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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



ESQUISSE ÉVANGÉLIQUES

L. BURNIER

 1854


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LE CHRISTIANISME DIFFICILE.
(Luc XIV, 33)

 

I.

 La voie de salut que nous ouvre l'Évangile est en même temps la seule possible et la seule réellement facile.
- Là, ai-je dit à la fin de l'Esquisse précédente;
- là se trouve une expiation parfaite, à laquelle on ne saurait vouloir, sans folie comme sans crime, ajouter quoi que ce soit ;
- là, une souveraine et libre grâce de Dieu qui commence, poursuit et achève toute l'oeuvre de la Rédemption en dehors des élus et en eux ;
- là, des obligations morales que l'amour rend légères et douces, un chemin tracé droit et uni par la main du Seigneur, une issue pleine de paix, d'une paix qui n'exclut pas le repentir, mais sans rien de semblable aux amers regrets d'un homme qui voit enfin, et trop tard, qu'il a manqué sa carrière.

Il s'en faut toutefois que la vie chrétienne offre le genre de facilités que notre coeur naturel lui voudrait. C'est ce que j'ai tâché de faire sentir en jetant un coup d'oeil rapide sur le christianisme facile que tant de gens substituent au vrai.

Abordant maintenant une démonstration plus directe et m'appuyant sur une seule parole du Seigneur, mais sur une parole décisive, je vais dire ce qu'est, à ce point de vue, le christianisme véritable.

Beaucoup de gens s'approchaient du Seigneur et se croyaient, par ce seul fait, du nombre de ses disciples, comme de nos jours une foule d'individus s'estiment chrétiens, qui sont bien loin de l'être. Or, le Seigneur leur déclare (à ceux d'aujourd'hui non moins qu'à ceux d'hier) que, pour être son disciple, c'est-à-dire pour accepter même son enseignement, et, à plus forte raison, pour se laisser conduire et sauver par lui,
- il faut savoir au besoin renoncer à ses affections les plus légitimes : « Si quelqu'un vient à moi, » dit-il, « et ne hait pas son père et sa mère, et sa femme et ses enfants, et ses frères et ses soeurs..., il ne peut être mon disciple » (Luc XIV, 26) ;
- il faut renoncer même à sa vie : « Si quelqu'un vient à moi et ne hait jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Luc XIV, 26) ;
- il faut surtout renoncer au bonheur et à la gloire que donne le monde : « Et quiconque ne porte pas sa croix en venant après moi, ne peut être mon disciple... » (Luc XIV, 27).

Arrivé à ce point de son discours, notre Seigneur s'interrompt pour faire ressortir, par deux paraboles, l'extrême difficulté de ce qu'il exige.
C'est un homme qui bâtit une tour et qui n'a pas assez d'argent pour l'achever ; c'est un roi qui n'a que dix mille soldats à opposer aux vingt mille de son adversaire (Luc XIV, 28-32) ; puis, il résume toute sa pensée en ces mots : « Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne prend pas congé de tout ce qu'il a, ne peut être mon disciple. » (Luc XIV, 33).

1. Ce qu'on a, c'est d'abord son avoir, et le plus pauvre possède quelque chose ; avoir d'autant plus précieux qu'il est plus exigu, car il se réduit souvent au strict nécessaire : une barque et des filets (Matth. IV, 20), quelquefois moins encore. (1 Rois XVII, 12.) Eh bien, il peut arriver, de nos jours comme jadis, qu'on ait à faire l'abandon volontaire de sa fortune, petite ou grande, pour suivre Jésus-Christ.
Je ne parle pas de ces voeux monastiques de pauvreté prétendue qu'on exalte si fort au sein du romanisme, voeux au moyen desquels on se met au service du pape, et non de Jésus-Christ, tout en s'assurant pour sa vie entière la nourriture et le vêtement, et mieux encore, selon l'ordre religieux auquel on s'affilie.

Je parle du renoncement volontaire devant lequel recula le jeune homme riche à qui Jésus disait : « Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi » (Marc X, 21), renoncement auquel consentirent sans hésitation les pauvres pêcheurs de la Galilée, Pierre, Jacques, André et leurs associés. (Luc V, 11.)

Je parle de l'abandon que font de leur patrie et souvent de leur héritage ceux de nos évangélistes qui laissent tout derrière eux pour aller prêcher le salut aux païens.

Je parle de ce père de famille qu'un riche parent voulait instituer son légataire universel, à condition qu'il abjurât ce qu'il appelait son fanatisme, et qui préféra hautement le patrimoine céleste que les fidèles partageront avec Jésus-Christ.

Je parle de cette jeune personne qui sut refuser un brillant établissement, parce que les noeuds qu'elle eût formés avec un homme sans principes religieux n'auraient pu qu'affaiblir les liens qui commençaient à exister entre elle et son Sauveur.

Je parle de cet homme qui marchait à grands pas vers la fortune dans une industrie commerciale en pleine prospérité, mais qui s'est arrêté court, parce que les profits qu'il faisait ne se légitimaient pas suffisamment au tribunal de sa conscience.

Je parle de ces chrétiens, en plus grand nombre qu'on ne pense, qui, de manière ou d'autre, étaient presque sûrs de parvenir s'ils avaient suivi les maximes et le train du présent siècle, et qui sont demeurés dans la médiocrité, sinon dans l'indigence, pour « s'être sauvés de la génération tortue, » comme dit l'Écriture.

Il est encore une autre manière dont les disciples de Jésus-Christ peuvent se voir privés, en tout ou en partie, de ce qu'ils possèdent ; c'est lorsqu'ils en sont dépouillés par la persécution. L'abandon est forcé, je l'avoue ; mais il devient volontaire quand on « accepte avec joie l'enlèvement de ses biens, » à l'exemple des fidèles dont il est parlé dans l'épître aux Hébreux. (Hébr. X, 34.) C'est ce que firent en particulier ces huguenots de France, qui servirent le Seigneur au prix de tous leurs biens. C'est ce que font aujourd'hui même beaucoup de chrétiens évangéliques, non seulement en pays idolâtres, mais encore chez les catholiques d'Espagne, comme chez les Turcs de Constantinople. Or, qui sait ce qui nous menace nous-mêmes ! Les signes du temps sont-ils à la paix ou à la guerre ? et j'entends ici la guerre contre les saints du souverain. (Dan. VII, 2) Ni le papisme, ni l'incrédulité n'aiment aujourd'hui la Bible plus qu'autrefois, et nul antichrist ne saurait tolérer perpétuellement les fidèles disciples de Jésus.

En attendant que cette guerre impie ouvre ses feux sur toute la ligne (Luc XII, 49), nous venons d'en voir d'autres (1), qui auraient pu embraser le monde entier, et qui, jointes à la pénurie des subsistances et à l'invasion sans cesse renaissante d'une peste nouvelle, eussent pu devenir pour bien des disciples de Jésus-Christ l'occasion de remplir, à la lettre et sans une grande mesure, le devoir exprimé par ces paroles du Seigneur : « Vendez ce que vous avez et donnez l'aumône. » (Luc XII, 33.)
Ce qui n'a pas eu lieu peut arriver, et nous nous verrions alors appelés à imiter l'Église des premiers temps (Act. II, 45 ; IV, 35) ; mais le ferions-nous ? Vous avez un moyen presque infaillible de vous en assurer ; c'est de vous demander si, au milieu des nécessités de tous les jours, vous faites à ceux qui souffrent une large part de vos revenus, et si vous savez, en ce qui vous concerne vous-mêmes, vous préserver de toute inquiétude au sujet des catastrophes que l'avenir peut-être vous réserve. Dites-vous avec saint Paul : « Quand nous avons la nourriture et les vêtements, que cela nous suffise ? » (1 Tim. VI, 8.)
Êtes-vous sur vos gardes, « de peur que vos coeurs ne s'appesantissent par les soucis de la vie ? » (Luc XXI, 34) Et, pour dernière question, tandis que l'avare s'identifie tellement avec ses biens, que, qui les touche le touche, est-ce que, par la grâce de Dieu, vous êtes parvenus à en détacher votre coeur, « à prendre congé d'eux, » suivant mon texte, sans attendre qu'ils prennent congé de vous ? Est-ce que vous regardez votre or et votre argent comme appartenant au Seigneur plus qu'à vous, et comme devant être employés à son service ? C'est là ce qu'il faut pour devenir son disciple.
Les riches de ce monde et tous ceux qui ont leurs affections aux choses de la terre le savent assez ; aussi, ne vérifient-ils que trop souvent cette mélancolique parole du Seigneur : « Que ceux qui ont des richesses entreront difficilement dans le royaume des cieux ! » (Luc XVIII, 24.)

2. Mais il y a pour l'homme d'autres biens et de plus grands que ceux de la fortune. Ces biens, selon les paroles mêmes du Seigneur, ce sont la famille, la vie, le bonheur et l'honneur. Pour être disciple de Jésus-Christ, il faut prendre congé de tout cela.
En effet, s'il est des cas fort rares où l'on voit toute une maison saintement unie dans un même sentiment de foi et d'adoration, la plupart du temps, au contraire, un chrétien doit, comme Noé, comme Lot, comme David, seul au milieu des siens ou peu s'en faut, suivre avec résolution le chemin qui mène à la vie. Or cette résolution est d'autant plus difficile à prendre, que le même souffle du Saint-Esprit qui nous l'inspire, excite et réchauffe toutes nos affections légitimes.

Vous aimiez vos enfants avant de connaître le Seigneur, et vous, enfants, vous aimiez votre père et votre mère ; mais vous les aimez bien plus et bien mieux depuis que vous avez goûté l'amour de Dieu en Jésus-Christ. Plus que jamais, n'est-ce pas, vous voudriez n'être qu'un coeur et qu'une âme, faire toutes choses avec eux et comme eux ; cependant, il s'agit d'échapper à la colère à venir et de vous comporter, en ce qui touche à votre salut, comme si vous haïssiez ceux qui vous aiment. (2 Sam. XIX, 6.)
Il faut que vous vous sépariez d'eux dans l'affaire la plus essentielle, que vous consentiez à leur opposition et à leurs reproches, que vous acceptiez les outrages qu'ils font à votre foi et l'injustice qui les porte à incriminer vos motifs.
Hélas ! ces douces relations de la famille, cette intimité des coeurs, que nulle chose d'ici-bas ne saurait remplacer ; oui, c'est plus que tout l'or et tout l'argent du monde, et c'est aussi de cela qu'il faut prendre congé, bien souvent, pour être disciple de Jésus.

La vie, à son tour, doit cesser de nous être précieuse, sauf par ses rapports avec l'éternité et par l'emploi que nous en pouvons faire dans le service du Seigneur. (Act. XX, 24.) S'il nous y appelle, nous ne craindrons pas de nous exposer à tous les risques imaginables, comme le grand apôtre Paul (2 Cor. XI, 23-27) ; aux flèches et aux dents des anthropophages, comme le bienheureux missionnaire Williams ; aux flots engloutissants d'une mer en courroux, comme naguère le cher Vernier et bien d'autres. Et ne pensez pas que les grands soldats de Jésus-Christ aient seuls le privilège de lui offrir le sacrifice de leur vie.

En devenant son disciple, on entre dans une carrière de saintes obligations qu'on désire de remplir coûte que coûte, ou plutôt on apprend de lui à placer le devoir avant tout, dût-on y succomber.
Ce ne sera donc pas seulement quand nous aurons à porter l'Évangile en des pays lointains, ni quand les dangers de la patrie nous feront courir aux armes, ni quand il faudra tirer des flammes ou de l'eau ceux qui vont y périr, ni quand nous irons de maison en maison, ou d'infirmerie en infirmerie, soigner des pestiférés, ce ne sera pas seulement alors que nous laisserons nos vies pour nos frères. (1 Jean III, 18.) Par leur grandeur même, les grands dévouements attirent et récompensent.
Mais à ne prendre que nos devoirs les plus humbles, il en est peu, s'il en est, qu'on puisse accomplir dans leur entier sans efforts et sans fatigues du corps et de l'âme, les souffrances de l'âme suffisant bien souvent à détruire les forces du corps. Si donc les ménagements de votre santé vous paraissent devoir être consultés avant tout, il n'est pas possible que vous suiviez Jésus-Christ, lui qui n'eût jamais achevé sa tâche s'il avait eu une telle complaisance pour lui-même » (Rom. XV, 3.)
Sans doute que, dans l'intérêt de l'oeuvre et de sa prolongation, encore plus que dans le nôtre, nous ne devons pas prodiguer notre vie ; mais nous ne devons pas non plus en être avares. Entre la prodigalité et l'avarice, il y a l'économie, c'est-à-dire les dépenses bonnes, utiles, nécessaires. C'est ainsi que nous sommes appelés à nous dépenser pour le Seigneur. (2 Cor. XII, 15.)
À voir le peu d'estime que tant de gens semblent faire de leur vie, si du moins on en juge par les dangers auxquels ils l'exposent si souvent, on pourrait croire qu'en nous demandant la nôtre, le Seigneur ne nous impose pas un très grand sacrifice.
En effet, la vie présente n'est pas en soi le souverain bien. Il nous la faut heureuse et honorée. Tous n'entendent pas le bonheur et la gloire de la même manière ; mais tous en sont tellement passionnés, que la perspective d'une mort presque certaine ne saurait modérer leur ardeur. Or, ce bonheur et cette gloire d'ici-bas (Jean XII, 43), qui, pour une âme sans Dieu, font tout le prix et le charme de l'existence, c'est encore ce à quoi doivent renoncer les disciples de Jésus-Christ : Quiconque ne porte pas sa croix en venant après moi, ne peut être mon disciple » (Luc XIV, 27.)

La croix est à la fois le symbole de la souffrance et de l'ignominie. Moïse estima l'opprobre du Christ une richesse plus grande que les trésors de l'Égypte » (Hébr. XI, 26.) Il possédait tout ce que le coeur naturel peut désirer et il l'échangea de propos délibéré contre le mépris de ses frères mêmes, et contre la vie errante et tourmentée du désert.
Saul de Tarse, à son tour, préféra l'opprobre et les souffrances de Christ à la position douce et honorable que lui faisaient ses grands talents et son pharisaïsme (Col. I, 24 )  ; il consentit à devenir comme les balayures du monde et le rebut de tous (1 Cor. IV, 13), et il n'est personne dans l'Église de Jésus-Christ à qui ne s'adresse cette parole de l'apôtre : Sortons vers lui, hors du camp, en portant son opprobre » (Hébr. XIII, 13).

Je ne méconnais pas les nobles et inappréciables avantages qui se rattachent au service du Seigneur ; mais voulez-vous entrer dans ce service, commencez par prendre congé de ce que le monde appelle gloire et bonheur, renoncez à être heureux à la manière du présent siècle, n'attachez qu'un faible prix à l'estime du monde et à ses applaudissements. Si le bonheur terrestre, si la gloire qui vient des hommes abordent pour un temps votre seuil, recevez-les comme des hôtes que Dieu vous envoie ; mais aussi comme des étrangers en passage, auxquels vous devez être toujours prêts à dire adieu.

3. Fortune, famille, vie, bonheur et gloire terrestres, voilà donc l'holocauste à offrir au Seigneur quand on veut être son disciple.
Mais ce n'est pas là tout ce que nous avons. Il est quelque chose qui nous est encore plus cher que gloire, bonheur, vie, famille et fortune : c'est Dieu et la religion.

Malgré ce qu'où dit de l'indifférentisme, cette rouille qui ronge partout la société ; malgré la fureur avec laquelle on voit la génération contemporaine se passionner pour les intérêts matériels et s'y acharner, insatiable, comme l'animal féroce après sa proie, il demeure vrai que la généralité des hommes ne met rien au-dessus de Dieu et de la religion. C'est encore là le grand intérêt de l'humanité, toute dégradée qu'elle est ; c'est même le seul par lequel on puisse soulever les masses, les agiter avec quelque permanence, allumer les guerres les plus furieuses, au prix des plus énormes dépenses et des plus déchirantes douleurs.
En admettant ce fait comme vrai, il l'est également que, pour être disciple de Jésus-Christ, il faut prendre congé de Dieu et de la religion ; non pas du vrai Dieu et de la vraie religion, quoi de plus évident ? mais de son Dieu et de sa religion à soi. c'est-à-dire du dieu qu'on s'est créé et de la religion qu'on se fait à soi-même.

Si votre dieu est le dieu des panthéistes, l'ensemble de ce qui existe ou les forces de la nature, une pure idée, sans existence personnelle ou plutôt un non-sens, il vous faut y renoncer pour être chrétien, car ce dieu-monde, ce dieu qui est tout et qui n'est rien, ne saurait être le Dieu et Père de Jésus-Christ, le Dieu de la charité, qui a créé le monde et qui lui a donné un Sauveur parce qu'il l'aime.

Si votre dieu est un dieu trop bon pour punir ; ce qui revient à dire que, devant ses yeux, le bien et le mal sont d'égale valeur, et ce qui ôte au mot de péché tout sens quelconque, il vous faut renoncer à votre dieu pour être chrétien ; car, selon l'Évangile, Jésus-Christ a subi une punition, une punition de la part de Dieu (Gal. III, 13) ; il a été puni à cause du péché, et, quand on assiste aux scènes déchirantes de Gethsémané et du Calvaire, on doit de deux choses l'une, ou reconnaître que Dieu est, pour le pécheur, un feu dévorant » ou rejeter tout l'Évangile comme un tissu d'impiétés absurdes.

Si votre dieu est indifférent aux petites choses, parce qu'il est trop grand pour s'en occuper ; si, en conséquence. il ne s'inquiète pas de notre pauvre terre, qui n'est en effet qu'un grain de sable dans l'immensité, il vous faut renoncer à votre dieu pour être chrétien ; car, selon l'Évangile, Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, est venu sur cette même terre, pauvre et chétive, pour sauver ces infiniment petits qu'on appelle les hommes, et il nous dit expressément que c'est cela même qui atteste l'amour infini de Dieu pour le monde, plus méchant encore qu'il n'est petit.

Si votre dieu est un être à la gloire duquel de misérables créatures telles que nous ne sauraient contribuer d'aucune façon, il vous faut renoncer à votre dieu pour être chrétien ; car tout l'Évangile a pour but de nous amener à Jésus-Christ, afin que le Père soit glorifié par nous comme il l'a été par lui (Jean XVII, 1, 10 ; 1 Cor. VI, 20 ) ; et, bien loin que nous ne puissions honorer Dieu par quoi que ce soit, il n'y a, selon l'Évangile, quoi que ce soit que nous ne devions faire avec cette intention, témoin l'exhortation bien connue de l'apôtre : Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Cor. X, 31).

Et encore, si votre dieu ne s'enquiert ni de vos oraisons, ni de vos soupirs, ni de vos mains jointes ou de vos génuflexions, attendu qu'il sait ce dont vous avez besoin avant que vous le lui demandiez et que vous ne sauriez avoir la prétention de modifier ses pensées à votre égard, il vous faut renoncer à votre dieu pour être chrétien ; car Jésus-Christ, de qui vous empruntez une partie de ce langage, probablement sans vous en douter (Matth. VI, 8), Jésus-Christ, aussi jaloux que vous assurément de la souveraineté de Dieu ; Jésus-Christ nous excite à la prière par de nombreux préceptes non moins que par son exemple ; il nous a appris comment nous devons prier, et il est évident que ce qu'il fait de ses disciples, c'est par-dessus tout des hommes de prière.

Si, d'un autre côté, votre dieu est un dieu qui n'attend de ses adorateurs qu'une demi-sainteté, de bonnes intentions et des efforts sincères, des formes de dévotion et une piété de l'imagination plus que du coeur ; si votre religion, par cela même, est un de ces christianismes faciles que j'ai essayé d'esquisser, il vous faut renoncer à votre dieu et à votre religion pour être chrétien, car toutes ces contrefaçons ou ces pervertissements du christianisme ne sont en définitive que la négation de Jésus-Christ, ou encore mieux, une insulte à Jésus-Christ.

Pour qui croit au vrai Dieu et possède la vraie religion, renoncer à sa foi est une chose impossible. S'agit-il d'un faux dieu, le sacrifice ne laisse pas d'offrir d'immenses difficultés, attendu que l'homme qui invente un dieu le crée à son image, et que la religion qu'il se fait n'est que l'antitype de ses goûts et de ses moeurs.
Si donc il fallut un miracle d'en haut pour engager des peuples guerriers à renverser les autels de leur dieu Mars, et des peuples voluptueux, amis des beaux-arts, ceux de leur Bacchus, de leur Vénus, de leur Apollon et de leurs Muse ; il ne faut pas un moindre miracle pour qu'un siècle à la fois raisonneur et positif, pour qu'une génération qui court après tout ce qui est facile, commode, vite fait et immédiatement profitable, répudie son dieu, ou tout abstrait ou toute matière, et une morale qui se prête à ce qu'on veut.
Demander au monde un tel sacrifice, c'est lui demander de renoncer à soi-même ; et, en effet, c'est ce que le Seigneur ne manque pas d'exiger de ses disciples, comme complément à tout le reste : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même » (Luc IX, 23.)

4. Se renoncer soi-même, c'est renoncer à sa volonté pour vouloir ce que Dieu veut ; non pas seulement ce que veut sa Providence ou ce qu'exigent ses saintes lois.

Pour devenir disciple de Jésus-Christ, il faut avant tout vouloir ce que veut la grâce infinie de Dieu quant à notre pardon et à notre restauration morale.
Il faut que nous consentions à nous sauver de la manière que le Seigneur l'entend, au lieu de faire comme Naaman le Syrien, qui trouvait étrange que le prophète l'envoyât laver sa lèpre dans l'eau trouble et incertaine d'un torrent, tandis qu'il y avait de si beaux fleuves à Damas (2 Rois V, 10-13 ) ; ou comme Hérode Antipas, qui écoutait les conseils de Jean-Baptiste dans la mesure de ses propres convenances (Marc VI, 20 ; Luc III, 19, 20) ; ou enfin comme ces pharisiens qui rejetèrent, à leur propre perte, la bienveillance du Seigneur, parce qu'ils cherchaient leur justice en eux-mêmes. (Luc VII, 30 ; XVI, 15.)
Or sans prétendre que tous soient aussi inconséquents que l'officier de Benhadad, aussi légers que le mari d'Hérodias, aussi orgueilleux que le pharisien de la parabole (Luc XVIII, 11, 12), il est incontestable que, lorsque nous écoutons nos inclinations naturelles, nous voulons, je ne dis pas acheter par nos oeuvres la vie éternelle, mais tout au moins mériter quelque peu notre grâce.

Quant à accepter un salut entièrement gratuit, c'est-à-dire un salut qui découle tout entier de la miséricorde divine, soit le pardon, soit la sainteté, c'est ce que nous avons une peine infinie à vouloir sincèrement et simplement, comme mille expériences le démontrent.

Vouloir ce que Dieu veut, ce n'est pas cesser de vouloir ; c'est, au contraire, donner à notre volonté sa plus grande décision et son plus sûr effet.
Je dis la même chose de notre libre arbitre, pour autant qu'on peut le distinguer de la volonté. C'est dans le service de Jésus-Christ que se trouve le seul affranchissement véritable. (Jean VIII, 36.)
Toujours est-il qu'on ne saurait appartenir à Jésus-Christ et s'appartenir à soi-même.

En devenant chrétien, on renonce à tout droit sur sa propre personne pour se mettre aux pieds de Jésus. Seigneur, lui dit-on, que veux-tu que je fasse ? Où veux-tu que j'aille ? Me voici ; dispose de moi comme il te semblera bon. Par suite de cela, le chrétien n'est plus libre de mentir, de profaner le nom de Dieu, de laisser aller sa langue sans frein ni mesure, de nourrir des pensées malveillantes contre qui que ce soit, non plus que de courir après la fortune, les plaisirs et les vanités du siècle, ce qui est le train ordinaire de ceux qui secouent le joug de la foi.

Il est vrai que, malgré l'abdication qu'il a faite de sa volonté propre et de sa liberté dans les mains du Seigneur, ou, pour le dire autrement, malgré la rénovation intérieure qu'il doit au Saint-Esprit, un chrétien ne laisse pas de se voir assailli par de mauvaises convoitises. Mais, pour cet heureux captif de Jésus-Christ (Eph. IV, 8), il y a la considération habituelle des souffrances du Sauveur, le doux sentiment de sa présence, la perspective de la gloire de Dieu, qui lient son coeur même à l'obéissance et qui font de lui un esclave volontaire de la justice (Rom. VI, 16) ; en sorte que, s'il lui arrive quelquefois de s'échapper, il ne tarde pas à reprendre des fers qu'il porte avec constance et même avec joie.

Or, l'homme non converti ne veut pas entendre parler de servitude, sous l'autorité de Dieu moins encore que sous aucune autre. Il acceptera plus volontiers l'esclavage des cours, des armées, des couvents, et en général du monde ; parce que le vieil homme trouve après tout son compte dans l'obéissance passive qu'il voue à d'autres hommes, pécheurs comme lui. Mais il sait très bien que dans l'obéissance à Jésus-Christ il n'a que des crucifiements à attendre (Gal. V, 24) ; ce qui explique parfaitement d'où vient que tant de gens refusent de se convertir.

Ce qui l'explique encore, c'est qu'il n'y a pas moyen d'être un vrai disciple de Jésus sans renoncer à l'estime orgueilleuse qu'on a de soi-même. Celui qui osa bien écrire au début d'un ouvrage aussi célèbre qu'immoral : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus..., » cet homme (2) a eu beau déclarer ailleurs que la mort de Jésus est celle d'un Dieu, il est clair qu'il n'y avait rien en lui du racheté de Jésus-Christ, et que, pour devenir son disciple, il aurait dut commencer par renverser avec mépris l'odieuse statue qu'il s'érigeait à lui-même.
Or, qui est-ce qui, étant non converti, ne s'en érige dans son coeur ?
Qui est-ce qui ne brûle son encens, devant ce vain simulacre ?
Qui est-ce qui ne grave, de sa propre main, sur le piédestal : Bon père, bon époux, bon fils, bon domestique ou bon maître, bon citoyen et bon soldat, bon pasteur, bon prince, bon chrétien ?
Qui est-ce qui ne se donne largement toutes sortes d'attestations de probité, de véracité, de désintéressement ?

On avouera des faiblesses, on se reconnaîtra des défauts, on s'accusera même de péché, mais en s'excusant aussitôt ; ou si on ne le fait pas, c'est qu'on ne pense pas qu'il en. vaille la peine. Mais, pour appartenir à Jésus-Christ, il faut autre chose. Il s'agit de se reconnaître foncièrement pécheur et désespérément perdu ; de se condamner, de se haïr, de se mépriser, de se détester soi-même cordialement. Il faut qu'on se sente et qu'on s'avoue malheureux, et misérable, et pauvre, et aveugle, et nu. (Apoc. III, 17.) Il faut, en un mot, que, sous l'horrible souffrance des morsures empoisonnées de l'ancien serpent, on regarde humblement à Celui dont la mort sur la croix donne la vie aux pécheurs, et qui est venu guérir, non des gens en santé, mais des malades.

II.

 Si, maintenant, vous faites le compte de tout ce que le Seigneur requiert de ceux qui veulent être ses disciples ; si vous considérez qu'il faut, pour aller à lui, « prendre congé » de sa fortune, de sa famille, de sa vie, de ce qu'on appelle bonheur et gloire ici-bas, puis du Dieu qu'on s'est donné, enfin de sa volonté propre, de sa liberté et de la fausse estime de soi-même ; en un mot, « de tout ce qu'on a, » comme dit le Seigneur, vous conviendrez que ce n'est pas sans peine qu'on obtient la qualité de chrétien, encore que le nom en soit devenu si vulgaire.

Et remarquez, je vous prie, que ces difficultés, ces énormes difficultés, se présentent dès les premiers pas : « Si quelqu'un vient à moi, » dit Jésus (Luc XIV, 26).
Ce sont les coteaux à abaisser, les vallons à combler, les montagnes à percer, les rivières à détourner de leur cours avant qu'on puisse faire voler sur des ornières de fer d'énormes voitures ; c'est le vaisseau qui, du chantier et non sans péril, s'élance dans les flots après qu'on a enlevé les derniers étais et dénoué les derniers câbles ; c'est l'aérostat, à l'instant critique où l'on vient de couper les cordes par lesquelles il se cramponnait au sol. Mais les dangers réels et les grandes difficultés se présentent plus tard.
Que de vigilance et de soins ne faudra-t-il pas pour éviter les horribles catastrophes dont un chemin de fer peut devenir le théâtre ! Que de fatigues, que de souffrances pour l'équipage de ce navire qu'on voit au loin, tourmenté par une affreuse tempête ! Et ce ballon lui-même qui s'élève si doucement et qui semble nager dans l'azur du ciel, il a emporté de la terre avec lui, et il ne monte, monte toujours qu'à la condition de jeter incessamment de son lest !

Que serait-ce donc, si, en ce qui concerne la vie chrétienne, j'ajoutais aux difficultés du départ ou de la conversion, les difficultés non moins grandes de la route ou de la sanctification ; si je vous parlais de la multitude d'obligations morales où s'engage celui qui se donne à Jésus-Christ : devoirs au milieu du monde, devoirs dans la famille, devoirs envers l'Église, devoirs de la piété, devoirs de la charité, devoirs de la pureté morale et de la modération en toutes choses, carrière immense dont jamais aucun homme ne vit le bout ? (Philip. III, 13.)

Que serait-ce, si je vous présentais l'effrayant tableau des mille pièges que Satan dresse aux enfants de Dieu, des pierres d'achoppement qui embarrassent leur chemin, des fausses lueurs qui voudront les égarer, de la ligue que le monde entier semblera former pour les détruire ?
Je devrais ajouter sans doute que le Seigneur tout-puissant ne saurait délaisser ceux qui se donnent à Lui, car c'est Lui qui se donne à eux le premier ; mais, pour être complet, il me faudrait aussi tenir compte des résistances que sa grâce rencontre jusqu'à la fin dans notre vieil homme ; il me faudrait dire que nous possédons le triste privilège de contrecarrer le Saint-Esprit, de le contrister et même, par moment, de l'éteindre (Esaïe LXIII, 10 ; 1 Thess. V, 19) ; il me faudrait enfin replacer à côté des promesses de Dieu ses invitations continuelles à la vigilance et à la prière, autres devoirs dont tout chrétien connaît à la fois les douceurs et la difficulté.

Après tout, cependant, la vie spirituelle, semblable sur ce point à la vie physique, ne change pas de nature en se développant et en se prolongeant.
Quand on demande quelle est la plus éminente des vertus chrétiennes, les uns répondent : la charité ; d'autres, l'humilité ; et des deux parts on peut alléguer des raisons d'égale force.
Représentez-vous, en effet, un coeur rempli de charité et d'humilité, mais de cette humilité et de cette charité dont le Saint-Esprit pénètre et anime ceux qui croient en Jésus-Christ, ne voyez-vous pas sortir aussitôt de ce coeur humble et charitable tout ce qui peut être bon et utile aux hommes, pour la gloire de Dieu ? (Tite III, 8 ; 1 Cor. X, 31.)

Parmi les chrétiens de votre connaissance, quels sont ceux dans l'intimité desquels vous désireriez surtout de vivre, ceux que vous vous sentez portés à prendre pour modèles, ceux que l'Église vénère le plus et auxquels le monde lui-même est forcé de rendre un bon témoignage ? Ce ne sont pas toujours les plus savants, les plus actifs, les plus renommés. Je ne dis pas que ceux-ci n'aient rien qui attire : l'attrait même peut aller quelquefois jusqu'à l'entraînement, si ce n'est à la séduction ; mais les hommes qui, à tout prendre, sont estimés dans votre coeur chrétien comme des chrétiens par excellence, ne sont-ils pas ceux qui joignent à un vif amour pour Dieu et pour leurs frères une profonde humilité ?

Or, qu'est-ce, au fond, que l'amour et l'humilité, si ce n'est le renoncement « à tout ce qu'on a ? » J'entends l'amour vrai et l'humilité réelle ; car si quelqu'un n'aime ses frères que pour sa satisfaction personnelle, ce n'est toujours que de l'égoïsme, et l'humilité qui se complaît en elle-même n'est toujours que de l'orgueil.
L'égoïsme et l'orgueil ! Ces deux éléments constitutifs de notre nature déchue, nous les retrouvons à tous les pas de la carrière, à tous les moments de la vie. Ce sont les odieuses passions qui donnent le branle à toutes les autres. Après nous avoir longtemps barré le chemin, car c'était bien ce qui nous empêcha si longtemps de nous convertir, les voilà qui ne cessent de nous rendre impossible le parfait accomplissement du devoir. C'est donc là-contre que nous aurons toujours à lutter. Le renoncement à nous-mêmes et à tout ce que nous avons sera constamment la grande affaire comme la grande difficulté de la vie chrétienne. Si donc quelqu'un pensait que Jésus-Christ exige d'abord beaucoup de nous, pour exiger ensuite toujours moins, il se tromperait étrangement.

Mais qui est ce docteur qui impose à ses disciples de tels sacrifices ?
Dieu seul a le droit de nous demander tout ce que nous avons, parce que nous tenons tout de lui.
C'est à Dieu seul qu'il est permis de se livrer corps et âme, parce que c'est avec lui seul qu'on peut le faire sans péril ; et les droits de possession qu'il a sur nous lui appartiennent d'une manière tellement exclusive, qu'il ne saurait s'en dessaisir en faveur de personne. Aussi, quand on nous dit que, sous le nom d'obéissance à Dieu, une société fameuse entend que ses affiliés abdiquent entre les mains de leurs supérieurs, connus et inconnus, et leur volonté, et leur liberté, et tout le reste, notre conscience se révolte contre un tel blasphème.

Elle ne se révolte pas moins lorsque cette dégradation de l'individu et cette usurpation du pouvoir divin, sont le fait d'associations qui réclament aussi l'obéissance passive et le renoncement le plus absolu, au nom de la liberté et des intérêts sociaux.
Et, s'il se présentait un homme qui, venant à nous avec une nouvelle religion, nous demandât de nous mettre purement et simplement entre ses mains avec tout ce que nous avons : fortune, famille, honneurs, convictions, croyances, désirs, volontés, espérances, nous n'hésiterions pas à l'envisager comme un imposteur dont l'audace égalerait l'impiété.

Or, voici Jésus-Christ qui, nous voulant pour disciples, réclame de nous ce que ne demandèrent jamais les anciens prophètes, ce que n'oserait demander un ange du ciel. Et c'est bien pour lui, pour lui-même qu'il le réclame, car il dit : « Si quelqu'un aime son père ou sa mère plus que moi, il n'est pas digne de moi. » (Matth. X, 37.)

D'où vient que nos consciences ne se révoltent pas contre de telles prétentions ? C'est que, tout énormes qu'elles sont, nous avons assez de foi pour reconnaître qu'elles ne dépassent pas les droits légitimes de Celui qui les élève.
Ce docteur divin est la Parole éternelle du Père ; la Parole par qui et pour qui toutes choses ont été faites.
Ce Docteur, c'est l'Éternel, rédempteur de nos corps et de nos âmes, qui a tout quitté, tout donné pour nous.

Nous comprenons, en conséquence, qu'il puisse demander à ses disciples de renoncer à tout ce qu'ils ont. Mais si nous avons assez de foi pour comprendre cela, n'en aurons-nous pas assez pour que cette même considération nous serve d'un puissant encouragement à suivre ce grand Docteur ?
Allez à celui qui vous appelle, car c'est le Seigneur. Ne vous laissez pas effrayer par les difficultés. Elles ne sont certes pas imaginaires, et quand on les embrasse d'un seul coup d'oeil, il est permis de s'écrier avec les premiers disciples : « Qui donc peut être sauvé ? » Mais vous savez ce que le Seigneur répondit à cette exclamation. Or, ce qui était possible à Dieu il y a dix-huit siècles le lui est également aujourd'hui (Matth. XIX, 24-26) ; et ne voyez-vous pas qu'il suffit ici d'un : « Je le veux, » bien articulé, qui, partant du coeur de Jésus, vienne faire écho dans le vôtre par le Saint-Esprit ?

Considérez encore pour votre encouragement ce qu'est la doctrine dont le divin Maître veut que vous fassiez l'acquisition par de tels sacrifices. (Prov. XXIII, 23.) Ce ne sont pas d'inutiles théories, fondées sur de vaines hypothèses, comme il arrive à de prétendus sages d'en inventer tous les jours.
C'est la vérité, la vérité par excellence, la vérité basée sur les grands faits de la mort et de la résurrection du Docteur céleste, qui veut faire de vous ses disciples pour vous enseigner le chemin de la vie. Ce ne sont pas simplement quelques coins vides de votre intelligence qu'il vous offre de remplir, c'est tout votre être moral dont il veut opérer la transformation, afin do vous rendre propres au bonheur éternel, après avoir expié sur la croix les péchés qui vous séparaient de Dieu. Ou, pour le dire d'une autre manière, en écoutant Jésus-Christ, on ne devient pas seulement plus instruit et un peu meilleur ; on passe des ténèbres à une merveilleuse lumière (1 Pierre II, 9), on reçoit un esprit nouveau et un coeur nouveau, on trouve la paix de la conscience, et l'on entre pour toujours dans la communion du Dieu fort, puissant et bon.
C'est ce que le Seigneur exprime dans celte invitation touchante : « Venez à moi..., et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et soyez instruits par moi..., et vous trouverez le repos de vos âmes... » (Matth. XI, 28, 29.) Courage donc ! car si les difficultés sont grandes, les secours le sont aussi, et le but à atteindre est plus grand encore.

N'y aurait-il pas, dans la grandeur même de ces difficultés, quelque chose de propre à enflammer votre courage ? Voyez l'homme à cet âge de la vie où la nature se trahit dans toute sa naïveté. Si des enfants ont à choisir entre deux chemins, vous pouvez compter qu'ils prendront généralement le plus scabreux ; non point, comme on pourrait le croire, par manque de jugement, mais plutôt par l'attrait des difficultés à vaincre.

Un travail qui n'appelle aucun effort ne vaut pas la peine qu'on y déploie ses forces, et peut-être fûtes-vous quelquefois dégoûtés du christianisme, en voyant combien il est facile d'être chrétien à la manière de certaines gens. Car, bien que dégradés, nous sommes faits pour ce qui est grand et noble, et nul ne proclame glorieuse une victoire sans péril. Aussi, que de merveilles n'a pas enfantées la perspective d'obstacles qui semblaient insurmontables ! Et ces hardis navigateurs qui vont chercher des passages par delà les glaces du pôle, et ces savants qui demandent à des expériences de plus en plus délicates et même dangereuses le dernier mot de la science, et ces voyageurs qui dédaignent les pays dès longtemps explorés et les montagnes mille fois escaladées, pour risquer leur vie où personne n'osa se hasarder avant eux ; est-ce seulement le but qui anime leurs efforts et soutient leur énergie ? Non ; c'est aussi le bonheur qu'on éprouvé à lutter contre des difficultés extraordinaires.
Eh bien ! je puis dire que la vie chrétienne offre à cet égard tout ce qu'un noble coeur peut désirer. Oh ! qu'elle est difficile, mais qu'elle est belle !

Soit donc que vous considériez la divine majesté de Celui qui vous invite à tout quitter pour lui, ou le parfait bonheur qu'il vous destine, ou même la grandeur des sacrifices auxquels il vous appelle, tout vous crie de ne pas hésiter.
Quoi ! aimeriez-vous mieux renoncer à Christ qu'à vous-même ; donner votre vie à la chair plutôt qu'à l'Esprit ; marcher dans le chemin de l'enfer de préférence à celui du ciel ?
C'est pourtant à cela que se réduit la question. Pesez-la sérieusement ; et, pour finir, écoutez une parole du Seigneur quelque peu énigmatique, mais pénétrante :

« Quiconque cherche à sauver sa vie (son âme, son moi) la perdra, et quiconque la perdra, lui donnera vie. »
(Luc XVII, 33.)

 

Table des matières


(1) La guerre de Grimée et celle d'Italie ; plus récemment, celle d'Allemagne.

(2) J.-J. Rousseau, dans ses Confessions.

 

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