement.


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