LA PIÉTÉ
DANS
LA VIE ORDINAIRE
LAUSANNE
LIBRAIRIE DELAFONTAINE ET CIE
1856
CXXXVIII
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« Soit que vous mangiez,
soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque
autre chose,
faites tout pour la gloire de Dieu. »
I Cor. X, 31
Combiner une vie d'occupations avec la vie
spirituelle cachée avec Christ en Dieu,
conserver un esprit réel de
piété au milieu du mouvement et des
distractions des affaires, est une des plus grandes
épreuves du chrétien. Il est
comparativement facile d'avoir des pensées
sérieuses, des sentiments religieux le
dimanche, au culte, pendant le recueillement du
jour du repos.
Mais servir réellement le Seigneur, vivre en
sa présence dans nos comptoirs, dans nos
salons, dans nos magasins, au milieu des travaux de
la campagne ou des frottements journaliers de la
vie domestique, c'est une des choses les plus
difficiles de la vie chrétienne.
Qu'il est rare, même après avoir
été vivement impressionné par
la prédication de l'évangile ou par
la participation à la
Cène, de conserver le sérieux et la
spiritualité de l'âme, quand on se
retrouve au milieu des conflits et des
difficultés de tout genre de la vie
journalière !
Cela est tellement difficile, qu'il y a peu
d'hommes qui y aspirent. Le plus grand nombre,
même de ceux qui font profession de croire
à l'Évangile, se soustraient par
divers moyens et sous divers prétextes
à l'obligation d'être
dévoués à Dieu, aussi bien
dans le monde que dans le temple.
Dans les temps anciens, il n'était pas rare
de voir des hommes fortement
préoccupés de leurs
intérêts éternels et de la
difficulté de travailler à leur salut
au milieu des distractions de la vie habituelle,
sortir du monde, pour passer dans de profondes
retraites et dans une entière solitude une
vie de sérieuse préparation à
l'éternité.
De nos jours, ce n'est pas, en
général, de cette manière que
l'on cherche à échapper à ce
conflit entre le monde et la religion. Il est une
nombreuse classe d'hommes qui font un compromis
entre Dieu et le monde, entre les
intérêts de la terre et les
intérêts du ciel. Ardents à la
poursuite des avantages terrestres, mais ne voulant
cependant pas renoncer aux espérances de la
religion, ces hommes-là cherchent à
concilier les deux choses, en donnant, pensent-ils,
à chacun, c'est-à-dire à Dieu
d'un côté, et au monde de l'autre, ce
qui leur revient.
Chaque chose à sa place et à son
tour, se disent-ils secrètement à
eux-mêmes. Les exercices de dévotion,
les bonnes lectures, le culte sont l'affaire du
dimanche ; mais les jours de la semaine sont
pour les occupations indispensables et pour les
travaux de la vie pratique. C'est
assez, pensent-ils, de donner nos dimanches
à nos devoirs religieux. Impossible de prier
toujours, de lire continuellement la Bible. Les
ministres et les personnes qui ont du loisir font
bien de s'occuper tous les jours de religion, mais
pour nous, nous avons autre chose à faire
pendant la semaine ; il faut que nous gagnions
notre pain et celui de nos familles, que nous
travaillions du matin au soir.
Il résulte de cette manière de
raisonner et d'agir que la piété
devient essentiellement une affaire du dimanche, un
beau vêtement que l'on revêt ce
jour-là et qu'on dépose ensuite,
un remède que l'on prend de temps en temps
pour le bien de l'âme, mais dont on ne peut
ni ne veut faire sa nourriture habituelle ; un
ami dont on s'approche occasionnellement, mais dont
on ne fait pas son guide et son appui de tous les
jours.
Ai-je besoin de vous faire remarquer combien
l'idée que la parole de Dieu nous donne
de la vraie piété, en nous
représentant le chrétien comme
faisant toutes choses pour la gloire de Dieu,
est différente de l'idée que s'en
forment les hommes, qui relèguent, en
quelque sorte, la religion à certains jours
et la bornent à certaines pratiques de
dévotion ?
La Bible nous enseigne assurément que
l'attention la plus soutenue donnée à
nos affaires terrestres, n'est nullement
incompatible avec la spiritualité de
l'âme et une sincère
consécration de nous-mêmes au service
du Seigneur.
Elle nous représente la piété
non pas tant comme un devoir spécial et
particulier, que comme un sentiment qui doit
nous soutenir dans l'observation de tous nos
devoirs ; non pas tant comme
un hommage occasionnel à rendre à
Dieu, que comme la consécration
sincère de tout ce que nous sommes et de
tout ce que nous avons à Celui qui n'est pas
seulement l'objet de notre culte, mais la fin et le
but de toute notre existence.
Ces paroles : Soit que vous mangiez, soit
que vous buviez soit que vous fassiez quelque autre
chose, faites tout pour la gloire de Dieu, nous
donnent évidemment l'idée que la
piété n'est pas seulement une affaire
du dimanche, mais une affaire de tous les
jours ; que la vraie spiritualité ne
doit pas se montrer seulement dans le culte, mais
en toutes choses ; qu'elle doit nous diriger
dans nos occupations comme dans notre repos, dans
le cercle de famille comme dans la solitude, dans
le monde comme dans l'église.
Pour nous en convaincre, je chercherai à
montrer que la piété est parfaitement
compatible avec toutes les affaires de la vie,
tellement que le négociant le plus
occupé, l'industriel le plus habile, le
serviteur le plus dévoué à son
maître, peut en même temps être
le chrétien le plus consciencieux, le plus
fervent et le plus spirituel.
S'il en était autrement, s'il était
impossible de travailler à son salut dans le
tourbillon des affaires et au milieu des agitations
de la société, il serait
assurément du devoir le plus sacré et
de l'intérêt le plus évident de
tout homme sage et réfléchi, de
renoncer aux affaires et de s'éloigner de la
société des hommes pour passer dans
la retraite une vie de préparation à
l'éternité : car cette vie
n'est rien en comparaison de
l'éternité.
Mais l'impossibilité où sont la
plupart des hommes de sortir du
monde et de renoncer aux affaires pour se
préparer à l'éternité,
prouve qu'un tel sacrifice n'est point
nécessaire et par conséquent n'est
point demandé au chrétien. De quoi
vivraient la plupart des hommes, si, pour servir
Dieu ils devaient renoncer à leurs
occupations ? Et, d'ailleurs, Dieu n'a-t-il
pas dit : Tu mangeras ton pain à la
sueur de ton visage, et aussi : Tu
travaillera : six jours et tu feras toute ton
œuvre ?
Il en faut assurément conclure qu'il est
possible de travailler à notre salut au
milieu des distractions et des exigences de la vie
matérielle.
Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à
considérer attentivement ce que c'est que la
religion.
Elle peut être envisagée sous deux
points de vue : comme une science.
c'est-à-dire un ensemble de
vérités à comprendre et
à croire, et comme un art,
c'est-à-dire un ensemble de devoirs à
remplir.
Sous l'un et l'autre point de vue, il est facile de
montrer qu'elle s'allie parfaitement avec les
occupations de la vie la plus active.
Considérons d'abord la religion comme une
science. comme de saintes vérités
à comprendre et à croire. Si pour les
saisir, ces vérités, il fallait,
comme pour étudier les sciences de ce monde,
beaucoup de loisir, de recherches, de livres, de
culture intellectuelle, les vérités
religieuses seraient hors de la portée de la
plupart des hommes, et la piété ne
pourrait pas se concilier avec les travaux
incessants auxquels presque tous sont
appelés pour gagner leur pain. Mais
l'Évangile n'est pas un système
obscur, profond, de vérités
abstraites.
Le salut qu'il nous annonce n'est
pas une conquête proposée aux
intelligences supérieures, mais une
grâce accordée aux cœurs humbles.
Sa lumière brille le mieux et le plus
entièrement, non sur les hommes qui n'ont
rien à faire, mais sur les hommes dont
l'âme est droite et sérieuse. La
Parole de Dieu, nous est-il dit, donne la
sagesse aux simples. Jésus-Christ
rendait grâces à Dieu de ce qu'il se
révèle non aux sages et aux
intelligents, mais aux petits enfants.
La vérité, telle qu'elle est en
Christ, est à leur portée ; elle
est plus près d'eux que des savants et des
philosophes, en sorte qu'elle peut être
trouvée, saisie, embrassée, retenue
comme une lampe a nos pieds et une lumière
à nos sentiers, dans les vies les plus
remplies de travaux matériels.
Si vous considérez maintenant la religion
comme un art, l'art de remplir nos devoirs envers
Dieu et envers les hommes, vous verrez toujours
mieux qu'elle se concilie parfaitement avec les
occupations de la vie la plus active. Il n'en est
pas de cet art comme des arts de ce monde dont on
ne peut cultiver et pratiquer qu'un seul à
la fois. Un homme ne peut pas être en
même temps médecin et architecte,
soigner ses malades et bâtir des maisons.
Mais il n'en est point ainsi de la religion, qui
est un art en quelque sorte universel, la vocation
de tous.
Un homme d'état, un négociant, un
fermier, un avocat, en même temps qu'ils
remplissent les devoirs de leurs carrières
diverses, peuvent remplir les devoirs d'une
profession plus relevée, ceux de la
profession de chrétien. Car enfin, en quoi,
sous ce point de vue, consiste la
piété, sinon à être
bon et à faire du
bien ? Être religieux sous ce rapport,
c'est s'appliquer à être juste, vrai,
dévoué, patient, à renoncer
à soi-même et à se conserver
pur des souillures du monde. Et l'école
où nous pouvons nous former à cet
art, ce n'est pas notre cabinet (notre
bureau), c'est le monde, la
société, la vie domestique avec
toutes ses contrariétés et ses
épreuves.
Cet art peut être évidemment appris
dans toutes les professions et au milieu de tous
les genres d'activité. Quand un enfant
apprend à écrire, peu importent les
mots tracés sur le modèle
d'écriture qu'on lui donne ; ce qui
importe, c'est qu'il les copie bien. De même,
quand un homme veut vivre en chrétien,
peu importent les occupations auxquelles il se
livre ; l'essentiel est qu'il apprenne
à se bien conduire, à se conduire
chrétiennement dans toutes.
Il est vrai que, pour y parvenir, il a besoin de
prier, de méditer la Parole de Dieu,
d'assister à des cultes, et que pour pouvoir
le faire, il faut qu'il interrompe
momentanément ses travaux. Mais ces
exercices de piété ne sont pas des
buts, mais des moyens de parvenir au but, qui
est d'être bon et de faire du bien à
nous-mêmes et au prochain. Ils ne servent
à rien ces actes. s'ils ne nous rapprochent
pas continuellement de ce grand but.
Un homme ne devient pas un bon marin, seulement en
lisant des traités sur la navigation ;
ni un bon soldat, seulement en étudiant les
règles de la guerre. Il faut que le marin
aille en mer et le soldat sur les champs de
bataille.
Eh bien ! la vie est pour le chrétien
ce que la mer est pour le marin, et la guerre pour
le soldat. Un homme ne peut vraiment être
religieux dans le sens le plus
élevé de ce mot, qu'autant qu'il
acquiert ces habitudes de renoncement à
lui-même, de résistance à la
tentation, de bonté, de dévouement,
d'humilité et de sympathie qui ne
s'acquièrent que dans le contact avec les
hommes.
Ne me dites donc pas que le négociant, le
laboureur, l'artisan ne peuvent pas s'occuper
habituellement de religion ; j'aimerais autant
que vous me dissiez que le pilote ne peut pas
apprendre la navigation en mer, ni le soldat, le
métier de la guerre sur les champs de
bataille. Où l'apprendront-ils, s'ils ne
l'apprennent pas là ?
La vraie piété ne consiste pas
à lire continuellement de bons livres, et
à toujours prier, quoique un esprit habituel
de prière et de méditation de la
parole de Dieu y soit essentiel ; elle
consiste surtout à glorifier Dieu comme
notre Père au milieu des épreuves et
des devoirs de la vie, à nous conduire
sagement et courageusement pour l'honneur de notre
divin Chef dans les luttes et les
difficultés auxquelles nous sommes
exposés.
On entend souvent dire dans le monde que les
ministres et les enthousiastes seuls peuvent
être vraiment religieux, mais qu'une vie
sainte n'est pas possible au milieu du conflit des
affaires et des frottements continuels avec les
hommes.
Loin de nous une telle pensée !
C'est précisément dans les affaires
et dans la société des hommes que la
vraie piété doit se manifester, c'est
là qu'il s'agit de prouver qu'elle n'est pas
une excitation passagère, bonne seulement
pour le dimanche et pour la solitude ; mais
qu'elle peut supporter le grand jour, vivre et
prospérer au milieu des luttes
pénibles et des rudes contacts de la
vie réelle ; en un
mot, qu'il est possible de faire tout pour la
gloire de Dieu et de le servir réellement,
dans quelque position qu'on se trouve et a quelques
occupations qu'on se livre.
Vous en serez toujours plus convaincus, si vous
considérez que la piété ne
consiste pas tant à accomplir sans cesse des
actes spirituels et sacrés qu'à
accomplir des actes ordinaires et terrestres par un
motif spirituel et sacré.
Nous sommes beaucoup trop portés à
classer les actions d'après leur apparence.
plutôt que d'après les motifs qui les
inspirent ou l'esprit qui les dicte.
Il est beaucoup d'âmes pieuses qui regardent
les actions ordinaires de la vie comme de tristes
nécessités perdues pour la
piété. Dans leur opinion, lire la
Parole, prier, rendre culte là Dieu, sont
seuls des actes religieux ; acheter, vendre,
travailler, n'en sont pas. Il en résulte que
les sentiments religieux se versent en quelque
sorte tout entiers dans des actes qu'on regarde
comme les seuls actes spirituels, et que, quant aux
autres, on se contente de s'y soumettre et qu'on
les regarde comme détournant presque
inévitablement l'âme de Dieu.
Mais rien n'est plus faux.
Pourquoi considérer comme souillées
des actions que Dieu a purifiées en en
faisant un moyen de le servir ?
La moralité et la spiritualité des
actions dépendent essentiellement de la
moralité et de la spiritualité de
celui qui les accomplit. C'est l'esprit, c'est
le motif par lequel une chose est inspirée
qui la rend mondaine ou spirituelle, basse ou
noble.
Des actions extérieurement grandes peuvent
être viles, par suite des mauvais sentiments
qui les inspirent ; tout comme des actions
toutes simples et tout ordinaires peuvent
être nobles par suite de l'état du
cœur de celui qui les fait.
Hérode, sur le trône, était un
esclave. Jésus, travaillant dans l'atelier
de Joseph, faisait quelque chose de grand. Une vie
passée au milieu d'occupations terrestres
peut être sainte, une vie passée au
milieu de choses saintes peut être tout
à fait mondaine.
Un ministre qui sans cesse prie, prononce de
saintes paroles, accomplit des actes saints, peut,
en faisant tout cela, ne pas faire quelque chose de
plus saint que ce que font l'ouvrier qui imprime la
Bible et le libraire qui la vend ; car il se
peut que les uns et les autres ne fassent en cela
que leur métier, et le métier de
vendre et d'acheter est honorable en comparaison du
métier de trafiquer des choses saintes.
Le culte public est une chose sainte. L'homme qui
le néglige ne saurait être vraiment
religieux.
Mais pour des multitudes d'hommes, les sentiments
qu'ils y apportent rendent le culte tout ce qu'il y
a de plus souillé aux yeux de Dieu.
Lui qui sonde les cœurs et les reins sait
quels sont ceux qui y assistent pour avoir
communion avec lui, lui ouvrir leur cœur,
déposer à ses pieds les croix et les
fardeaux qui les ont accablés pendant la
semaine, et chercher dans le culte de nouvelles
forces pour faire l'œuvre de Dieu dans leur
cœur, dans leur famille et dans le monde.
Il sait aussi quels sont ceux qui le
fréquentent par curiosité, par
habitude, par respect humain, et pour se
débarrasser d'une heure qui leur
pèse. Et qui pourrait douter que quant
à ceux qui y viennent par ces mauvais
motifs, le culte ne
présente aux yeux du Seigneur le spectacle
d'une légèreté plus criminelle
que les dissipations les plus frivoles ?
Au contraire, portez un principe de
sainteté dans les affaires, et les affaires
seront sanctifiées.
Un esprit chrétien christianise tout ce
qu'il touche.
Un cœur humble dans lequel brûle la
sainte flamme de l'amour de Dieu transforme les
choses les plus ordinaires et les plus
matérielles. La piété qui
vit dans l'âme fait de toutes les occupations
de la vie, de ses gains et de ses pertes, de ses
rivalités et de ses luttes, tout autant de
moyens d'avancement spirituel et moral.
Le principe chrétien spiritualise ce qui est
matériel, christianise ce qui est
terrestre.
Si vous êtes réellement
chrétiens, votre plus vif désir sera
d'employer au service de Dieu tout ce que vous
avez, de parler et d'agir toujours en vue de lui
plaire.
Vos entretiens, sauf peut-être avec vos amis
intimes, ne rouleront pas souvent directement sur
la religion. Vous n'en parlerez peut-être pas
du tout dans une société très
mélangée ; mais il est plus
facile de prononcer occasionnellement quelques
paroles religieuses, que de faire en sorte que tout
ce que nous disons soit
pénétré d`un esprit
chrétien ; et si vos conversations
ordinaires sont empreintes d'un esprit de
piété, de douceur, de sérieux,
de vérité, elles seront
chrétiennes alors même que vous
parlerez peu de religion.
Contribuer directement à l'avancement du
règne de Dieu en aidant de vos dons et de
vos prières les sociétés de
missions et d'évangélisation, c'est
sans doute un devoir pour vous qui croyez à
l'Évangile ; mais votre devoir ne
se borne pas à cela :
vous pouvez avancer la cause du Seigneur encore
plus efficacement, si dans votre conduite
journalière au sein de votre famille, dans
vos affaires et au milieu des hommes, vous
répandez l`influence des principes
chrétiens par l'éloquence silencieuse
d'une vie sanctifiée.
Élevez-vous par la force de Christ au-dessus
de toutes les pratiques équivoques qui ont
cours dans les affaires ; évitez
jusqu'à l'apparence de tout manque de
délicatesse et de droiture ; que votre
œil, fixé sur une récompense
auprès de laquelle tous les biens,
terrestres ne sont rien, soit resplendissant
d'honneur ; que la pensée habituelle de
Dieu vous rende toujours maîtres de vous,
modérés en toutes choses, vigilants
sur toutes vos paroles et sur toutes vos
démarches ; que le sentiment profond de
cet amour de Christ qui vous a rachetés vous
remplisse de renoncement à vous-mêmes,
de bonté, de support, d'affection pour tous
ceux qui vous entourent, et quelque terrestres que
soient vos occupations, votre vie sera
spiritualisée, votre piété se
développera et se fortifiera sous
l'influence de l'Esprit de Dieu, et vous apprendrez
tous les jours davantage qu'il est possible de
faire tout pour la gloire de Dieu.
En effet, pour qu'il en soit ainsi, il n'est pas
nécessaire, il n'est pas même possible
qu'au milieu des occupations de la vie, nos
pensées soient toujours directement
fixées sur Dieu, sur ses perfections, sur sa
gloire. L'intelligence ne peut pas plus, dans le
même moment, se fixer avec énergie sur
deux objets différents, que le corps ne peut
occuper à la fois deux places
différentes. Bien plus, il
est peu de travaux dans ce monde qui, pour
être bien faits, n'exigent une application
sérieuse de notre esprit, et il en est
beaucoup dans lesquels nous ne saurions exceller
sans la force et l'énergie condensée
de toute notre intelligence.
Mais il n'en est pas moins vrai que, sans avoir
conscience des grands objets de la religion, comme
étant au milieu de nos travaux clairement
présents à notre esprit, la
connaissance générale que nous en
avons, surtout si notre cœur en est
pénétré, peut et doit exercer
une continuelle influence sur l'ensemble comme sur
les moindres détails de notre vie.
Comme il est dans la nature des lois et des forces
auxquelles nous obéissons à chaque
instant sans nous en rendre compte chaque fois, il
est de même dans notre âme des
puissances et des impulsions morales qui agissent
sur nous d'une manière secrète et
occulte au milieu des occupations dans lesquelles
nous sommes le plus absorbés.
Quelle puissance, par exemple, dans l'amour !
qu'il s'agisse de l'amour conjugal, de l'amour
paternel ou maternel, ou même de l'amour de
soi-même, peu importe : il suit en tout
lieu celui qui en est possédé ;
il influe sur toute sa conduite, il dirige toutes
ses actions. Que ce soit une mère qui se
multiplie pour satisfaire aux besoins de ses
enfants ; ou un père qui s'efforce, par
un travail opiniâtre, de gagner le pain de sa
famille ; que ce soit un égoïste
qui ne se donne aucun repos afin de se procurer
jouissance sur jouissance : dans tous ces cas,
le motif qui domine le cœur ne nuit point au
travail de celui qui en subit la puissance, alors
même que dans chaque chose
qu'il fait, il ne se rend pas nettement compte du
but pour lequel il agit ; bien au contraire,
c'est de ce motif même, bien que caché
au fond du cœur, que son activité tire
toute son énergie et bien souvent son
succès.
S'il est donc vrai que l'homme n'agisse jamais que
par l'impulsion d'une pensée secrète,
d'un motif ou d'un mobile dominant, que reste-t-il
à faire pour obéir au précepte
de St.-Paul qui nous occupe ?
C'est de changer de motifs, c'est de mettre les
biens éternels à la place des biens
d'ici-bas, Dieu et sa gloire et sa faveur à
la place de la créature ; de le
rétablir sur le trône de nos
cœurs, qui lui appartient à tant de
titres et que la créature a
usurpé ; c'est de faire pour Lui ce
que nous savons si bien faire pour un être
humain qui possède notre amour.
Alors nous ne penserons pas plus à nous
dispenser de faire toutes choses pour le Seigneur,
par l'excuse frivole que nous ne pouvons pas
continuellement penser à Dieu, que la
mère ne néglige de travailler pour
ses enfants ou le père pour sa famille,
parce qu'ils ne peuvent pas ne penser jamais
qu'à eux.
Là où est notre trésor,
là sera aussi notre cœur, et
là où est notre cœur, là
se dirigera aussi d'elle-même notre
activité journalière jusque dans ses
moindres détails.
Telle est l'idée que nous devons nous former
de la vie chrétienne, de cette vie à
laquelle Christ nous appelle par tout ce qu'il a
fait, et tout ce qu'il a souffert pour nous. Cette
vie est-elle votre vie ?
A-t-elle du moins commencé en
vous ?
De quelle importance n'est-il pas de vous le
demander devant Dieu ?
Je conviens qu'elle n'a rien de brillant et qu'elle
n'est pas facile. Si, aujourd'hui, nous ne sommes
pas appelés au martyre, les
difficultés de la vie chrétienne n'en
sont pas moins grandes pour cela.
C'est une belle chose, sans doute, d'être
prêts à mourir pour Christ ; mais
ce n'est peut-être pas une moins belle chose
d'être prêts à nous charger
chaque jour de notre croix pour l'amour de lui, et
de la porter en toute douceur et en toute paix.
Mais, quelles que soient les difficultés de
la vie chrétienne, elles ne doivent pas vous
arrêter, puisque, si vous croyez, vous pouvez
compter sur une force de Christ
proportionnée au besoin que vous en avez, et
qui s'accomplira sans cesse dans votre
infirmité selon que vous saurez y compter et
l'appeler à votre secours.
Que si vous voulez sérieusement mener une
telle vie, souvenez-vous que la première
chose à faire, sans laquelle tous vos autres
efforts seront complètement inutiles, c'est
de vous dévouer de tout votre cœur
à Dieu en Jésus-Christ.
Pour pouvoir porter un sentiment de
piété en toute chose, il faut,
avant tout, que cette piété ait pris
racine dans votre cœur. La vie doit
précéder la croissance. Avant de
pouvoir servir, il faut qu'un soldat
s'enrôle.
Or, aucune piété n'est
sincère, aucune vertu n'est réelle
qui ne procède pas d'une foi cordiale en
Jésus-Christ.
Aller à Christ, comme à mon Sauveur,
aller à lui avec toute ma faiblesse et toute
ma culpabilité, comme à celui en qui
le pécheur repentant trouve toujours un
ami ; me jeter aux pieds de ce Jésus
dont la parfaite sainteté est
tempérée par la plus tendre
compassion ; croire réellement à
cet amour infini et
incompréhensible, qui, pour moi, a
enduré d'inconcevables tourments et
supporté sans murmure la malédiction
du péché ; remettre mon
âme entre ses mains pour le temps et
l'éternité, c'est le seul
commencement possible de toute vraie
piété.
C'est l'amour respectueux et profond du
fidèle pour Christ qui est le principe de
toute piété dans la vie
habituelle.
L'égoïsme, la crainte de l'enfer
peuvent inspirer une piété
formaliste.
La sensibilité naturelle peut inspirer des
mouvements passagers de piété ;
mais une vie de fervente piété, qui
se soutienne au milieu des soucis, des
contrariétés et des luttes de la vie,
ne peut être inspirée que par un seul
motif, une cordiale consécration de
nous-mêmes à Christ, produite par un
amour réel pour lui.
Souvenez-vous encore que comme cette vie de vraie
piété doit commencer en Christ, elle
doit continuer en Christ. Il faut que vous
appreniez à regarder à Christ, non
seulement comme à Celui qui vous
délivre de toute votre culpabilité,
mais comme à Celui qui est la source unique
de toute votre vie intérieure, l'ami de vos
heures solitaires, dans le sein duquel vous pouvez
déposer vos pensées les plus intimes
et vos sentiments les plus profonds.
Vous ne pouvez vivre pour Lui dans votre
famille, au milieu de vos affaires, dans le monde,
que si vous vivez beaucoup avec lui en
particulier.
Le vrai sérieux, la connaissance de votre
cœur, l'empire sur vous-mêmes, la
sagesse véritable, la piété
agissante ne s'acquièrent que dans une
communion habituelle avec Christ, par la
prière, et la méditation de sa
Parole, de son amour et de ses promesses.
« Soit que vous mangiez, soit que vous
buviez, ou que vous fassiez quelque autre
chose,
faites tout pour la gloire de
Dieu. »
I Cor. X, 31
(Source:
Google)
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