L'onction que vous avez reçue de lui demeure en Tous, et vous n'avez pas besoin que personne vous instruise, mais comme cette même onction vous enseigne toutes choses et qu'elle est véritable et exempte de mensonge, vous demeurerez eu lui selon qu'elle vous a enseigné.
II y a plusieurs signes auxquels on peut reconnaître une vraie
conversion. Examinez-vous sur les passages suivants ; ils vous
feront remonter d'effets bien différents à une seule et même
cause :
Avez-vous appris à être content de l'état où vous vous
trouviez ?
Avez-vous le même esprit dans la pauvreté et dans l'abondance, que
vous soyez rassasié ou que vous ayez faim, et pouvez-vous rendre
grâces pour toutes choses, puisque c'est la volonté de Dieu
en Jésus-Christ à notre égard ?
Quand le juste vous frappe, cela vous est-il une faveur ? ou
quand on vous reprend, cela vous est-il un baume excellent ?
N'avez-vous plus de ces bouillonnements d'amour-propre, de
susceptibilité, d'orgueil mal étouffé ?
Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, le leur
faites-vous de prime abord ? est-ce là votre loi, sont-ce
là vos prophètes ?
Ou, en supposant que vous remplissiez tous vos devoirs à
l'exception d'un seul, êtes-vous tourmenté dans votre
conscience par celle seule transgression du commandement comme si
vous les aviez tous violés ?
Vous considérez-vous vous-même comme le plus grand des
pécheurs ?
Et si tout autre avait été à votre place, croyez-vous que tout
autre eût mieux rempli cette place que vous ?
Une seule demande encore, et ici nous arrivons à
notre texte et aux conséquences que nous pouvons en tirer :
Avez-vous reçu l'onction d'en haut, et vous conformez-vous à ce
qu'elle vous enseigne ?
Un christianisme sans onction n'est pas encore une conversion.
L'onction est le signe de la maturité, d'un travail général, d'un état
de persévérance. C'est donc ici une pierre de touche qui mérite bien
que nous l'examinions. Cherchons donc ce que c'est que l'onction et à
quoi on peut la reconnaître ; puis nous verrons comment on peut
arriver à ce caractère d'un enfant de Dieu.
L'onction fait penser à l'huile qui jouait un si grand rôle
dans les cérémonies de l'Ancien Testament. Les prophètes, les rois et
les souverains sacrificateurs recevaient l'investiture de leurs
fonctions par le moyen d'une huile sacrée qu'on répandait sur leur
tête, qui découlait sur leur barbe et descendait jusque sur le bord de
leurs vêtements. Cette effusion était un acte
symbolique et désignait la vie du Saint-Esprit et cette abondance de
grâces spirituelles qui est nécessaire aux hauts fonctionnaires
établis de Dieu, soit qu'ils gouvernent les peuples, soit qu'ils
travaillent à l'avancement de son règne. Mais cette onction réservée
sous la loi à quelques favorisés, devient, sous la nouvelle alliance,
le privilège de tout membre de Christ.
Tout le troupeau du Seigneur est une race élue, un peuple de
sacrificateurs et de rois. Dans la parabole des dix vierges,
c'est l'huile ou le manque d'huile qui décide du salut ou de
l'exclusion finale ; et le vase de parfums que la femme de
l'Évangile brise et répand sur les pieds du Sauveur est l'image de ce
parfum de vie que nous devons tous répandre, et que donne l'onction
chrétienne. C'est un cachet d'en haut qui revêt d'un caractère
particulier ce qui est divin et de bon aloi. Rien au monde
ne peut remplacer cette investiture de Dieu. L'onction est
une vertu qui demeure en nous ; c'est une force et une
intelligence spirituelle tout à la fois ; ceux qui l'ont reçue, n'ont
pas besoin que personne les instruise ; ils sont sous
l'influence de la vérité, car ils sont sous la direction de l'Esprit
de Dieu.
Cette même onction leur enseigne toutes choses et fait leur
éducation, en les avertissant, les convainquant, les
corrigeant ou les instruisant dans la justice.
C'est une atmosphère divine dans laquelle on est maintenu, dans
laquelle on grandit et on fructifie pour Dieu, comme un arbre
planté près des ruisseaux d'eau courante. L'onction a pour but
de rendre l'homme de Dieu accompli et parfaitement propre pour
toute bonne oeuvre.
C'est un enseignement pratique qui fait surmonter les mauvaises
tendances du coeur, les aspérités du caractère et toutes les
excroissances du vieil homme, de ses affections et de ses convoitises.
Le travail de l'onction embrasse tout notre être,
quelque multiple qu'il soit ; on le reconnaît partout comme tout
ce qui sort des mains de Dieu. De même que la Bible est partout la
Bible, à quelque page que vous l'ouvriez, l'onction du Saint-Esprit
n'a rien d'inégal, rien de disparate dans son ensemble.
Toute oeuvre de Dieu a un côté intérieur et un côté extérieur ;
il en est de même du travail dont nous parlons. Il commence par le
renouvellement de l'esprit et la transformation du coeur ; puis,
gagnant de là la surface de la vie, il s'étend aux paroles, aux actes,
à toute la manière d'être. Comme l'huile rend luisants et souples les
corps qu'elle pénètre, l'onction donne à la vie chrétienne un
caractère lumineux et une merveilleuse souplesse. On n'avance plus par
sauts et par bonds ; on n'est pas plein de feu aujourd'hui, tout
de glace demain ; on est pénétré de Dieu, comme la pâte est
pénétrée du levain, et l'esprit, l'âme et le corps obéissent à la même
discipline.
Pour voir de près l'onction chrétienne, et savoir comment elle
demeure en nous, comment elle nous enseigne toutes choses, il
faut regarder Jésus-Christ dans sa vie intérieure aussi bien que dans
sa vie extérieure. On voit partout les mêmes impulsions ; elles
se suivent et se continuent sans interruption.
L'amour et l'obéissance, la douceur et l'humilité du coeur, tout
marche de front et rayonne de tous les côtés. L'harmonie qui régnait
dans son âme, se retrouve dans les plus simples détails de sa vie. La
même majesté paisible, la même gravité pénétrée de tendresse, se fait
sentir dans les situations les plus différentes et dans les rapports
les plus difficiles. Quand on pourrait nier tous les miracles du
Sauveur, l'onction de sa vie, depuis la crèche jusqu'à la croix,
resterait encore un miracle inexplicable.
C'était cette onction qui lui enseignait toutes choses et
qui lui faisait sentir continuellement qu'il était venu pour
faire, non sa volonté, mais celle de son
Père céleste ; qu'il ne pouvait faire que ce qu'il avait vu
faire à son Père ; qu'il n'était pas venu pour condamner le
monde, mais afin que le monde fût sauvé par lui.
Cette unité compacte doit se retrouver en nous tous. Ce qui y
conduit, c'est la connaissance du Fils de Dieu et la force qu'il
distribue dans chaque membre. L'âme où Christ vit et où son
oeuvre se fait sans entrave, possède une vie bien proportionnée et
bien jointe par la liaison de ses parties, qui communiqueront les
unes aux autres, et qui s'entre-répondront comme les membres du
même corps. Elle ne vit plus de deux manières ; elle croît en
toutes choses dans Celui qui est le Chef. L'huile d'en haut
découle jusque sur le bord de ses vêlements ; quoi qu'elle fasse,
elle le fait par le Seigneur et pour le Seigneur. La bonté et la
vérité se rencontrent en elle ; la justice et la paix
s'entre-baisent.
L'homme du monde sent fort bien ce qu'il y a de divin dans une vie qui
porte ce cachet bien intact. C'est une douce
violence qui gagne les coeurs et qui enlève les forteresses ;
mais l'homme du monde discerne aisément aussi l'onction contrefaite,
l'imitation humaine de celle qui est l'oeuvre de Dieu. Vous ne lui
ferez jamais prendre pour de l'onction véritable la fausse gravité ou
l'affectation religieuse. Certaines gens ont des airs de pontifes, un
genre solennel, une majesté de gestes, un ton doctoral, une emphase de
paroles ou un pathétique larmoyant qu'ils voudraient bien faire passer
pour de l'onction. Mais non, l'onction est toute autre chose. C'est
une chaleur moelleuse, douce, simple, nourrissante, qui se répand sur
les âmes et sur les coeurs destinés à la recevoir. La piété n'est pas
un rôle qu'on puisse étudier ; celui qui l'essaie, ne sera jamais
qu'un comédien. Un genre qui n'est qu'adopté se trahit souvent sans le
savoir ; on ne se soutient pas longtemps dans un rôle qui n'est
qu'une étude, et quand la vérité perce à travers la
feinte, les contrastes n'en sont que plus criants. On peut imiter des
billets de banque, un langage de salon ou une passion de théâtre, mais
on ne peut point falsifier la vérité de Dieu. L'homme naturel ne
comprend point les choses qui sont de l'Esprit de Dieu. Un
coeur touché a un langage à part ; celui qui veut l'imiter, n'est
qu'un airain qui résonne ou qu'une cymbale qui retentit.
Après avoir parlé de l'onction même, après avoir dit ce qu'elle
est et comment on la peut reconnaître, nous allons voir comment on y
arrive.
Avant tout, il faut croître dans l'empire sur nous-mêmes. Il faut
savoir nous posséder, nous maîtriser, garder notre coeur
plus que toute autre chose qu'on garde. Nos chutes viennent
toujours de l'entraînement au mal, et cette mauvaise tendance est
cause de nos inégalités d'humeur et de nos vices de
caractère. Plus nous dominerons notre esprit, plus nous préparerons le
terrain à l'onction d'en haut. L'affection du Saint-Esprit est ennemie
de tout ce qui est passionné, désordonné, mouvement brusque ou
échauffement naturel. Dieu nous excite à l'attention tous les
matins et nous touche l'oreille, afin que nous écoutions comme on
écoule les maîtres.
Les voix de l'Esprit sont bien diverses et bien nombreuses ;
donnons à ces voix tout pouvoir sur nous, et elles nous préserveront
d'un esprit relâché et de ce tumulte intérieur qui précède
ordinairement les éclats du péché. C'est un grand gain que de savoir surmonter
le mal par le bien. De même qu'une seule étincelle peut allumer
toute une forêt, de même, il suffit de se livrer à un seul
mauvais mouvement, pour perdre l'équilibre spirituel et pour ouvrir la
porte à dix autres péchés. Surveillons-nous donc et soyons sobres, car
l'homme qui ne peut pas retenir son esprit, est
comme une ville où il y a une brèche, ou qui est sans
murailles.
C'est le premier point. En voici un second : gardez-vous des
influences du monde, car rien n'est si contraire à l'onction que la
mondanité. Il ne suffit pas de combattre le mal en nous, il faut aussi
connaître les ennemis qui nous viennent du dehors et se tenir en garde
contre cette atmosphère de vanité dans laquelle nous vivons. Saint
Jean, quelques versets plus haut que notre texte, avait dit : N'aimez
point le monde ni les choses qui sont dans le monde ; si
quelqu'un aime le monde, l'amour du Père (et nous pouvons
ajouter : l'onction de l'Esprit) n'est point en lui.
Le monde, c'est l'enchaînement à la terre, c'est ce que nous
préférons à Dieu et aux biens éternels. Que notre coeur se passionne
pour les plaisirs ou pour les affaires ; qu'il se laisse
enchaîner par des habitudes ou par des relations de coeur, c'est
toujours l'esclavage des choses d'en bas.
Ce que nous ne dominons pas nous domine, et l'onction est impossible
dans un coeur asservi. Usez de ce monde comme n'en usant
pas ; intéressez-vous à toutes choses, mais ne vous
rendez esclave de rien. Il n'y a qu'une seule chose
nécessaire ; que ce soit elle qui nous domine, et nous
serons en liberté.
Il y a des chrétiens qui sont habituellement agités. On ne les trouve
presque jamais dans une disposition calme. Ces préoccupations leur
viennent de l'amour du monde, car la mondanité est un levain de
trouble, elle exclut toute onction. Les habitudes les plus innocentes,
les affections les plus légitimes peuvent, si l'on n'y prend garde,
devenir une forte chaîne. Il y a une mondanité sérieuse, comme il y a
une mondanité frivole ; il y a aussi une demi-mondanité qui entre
fort avant dans la vie chrétienne, et qui n'empêche pas de prier à
genoux ni d'aller dans un lieu de culte. Eh bien, quelle que soit la
part que vous laissiez au monde dans vos rapports
avec Dieu, vous affaiblissez votre vie chrétienne et vous lui faites
perdre son vrai caractère qui est l'onction du Saint-Esprit.
Plus l'amour du monde recule, plus l'attachement au Seigneur
avance ; c'est lui qui prépare à l'esprit de sacrifice - le signe
le plus sûr que nous avons reçu l'onction de la part du Saint,
et qu'elle demeure en nous. Voyez l'apôtre Jean
lui-même : cette onction divine qui coule dans ses épîtres et qui
se montre aussi dans son évangile, comment est-il arrivé à la
posséder ? Uniquement en aimant.
Aimer, c'est se donner, c'est revêtir le Seigneur Jésus-Christ. C'est
ce qu'a fait saint Jean ; le maître vit tellement dans le
disciple, que le disciple s'écrie : Qui a le Fils, a la
vie ; qui n'a point le Fils de Dieu, n'a point la vie. Il
faut se dépouiller de sa vie propre, pour être marqué du sceau d'un
enfant de Dieu. Les chrétiens qui ont le plus d'onction sont ceux qui
peuvent le plus facilement se donner et mettre tout
ce qui les concerne sous la croix. Moins nous opposons de résistance
quand Jésus-Christ nous réclame, plus le Seigneur se glorifiera en
nous ; les montagnes s'abaissent, les vallées se comblent, ce
qui est tortu est redressé, ce qui est raboteux est aplani.
Pouvez-vous vous rendre le témoignage que vous êtes séparé de
vous-même et que vous êtes uni à Jésus en simplicité de coeur ?
Avez-vous l'esprit de sacrifice, ou bien peut-être cet esprit vous
fait-il peur ?
Il est dit d'Étienne qu'au moment où on le lapidait, son visage
parut semblable à celui d'un ange. Voilà l'onction d'en
haut ; c'est le rayonnement d'une âme qui a mis sa vie propre aux
pieds du Seigneur.
Saint Jean dit d'un tel homme qu'il n'a pas besoin que personne
l'instruise ; car cette onction lui enseigne toutes choses
parce qu'elle est véritable, exempte de mensonge, et quelle lui
apprend à demeurer en lui.
Ces paroles nous montrent pourquoi l'onction est le
signe d'une vraie conversion. C'est elle qui nous donne une
intelligence tellement claire et tellement conforme à la volonté de
Dieu, qu'il n'est plus possible de se tromper. Avec elle, il n'est
plus besoin d'avoir le catalogue de ses devoirs ; l'ensemble de
la vie appartient si intimement au Seigneur que la conscience est
avertie dès qu'il y a trouble dans nos rapports avec lui. Elle donne
un tact qui nous maintient dans le vrai, de sorte qu'il n'est plus
besoin que personne nous instruise, On vit avec le Seigneur, on
reçoit de lui, on est éclairé par lui, on a l'organe de la vérité et
l'on juge sur-le-champ ce qui est mensonge. L'onction est autre chose
qu'une fausse illumination. Le mysticisme prétend aussi être un
enseignement de Dieu et une révélation exempte de mensonge, mais
le fondement des mystiques n'est pas le même que. celui de l'onction
chrétienne. Les mystiques substituent à la parole écrite de la Bible
une parole intérieure qui n'est trop souvent que celle de leur volonté
propre et de leur orgueil spirituel. L'onction, au contraire, n'est
pas autre chose que la Parole écrite, mais dont la vertu se traduit
dans la vie et dans la force intime du christianisme. Le Saint-Esprit
rappelle aux amis du Sauveur les commandements de leur Maître, et de
même que toute l'Écriture est véritable et exempte de mensonge, l'onction
qui vient de l'Esprit qui a inspiré l'Écriture, a le même cachet et ne
laisse point tomber dans l'erreur.
Saint Jean ajoute cette exhortation, après la parole qui nous
occupe : Maintenant donc, mes petits enfants, demeurez en
lui, afin que quand il paraîtra, nous ayons de la confiance et que
nous ne soyons pas confus devant lui à son avènement.
L'onction, d'après cela, ne laisse point stationnaire. Elle est au
contraire la force du progrès, elle fait avancer dans la vie, elle
nous excite à poursuivre constamment et joyeusement la course qui
nous est proposée.
C'est le travail d'un inexprimable amour, le soupir d'une âme sauvée
en espérance, mais qui sent que ce qu'elle sera n'a pas
encore été manifesté. On a encore à combattre, encore à
pleurer, mais ce sont des luttes qui rapprochent de la victoire, des
larmes qui préparent à la moisson et au triomphe. On a confiance en
Celui qui nous a appelés et qui ne rendra point les siens confus à
son avènement. Dans la vie chrétienne il faut courir et
il faut atteindre ; mais on peut faire l'un et l'autre
quand on a l'assurance qu'il demeure en nous et que nous demeurons
en lui.
Cette espérance prêche toute seule ce que nous avons à faire et
elle rend inutile qu'on nous enseigne ou qu'on nous encourage :
l'onction est un embrasement de l'âme, un stimulant céleste qui ne
laisse point à moitié chemin. On sent qu'on ne sera heureux que quand
on sera conforme en toutes choses à l'image du Fils de Dieu, de ce
premier-né entre plusieurs frères. Un amour partagé, un coeur
qui se refroidit, deviennent insupportables ; on languit de
posséder ce nom nouveau que personne ne connaît que celui qui le
reçoit. Saint Jean se repose aujourd'hui. Il est un de ceux qui
ont vaincu. L'onction qu'avait ce disciple bien-aimé, était en lui les
arrhes de la vie éternelle. Il a attendu avec patience Celui qui
devait venir et qui est venu. Ayons la même confiance, et comme
lui nous ne serons point confus au jour de son avènement.
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