L'AMI
DE L'ARGENT
SERMON PAR ADOLPHE MONOD
1843
(Source:
Google)
AVIS
L'auteur de ce discours s'est beaucoup servi en
le composant d'un ouvrage anglais fort remarquable
et qui a fait beaucoup de bien dans le pays
où il a paru : “« MAMMON
OR COVETOUSNESS THE SIN OF THE CHURCH »,
Mammon, ou l'amour de L'argent, le
péché de l'Église, par
HARRIS.
L'AMI DE L'ARGENT
SERMON SUR LUC XII, 15
VOYEZ ET GARDEZ-VOUS DE
L'AVARICE.
Pour bien comprendre cette parole, il faut lire
ce qui la précède et ce qui la
suit :
« Alors quelqu'un de la foule lui
dit : Maître, dis à mon
frère de partager avec moi
l'héritage. Mais il lui
répondit : O homme, qui m'a
établi sur vous pour être votre juge
ou pour faire vos partages ?
Puis il leur dit : VOYEZ ET GARDEZ-VOUS DE
L'AVARICE, car encore qu'un homme soit dans
l'abondance, il n'a pas la vie par ses biens.
Et il leur proposa une parabole, disant : Les
terres d'un homme riche avaient beaucoup
rapporté ; et il raisonnait en
lui-même, disant : Que ferai-je ?
car je n'ai point où rassembler mes fruits.
Puis il dit : Voici ce que je ferai ;
j'abattrai mes greniers, et j'en bâtirai de
plus grands, et j'y rassemblerai
tous mes revenus et mes biens ; et je dirai
à mon âme : Mon âme, tu as
beaucoup de biens en réserve pour beaucoup
d'années ; repose-toi, mange, bois,
réjouis-toi. Mais Dieu lui dit :
Insensé ! cette nuit même ton
âme te sera redemandée, et les choses
que tu as préparées, à qui
seront-elles ? Il en est ainsi de celui qui
amasse pour lui-même et qui n'est pas riche
en Dieu.
Alors il dit à ses disciples : C'est
pourquoi je vous dis, ne soyez point en souci pour
votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre
corps de quoi vous serez vêtus ; la vie
est plus que la nourriture, et le corps plus que le
vêtement. Considérez les
corbeaux ; ils ne sèment ni ne
moissonnent, ils n'ont ni cellier ni grenier, et
Dieu les nourrit ; combien valez-vous mieux
que les oiseaux ? Et qui de vous par ses
inquiétudes peut ajouter une coudée
à sa taille ?
Si donc vous ne pouvez pas même les plus
petites choses, pourquoi êtes-vous en souci
du reste ? Considérez comment croissent
les lis ; ils ne travaillent ni ne filent,
cependant je vous dis que Salomon même, dans
toute sa gloire, n'était point vêtu
comme l'un d'eux.
Que si Dieu revêt ainsi l'herbe qui est
aujourd'hui au champ, et qui demain sera
jetée dans le four, combien plus vous
revêtira-t-il, Ô gens de petite
foi ?
Vous donc, ne vous mettez point en peine de ce que
vous mangerez ou de ce que vous boirez, et
n'ayez point l'esprit inquiet. Car
ce sont les nations du monde qui recherchent toutes
ces choses ; mais votre Père sait que
vous en avez besoin. Mais plutôt cherchez le
royaume de Dieu, et toutes ces choses vous seront
données par-dessus.
Ne crains point, petit troupeau, car il a plu
à votre Père de vous donner le
royaume. Vendez ce que vous avez et le donnez en
aumône, faites-vous des bourses qui ne
s'usent point, et un trésor qui ne manque
jamais dans les cieux, d'où le larron
n'approche point et où la teigne ne
gâte rien ; car où est votre
trésor, là sera aussi votre
cœur.
MES FRÈRES,
L'avertissement que le Seigneur donne à ses
disciples dans notre texte a quelque chose de
pénétrant et de solennel qui
réclame une attention peu commune. On sent
qu'il a voulu les mettre en garde contre certaines
illusions pleines de périls. Quelles sont
ces illusions ? Nous en croyons trouver trois
principales :
- on se trompe sur la nature de
l'avarice ;
- on se trompe sur le jugement que Dieu en
porte ; - on se trompe enfin
sur l'empire qu'elle exerce parmi les hommes.
De là le plan de cette
méditation ; nous ferons voir ce que
c'est que l'avarice, combien elle est criminelle et
combien elle est générale.
CE QUE C'EST QUE L'AVARICE.
On se trompe sur la nature de l'avarice. La
faute en est moins à nous qu'à notre
langage, qui n'est pas d'accord avec celui de
l'Écriture.
On a coutume d'appeler avare un homme qui, aimant
l'argent pour l'argent, ne songe qu'à
l'amasser, sans en faire jouir les autres et sans
presque en jouir lui-même.
Faut-il s'étonner après cela si
habitués dès l'enfance à cette
façon de parler, nous l'attribuons
involontairement à l'Écriture, et si
nous ne voyons dans l'avare
qu'elle condamne que celui dont le monde
lui-même réprouve la
parcimonie ?
Je dis involontairement ; et pourtant nous
avons un secret motif pour l'entendre ainsi. Car
cette sorte d'avarice étant heureusement
assez rare, et ne pouvant être
reprochée à la plupart d'entre nous,
nous nous mettons par là hors de cause et
nous avons la satisfaction de pouvoir nous
dire : Je ne suis pas cet homme-là.
Mais prenez-y garde ; ce serait vous rassurer
sur un mot, et sur un mot mal compris.
L'avare de la langue française est un, et
l'avare de la Bible est un autre. Non seulement la
Bible ne restreint pas ce nom au sordide entasseur,
mais à peine s'occupe-t-elle de lui. Vous
n'en trouverez pas dans nos livres saints une seule
description bien caractérisée
(1) ; c'est
dans les écrits apocryphes
(2), c'est chez
les auteurs profanes (3),
c'est sur un
théâtre qu'il faut la
chercher.
Sans doute, l'Esprit de Dieu a compté sur la
raison humaine pour faire justice d'un
péché si grave, dirai-je ? ou
d'un travers si criant. Cette avarice-là est
un scandale, une folie, une maladie
(4) ; le
monde a trop à en souffrir pour la
tolérer jamais ; aussi traite-t-il ceux
qui en sont atteints plus sévèrement
qu'il ne ferait un libertin ou un impie.
L'avarice dont le Seigneur nous exhorte à
nous garder est tout autre chose. Jugez-en, soit
par la circonstance qui lui a fourni l'occasion de
cet avertissement, soit par la parabole où
il le met en exemple. Un homme venait de dire au
Seigneur : « Maître, dis
à mon frère de partager avec moi
l'héritage. »
Quelle marque d'avarice y aurait-il dans cette
requête, si l'on ne donnait le nom d'avarice
qu'à une parcimonie sordide ? Et
encore, où serait alors l'avarice du riche
de la parabole que le Seigneur nous
représente se parlant ainsi à
lui-même : « J'abattrai mes
greniers ; j'en bâtirai de plus
grands ; j'y rassemblerai tous mes revenus et
mes biens. Puis je dirai à mon
âme : Mon âme, tu as beaucoup de
biens en réserve pour beaucoup
d'années : repose-toi, mange, bois,
réjouis-toi. » Ce n'est pas
là le langage de l'épargne excessive,
c'est celui d'une prodigalité
égoïste.
Aussi le Seigneur, faisant
l'application de cette parabole à ses
disciples, les prémunit-il, non contre la
parcimonie, mais contre les soucis de la vie et la
soif des richesses. »
Pour découvrir la véritable
pensée du Seigneur et de la Bible sur
l'avarice, il ne faut que recourir aux textes
originaux, précaution que ne sauraient trop
prendre les interprètes des Écritures
et qui souvent en apprend plus que beaucoup de
recherches.
Les mots de la Bible que nos versions ont rendus
par celui d'avare ou d'avarice sont
au nombre de trois.
Le premier signifie un homme adonné au
gain, et peu scrupuleux en
général sur les moyens de se
satisfaire
(5).
Le second signifie proprement un homme qui
souhaite toujours d'avoir davantage ;
c'est le mot employé dans notre texte
(6).
Enfin le troisième signifie
simplement un ami de
l'argent
(9).
Ainsi, quand nous lisons dans la Bible
française : « Les Pharisiens
qui étaient avares se moquaient de
lui »
(Luc XVI, 14), « que
l'évêque ne soit point
avare »
(1 Tim. III, 5), « que vos
mœurs soient sans avarice »
(Hébr. XIII, 5), on lit dans
l'original : « Les Pharisiens qui
étaient amis de l'argent, se
moquaient de lui, que l'évêque soit
non ami de l'argent, que vos mœurs
soient non amies de l'argent »
(10).
Ainsi encore, dans cette hideuse peinture que saint
Paul a tracée des derniers jours
(2 Tim. III, 2-4), les traits
suivants, « idolâtres
d'eux-mêmes, avares, amateurs des
voluptés plutôt que de
Dieu, » répondent à divers
mots grecs qui signifient littéralement
« amis de soi, amis de l'argent, amis du
plaisir plutôt qu'amis de
Dieu. »
Voici donc la Bible nous éclaircissant
elle-même de ce qu'il faut entendre par un
avare (11). Un
avare, c'est un ami de l'argent ; l'avarice,
c'est l'amour de l'argent. Tout s'explique
maintenant dans notre texte. Cet
homme qui veut que Jésus oblige son
frère à partager avec lui
l'héritage est avare, il est ami de
l'argent ; ou il n'eût pas interrompu
« les paroles de la vie
éternelle » qui sortaient de la
bouche du Seigneur pour l'entretenir des petits
intérêts de sa fortune. Le riche de la
parabole est avare, il est ami de l'argent ;
ou il serait moins jaloux d'amasser pour
lui-même que d'être riche en Dieu. Les
disciples, à leur tour, eussent
péché par avarice, par amour de
l'argent, s'ils se fussent abandonnés
à l'inquiétude ou s'ils eussent
cherché leur trésor ici-bas.
Il est à peine nécessaire d'ajouter
que l'ami de l'argent, tel que l'entend la Bible,
c'est un homme qui aime l'argent avec excès,
comme un ami du plaisir est un homme que l'amour du
plaisir entraîne.
L'argent a une valeur réelle qu'un homme
sage ne saurait méconnaître. Telle est
la condition de la société humaine
que l'argent y est la clef de toutes les
jouissances et de tous les avantages.
L'argent est un monde condensé. Qui a de
l'argent tient en quelque sorte enfermé dans
sa caisse tout ce que ses yeux peuvent souhaiter,
des champs, des maisons, le manger et le boire, les
moyens de se divertir comme ceux de s'instruire, et
jusqu'à l'opinion et à la faveur de
ses semblables. Cet ordre est dans la nature, et
nous pouvons d'autant moins songer à le
blâmer qu'il a pour lui
l'autorité de la Parole de Dieu.
« La sagesse, est bonne avec un
héritage (ou autant qu'un
héritage) ; car on est à couvert
a l'ombre de la sagesse de même qu'à
l'ombre de l'argent »
(Eccl. VII, 11, 12)
(12).
« On apprête la
viande pour se réjouir et le vin
égaie les vivants, et l'argent répond
à tout
(X, 19). Il répond, non
seulement à notre bien-être, mais
à des besoins impérieux, mais
à des obligations sacrées. Le
désirer, c'est une chose aussi innocente que
de vivre ; mais de l'attachement
légitime à l'attachement
extrême, le passage est court et
glissant.
En voyant cette vertu irrésistible avec
laquelle l'argent attire tout à soi, on se
laisse aller à la tentation de le poursuivre
comme le premier des biens, et tout ce qu'il y a
dans le cœur d'amour pour le monde se
concentre et se cache dans l'amour de l'argent. On
commence par l'aimer pour les avantages qu'il
procure, et puis on apprend insensiblement à
l'aimer pour lui-même, ou, si vous voulez,
pour des usages imprévus auxquels on se
flatte de l'appliquer dans un temps à venir
qu'on ne verra peut-être jamais.
On sait éviter certaines
extrémités et l'on ne passe pas pour
un avare dans le monde, mais on n'en est pas moins
dominé par la soif des richesses ;
c'est là qu'on a mis son cœur. Cette
convoitise se communique de
proche en proche comme une maladie
contagieuse ; les hommes la nourrissent les
uns chez les autres, et plus d'un regard
échangé sans paroles semble
dire : « Savourez et voyez combien
l'argent est bon ! » Ainsi se forme
et se développe par degrés un amour
de l'argent qui passe les bornes, qui assujettit la
piété au lieu de se laisser
régler par elle, et qui fait de celui qui le
possède, selon une expression du Seigneur,
« un serviteur de Mammon. »
Cet amour de l'argent prend des formes diverses et
change de nom devant les hommes, sans en changer
devant Dieu qui regarde au cœur.
L'un aime l'argent pour le garder; c'est l'avare
proprement dit, l'avare selon le monde. Il
saura peut-être fuir certaines apparences
pour éviter ce titre honteux ; mais on
sent que le séparer de son trésor,
c'est lui arracher une partie de son être, et
il dirait volontiers de l'argent ce que Dieu a dit
du sang : « L'argent, c'est
la vie. »
Les avares de ce caractère sont moins rares
qu'on ne pense ; mais ils sont habiles
à se cacher, et souvent le secret de leur
parcimonie ne se dévoile qu'après
leur mort.
Un second aime l'argent pour le
dépenser ; c'est l'avare
prodigue. Car on peut être à la
fois avare et prodigue, non sans doute au sens de
notre idiome, mais au sens de la Bible ; le
prodigue doit même nécessairement
être ami de l'argent, parce qu'il lui en
faut s'enrichir autant qu'on le
peut, et de faire ensuite ce qu'on veut de son
bien. Là-dessus on se livre à
l'avarice. On ne se livrerait pas à
l'intempérance ou au vol ; mais il
semble que l'avarice soit un péché
d'un ordre tout différent.
Tandis que ces autres vices jettent un éclat
honteux qui blesse tous les regards, tandis qu'ils
entraînent après eux des
désordres qui troublent le repos de la
société et la paix des familles,
l'avarice a quelque chose de plus prudent et de
plus rangé ; elle redoute le bruit et
le scandale ; elle prend en
général des allures honnêtes,
estimables même selon le monde, qui la
décore volontiers des noms d'ambition
généreuse, d'industrie utile ou de
louable économie.
J'accorderai plus encore : l'avare peut avoir
des habitudes religieuses, il peut donner l'exemple
du respect pour le culte et pour la Parole de Dieu.
« L'amour de l'argent, » a dit
un penseur chrétien, « est presque
le seul vice auquel on puisse se livrer tout en
gardant les apparences de la
piété. »
Mais savez-vous la conséquence qu'il en
tire ? la voici : « Il y a tout
lieu de penser que de tous les péchés
c'est celui qui perdra le plus grand nombre de
personnes faisant profession de servir Dieu
(13). »
Car, comme le disait Jésus-Christ aux
Pharisiens, « ce qui est
élevé parmi les
hommes est une abomination devant Dieu
(Luc XVI, 15). » Pesez bien
cette parole. Elle se rapporte directement à
notre sujet.
Jésus-Christ venait d'expliquer, par la
parabole de l'économe infidèle,
l'usage qu'un homme pieux doit faire des
richesses ; il avait terminé en
déclarant que nul ne peut servir Dieu s'il
est possédé de l'amour de l'argent.
« En entendant ces choses, les
Pharisiens, qui étaient amis de
l'argent, » et qui n'en passaient pas
moins pour des modèles de dévotion,
« se moquaient de lui. » C'est
alors que le Seigneur leur donne cet avertissement
solennel : « Pour vous, vous
êtes de ceux qui se justifient devant les
hommes ; mais Dieu connaît vos
cœurs. Car ce qui est élevé
parmi les hommes est une abomination devant
Dieu. »
Ainsi, quelque jugement qu'en porte le monde, la
vertu et la piété de l'ami de
l'argent n'est, selon Jésus-Christ, qu'une
abomination devant Dieu. Et pourquoi ? parce
que « Dieu connaît les
cœurs. »
Sous ces apparences honnêtes, sous cette
enveloppe religieuse, il découvre dans le
cœur de l'avare un abîme
d'iniquité. Qu'est-ce en effet que l'amour
de l'argent, sinon Dieu détrôné
et Mammon mis en sa place ?
L'avare aime Mammon, comme il devrait aimer Dieu,
« de tout son cœur, de toute son
âme, de toute sa force et de toute sa
pensée. » Il fait plus : il
se confie en Mammon, au lieu de
s'appuyer sur l'Éternel.
Tandis que le vrai disciple de Jésus-Christ
« met son espérance, non dans
l'incertitude des richesses, mais au Dieu vivant
qui nous donne toutes choses abondamment pour en
jouir, » l'avare « s'estime
heureux en faisant du gain, et méprise
l'Éternel ; (14)
il a mis son espérance
dans l'or ; il a dit à l'or fin, tu es
ma confiance »
(15). C'est
pour cela que le Saint-Esprit appelle l'avare
« un idolâtre, »
(Eph. V, 5) et l'avarice
« une idolâtrie »
(Col. III, 5.)
(16)
Aussi le Seigneur déclare-t-il l'amour de
l'argent absolument incompatible avec l'amour de
Dieu. « Nul ne peut servir deux
maîtres, » a-t-il dit en plus
d'une occasion, « car,
ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il
s'attachera à l'un et méprisera
l'autre ; vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon. » Cette incompatibilité
est si véritable qu'elle se trahit par les
excuses mêmes de l'ami de l'argent ; il
ne peut justifier son avarice qu'en donnant
à entendre qu'il a renié la foi.
Ma fortune est à moi ; je suis libre
d'en faire ce que je veux. Votre fortune est
à vous ! vous êtes libre d'en
faire ce que vous voulez ! Mais avez-vous donc
renoncé au maître qui vous a
racheté ? Tout ce que vous avez
n'appartient-il pas à
Jésus-Christ ?
Ne lui appartenez-vous pas
vous-même ?
Si votre esprit ni votre corps ne sont plus
à vous
(1 Cor. VI, 19, 20) ; si vous
devez abandonner pour Christ, votre père et
votre mère, votre femme et vos enfants, et
même votre propre vie
(Luc XIV, 26), votre argent est-il si
saint qu'il doive être excepté tout
seul de ce sacrifice universel ? Votre fortune
est à vous ! vous êtes libre d'en
faire ce que vous voulez !
Et pourquoi un second ne dirait-il pas : Mon
esprit est à moi ; je suis libre de
l'appliquer à des pensées qui le
pervertissent ou à des soins qui le
corrompent ?
Ou un troisième : Mon corps est
à moi, et je suis libre
« d'appliquer mes membres à la
souillure et à
l'iniquité ? »
Non, dit l'Apôtre, car « vos corps
sont les membres de Christ »
(1 Cor. VI, 15) ; et je dis
après lui : Non, car votre fortune est
le trésor de Christ. Il en est
le vrai possesseur ; vous
n'en êtes que l'économe, et vous
êtes tenu de n'en user que pour son
service.
Qui en agit autrement est infidèle, au
jugement du Seigneur
(Luc XVI, 12), tout aussi
infidèle que l'économe de la parabole
qui dissipe des biens commis à sa
loyauté. Votre fortune est à
vous ! vous êtes libre d'en faire ce que
vous voulez ! Prenez-y garde. Vous n'avez
qu'une manière de légitimer cette
prétention, c'est de rompre avec
Jésus-Christ. Ce n'est pas à vous
à faire les conditions de votre alliance
avec lui ; il les a faites, et vous les
trouvez écrites dans
S. Luc, XIV, 26 :
« Si quelqu'un ne renonce pas à
tout ce qu'il a, il ne peut être mon
disciple. »
Quoi qu'il en soit, vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon ;
L'amour de l'argent est une séparation du
cœur d'avec le Seigneur, une idolâtrie,
une abomination devant Dieu.
Tel arbre, tel fruit. Vous venez de voir l'amour de
l'argent dans le cœur, voyez maintenant les
œuvres qu'il enfante. « L'amour de
l'argent, dit le Saint-Esprit, est la racine de
tous les maux »
(1 Tim. VI, 10).
Si nous voulions traiter ce sujet dans toute son
étendue, ce serait la matière d'un
livre, non d'un discours ; bornons-nous
à parler de ce que l'avarice a fait, dans
tous les temps, contre l'avancement du règne
de Dieu dans le monde.
J'ouvre l'Ancien Testament, et dans cette
multitude de crimes par lesquels
les hommes ont traversé, autant qu'il
était en eux, les plans de Dieu pour le
salut des nations, j'en trouve beaucoup, et des
plus noirs, qui ne sont dus qu'à l'amour de
l'argent.
Qui pousse Balaam à s'endurcir contre les
avertissements du Seigneur, contre le cri de sa
conscience, contre l'épée nue de
l'ange, contre la voix miraculeuse d'un stupide
animal, et à tenter tour à tour des
enchantements impies ou d'infâmes
séductions pour fermer au peuple élu
le chemin de la terre promise ? l'amour de
l'argent.
Qui pousse Hacan à dérober de
l'interdit, à transgresser l'ordre du ciel,
à braver ses menaces, et à faire
descendre sa colère sur les armes
victorieuses d'Israël ? l'amour de
l'argent.
Qui pousse Guéhazi à scandaliser la
foi naissante de Naaman, à rendre inutile le
désintéressement d'un saint
prophète, à le faire
soupçonner peut-être
d'hypocrisie ? L'amour de l'argent.
Qui a fait en Israël ces magistrats
prévaricateurs, ces juges d'iniquité,
ces prophètes de mensonge, qui n'ont conduit
le peuple de Dieu que pour l'égarer et pour
« détruire le chemin de ses
sentiers ? l'amour de l'argent.
Passons au Nouveau Testament ; nous y verrons
le mal croître et prendre un caractère
plus odieux.
À peine Jésus a-t-il commencé
son œuvre, l'avarice se lève contre
lui ; elle se trouve partout sur son chemin,
elle lui dispute chaque pas qu'il fait.
Elle le méconnaît et
l'abandonne, dans la personne du jeune riche ;
elle excite sa sainte colère, dans la
personne des vendeurs du temple ; elle le
hait, elle le raille, elle le persécute,
dans la personne des Pharisiens ; et dans la
personne de Judas, elle décime le fruit de
sa charité pour les pauvres, elle convoite
l'honneur destiné à sa
sépulture, elle le trahit, elle le livre,
elle le vend.
Crime prophétique, qui jette une triste
lumière sur l'avenir de l'Église de
Jésus-Christ ! Celle de nos convoitises
qui a vendu pour trente pièces d'argent le
sang du Fils de Dieu, est aussi celle qui se
montrera la plus active pour priver les hommes du
bienfait ineffable de ce sang répandu ;
car elle s'opposera également au salut de
l'individu, à la fidélité de
l'Église et a la conversion du monde.
Au salut de l'individu.
Un homme ne peut se tourner vers le Seigneur que
l'avarice ne soit là, comme en embuscade
perpétuelle, pour contrarier son dessein,
depuis ses premières impressions religieuses
jusqu'à la période le plus
avancé de sa foi. N'est-il encore
qu'appelé du Seigneur et convié au
grand festin ? L'avarice persuade à
deux conviés sur trois de s'excuser en
disant, « j'ai acquis un
héritage, » ou « j'ai
acheté cinq couples de
bœufs »
(Luc XIV, 18, 19).
A-t-il prêté l'oreille à la
vérité et reçu la bonne
semence dans son cœur ? L'avarice y
cultive tout auprès les
épines ; bientôt « les
soucis de ce siècle et la tromperie des
richesses » menacent
« d'étouffer la parole et de la
rendre infructueuse »
(Matt. XIII, 22).
A-t-il pénétré plus avant et
marché quelque temps dans les voies de la
piété ? L'avarice ne
désespère point encore de l'en
détourner, et de l'ajouter à ces
« quelques-uns qui,
possédés de l'amour de l'argent, se
sont égarés de la foi »
(1 Tim. VI, 10).
Heureux si, « prenant l'armure
complète de Dieu », il sait
« résister au mauvais jour et
tenir ferme après avoir tout
surmonté » !
Heureux s'il n'imite pas ces voyageurs imprudents
que Bunyan nous peint délaissant, sur
l'invitation de Démas, la route de la sainte
cité, pour aller visiter une mine d'argent
au coteau du lucre !
(17)
« Que leur advint-il alors ?
poursuit le spirituel écrivain.
Tombèrent-ils dans le puits, en regardant
par-dessus le bord ? ou descendirent-ils dans
la mine pour la creuser ? ou furent-ils
asphyxiés par les vapeurs qui s'en
exhalent ? Je l'ignore. J'ai remarqué
seulement ceci, c'est qu'on ne les a jamais revus
dans le chemin. »
L'amour de l'argent ne s'oppose pas moins à
la fidélité de l'Église.
Ah ! qui ne connaît l'histoire de
l'Église chrétienne ? Qui ne
sait la funeste influence que l'avarice a
exercée sur son développement,
sur son organisation, sur sa
discipline, sur ses doctrines
elles-mêmes ?
Qui ne sait que, foulant aux pieds la maxime de son
fondateur, « vous avez reçu
gratuitement, donnez gratuitement, »
l'Église en est venue à trafiquer
tellement de la vérité de Dieu, de
ses promesses et de ses menaces, du paradis et de
l'enfer, de la sainteté et du
péché, que son nom est devenu dans le
langage des hommes le type de la
vénalité ? Mais il y aurait trop
à dire sur le mal que l'amour de l'argent a
fait dans l'Église, ne parlons que du bien
qu'il a empêché de faire.
L'Église a été plantée
au milieu du monde pour le bien du monde.
Dépositaires de la vie éternelle, les
chrétiens doivent la communiquer tout autour
d'eux et jusqu'aux extrémités de la
terre ; l'Église est
missionnaire-née auprès de tout le
genre humain. Elle le comprit à sa
naissance ; et cet ange de l'Apocalypse qui
vole par le milieu du ciel, portant
l'Évangile éternel, est une
fidèle image de l'ardeur avec laquelle les
premiers disciples travaillèrent à
gagner de nouveaux royaumes à
Jésus-Christ.
Mais pourquoi cette ardeur vint-elle à se
ralentir de siècle en
siècle ?
Pourquoi une si glorieuse conquête s'est-elle
arrêtée, a-t-elle reculé et
a-t-elle fini par se renfermer dans une petite
portion de notre globe ?
Pourquoi les nations mêmes au sein desquelles
Dieu a rallumé l'antique foi, ont-elles eu
besoin de près de trois
cents ans pour sentir ce qu'elles doivent aux
peuples païens ?
Hélas ! et pourquoi cette sainte cause
qui devrait avoir pour elle la
chrétienté tout entière,
trouve-t-elle encore aujourd'hui parmi nous tant de
cœurs hostiles ou
indifférents ?
Un père de l'Église, saint Cyprien,
va nous répondre, et vous jugerez si ce
qu'il écrivait au troisième
siècle de l'ère chrétienne ne
s'applique point au nôtre.
« Chacun, dit en gémissant le
saint martyr, chacun s'attache à
accroître son patrimoine ; et oubliant
ce que faisaient les fidèles du temps des
apôtres et qu'on devrait faire toujours, les
chrétiens ont pour passion dominante un
désir insatiable d'augmenter leur
fortune. »
Où trouver alors, et cette puissante
préoccupation pour le salut des hommes qui
peut seule enfanter les missions, et ces
généreux sacrifices qui les peuvent
seuls soutenir ? Aussi l'œuvre est
abandonnée ou tout au moins
négligée ; et quelle œuvre,
ô mon Dieu !
Le monde périssait dans la famine, dans la
famine de la parole de Dieu.
Les compassions de Dieu s'étaient
émues. Le message de grâce
était tout prêt.
L'Église était chargée de le
porter sous tous les climats, sans se reposer tant
qu'il y aurait sur la terre un peuple, une famille,
un homme à qui la bonne nouvelle ne
fût point parvenue.
L'Église fut fidèle un temps ;
mais l'esprit du siècle revint et paralysa
son activité. Le mal est-il moins
pressant ?
Non. Mais l'Église a d'autres soins ;
elle est occupée comme le monde, à
acheter, à vendre et à gagner.
Elle est trop fidèle à Mammon pour
pouvoir l'être au Seigneur !
L'avarice de l'Église fait encore un autre
mal. Non contente d'empêcher l'Église
d'évangéliser le monde, elle
scandalise le monde par l'Église.
Jugez-en, mes chers Frères. Que l'homme du
monde donne son cœur à l'argent qui est
la clé du monde, c'est à quoi l'on
devait s'attendre ; mais vous,
chrétiens, ayant cru à
l'Évangile, vous en avez sans doute
adopté l'esprit ; c'est dans le ciel
que vous amassez votre trésor. Et cherchant
premièrement le royaume de Dieu et sa
justice, tout autre intérêt vous
touche faiblement auprès de la seule chose
nécessaire. Oh ! si le
détachement qui respire dans vos maximes
eût passé dans vos
mœurs !
Votre exemple n'eût-il pas excité
parmi les hommes une sainte émulation,
semblable a celle qu'inspirait autrefois aux
païens la foi des martyrs ? et le monde,
vous voyant faire le sacrifice entre tous qu'il
comprend le moins, n'eût-il pas
« confesse que Dieu est
véritablement parmi vous ? »
Mais qu'est-il arrivé ?
Le monde vous a entendus parler en
chrétiens, et vous a vus continuer d'agir
comme il fait lui-même.
Il vous a vus tout aussi attachés à
l'argent que les autres, tout aussi
empressés pour l'acquérir, tout aussi
lents à vous en séparer. Et que
voulez-vous qu'il pense, je ne
dis pas de vous, ce serait peu, mais de
l'Évangile ? Cet Évangile, avec
tous ses préceptes et toutes ses promesses,
n'a donc pas plus de pouvoir pour détacher
les cœurs de la terre que les leçons de
la philosophie ?
La foi, la grâce, la vie nouvelle, tout est
soupçonné d'impuissance,
« le sel a perdu sa saveur. »
Tant il est vrai que l'amour de l'argent fait la
guerre à l'œuvre de
Jésus-Christ, comme il l'a faite à
Jésus-Christ lui-même ;
séduisant l'individu, corrompant
l'Église et scandalisant le monde.
Aussi, voyez quelle condamnation Dieu
réserve à l'avare.
Elle commence à le frapper dès cette
vie. Il se punit déjà par son
iniquité même ; nulle convoitise
ne rend plus misérables ceux qui en sont
possédés.
Salomon nous montre l'ami de l'argent ne pouvant se
rassasier avec l'argent, ses soucis croissant avec
sa fortune, chacun jouissant de son bien
excepté lui-même, le sommeil fuyant
loin de ses yeux, « sa vie se consumant
dans les ténèbres et son mal allant
jusqu'à
la fureur »
(Eccles. V, 10-17).
Saint Paul nous le fait voir à son tour
« se transperçant lui-même
de beaucoup de douleurs »
(1 Tim. VI : 10) ; et le
Seigneur nous dit tout là-dessus dans cette
parole si simple, mais si profonde, qui suit notre
texte : « Il n'a pas la vie par ses
biens. » Que s'il manque quelque chose
à ce châtiment que l'ami de l'argent
s'inflige de ses propres mains, la justice divine
se charge de le
suppléer.
Le mercenaire Balaam perd jusqu'à cette vile
récompense dont l'appât l'avait
séduit, « l'Éternel l'ayant
empêché d'être
récompensé, » et
périt « passé au fil de
l'épée. »
Le cupide Hacan, « troublé par
l'Éternel pour avoir troublé son
peuple », meurt enseveli sous les pierres
avec tout ce qui lui appartient, et avec ce
trésor même qui l'avait
tenté.
L'infidèle Guéhazi fait entrer dans
sa maison la lèpre de Naaman avec ses
présents, et transmet à la fois
à sa postérité le double
héritage de sa fortune et de son
fléau.
Et Judas, le perfide Judas, dévoré de
remords, hélas ! mais non touché
de repentir, jette son argent dans le temple, se
donne deux morts à la fois, porte sur son
cadavre mutilé le sceau de la vengeance
céleste, et « s'en va en son
lieu. »
Dans quel lieu ? Quel est le partage
éternel de l'avare ? Vous pensez que
l'amour de l'argent n'est qu'une de ces
infirmités que Dieu tolère chez ses
enfants ; apprenez de Dieu lui-même que
c'est un de ces péchés qui excluent
de son royaume.
Vous nous taxeriez d'exagération et
d'injustice, si nous mettions l'avare sur la
même ligne que l'ivrogne ou le
ravisseur ; apprenez que Dieu associe l'avare,
je dis l'avare de la Bible, l'ami de l'argent,
l'avare tel qu'il y en a tant, Dieu l'associe
à l'ivrogne, au ravisseur et à de
plus criminels encore.
Allez chercher dans l'Écriture ces listes
affreuses des péchés les plus
détestables ;
à peine en pourrez-vous
trouver une où l'avare ait été
oublié. Nous l'avons vu, l'avarice est parmi
les péchés qui doivent
caractériser l'apostasie prédite pour
les derniers temps : « Les hommes
seront amis d'eux-mêmes, amis de l'argent,
vains, orgueilleux, blasphémateurs,
désobéissants à leurs
pères et à
leurs mères, ingrats, profanes, sans
affection naturelle, sans fidélité,
calomniateurs, incontinents, cruels, ennemis des
gens de bien (18),
traîtres,
téméraires, enflés, amis du
plaisir plutôt qu'amis de Dieu, ayant
l'apparence de la piété mais en ayant
renié la force »
(2 Tim. III, 2-5).
Quand saint Jude, peignant les faux docteurs qui
séduisaient l'Église, rassemble dans
un seul verset les noms de trois des plus grands
coupables que la terre ait portés, l'avare
Balaam figure entre le meurtrier Caïn et le
rebelle Coré
(Jud. 11).
Quand saint Paul recueille dans un hideux tableau
les vices qui dominent parmi les païens,
l'avarice est nommée des premiers
(Rom. I, 29).
L'avare est de ces pêcheurs qui ne doivent
pas être supportés dans
l'Église, et que le fidèle doit
repousser de son commerce et de sa table s'ils font
profession de piété :
« Si quelqu'un qui se nomme frère
est fornicateur, ou avare, ou idolâtre, ou
médisant (19),
ou ivrogne, ou
ravisseur, vous ne devez pas même manger avec
un tel homme »
(1 Cor. V, 10).
Enfin l'avare paraît en son rang sur ce
honteux catalogue où le Saint-Esprit signale
à l'Église universelle les
pécheurs les plus éloignés de
Dieu et de son royaume : « Ne
savez-vous pas que les injustes n'hériteront
point le royaume de Dieu ? Ne vous trompez pas
vous-mêmes. Ni les fornicateurs, ni les
adultères, ni les efféminés,
ni ceux qui commettent des péchés
contre nature, ni les larrons, ni les avares (notez
la place), ni les ivrognes, ni les
médisants, ni les ravisseurs,
n'hériteront le royaume de Dieu »
(1 Cor. VI, 10).
Voici donc l'avare, l'ami de l'argent, qui passe
peut-être dans le monde pour un homme moral,
pour un homme religieux, le voici qui s'avance au
centre de la plus noire compagnie qui fut jamais,
donnant la main droite à l'ivrogne et la
gauche au larron, avec l'adultère (pour ne
pas répéter des noms plus odieux
encore), avec l'adultère devant lui et le
ravisseur derrière. Marche-t-il vers le
royaume de Dieu ? qui l'oserait
croire ?
Non ; il marche vers le lieu du larron et de
l'ivrogne, vers le lieu du ravisseur et de
l'adultère, vers le lieu du traître
Judas, vers le lieu de Satan et de ses anges.
Que l'avare cesse de s'aveugler, qu'il sache du
moins ce qu'il fait et où il va.
Qu'il ne se flatte pas que la porte s'ouvre devant
lui, s'il meurt tel qu'il est; elle ne s'ouvrira
devant lui que le jour où
elle s'ouvrira devant l'ivrogne et
l'adultère, dont la main y frappe en
même temps que la sienne.
Et si votre âme devait vous être
redemandée cette nuit même !
Seigneur, préserve-nous de
l'avarice !
Serions-nous en danger d'y tomber ? Y
aurions-nous vécu ? Y vivrions-nous
encore ?
Éclaire-moi, Seigneur, et ne me mets pas au
rang de ces insensés « qui se
flattent en eux-mêmes quand leur
iniquité se présente pour être
haïe ! »
Suite...
1) Le passage qui s'en rapproche le plus est
Ecclés. IV, 8 : « Il y a
tel qui est seul et qui n'a point de second, qui
aussi n'a ni fils ni frère, et qui
cependant ne met nulle fin à son travail.
Même son œil ne voit jamais assez de
richesses, et il ne dit point en
lui-même : Pour qui est-ce que je
travaille, et que je prive mon âme du
bien ? »
2) Ecclésiastique, XIV :
« Les richesses ne conviennent point
à un homme chiche. Celui qui fait tort
à sa propre vie pour amasser, amasse pour
les autres, qui feront grande chère de
ses biens. Celui qui ne vaut rien pour soi,
à quoi sera-t-il bon ? il ne recevra
point de plaisir de ses biens. Il n'y a nul pire
que celui qui porte envie à
soi-même ; et c'est le salaire de sa
malice ....
Mon enfant, selon que tu as de quoi, traite-toi
bien, et présente oblation au Seigneur
.... Ne te prive point de bon temps, et que ce
qui se peut justement désirer ne passe
point que tu n'eu aies la
part. »
3) Théophraste a fait, dans ses
Caractères, trois tableaux de
l'avare.
Ils sont pris tous les trois sur l'entasseur, et
ne diffèrent entr'eux que par des nuances
presque imperceptibles.
4) Ainsi en a jugé le bob sens
populaire : notre mot ladre signifie
primitivement lépreux.
5) Cette dernière idée ne semble
pourtant pas être essentielle au terme
hébreu qu'on explique ici ; car si
elle l'était, l'épithète
qui lui est associée dans Habac.,
Il : 9: « Malheur à celui
qui est adonné au gain
mauvais, » serait oiseuse.
On a peine à croire aussi que ce soit de
l'amour du gain déshonnête que le
Psalmiste ait prié Dieu de le
préserver, Ps. CXIX. 36 ; c'est
plutôt de l'amour du gain en
général, et l'on doit traduire ce
verset de la manière suivante :
« Incline mon cœur à tes
témoignages et non point à l'amour
du gain. »
Cette distinction est perdue dans nos versions
qui ont rendu partout ce mot hébreu par
adonné au gain déshonnête,
quand elles ne l'ont pas rendu par avare.
On le
trouve Exode XVIII, 21,
Ps. X, 3,
Jér. VI, 13,
VIII, 10, etc.
6) On le trouve encore
Rom. I, 29,
1 Cor. V, 10,
1 Thess. Il, 5,
Ephés. V, 5,
Col. III, 5,
Marc VII, 22, où nos
versions le traduisent ainsi :
« Mauvaises pratiques pour s'emparer
du bien d'autrui. »
Il n'est guère que la traduction grecque
du mot précédent qui est
hébreu. Aussi les Septante ont-ils rendu
plus d'une fois l'un par
l'autre.
9) Il existe en hébreu et en grec. On le
trouve une fois dans l'Ancien Testament
(Eccl. V, 10), et souvent dans le
Nouveau.
10) Le même mot est employé
également dans
1 Tim. VI, 10, et c'est le seul
endroit ou nos versions l'ont traduit amour de
l'argent, sans qu'on puisse voir pourquoi elles
se sont écartées de l'usage
qu'elles ont suivi partout
ailleurs.
11) Il faut convenir que les mots que nous
traduisons avare et avarice
seraient plus exactement rendus par cupide et
cupidité. La version anglaise met
covetous (convoiteux) et covetousness
(convoitise). Quant au mot anglais miser,
qui s'applique proprement å l'entasseur,
on ne le trouve pas une seule fois dans toute
cette version.
12) On lit
encore Prov. XIV, 24: « Les
richesses des sages sont leur
couronne »
13) Andrew Fuller.
14) Ps. X, 3. Littéralement,
« il bénit, » ou
« il se bénit, en faisant du
gain ; » ce qui est
expliqué par Zach. XI. 5. C'est
l'interprétation la plus naturelle de ce
passage, bien qu'on puisse défendre celle
qui a été adoptée dans nos
versions et qui s'éloigne peu de l'autre
pour le fond de la pensée. « Le
méchant estime heureux l'avare et irrite
l'Éternel. » Rapprochez de ce
trait ces mots de la prière d'Agur :
« De peur qu'étant
rassasié, je ne te renie et ne
dise : Qui est
l'Éternel ? » (Prov.
XXX, 9.) Rapprochez-en aussi la conduite de
ces Pharisiens qui écoutaient parler le
Seigneur sur l'amour de l'argent, et qui
« se moquaient de
lui »
15)
Job. XXXI, 24. Il est à
remarquer que Job nomme dans cet endroit
l’idolâtrie immédiatement
après l'avarice, comme s'il voulait
donner à entendre que celle-ci conduit
aisément à celle-là et que
l'une et l'autre tiennent à un principe
commun. Cette pensée a fourni à
Chalmers l'exorde de son sermon sur l'amour de
l'argent. (Commercial discourse).
J'ai connu un homme qui, pressé de
contribuer pour l'établissement du culte
dans une ville étrangère,
répondit : « Mon Dieu, a
moi, c'est l'argent » ;
voilà le fond de la pensée de
l'avare, quoiqu'il soit rare d'en trouver qui en
conviennent aussi
naïvement.
16) D'autres traduisent
« l'intempérance » au
lieu de l'avarice, et dans
Eph. V, 5
« l'intempérant » au
lieu de l'avarice. Mais les raisons qu'ils
allèguent ne nous paraissent pas
suffisantes pour qu'on doive s'écarter
à la fois des versions reçues et
de la signification naturelle des termes
employés dans
l'original.
17) Dans le Pèlerinage du Chrétien
18) Ou « ennemis du
bien »
19) Ou plutôt
« outrageux ». Le mot grec
suppose quelque chose de violent, d'insultant,
que le mot français médisant
n'exprime pas.
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