Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SERMON
PRÊCHÉ DANS L'ÉGLISE
DE LAUSANNE

En octobre 1817.

Par le doyen Custat

Sur ce texte :

Celui qui est injuste en très peu de chose est injuste aussi dans les grandes choses.
Luc XVI. 10.




EXORDE

DANS le grand nombre d'actions mauvaises qui se commettent sur la terre, il en est de si contraires aux premiers sentiments de la nature, qu'elles étonnent tous les esprits, et qu'elles affligent tous les cœurs : il semble alors que l'on se réveille du sommeil profond dans lequel on est généralement plongé sur les intérêts sacrés de la vertu ; chacun se demande, comment peut-on commettre de tels crimes, et quel est la cause qui les produit chez les misérables humains ?

Écoutez, Chrétiens, écoutez le Sauveur du monde ; qui connut si bien tout ce qui était dans l'homme, il vous indique dans notre texte la source fatale d'où découlent tous les crimes qui déshonorent l'humanité, c'est la négligence dans les plus petits devoirs : Celui qui est injuste en très peu de chose, est injuste aussi dans les grandes choses.

Pour développer ce grand principe de morale, examinons d'abord avec soin ce que l'on entend par être injuste en très peu de chose ; et nous vous montrerons ensuite que c'est là ce qui rend injuste dans les grandes choses.

Accordez une attention soutenue à cet important sujet ; il est surtout nécessaire de le traiter au milieu d'un peuple qui, malgré des sentiments de vertu, ne laisse pas de négliger un grand nombre de ses devoirs ; c'est ce qui peut vous rendre raison de tant de péchés et de rechutes, de tant de scandales et de forfaits dont on est, ou les malheureux auteurs ou les tristes témoins. Dieu veuille que ces réflexions, accompagnées de son Saint-Esprit, contribuent à en diminuer le nombre, et, s'il était possible, à en effacer les traces, ainsi soit-il !

PREMIÈRE PARTIE

Lorsque notre Seigneur dit, celui qui est injuste en très peu de chose, ce n'est pas qu'il envisage aucune partie de la morale comme très peu de chose en elle-même ; tous nos devoirs sont importants, et il appelle du même nom d'injuste celui qui l'est dans les petites choses, et celui qui l'est dans les grandes. Mais Jésus-Christ parle ici comme nous avons accoutumé de penser ; car si vous y faites attention, vous remarquerez que nous nous faisons tous secrètement une espèce de balance dans laquelle nous pesons les vertus ou les vices, donnant beaucoup plus de poids ou attachant plus d'importance à tel devoir qu'à tel autre, jugeant que les uns sont très peu de chose, ou que l'on est très peu coupable quand on y manque ; c'est ce qu'il est essentiel de connaître.

Osons l'avouer, Chrétiens, les injustices ou les fautes que l'on regarde comme très peu de chose sont d'abord celles qui ont Dieu seul pour objet, ou la négligence dans les devoirs de la piété. Comme on ne le voit pas, ce grand Dieu, comme sa justice ne se montre pas à l'instant contre ceux qui l'offensent, comme il est si bon et si patient envers eux, et que d'ailleurs la justice humaine ne venge pas sa cause, si ce n'est dans quelques cas trop scandaleux, pour être soufferts dans la société civile, l'oubli des devoirs envers Dieu paraît une très petite injustice.
Manquer de respect à un Magistrat, l'insulter dans sa maison ou en public, lui refuser les respects dûs à sa dignité, c'est, selon nous, et avec raison, être injuste dans une grande chose.
Mais manquer au Roi des Rois et au Seigneur des Seigneurs, lui refuser les prières et les justes hommages qui lui sont dus, s'en acquitter avec dégoût, profaner les jours consacrés à son service, dédaigner de lire sa parole, ou de la croire, sont-ce là de bien grandes injustices à nos yeux ? troublent-elles beaucoup la conscience ? Non ; on s'en fait presque un honneur, ou du moins, c'est très peu de chose.

Une seconde espèce d'injustices que nous regardons comme fort peu considérables, ce sont celles qui se passent au-dedans de nous, dans nos sentiments et dans nos pensées. Comme personne ne les voit, ou n'en souffre immédiatement ; comme il n'existe aucun tribunal assez éclairé pour sonder et juger les cœurs, il ne nous paraît pas que ce soit une fort grande injustice que de mal penser ou de mal sentir.

Ainsi, nous ne tuons pas ; cela est trop affreux ; mais nourrir dans son cœur des haines, des désirs de vengeances, de l'aigreur et des ressentiments implacables, que ni prévenance, ni humbles démarches ne peuvent faire oublier, cela, c'est très peu de chose. On n'étend pas sa main pour voler le bien d'autrui, c'est une grande injustice, c'est une basse infamie ; mais avoir le coeur excessivement attaché aux biens du monde, les convoiter quand on ne les possède pas, en être avare ou orgueilleux quand on les possède, c'est très peu de chose.

Porter la désolation dans d'autres familles ou dans la sienne par la séduction, l'adultère ou l'inceste, c'est une grande injustice ; mais nourrir dans son coeur des passions et de secrètes convoitises ; c'est être injuste en très peu de choses. En deux mots, on craint beaucoup plus de salir les dehors, que les hommes voient, que de laisser le dedans plein de corruption et d'ossements de morts.

Et encore, dans le nombre des actions qui paraissent, il en est que l'on regarde comme de petites injustices, savoir, celles qui ont pour objet les devoirs de la morale dans notre vie privée : Toute mauvaise conduite qui n'expose pas à la vengeance des tribunaux humains, ou à être absolument déshonoré et perdu dans la société civile, c'est très peu de chose.
Nous finirons pas commettre des crimes qui conduisent à la prison, nous éviterons certains excès scandaleux qui nous feraient perdre nos places ou notre état public ; mais négliger les devoirs de Père et de Mère, les devoirs d'Époux et d'Enfants, mais, vivre dans l'oisiveté et dans la passion du plaisir, s'accoutumer à des excès dans le manger et dans le boire, être peu scrupuleux dans ses discours, peu attentif à réprimer son humeur et l'emportement de son caractère, toutes ces espèces d'injustices, on les regarde comme très peu de chose.

Enfin, dans les injustices même qui exposent à la honte publique ou à la vengeance des tribunaux, on envisage comme très petites celles qui ne roulent que sur de petits objets ou que l'on peut déguiser. Chacun sent que c'est une chose horrible de voler sur les grands chemins, ou de faire effraction dans la maison de son prochain pour le dépouiller ; mais on regarde comme très peu de chose de commettre des larcins de denrées ou d'effets de peu de valeur ; de tromper dans le service, dans le travail, dans le commerce et dans les affaires.
Chacun condamne ces derniers éclats de débauche qui rompent les liens de la société civile et domestique ; mais la fréquentation de lieux ou de personnes corrompues, mais des propos ou des chants licencieux, mais des actions, qui sans violer proprement les grandes lois de la société, sont contraires à celles de l'honnêteté et de la décence, c'est être injuste en très peu de chose.

Telles sont donc les quatre espèces d'injustices peu considérables, selon notre appréciation et notre poids. Celles qui ont pour objet les devoirs envers Dieu ; celles qui se passent dans le secret de nos coeurs, celles qui blessent la morale privée ; enfin, les injustices qui paraissent petites, parce qu'elles ne roulent que sur de petits objets, ou parce qu'on les déguise assez pour que les lois ne puissent les atteindre.
Eh bien, M. F., c'est précisément à cette espèce de fautes, quelque légères qu'elles paraissent, que nous devons apporter la plus grande attention, comme nous allons le faire sentir en démontrant la vérité de cette déclaration de notre Texte, celui qui est injuste en très peu de chose, est injuste aussi dans les grandes choses.

SECONDE PARTIE

Cette maxime de notre Sauveur a deux sens également justes. Le premier est, que celui qui est injuste dans les petites choses l'est aussi dans les grandes : il l'est par le fait, il est également coupable aux yeux de Dieu, parce que ces petites fautes, quand elles sont habituelles, partent de la même source de corruption et du même principe de désobéissance contre le Législateur Suprême : en sorte que si l'on n'en vient pas aux derniers excès, c'est par défaut d'occasion, par crainte ou par respect humain, plutôt que par amour pour Dieu et pour ses saintes lois.
C'est dans ce sens que notre Seigneur dit, celui qui regarde une femme avec convoitise, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur : c'est dans ce sens que St. Jean nous dénonce que celui qui haït son frère est un meurtrier, et St. Jacques, si quelqu'un a observé toute la Loi, et pêche habituellement dans un seul point, il est coupable de tous.

Cependant, quelque utile qu'il fut de développer ce premier sens, si fertile en instructions propres à désabuser ceux qui pensent être de fort honnêtes gens, parce qu'ils ne sont pas absolument dépravés, nous ne voulons pas y insister aujourd'hui, nous bornant au second sens de la déclaration du Seigneur, savoir, que celui qui est injuste en très peu de chose est conduit par un effet presque inévitable à être injuste dans les grandes choses.
Car, qu'appelons-nous d'abord de petites injustices ?
Celles qui regardent les devoirs de la piété ; mais c'est la négligence ou l'abandon de ces devoirs qui est la source de tous les péchés des hommes.

Qu'on les attaque par de faux raisonnements, que l'on en plaisante tant que l'on voudra, les traitant de petitesses, il n'en est pas moins vrai que ce sont ces devoirs secrets de la piété qui donnent le ton et la règle à toute notre conduite. Dieu est si parfait qu'il est impossible qu'une âme souvent unie avec lui par la prière, par la sublime beauté de sa parole ou parle service de sa maison ne se fasse une provision et comme une masse de bons sentiments qui la fortifient contre les vices du monde. Ah ! comme elle se sent élevée par la seule idée de la sagesse et de la grandeur de Dieu, purifiée par l'idée de sa sainteté, contenue par celle de sa justice !
Comme le souvenir de sa miséricorde touche le cœur et le fléchit ! Ôtez du cours de votre vie cette source permanente de bonnes pensées, que vous restera-t-il pour échapper aux pièges du péché qui enveloppent si aisément ?
La raison, direz-vous, la sociabilité, la conscience, la seule beauté de la vertu : toutes ces choses sont excellentes, mais que leur voix est faible à côté de la voix séduisante des passions, et des tentations nombreuses qui se présentent tous les jours.
Comme on éprouve bientôt que sans les sentiments habituels de la piété ! nous ne sommes plus que de misérables créatures ! D'autant plus que c'est en servant Dieu que nous obtenons les secours de son Saint-Esprit, qui nous fortifient contre nous-mêmes ; unis au Seigneur par la foi, comme le sarment est attaché au cep, cette union nous aide à produire de bons fruits ; nous sommes dans cette alliance de grâce qui nous suffit et qui s'accomplit dans notre infirmité : plus nous tenons à la piété, plus nous tenons à la vertu. Mais séparez-vous de Dieu, dites une fois, rompons ses liens, et jetons loin de nous ses cordes, coupez ce fil de dévotion qui vous unissait au Seigneur... Héla, où courrez-vous ? tel qu'un homme vers un précipice, sans savoir où il tombera ; une chute appelle une autre chute au bruit de ses canaux.
N'est-ce pas là ce que l'expérience démontre ?

Quand est-ce que vous vous sentez plus de courage pour remplir les devoirs de votre état, pour résister au péché, pour combattre vos passions ? Lorsque vous avez servi Dieu de tout votre cœur, après de bonnes et de ferventes prières, après une Communion dignement célébrée.
Au contraire, dans quelle classe de personnes sont les mauvais citoyens, les pères et les mères dénaturés, les enfants désobéissants et rebelles, les époux désunis ; dans quelle classe se trouvent ces personnes qui se donnent en spectacle par les désordres de leur vie ? Dans la classe de ceux qui négligent ou qui abandonnent le service de Dieu.

De même en est-il des mauvais sentiments et des mauvais désirs, auxquels on attache peu d'importance, et qui cependant conduisent à être injuste dans les plus grandes choses, et cela par une raison si simple qu'il suffit de la présenter pour la faire sentir, savoir, que si l'on ne désirait jamais le mal, il n'arriverait jamais de le commettre.
Je sais qu'il est impossible qu'il ne s'élève quelquefois de mauvaises pensées dans notre esprit, et même ce sont elles qui donnent lieu à la liberté de l'homme ;
Si nous les combattons dès qu'elles se présentent, aussitôt elles s'enfuient et s'effacent.
Mais pour peu que l'on s'y appesantisse pour peu qu'on les laisse germer, se développer et s'enraciner dans le cœur ; bientôt cette convoitise ayant conçu enfante le péché, et le péché étant consommé produit la mort.

Et je ne parle pas seulement ici de certains sentiments vils ou odieux, mais de ceux même dont on se fait le moins de reproche ; quel, par exemple ? - La vanité ?
Certainement, on la regarde comme bien peu de chose. Eh bien, que des jeunes gens de l’un et de l'autre sexe, ouvrent leur cœur au sentiment de la vanité, au désir de briller par leur parure, et par des dépenses au-dessus de leur état ; ne pouvant toujours satisfaire ce désir secret par des moyens honnêtes, on passe bientôt aux moyens défendus ; bientôt se présentent les malheureuses facilités de tromper, de séduire ou de se hisser corrompre ; de là des chutes déplorables ; et quelquefois on a vu le dernier degré de l'avilissement, ou même de grands crimes être l'effet d'un premier mouvement de vanité.
À plus forte raison en est-il ainsi de tant d'autres sentiments plus vicieux qui fermentent dans le cœur.
Garde ton cœur plus qu'aucune des choses que l'homme puisse garder, disait le Roi Salomon, car c'est du cœur que procèdent les sources de la vie.
L'homme de bien tire de bonnes choses du bon trésor de son cœur, dit Jésus-Christ, mais l'homme mauvais tire de mauvaises choses du mauvais trésor de son cœur ; car c'est du cœur que sortent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les larcins, les faux témoignages, les médisances

Et si tel est effet des simples injustices dans les sentiments, quel sera l’effet des actions contraires à la morale, quelque petites qu'elles nous paraissent, telles que la négligence des devoirs domestiques, ou de ceux de la tempérance et de la vie privée ! C'est une source journalière de chutes et de malheurs ; pourquoi ?
Parce que tous les vices tiennent, les uns aux autres et s'enchaînent par des liens secrets dans l'abîme du cœur humain, en sorte qu'en s'éloignant de la vertu dans un point qui paraît d'abord n'être que très peu de chose, on est entraîné à des actions criminelles d'une toute autre espèce, et que l'on n'a pu prévoir.

Quelques exemples vous rendront plus sensible cette vérité.
Supposez, quelqu'un qui ne remplisse pas exactement ses devoirs. dans l'intérieur de sa maison, cela lui semble peu de chose ; mais il en résulte un état de malaise et de mécontentement secret ; sa maison n'est plus agréable pour lui, bientôt elle lui devient à charge ; n'étant plus réjoui par ces relations si douces du sang et de la nature, que la bonté du Père des hommes mettait à sa portée, il en formera d'étrangères peut-être de criminelles ; ne goûtant plus les douceurs de l'union domestique, il faut qu'il sorte ; il va chercher au loin le contentement qui le fuit, il cherche à désaltérer dans la source impure des vices cette soif de bonheur que l'on apaise qu'à la source pure de la vertu.
Ainsi Dina, fille de Jacob, peu satisfaite des plaisirs innocents qu'elle pouvait goûter au sein d'une famille nombreuse, voulut partager les joies insensées des filles idolâtres de Sichem ; elle sort, elle y court, elle y perd son innocence, elle devient la cause du massacre de tout un peuple, telle attire la malédiction sur la tête de ses deux aînés.

Ne pas savoir s'occuper ã un travail honnête, aimer une vie oisive et molle, cela semble très peu de chose, surtout quand on n'est pas absolument obligé de gagner sa vie. Mais combien de désordres n'entraîne pas après elle cette oisiveté, si justement appelée la mère des vices !
Étant faits pour nous occuper, si nous n'appliquons pas notre activité à des choses honnêtes, nous en venons bientôt à celles qui sont défendues, comme un terrain, qui n'étant pas cultivé, se couvre d'épines et de chardons ; Une âme vide cherche à se distraire, d'abord par des frivolités, dont elle se lasse ; ouverte aux premières tentations, elle y succombe, ensuite elle les cherche, et court après le vice pour fuir l'ennui qui la consume ; affaiblie par la mollesse, elle devient le triste jouet de basses ou de funestes passions.
Ainsi le Roi David, dont l'Éternel ne retira quelque temps sa grâce secourable que pour laisser aux générations futures les monuments du plus amer et du plus touchant repentir, ainsi le Roi David, passant une année entière dans l'oisiveté de son palais, pendant que ses serviteurs combattaient en bataille rangée pour la défense des frontières d'Israël, se levant de son lit, sur le soir, tomba dans l'adultère, qui le conduisit à faire verser le sang innocent.

Être peu délicat dans le choix des lieux ou des personnes que l'on fréquente, et préférer des amis de plaisir à ceux qui peuvent être utiles, c'est très peu de chose : mais combien de personnes en ont été perdues ; combien de jeunes et malheureux Ammon qui, sentant s'élever des passions secrètes, n'ont que trop aisément trouvé des Jonadab, de ces hommes rusés, qui leur facilitant le chemin du crime, les ont plongés dans un abîme de malheurs !
Qui peut ignorer les suites dangereuses de l'intempérance dans la nourriture et dans la boisson ; comme elle trouble la raison en échauffant les sens ; comme elle agite le cœur d'une méchante hardiesse, prête à tout entreprendre ou à tout accorder ; comme des Loth, quoique doués d'une âme juste, ont pu commettre un premier crime à la suite d'un premier excès ?

Ainsi tous les vices, quelque différents qu'ils soient, se tiennent par la main, et se suivent comme les flots : il suffit d'entretenir une mauvaise habitude, tant légère soit-elle, pour être insensiblement entraîné jusqu'aux actions les plus honteuses.

Enfin, de toutes les fautes que l'on regarde comme peu de chose, il n'en est point dont les conséquences soient aussi terribles que les fautes qui ne paraissent petites, que parce qu'elles roulent sur de petits objets telles que de petites indécences, de petits mensonges, de petites disputes, de petits larcins, de petites fraudes. Elles sont précisément les premiers pas qui conduisent aux plus grands crimes. Car ne pensez pas, Chrétiens, que les grands criminels s`imaginent l'être, ou seulement être près de le devenir ; les grands crimes nous révoltent tous, et quelle que soit la corruption de l'homme, on a toujours un fond de sentiment qui se soulève à la seule idée des grands forfaits.
Mais voici ce qui arrive : un homme, conservant encore les bons principes dans lesquels il fut élevé, voit l'occasion de commettre une faute légère, il la commet ; sa conscience le trouble ; il s'afflige ; et bientôt au milieu des occupations du monde, la faute et le remord sont oubliés : mais il a déjà mis le pied sur le chemin glissant du vice ; il trouve une seconde tentation sur quelque objet un peu plus considérable ; et cette seconde lui semble encore très peu de chose, comme la première, il y succombe ; sa conscience le trouble encore, il s'afflige, il se repent encore, et oublie le tout comme la première fois. Une troisième occasion se présente de commettre une faute plus « sérieuse ;

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cet homme la voit toujours comme très peu de chose, et il la commet ; sa conscience lui parle plus faiblement ; il cherche des excuses et de vains discours pour se tranquilliser ; ai-je donc fait un si grand mal ? Combien d'autres en font plus que moi ?
De plus, les mauvaises actions, en se répétant, ont souvent des suites fâcheuses qu'il faut couvrir, et cela par des fautes plus grandes encore ; on s'embarrasse dans un tas de ronces et d'épines dont on ne peut se tirer ; les fautes de divers genres s'accumulent et s'aggravent, sans que l'on ait le sentiment de son état, ni la connaissance de soi-même, en sorte que l'on parvient aux derniers excès, en se croyant toujours au premier point d'où l'on est parti, et tel se croit encore un honnête homme, qui est à la porte de commettre les plus grands crimes sans s'en apercevoir et même sans le croire.

Ici, M. C. F., nous vous ferons entendre une prédication bien plus frappante que celle de nos faibles discours ; c'est l'événement douloureux dont nous fumes témoins il y a peu de semaines, événement contemplé trop légèrement, peut-être et déjà peut-être oublié avec une légèreté plus grande encore.
Dans ce beau pays, comblé de toutes les grâces temporelles qu'aime répandre la bonté de Dieu, favorisé d'un climat sain, de tous les moyens de subsistance, de la sûreté, de la paix, du bonheur, en un mot, au cas qu'il soit le séjour de la piété et de la vertu ; dans ce pays, comblé de grâces spirituelles, d'une Religion sainte, de tous les moyens de surveillance et d'instruction pour la première enfance, et pour la jeunesse et pour tous les âges ; dans ce pays, un crime atroce fut commis, il y a quelques mois : par qui ?
Par cinq hommes, dont l'un encore à la leur de l'âge, et les quatre autres, pères de familles nombreuses, jouissaient, d'un état, si ce n'est honorable, du moins honnête, et qui vivaient de cette vie ordinaire et commune que rien ne distinguait de celle de leurs concitoyens.
Dieu qui ne permet pas l'impunité des crimes, a voulu que les auteurs de celui-ci fussent découverts ; l'un a fini ses jours à l'instant où l'on allait le saisir, les quatre autres ont été conduits dans notre ville : Vous les avez vu menés par les bourreaux au travers de vos rues, de vos places, et cette procession lamentable s'avancer hors de vos murs par un beau jour, dans ces beaux lieux où la main du Créateur prit plaisir à étaler la magnificence de ses œuvres.
Deux de ces infortunés, par l’effusion de leur sang ont rendu hommage à la majesté des Lois divines et humaines, faisant voir que le Prince ne porte point Pépée sans cause, mais qu'il est serviteur de Dieu, établi pour faire justice, et pour punir celui qui fait mal.
Les deux autres, deux frères, deux pères, déjà âgés, pâles, demi-morts, assistaient à genoux à la triste fin de leurs complices, dont peut-être ils convoitaient le sort, en pensant que leurs jours allaient finir dans les fers. Eh bien, aucun d'eux ne pouvait s'imaginer qu'il fut parvenu à cette effrayante catastrophe ; cela nous semble un rêve, disaient-ils nous étions pourtant d'honnêtes gens, et le plus jeune, à l'instant où l'on plaçait le bandeau fatal sur ses yeux, prononçait ces dernières paroles : Mon Dieu. Comment se peut-il que j'en sois venu là !

Ils ne pouvaient le comprendre, ces infortunés, mais tous les quatre en ont senti la cause ; tous, dans leur prison, dans leur marche cruelle, ont été unanimes pour dire, nous ne pratiquions plus nôtre Religion, nous avions abandonné nôtre Créateur, et il nous a abandonnés.
L°un d'eux a voulu parler sur l'échafaud, et voici l'abrégé de son discours :

Écoutez-moi, vous tous qui êtes ici, et principalement la jeunesse ; l'oubli de votre Religion, la fainéantise, l'ivrognerie, la fréquentation des lieux de débauche et des mauvaises compagnies, qui corrompent, les bonnes mœurs, conduisent à faire des choses que l'on n'aurait jamais cru ; prenez exemple à moi, car dans un instant je serai mort.

Quel trait perçant de lumière ! Comme il doit porter jusques au fond de nos cœurs la vérité de cette déclaration du Sauveur du monde, celui qui est injuste en très peu de chose est injuste aussi dans les grandes choses.

Sans doute, M. C. F., nous sommes persuadés qu'aucun de vous n'en viendra jusqu'à cette horrible extrémité, et qu'une éducation plus soignée ou des circonstances plus heureuses vous préserveront de tomber entre les mains de la justice des hommes : mais il est une autre Justice, entre les mains de laquelle il est bien plus redoutable de tomber ; c'est celle du Dieu vivant qui sonde les cœurs, et qui épreuve les reins, même pour rendre à chacun selon son train et selon le fruit de ses œuvres ; oui, vous dis-je, craignez celui-là, qui peut non seulement ôter la vie au corps, mais jeter le corps et l'âme dans la géhenne.
Or, il n'y a peut-être que trop de personnes qui vont s'y précipiter sans y penser et sans rien craindre, s'imaginant jusques à la mort qu'ils ne sont injustes qu'en très peu de chose, parce que c'est ainsi qu'ils ont commencé.

N'est-ce pas par de légères fautes envers Dieu, par le dégoût pour la prière, ou bien par de mauvaises conversations et de mauvaises lectures, que plusieurs en viennent à former des doutes sur leur Religion, passent à l'incrédulité, à l'abandon de tout service de Dieu, à l'impiété totale, à renier hautement le seul Nom qui ait été donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés ; et qui s’habituent à cette vie et s'en faisant gloire ; comme du chef-d'œuvre de la raison, vont braver la Justice qui consumera les adversaires ?

N'est-ce pas par de légères fautes que commencent ces carrières de vices et de débauches plus ou moins cachées, qui avilissent le corps et l'âme au point qu'on ne peut plus y renoncer, et que l'on reste corrompu jusqu'à ce que la vie étant écoulée, on aille recueillir le fruit des choses qu'on aura semées, et pour lesquelles la colère de Dieu vient sur les enfants de rébellion ?

N'est-ce pas par un léger défaut de délicatesse et par de petites injustices que l'on en vient à des tromperies habituelles, pour accumuler une fortune sous le voile de laquelle on peut encore être honoré dans le monde, mais qu'on laissera comme un funeste héritage, en se privant soi-même de l'héritage éternel, où les injustes n'entreront point ?

N'est-ce pas par des légères vivacités et de légères disputes que l'on en vient à des querelles éclatantes, à des procès odieux, à des haines et à des ressentiments implacables, en les justifiant et en y persévérant jusqu'au jour où l'on doit comparaître devant un Juge, miséricordieux, il est vrai, mais qui cependant a déclaré qu'il y aura jugement sans miséricorde sur ceux qui n'auront point usé de miséricorde ?

Ah ! Chrétiens, mes bien-aimés Frères, qui que nous soyons, sachons obéir à ce précepte si court de notre Seigneur ; soyez attentifs sur vous-mêmes ; soyons attentifs sur l'état moral où nous sommes, non point en ne consultant que nous-mêmes, avec nos excuses et nos vains prétextes qui nous aveuglent, mais en consultant la Parole de Dieu, comme un miroir qui nous montre notre face naturelle, et comme une lampe qui jette le jour sur nos sentiers ; guidés par sa lumière, essayons de nous rappeler la première époque de notre vie où nos consciences scrupuleuses se soulevaient encore à l'apparence du mal ; de là, suivant les divers pas que nous avons faits, soyons attentifs sur l'état où nous sommes aujourd'hui ; et si malheureusement nos pieds s'étaient écartés du chemin de la paix, hâtons-nous de rebrousser, et de recommencer, autant que possible, notre course morale, en mettant une haute importance, aux plus légères fautes, et aux moindres devoirs.

Surtout, et nous vous en conjurons ici, mettons tous nos soins à nous acquitter avec exactitude des devoirs particuliers et publics de la piété, devoirs qui sont d'ailleurs si justes et si doux : en nous en acquittant, n'oublions jamais que nous avons un Sauveur, non seulement pour nous sauver des peines de l'autre vie, mais des péchés et des vices de celle-ci.
Ce Sauveur que nous ne voyons pas, garde ses brebis, il les conduit comme un berger ; si nous chancelons en le suivant dans la route de la sainteté, il affermira nos pas, si nous tombons, il nous relèvera, il récompensera nos moindres efforts par de nouvelles grâces, jusqu'à ce qu'étant parvenus au bout de notre carrière, il nous couvre de sa justice comme d'un manteau, et nous adresse ces paroles consolantes : Cela va bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup, entre dans la joie de ton Seigneur.

Amen !

(Source: Google)


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