Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



MÉDITATIONS SUR LE QUATRIÈME CHAPITRE DE L'ÉPÎTRE DE SAINT-JACQUES.

Félix Neff
MINISTRE DU SAINT-ÉVANGILE
 1828


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VERSET 1.
D'où viennent parmi vous les dissensions et les querelles ? N'est-ce pas de vos désirs déréglés, qui combattent dans vos membres ?

L'amour du monde est sans contredit la cause nécessaire des dissensions et des inimitiés ; car la terre n'offrant qu'une somme de biens très insuffisante comparativement à l'avidité de ses habitants, les objets terrestres ne peuvent être, parmi ceux qui les cherchent, qu'une source intarissable d'envie et de querelles.
Les biens célestes, au contraire, surpassant infiniment tout ce que des créatures bornées peuvent désirer, nul ne pense à en être jaloux. Comme les eaux de la mer baignent également la baleine et le plus petit coquillage, comme une pluie abondante arrose suffisamment le chêne et le gramen (sorte de graminée), ainsi l'amour de Dieu, embrassant tous les êtres qui vivent en Lui, rassasie pleinement chacun d'eux, comme s'il ne s'occupait que de lui seul. Si toute une armée dévorée par la soif se porte vers une petite fontaine, on conçoit que le plus grand désordre y régnera, parce que chacun, craignant que l'eau manque, voudra boire le premier ; tandis que s'ils vont boire au bord d'un grand fleuve, tout se passera sans la moindre contestation. Aussi longtemps donc que nous demanderons notre bonheur aux hommes ou aux biens périssables, nous serons par le fait les ennemis les uns des autres.
Plus, au contraire, nous renoncerons à la gloire et aux biens quelconques de ce monde, plus aussi notre coeur s'élargira, et moins nous aurons de peine à pardonner, à aimer, à « vivre en paix avec tous les hommes, et surtout avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un coeur pur. »

VERSETS 2, 3.
Vous convoitez et vous n'avez pas ce que vous désirez ; vous avez une envie mortelle, vous êtes jaloux, et vous ne pouvez obtenir ce que vous enviez : vous vous querellez et vous vous disputez, et vous n'avez point ce que vous désirez, parce que vous ne le demandez point. Vous demandez et vous ne recevez point, parce que vous demandez mal et pour l'employer à la satisfaction de vos convoitises.

C'est toujours la recherche des choses de la vie présente qui cause les querelles et les jalousies. Plutôt que de porter envie à vos frères, présentez vos besoins à Dieu : mais gardez-vous de lui demander de quoi satisfaire à vos convoitises ou à vos vanités ; demandez-lui votre pain quotidien, et il vous le donnera.

Peut-être vos désirs paraissent-ils moins charnels, et est-ce des dons spirituels de vos frères que vous êtes jaloux ; mais craignez qu'en les demandant au seigneur votre coeur ne soit séduit par l'orgueil et par le désir d'être estimé, considéré des hommes, et compté pour quelque chose dans l'Église de Dieu. Telle était en partie la cause des désordres et des maux de l'Église de Corinthe ; et telle est encore souvent la source des troubles qui agitent nos âmes et affligent le peuple de Dieu. Désirons avant tout les dons les plus excellents et non pas les plus brillants (I Cor. XII, 31) ; recherchons ce qui peut nous rendre précieux aux yeux du Seigneur, et non ce qui attire les regards de nos frères ; nous obtiendrons alors ce que nous demanderons ; et le reste, s'il est nécessaire, nous sera donné par-dessus. Encore une fois, cherchons la gloire de Dieu et non pas la nôtre. Que notre richesse et notre joie soient en Dieu et non dans les hommes, et la paix sera multipliée en nous et entre nous.

VERSET 4.
Hommes et femmes adultères, ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui voudra être ami du monde., se rendra ennemi de Dieu.

Entre les diverses figures sous lesquelles l'Éternel nous peint dans les Écritures son affection pour l'Église et les rapports qui l'unissent à elle, le lien conjugal est une des plus fréquemment employées. L'Église est l'épouse du Seigneur. Il réclame toute son affection et regarde comme un adultère tout partage qu'elle peut en faire entre lui et un autre. C'est le reproche ordinaire des prophètes à l'ancienne Sion, et ici nous le retrouvons adressé à l'Église chrétienne. L'épouse de l'Agneau doit être pure et sans tache, et toutes les âmes qui font partie de ce corps mystique doivent se donner tout entières à Celui qui mourut pour elles, qui les aime, et qui veut leur faire partager la gloire et les délices de son royaume. Dieu ne peut souffrir les coeurs partagés. « Nul ne peut servir deux maîtres : on ne peut aimer Dieu et le monde ; si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est point en lui » (Luc XVI, 13. 1 Jean II, 15).

Le monde dont l'amour est inimitié contre Dieu, peut être considéré sous deux rapports : les choses du monde, et les hommes du monde.

Quant aux choses, l'affection que nous avons pour elles, ne peut s'accorder avec l'amour de Dieu, dont elles prennent la place : elles fixent nos regards vers la terre, et appesantissent nos esprits et nos coeurs, qui devraient s'élever au-dessus des vanités d'ici-bas et soupirer après notre domicile éternel. D'ailleurs, comme nous l'avons déjà vu, la recherche des objets sensibles (visibles) nous met à chaque instant en division avec nos semblables et en contradiction avec la loi de Dieu ; l'amour du monde est le tombeau de la piété comme celui de la charité.

Quant au monde pris pour la multitude de ceux qui n'obéissent point à l'Évangile, ce n'est pas proprement de l'amour que nous lui portons, qu'il est question dans les paroles de Saint-Jacques ; puisque nous devons, dans un sens, aimer tous les hommes. L'apôtre parle plutôt de l'amour que nous voudrions que les gens du monde conservassent pour nous, et que nous ne pouvons obtenir qu'en renonçant à la fidélité envers Dieu.
En ce sens, rien n'est plus vrai que ces paroles : Celui qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. Le monde est en révolte contre Dieu ; « il obéit à l'esprit de rébellion qui agit en lui avec efficace » (Ephés. II, 2) ; il a ses principes, ses maximes, ses habitudes, en contradiction avec les principes, les maximes et les ordonnances de l'Évangile. La sagesse de Dieu lui paraît une folie ; il appelle le mal bien, et le bien mal, il plaint ceux que Dieu appelle bienheureux, et envie le sort de ceux à qui l'Évangile dit : Malheur à vous (Luc VI, 20-26).

Le monde méprise les biens du ciel, et regarde comme une triste servitude la liberté glorieuse des enfants de Dieu. En un mot, il n'y a pas plus de communion entre le monde et Dieu, qu'entre les ténèbres et la lumière. Comment donc pouvez-vous plaire en même temps à l'un et à l'autre ?
Pour être aimé du monde, il faut agir, parler et penser comme lui, approuver ce qu'il approuve, aimer ce qu'il aime. « Ils s'étonnent, dit Saint Pierre, de ce que vous ne courez plus avec eux à la même dissolution, et ils vous en blâment » (I Pierre IV, 4)

Les hommes, il est vrai, pourront aimer les vertus du chrétien, mais ils n'aimeront jamais le principe dont elles émanent, et ces vertus mêmes cesseront de leur plaire, dès qu'elles ne seront plus dans leurs intérêts.
Ils aimeront en vous la droiture, le désintéressement, la charité, dans vos diverses relations avec eux ; mais aimeront-ils votre franchise à reprendre en eux ce qui est mal, et votre refus constant de vous prêter à leurs intrigues, et de favoriser leurs vues ambitieuses ?
Aimeront-ils cette indifférence pour les biens terrestres qui contrariera si souvent leurs projets, ou sera la censure continuelle de leur avarice ?
Aimeront-ils en vous le mépris que vous témoignez pour les grandeurs, les vanités et les plaisirs du monde ?
Aimeront-ils votre fidélité à rendre témoignage à la vérité, à parler devant eux de la mort et du jugement à venir, ou même de l'amour de Dieu et du bonheur de ses enfants ?

Vous êtes chrétien, et cependant vous avez, dites-vous, conservé l'affection de beaucoup de gens qui sont encore du monde : mais est-ce pour votre piété qu'ils vous aiment, ou bien à cause de votre esprit naturel, de votre légèreté et de votre complaisance coupable à parler de tout avec eux, excepté de la seule chose nécessaire ?
Aiment-ils en vous le nouvel homme ou l'homme naturel ? Prenez-y bien garde, mes frères ; malheur à nous si nous sommes aimés du monde ; « car il aime ce qui est à lui » (Jean XV, 19). « Le monde ne peut vous haïr », disait Jésus à ses frères, lesquels alors ne croyaient point en lui ; « le monde ne peut vous haïr, mais il me hait, moi, parce que je rends ce témoignage que ses oeuvres sont mauvaises » (Jean VII, 7).

Sans doute on serait très coupable de s'attirer comme à dessein l'inimitié des hommes, par un ton dur ou un air dédaigneux, en affectant de mépriser leur jugement et de les blâmer en tout et par tout, en les traitant comme des profanes et des réprouvés, ou « en jetant les perles devant les pourceaux, et en voulant mettre le vin nouveau dans des vaisseaux fêlés », ou enfin en manquant aux devoirs sociaux que l'Évangile même nous impose.
« Que nul de vous, dit l'apôtre, ne souffre comme malfaiteur ou curieux des affaires d'autrui ; mais s'il souffre comme chrétien, qu'il n'en ait point de honte » (I Pierre IV, 15, 16).
Mais quelle que soit la douceur et la simplicité du chrétien, il ne peut manquer d'être haï du monde, par cela seul qu'il n'est pas du monde, et qu'il appartient à Jésus (Jean XVII, 14) ; et les chrétiens les plus humbles, les plus fidèles, sont souvent ceux qu'on aime le moins. Toujours et partout « celui qui est né de l'Esprit sera persécuté par celui qui est né de la chair » (Gal. IV, 29). Faisons donc notre compte, mes bien-aimés frères, si nous voulons être amis de Dieu, d'avoir le monde pour ennemi ; et n'en soyez point étonnés, nous a dit le Sauveur : « car il m'a haï avant vous » (Jean XV, 18).
Le Maître que nous servons nous a fidèlement prévenus : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il charge sa croix ; vous serez haïs de tous à cause de mon nom ; vous aurez des afflictions dans ce monde ; mais ayez bon courage, j'ai vaincu le monde » (Luc IX, 23. Matt. X, 22. Jean XVI, 33).

Réjouissons-nous donc si nous sommes crucifiés pour le monde. Que, de même, le monde soit crucifié pour nous (Gal. VI, 14) - Et si quelqu'un parmi vous ne peut se résoudre à perdre ainsi l'approbation et l'affection des hommes, s'il n'est pas prêt à renoncer à tout, qu'il ne jette pas les fondements de la tour... (Luc XIV, 28-33.)
Mais si nous devons, à l'exemple de Jésus, souffrir patiemment l'injuste inimitié des hommes, n'oublions jamais de rendre, comme Lui, le bien pour le mal, « d'aimer nos ennemis, de bénir ceux qui nous maudissent et de prier pour ceux qui nous persécutent », nous souvenant que nous sommes « de notre nature des enfants de colère, comme les autres, et que nous n'avons rien que nous ne l'ayons reçu » (Matt. V, 44 ; Ephés. II, 3 ; I Cor. IV, 7).

VERSET 5.
Pensez-vous que l'Écriture parle en vain ?

Combien de fois, en voyant agir et en entendant parler ceux-là même qui disent recevoir la Sainte Bible, ne serait-on pas tenté de croire que pour eux l'Écriture parle en vain ? L'incrédulité ne consiste pas seulement à rejeter les dogmes de l'Évangile ; il y en a tout autant à affaiblir ses préceptes moraux ; car il est aussi vrai « que celui qui veut se rendre ami du monde est ennemi de Dieu, et que l'orgueil marche devant l'écrasement » ; il est aussi vrai que « les menteurs, les avares, les impurs n'hériteront pas le royaume de Dieu (1 Cor. VI, 10), et que celui « qui n'aime pas son frère demeure dans la mort » (1 Jean III, 14), qu'il est vrai que Jésus est venu mourir pour les pécheurs, qu'il est ressuscité d'entre les morts, et qu'il y a une élection de grâce.

La vraie foi consiste à recevoir tout ce que l'Évangile enseigne, et non à s'attacher exclusivement à une vérité, ou à un certain nombre de vérités, ou seulement à des vérités : « Toute l'Écriture est divinement inspirée et propre à enseigner, à convaincre, à corriger, à rendre l'homme de Dieu accompli en toute bonne oeuvre. Recevez donc avec douceur et soumission la Parole plantée en vous, laquelle peut sauver vos âmes » (Jacq. I, 21) ; et quand l'Éternel a parlé, ne cherchons point à nous séduire par de vains raisonnements ; car Il n'a point parlé en vain.

SUITE DU VERSET 5.
L'Esprit qui habite en nous nous porte-t-il à l'envie ?

Ces paroles semblent se rapporter aux deux premiers versets, où il est question de l'envie ; et ajoutées à la première partie du verset suivant, au contraire il accorde plus de grâce, elles forment une espèce d'appel à l'expérience du chrétien. En effet, si l'Esprit de Dieu nous fait sentir quels sont les dons qui nous manquent, il est certain que, loin de nous inspirer une basse jalousie contre ceux qui les possèdent, cet Esprit nous invite à puiser ces dons à leur véritable source.
Ces fréquents appels de l'Écriture au témoignage et à l'action du Saint-Esprit dans le coeur des croyants sont dignes de toute l'attention de ceux qui ont de la peine à croire à la présence sensible de cet Esprit. « Je vous ferai seulement cette question, dit Saint-Paul aux Galates : « Avez-vous reçu l'Esprit par la loi ou par la prédication de là foi ? Éprouvez-vous vous-mêmes, dit-il aux Corinthiens, pour voir si vous êtes dans la foi, si Jésus-Christ habite en vous. Or nous savons, dit Saint-Jean, qu'il habite en nous, par l'Esprit qu'il nous a donné, et c'est, dit Saint Paul, cet Esprit qui rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. »

Et vous, mes frères, qui savez que cet Esprit habite en vous, soyez dociles à ses directions, et vous serez vraiment enseignés de Dieu. Mais ici encore, rappelez-vous que cet Esprit doit vous instruire de vos devoirs, aussi bien que des vérités de l'Évangile.

VERSET 6.
C'est pourquoi l'Écriture dit : Dieu résiste aux orgueilleux, et il fait grâce aux humbles. (Ps. XVIII, 28. Es. II, 11.)

L'Apôtre applique ces paroles à ceux qui ne reçoivent pas, parce qu'ils demandent mal et en vue de leur propre gloire. Mais le sens n'en est pas restreint à cette application particulière ; l'orgueil, que l'homme naturel a tant de peine à reconnaître en lui, est le péché primitif, la source de tous les péchés ; c'est lui qui dans un instant transforma des chérubins en démons, et les précipita du haut du ciel au fond de l'abîme. L'orgueil est le principe de la rébellion, ou plutôt il est lui même la rébellion, et toute créature qui, oubliant qu'elle a tout reçu, se contemple elle-même avec complaisance, s'estime, s'applaudit, et se croit digne de quelque louange, se soustrait par cela même à l'absolue dépendance de son Créateur, et se sépare à jamais de Lui et de tous les biens dont II est la source.

Sondez-vous maintenant, ô vous qui avez tant de peine à reconnaître votre état de péché, et la justice du jugement de Dieu sur vos âmes. Ce péché n'est-il pas en vous, n'est-il pas le grand mobile de vos actions ? S'élève-t-il dans votre esprit une seule pensée qui n'en soit empreinte ? Et quand vous prétendez être sans orgueil, n'est-ce pas l'orgueil même qui vous fait parler ainsi ? Ah ! si jamais vos yeux sont ouverts, vous verrez avec effroi que votre vie tout entière ne fut qu'un long péché, et que les seuls mouvements d'orgueil dont votre coeur fut rempli, suffiraient, s'ils étaient distribués entre des milliers d'anges, pour les plonger tous dans la perdition.

VERSET 7.
Soumettez-vous donc à Dieu.

Est-ce bien à de chétives créatures, que Dieu tira hier du néant, et qui demain rentreront dans la poudre ; est-ce bien à de frêles humains dont la vie s'évanouit comme une vapeur légère, qu'il est besoin de dire : soumettez-vous à Dieu ?
Mais telle est la folie de l'homme mortel, qu'il ose résister au Dieu fort et braver ses jugements ! Et telle est la bonté de ce Dieu miséricordieux, qu'au lieu d'écraser sans retour ce vermisseau qui, selon l'énergique expression d'un réformateur, se recoquille contre Lui, II le supporte avec patience, II l'invite, Il le fait supplier d'être réconcilié avec Lui (2 Cor. V, 20) ; et tandis qu'il est temps encore, Il lui fait dire : Soumettez-vous à Dieu. Soumettez-vous donc à Dieu, Tous qui jusqu'à cette heure avez résisté aux attraits de sa grâce ! Soumettez-vous à Dieu, avant que le jour terrible vienne où, de gré ou de force, « tout genou ploiera devant Lui » (Philip. II, 10. Esaïe XLV, 25). Soumettez-vous à Dieu, recevez son Évangile ; donnez-lui votre coeur ; car son joug est doux, et sa volonté est bonne, agréable et parfaite » (Rom. XII, 2).

Et vous aussi qui connaissez son amour, soumettez-vous à Lui, en lui sacrifiant vos mauvais désirs, « en marchant dans les bonnes oeuvres qu'il vous a préparées ; en ne vivant plus pour vous-mêmes, mais pour celui qui vous a rachetés à grand prix. » Soumettez-vous à Dieu, en vous chargeant avec joie de la croix de Jésus-Christ ; en supportant avec patience les contradictions et les afflictions de toute espèce, par lesquelles il lui plaît d'éprouver votre foi et de vous préparer à la vie éternelle.

SUITE DU VERSET 7.
Résistez au Diable, et il s'enfuira de vous.

Ce n'est pas ici le lieu de traiter en détail la doctrine importante et trop méconnue de la malheureuse influence qu'exercent les « puissances de l'air » sur l'esprit et le coeur des enfants d'Adam : c'est à des chrétiens que l'apôtre s'adresse : eux seuls peuvent le comprendre et profiter de son conseil.
Les enfants « de rébellion » ne connaissent point l'Esprit « qui agit en eux avec efficace : » il leur cache avec soin les chaînes par lesquelles il les retient. Et lors même qu'ils gémiraient dans cet esclavage, ils ne pourraient en être délivres jusqu'à ce que « le Fils les eût affranchis. » Mais si vous êtes allés à Christ, vous n'avez pu sortir du royaume des ténèbres sans ouïr le rugissement du lion qui en garde les avenues ; car s'il laisse en repos ceux qui se plaisent dans son empire, il ne manque jamais de poursuivre ceux qui cherchent à en sortir. Il se jette sur leur passage et met tout en oeuvre pour les retenir.
Mais aussi, si vous êtes à Christ, « le prince de ce monde n'a plus rien en vous. L'homme fort a « été désarmé par un plus fort que lui (Luc. XI, 22) ; et ses captifs ont été délivrés. L'Éternel a « plaidé lui-même contre vos oppresseurs (Esaïe XLIX, 25). Il a payé votre rançon (XXXV, 10) ; « et la dette pour laquelle vous étiez en prison a été acquittée. L'obligation qui était contre vous a été déchirée et clouée à la croix » (Col. Il, 14).
Vous êtes rachetés, vous êtes réconciliés, vous êtes passés de l'esclavage du péché « à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. »

Quel droit pourrait donc avoir sur votre âme le prince de ce monde ? n'est-il pas vaincu, n'est-il pas désarmé, et « le Dieu de paix n'écrasera-t-il pas bientôt Satan sous nos pieds (Rom. XVI, 20) ? Résistez-lui donc et il s'enfuira de vous. »
Votre lâcheté seule peut lui inspirer du courage ; mais s'il vous trouve vigilants et revêtus des armes de Dieu, il n'osera vous attaquer ; car « celui qui est né de Dieu, dit Saint-Jean, se garde soi-même et le malin ne le touche point (I Jean V, 18). Jeunes gens, je vous écris, disait le même apôtre, parce que vous êtes forts et que vous avez vaincu le malin. Ne vous laissez donc jamais surmonter par le mal, sachant qu'aucune tentation ne vous surviendra qui soit au-dessus de vos forces, et sans que Dieu vous en donne l'issue. »
La voie du chrétien est appelée « un train de guerre. » II est souvent parlé dans l'Écriture, de combats, de victoire, et des couronnes réservées aux vainqueurs. « Portez-vous donc vaillamment dans cette bonne guerre ; fortifiez vos mains qui sont lâches et vos genoux qui sont tremblants. »
Ne dites pas : je suis faible, je ne puis rien ; car vous êtes forts, « et vous pouvez tout en Christ qui vous fortifie. Ceux qui sont avec vous sont en plus grand nombre que ceux qui sont contre vous (2 Rois VI, 16) ; et celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde » (I Jean IV, 4)

N'alléguez donc plus votre impuissance ni la supériorité de votre adversaire ; vos excuses ne seront point reçues au dernier jour ; car si vous criez au Seigneur dans votre faiblesse, il est près de vous pour vous secourir : l'Éternel marche devant vous et le Dieu d'Israël est votre arrière-garde ; si vous êtes vaincus, c'est votre faute ; si vous demeurez dans la servitude, c'est que votre coeur y trouve encore un secret plaisir, ou bien c'est parce que votre foi est faible et que vous oubliez les promesses du témoin fidèle : c'est que vous n'allez pas « au trône de grâce pour être aidés dans le besoin. »

VERSET 8.
Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous.

« Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, disait Jésus à ses disciples, mais c'est moi qui vous ai choisis. Je me suis fait trouver à ceux qui ne me cherchaient point et je me suis fait connaître à ceux qui ne s'informaient point de moi. Je me tiens à la porte et je frappe.... »
Le Seigneur n'attend donc pas que nous nous approchions de lui pour s'approcher lui-même de nous ; et cette invitation de Saint-Jacques, loin de supposer le contraire, est elle-même une preuve que « le règne de Dieu est venu jusqu'à nous. » Mais si Dieu nous a aimés le premier, s'il a pris la forme d'un serviteur pour descendre et pour habiter au milieu de nous, s'il nous a ouvert « un chemin nouveau et vivant » pour communiquer avec lui ; s'il nous a prévenus par sa grâce et s'il nous appelle avec tant d'amour, ne devons-nous pas répondre à cet appel, céder à cet attrait, et nous lever, en quelque sorte comme Bartimée et comme Marie, pour aller au-devant de lui ?

Voyons donc ce que c'est que d'aller à Christ et que s'approcher de Dieu. Aller à Christ, a-t-on dit souvent, c'est croire en lui. Sans doute qu'on ne peut aller à Christ sans croire en lui, et que ces deux choses doivent aller ensemble (Jean VI, 35) ; mais ne pourrait-on pas jusqu'à un certain point croire sans aller ? et n'est-ce pas là justement la foi morte et stérile de tant de prétendus chrétiens ?

Croire n'est pas s'approcher, croire n'est pas aller. Ces expressions indiquent un mouvement : c'est le mouvement d'une âme travaillée et chargée qui, poursuivie par la frayeur du jugement et « fuyant la colère à venir » vient chercher un refuge dans le sein de Jésus.
C'est le mouvement d'un coeur, qui, altéré de grâce, vient aux pieds du Sauveur implorer son pardon et solliciter les secours de son Esprit. On va aujourd'hui à Jésus comme on allait à lui dans les jours de sa chair ; car « il est toujours avec nous jusqu'à la fin du monde. » On va à lui comme l'aveugle, comme le lépreux, comme la pécheresse ; en se prosternant à ses pieds, en lui montrant ses plaies, en lui confessant ses péchés, en lui disant : « Seigneur aie pitié de moi ! » Et si l'on est trop oppressé pour lui adresser la parole, on se tient devant lui en silence, on soupire aux pieds de sa croix. C'est là, pauvres pécheurs, votre heureux privilège. Jésus, l'Agneau de Dieu, doux et humble de coeur, vous attend pour vous faire grâce. Il crie au milieu de vous : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ! Venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés, et vous trouverez le repos de vos âmes... »
Allez donc à lui, allez-y avec confiance ; car « il ne met point dehors ceux qui vont à lui. Il leur donne la vie éternelle. Il la leur donne abondamment ! »

Et vous, mes bien-aimés frères, qui vous êtes déjà approchés de Dieu par Jésus-Christ, et qui avez trouvé près de lui cette paix que le monde ne saurait donner, ne vous êtes-vous jamais éloignés de lui depuis cet heureux moment ? Ne vous êtes-vous jamais égarés dans les vanités et les sollicitudes de la vie ? Votre coeur n'est-il point retourné plus ou moins « à sa première folie », et ne vous trouvez-vous point peut-être actuellement loin de Dieu et privés des consolations de sa grâce ?
Ah ! s'il en est ainsi, écoutez l'exhortation de l'apôtre ; c'est à vous tout particulièrement qu'elle est adressée. Approchez-vous de Dieu tout de nouveau ; surmontez une fausse honte qui ne provient que d'une propre justice ; n'attendez pas d'avoir en quelque sorte réparé votre chute et remporté par vous-mêmes quelque avantage sur l'ennemi ! Vous le savez depuis longtemps, « hors de Christ on ne peut rien faire : approchez-vous donc de Dieu, et il s'approchera de vous. »
Vous l'avez négligé, vous l'avez perdu de vue. Hé bien ! retournez à lui, il est toujours prêt à vous recevoir, à vous pardonner, à vous secourir ; il vous rendra la paix par son Esprit de lumière et de vie.

Mais avant de quitter ce sujet, nous croyons devoir donner plus d'extension à la première idée qui nous a frappé en le traitant. Nous le répétons donc : pour l'âme qui cherche Dieu, comme pour l'âme qui l'a déjà connu, s'approcher de Dieu, c'est aller à lui du fond de son coeur ; c'est laisser toute autre pensée, pour s'adresser à lui directement et pour entrer avec lui en une communion intime.
Cette démarche n'est pas toujours si facile ; elle est plus rare qu'on ne pense.

On peut lire toute sorte de bons livres, ou peut lire et méditer la Bible, on peut écouter les meilleures prédications, les conversations les plus chrétiennes, les prières les plus onctueuses ; on peut soi-même prêcher, parler des choses saintes, prier en public et en particulier ; on peut courir ça et là tout le jour pour chercher ou pour procurer de l'édification, et cependant ne point s'approcher de Dieu véritablement.
Ne l'avez-vous jamais éprouvé, mes bien-aimés frères ? Ne l'éprouvez vous point peut-être à cette heure même ?
Ah ! si tel est votre cas, ne vous étonnez plus de la langueur de votre piété, de l'inquiétude et du malaise de votre coeur. En vain direz-vous : je crois, j'ai la foi, en vain ferez-vous extérieurement les plus belles oeuvres ; en vain serez-vous entourés de tout l'appareil de la piété : vous n'y trouverez point la vie, votre âme n'en sera point désaltérée.

Approchez-vous de Dieu ; ouvrez-lui votre coeur ; parlez-lui bouche à bouche, à l'exemple de Moïse, comme à votre ami, à votre meilleur ami. Cette démarche, je le répète, paraît souvent difficile ; elle répugne à notre coeur, parce qu'il conserve encore pour Dieu une secrète inimitié. Le vieil homme irait chercher son pardon au bout du monde, plutôt que de s'approcher ainsi intimement du Seigneur, « il aime mieux les ténèbres que la lumière, parce que ses oeuvres sont mauvaises. Or Dieu est lumière, et cette lumière manifeste tout... » Nous craignons « cette épée à deux tranchants qui pénètre jusqu'aux divisions de l'âme, des jointures et des moelles ! »
Jamais notre coeur ne nous paraît plus corrompu, plus trompeur ; jamais nos passions ne nous semblent plus vives, notre chair plus rebelle, notre orgueil plus grand que quand nous voulons nous approcher ainsi de notre Dieu ; et c'est souvent ce qui nous en tient éloignés.
Mais devrions-nous craindre que le céleste médecin touchât et sondât nos plaies ? Qu'allons-nous chercher auprès de lui, si ce n'est la guérison de notre âme ? Et comment peut commencer cette guérison, si ce n'est par le sentiment vif et intime de notre maladie ?

Jamais les plaies d'un blessé ne le font plus souffrir que quand on les panse ; et cependant il ne fuit pas le chirurgien : il sait que cette douleur est nécessaire, et il s'y soumet. Aussi, combien n'est-il pas soulagé quand cette opération est achevée, quand un baume consolateur a été versé sur ses blessures !

Approchez-vous donc de Dieu, je ne puis trop vous le répéter ; et plus cela vous paraît difficile, plus vous devez vous hâter de le faire.
Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous. Il vous découvrira toutes vos misères, mais aussi il les guérira ; et bientôt vous trouverez tant de paix, tant de joie, tant de force et de vie dans cette heureuse communion, que vous direz de tout votre coeur avec un cantique :

« O Dieu ! quand je te possède,
II n'est rien que je ne cède,
Et je dis jusqu'à la mort :
Oui, Jésus est mon trésor ! »

SUITE DU VERSET 8.
Pécheurs, nettoyez vos mains.

Saint-Jacques fait peut-être allusion aux paroles d'Esaïe (I, 16) : « Lavez-vous, nettoyez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions, etc. »,
L'abus que des hommes étrangers à la grâce de Dieu ont souvent fait de ces paroles et de beaucoup d'autres, pour combattre la doctrine du salut par la foi, pourrait donner lieu à un autre abus.
Il est difficile, en effet, à cause de l'ignorance et de la malice des hommes, de traiter ce sujet, si simple pourtant et si essentiel, sans avoir l'air ou « d'anéantir la loi par la foi », ou de prêcher le salut par les oeuvres.
Il demeure néanmoins certain, comme le dit un docteur célèbre, qu'on ne va pas au ciel par le chemin de l'enfer, et quiconque annonce aux pécheurs un pardon gratuit par le sang de Jésus, leur déclare par cela même de la manière la plus puissante que le péché est abominable aux yeux du Seigneur. Car si Dieu pouvait tolérer le péché, aurait-il fait, pour l'expier, un si grand sacrifice ?

Que diriez-vous, vous-mêmes, à un homme qui prétendrait chercher la paix de son âme en J. C. et qui vivrait pourtant dans l'ivrognerie, dans l'adultère, dans la fraude et l'usure ?
Ne lui diriez-vous pas : Hypocrite ! oses-tu bien parler de salut et de grâce en te vautrant dans la souillure ? Nettoie tes mains qui sont pleines d'iniquités ; romps tes liaisons criminelles ; fuis les mauvaises compagnies ; cesse d'exiger le surcroît des malheureux que tu dévores... Alors je croirai que tu es sincère et que c'est tout de bon que tu cherches Dieu. Et si ce pécheur, touché de vos exhortations et convaincu par sa conscience, renonce enfin à son mauvais train ; s'il s'humilie véritablement ; s'il sent ses misères et qu'il pleure, penserez-vous contredire vos discours précédents, en lui annonçant comme une pure grâce le salut acquis par le sang de Jésus ?
Vous aurez changé de langage, il est vrai, mais c'est qu'il aura changé de disposition. Hé bien ! c'est justement ce que fait la Bible. C'est ce que fait tout prédicateur simple, conduit par l'expérience et surtout par l'Esprit de Dieu et par sa Parole. Il emploie tantôt les avertissements sévères, les menaces terribles ; tantôt les promesses gracieuses, consolantes, sans jamais pour cela encourager ni la propre justice, ni l'abus de la grâce.

FIN DU VERSET 8.
Et vous qui êtes doubles de coeur, purifiez vos coeurs. Héb. X, 22.

La duplicité du coeur dont il est ici question, consiste à vouloir servir ensemble Dieu et le monde, et jouir à la fois des biens du ciel et des délices de la terre ; c'est cette disposition qui nous fait craindre de nous approcher du Seigneur intérieurement et qui nous empêche de recevoir ce que nous demandons.

La droiture du coeur, au contraire, consiste à vouloir bien réellement tout ce que Dieu veut, et dès lors à renoncer entièrement à notre propre volonté, à notre propre gloire, en un mot, à nous-mêmes : c'est un dévouement complet et sincère à Celui qui nous a rachetés. Celte disposition est comme l'âme de la piété, et selon qu'elle domine plus ou moins en nous, notre christianisme est aussi plus ou moins réel. Plus nous observerons l'oeuvre de Dieu dans les coeurs, et plus nous serons convaincus qu'à quelque forme d'église qu'appartienne un homme d'ailleurs réellement en Christ, si son coeur est vraiment entier devant Dieu, il se distinguera par ses oeuvres et par sa vie spirituelle. Tandis qu'avec la profession de foi la plus orthodoxe, et dans l'Église la plus pure, une âme qui manque intérieurement de cette droiture d'intention ne fera que végéter misérablement. Demandez donc à Dieu un coeur pur et vraiment sincère ; c'est le premier de ses dons, car avec celui-là, on obtient tous les autres.

VERSETS 9, 10.
Sentez vos misères, et soyez dans le deuil et pleurez ; que votre ris (rire) se change en pleurs et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le seigneur, et il vous élèvera.

Dans une grande ville de l'Orient, on s'était soulevé contre l'empereur et l'on avait brisé ses statues ; le monarque irrité envoie des troupes contre la cité rebelle. À cette nouvelle, le peuple consterné, députe au-devant de lui pour implorer sa clémence. En même temps on revêt, comme à Ninive, le sac et la cendre ; on ferme les théâtres, les bains, tous les lieux publics ; on interdit toute joie bruyante.
Mais bientôt une folle jeunesse ennuyée de l'appareil d'une tristesse qui n'était point dans son coeur, recommence ses jeux, ses divertissements. Le vengeur arrive : l'allégresse publique semble insulter à son courroux ; et un affreux massacre plonge dans le deuil tout ce qui échappe à l'épée !
Cet exemple est tiré de l'histoire profane ; mais la Bible nous en présente de bien frappants encore.

L'heure avait sonnée en laquelle l'oppresseur des enfants d'Israël, l'orgueilleux peuple de Chaldée, devait être jugé : déjà les Mèdes et les Perses entouraient Babylone, et le lit de l'Euphrate, desséché par de grands travaux, allait ouvrir une large voie à l'armée de Cyrus. Cependant l'indolent monarque, l'efféminé Belsatzar, oubliant le péril qui le menaçait, ou refusant d'y croire, chantait, s'enivrait avec ses femmes et ses courtisans, et profanait indignement les vases sacrés du temple de Jérusalem. Mais quel effroi ne succéda pas aux transports d'une joie impie, lorsqu'on vit une main divine tracer sur la muraille du palais la terrible sentence qui allait être exécutée, et qui le fut en effet cette même nuit !

Telle est, mes bien-aimés frères, la joie du mondain. Ennemi de Dieu par ses pensées et ses mauvaises oeuvres, en état de révolte et sous le poids d'une affreuse condamnation, il laisse écouler le temps de la patience de Dieu, et dissipe les jours précieux de la grande amnistie ; il semble vouloir insulter la justice divine et se jouer de la redoutable éternité. Cependant la cognée est mise à la racine des arbres stériles ; l'ange exterminateur n'attend qu'un signal pour jeter sa faux meurtrière (Apoc. XIV, 14-20). Déjà bouillonne dans le sein de la terre le lieu qui doit la consumer ; l'accusateur demande à grands cris l'exécution d'une sentence déjà tant différée, et l'enfer réclame sa proie.

Et tu folâtres, ô pécheur ! sur les bords de ce gouffre horrible ! et tu oses appeler insensé le chrétien qui veille et qui prie, en tout temps, pour être jugé digne d'éviter toutes ces choses qui doivent arriver, et de subsister devant le Fils de l'homme !

Le Seigneur est bon, cries-tu, il est miséricordieux, il ne veut pas la mort du pécheur.... Il ne veut pas la mort du pécheur : non ; mais il veut qu'il se convertisse et qu'il s'humilie. « À qui regarderai-je ? », a dit l'Éternel : « au coeur froissé, au coeur brisé, qui tremble à ma parole. »
« Le Seigneur l'Éternel vous appelle en ce jour au deuil et aux pleurs, à vous arracher les cheveux et à ceindre le sac ; et voici il y a de la joie et de l'allégresse : on tue les boeufs et on égorge les moutons ; on mange la chair et ou boit le vin ; puis on dit : mangeons et buvons, car demain nous mourrons. Or l'Éternel me l'a déclaré : (Non, ce crime ne vous sera point pardonné que vous ne soyez morts) si jamais cette iniquité vous est pardonnée, dit le Seigneur, l'Éternel des armées ! » (Es. XXII, 12-14)

Et cette miséricorde sur laquelle tu prétends te reposer ; si tu la connaissais véritablement ; si tu savais à quel prix elle nous fut acquise, ne toucherait-elle pas ton coeur, ne changerait-elle pas ton rire insensé en une tristesse salutaire ?
Était-il léger cet Agneau débonnaire, cet homme de douleur qui porta nos péchés en son corps sur le bois ? et serais-tu léger toi-même si tu le contemplais en Gethsémané, saisi d'une angoisse mortelle et suant des grumeaux de sang ; ou chez Caïphe, chez Pilate, couronné d'épines, outragé, déchiré ?
Pourrais-tu folâtrer en le suivant sur le Calvaire, en portant avec lui son gibet, en le voyant étendu sur la croix ? Et si tu disais avec un cantique :

« C'est moi, c'est bien moi-même,
Par ma malice extrême,
Par mes péchés nombreux,
Oui, c'est moi qui t'attire
Ces tourments, ce martyre,
Ce déluge de maux affreux ! »

Ah ! si nous sentions vivement la nécessité de ce grand sacrifice ; si nous savions lire dans les souffrances de Jésus, ce que mérite le péché et combien il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, aurait-on besoin de nous dire : Menez deuil, et pleurez ?
Non, il est impossible que la paix de Dieu et la vraie espérance de la vie éternelle, soient jamais le partage d'un coeur impénitent qui cherche à s'étourdir dans les vaines joies de ce monde. Ce sont ceux qui ont soif que Jésus désaltère, et ceux qui sont accablés qu'il soulage ; ce sont « ceux qui pleurent qui seront consolés ; mais, malheur a vous, qui riez maintenant ; malheur à vous, qui êtes riches et rassasiés, car vous pleurerez et vous serez dans la disette ! »
Sentez donc maintenant vos misères, et soyez dans le deuil et pleurez, que votre ris (rire) se change en pleurs, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur, et le Seigneur cous élèvera.

Oui, le Seigneur vous élèvera ; car « il élève ceux qui s'abaissent ; l'Éternel a envoyé son Christ pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le coeur froissé, pour consoler ceux qui mènent deuil, et pour leur annoncer que la magnificence leur sera donnée au lieu de la cendre, et l'huile de joie au lieu de l'esprit abattu. » (Esaïe LXI, 1-3.)

Cependant, mes bien-aimés frères, la joie d'une Âme réconciliée avec Dieu est-elle inaltérable ?
« La tristesse selon Dieu qui produit la vie » n'est-elle pas une disposition chrétienne, et ne sont-ce pas souvent les disciples de Jésus-Christ qui sont invités à prendre le deuil et à pleurer en sentant leurs misères ? Sans doute il nous est dit : « Réjouissez vous au Seigneur, soyez toujours joyeux » ; mais il est dit immédiatement après : « Priez sans cesse. »
Celui qu'on invite à se réjouir est supposé fidèle, il est supposé en communion avec Dieu. Or sommes-nous toujours dans cette heureuse situation ? et faudra-t-il nous réjouir quand nous serons tombés dans le péché, dans l'oubli de Dieu et de sa loi sainte ? quand nous serons repris par notre conscience et convaincus d'un secret accord avec la corruption du vieil homme ? Faudra-t-il nous réjouir quand l'Esprit Saint nous fera faire la triste revue de nos nombreuses infidélités ; ou bien faudra-t-il fermer constamment les yeux sur le véritable état de nos âmes, et désobéir à l'apôtre qui nous dit : Sentez vos misères ?
Ah ! si nous devons repousser les traits enflammés du malin, gardons-nous d'opposer la cuirasse et le bouclier de la foi aux aiguillons de la conscience et aux coups salutaires de cette épée à deux tranchants qui doit pénétrer jusqu'aux moelles et détruire en nous le péché !

La. joie du salut n'est point nécessairement inséparable de la foi ; c'est une effusion de l'Esprit de Dieu dont il faut savoir supporter la privation quand ce même Esprit juge à propos de nous conduire par une autre voie.

S'il est des âmes qui soient constamment conduites à l'obéissance par la joie, et que le bon Berger paisse toujours « dans des parcs herbeux et près des eaux tranquilles », qu'elles en bénissent le Seigneur, mais qu'elles n'en infèrent pas qu'il n'est point d'autre voie pour les brebis de Christ et que cet état doive être nécessairement permanent, chez tous les fidèles.
Il nous est dit « que c'est par beaucoup d'afflictions que nous devons entrer dans le royaume de Dieu, que les fils de Lévi doivent être purifiés comme l'or au creuset » (Mal. III 2, 3. Es. XLVIII, 10), et que pour être rendu conforme à la résurrection de Christ, et pour régner avec lui, il faut être rendu conforme à sa mort et souffrir avec lui.

On dira peut-être qu'il s'agit dans ces dernières déclarations, d'épreuves temporelles et surtout de maux endurés pour le nom de Jésus. Peut-être : mais comme tous ne sont pas appelés à beaucoup d'afflictions pour la profession de la vérité, qu'en outre plusieurs ont le malheureux talent de les éviter, et que cependant c'est un principe de la Bible, que les souffrances sont nécessaires pour l'accomplissement de l'oeuvre de Dieu en nous (1), ne faudra-t-il pas que les épreuves intérieures et spirituelles suppléent aux temporelles, si même elles ne les accompagnent pas ?
D'ailleurs, il s'agit dans cette question, bien moins d'une doctrine que d'un fait, et d'un fait constaté par l'expérience des chrétiens les plus recommandables de tous les temps et de tous les lieux. Où est en effet le disciple de Christ tant soit peu ancien dans la foi qui n'ait pas éprouvé, comme Saint-Paul, que la tristesse selon Dieu produit la vie, et qui ne sache qu'une véritable communion du coeur avec Dieu accompagne pour l'ordinaire cet abaissement d'une âme humiliée dans le sentiment de ses propres misères, ou attristée à la vue de celles de l'humanité ?
Ah ! combien cette tristesse est préférable à la folle gaieté du mondain, ou du chrétien léger !

C'est peut-être dans cette disposition qu'on prie avec le plus d'humilité et qu'on reçoit le plus de grâces. Ayez donc bon courage, ô vous qui croyez en Jésus et qui savez qu'il est votre Sauveur, mais qui ne goûtez point habituellement en lui cette joie triomphante dont d'autres sont favorisés. Vous que le souvenir de vos nombreux péchés afflige et humilie, ou vous aussi que le Seigneur semble repousser comme la Cananéenne, abaissez-vous sous sa main puissante, mais ne vous laissez jamais abattre, et « quand même il vous tuerait, ne cessez point d'espérer en lui. Soumettez-vous à Dieu, quelles que soient ses dispensations à l'égard de votre âme : suivez Jésus sur le Calvaire et en Gethsémané aussi bien que sur le Tabor, mais demeurez aux pieds du Sauveur et gardez-vous de chercher du soulagement loin de lui. « Humiliez-vous ainsi sous la puissante main de Dieu, et quand il en sera temps il vous élèvera. »

Marchez, en attendant, avec confiance au travers du désert, vers la céleste Canaan : « bientôt Celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point », et quand il semblerait tarder, ne perdez jamais courage ; continuez votre route malgré l'obscurité ; l'Éternel, votre Dieu, vous suit pas à pas. « Quand vous passerez par les eaux profondes, elles ne vous noieront point, et quand vous passerez par le feu, vous n'en serez point consumés » ; mais comme une toile d'amiante (2) votre âme sortira de la fournaise des afflictions plus blanche et plus pure !


VERSET 11.
Mes frères, ne médisez point les uns des autres. Celui qui médit de son frère et qui condamne son frère, médit de la loi et condamne la loi. Or si tu juges la loi, tu n'es plus observateur de la loi, mais tu t'en rends le juge.

Médire signifie ordinairement répandre sans nécessité ce qu'on sait de désavantageux sur le compte du prochain ; mais il paraîtrait qu'ici l'apôtre emploie ce mot dans le même sens que blâmer, condamner, juger. C'est donc dans cette acception que nous le prendrons dans les réflexions suivantes. On abuse singulièrement de tous ces passages où il est défendu de juger. Ne jugez point, ne jugez donc point ! répète constamment un monde qui ne cesse de juger à tort et à travers, mais qui voudrait qu'on ne jugeât point, ni lui ni ses oeuvres, qu'on appelât pour lui plaire le mal bien, et les ténèbres Lumière, etc., et qu'on décorât tous ses vices du nom de quelque vertu ; qu'on appelât, par exemple, son avarice, économie ; sa fausseté, réserve ; son orgueil, honneur ; sa jalousie, émulation ; sa dureté, force d'âme ; son effrayante sécurité, confiance en la miséricorde divine ; son ignorance des choses saintes, humble respect pour les mystères.

Le monde dit : Ne jugez point, c'est-à-dire, n'en croyez point vos yeux ni vos oreilles, et ne vous rendez point à l'évidence. Ne pensez pas, par exemple, qu'un homme qui ne lit pas la Bible et ne parle jamais de choses religieuses, et qui passe le jour du Seigneur à ses affaires ou à ses plaisirs, ne puisse pas être, malgré cela, un très bon chrétien.
Et quand vous verrez beaucoup de gens ne courir qu'après la fortune, la gloire ou les plaisirs du monde, et ne fréquenter que des amis frivoles et légers, n'allez pas croire néanmoins que ce soient des mondains, des gens qui négligent le salut de leurs âmes : jugez-les charitablement ; pensez à vous-mêmes, et ne vous inquiétez pas des autres ; croyez que chacun a son salut à coeur aussi bien que vous, et que finalement Dieu ne veut abandonner personne....

Mais, malheur à ce monde incrédule « qui dit aux voyants : Ne voyez point ; et aux prophètes : Ne prophétisez point ; ou voyez pour nous des visions trompeuses, et prophétisez-nous des choses agréables » !
Ce n'est pas en sa faveur et pour couvrir, ses iniquités que la Parole de Dieu dit tant de fois : Ne jugez point. Examinons-la cette parole, ou plutôt relisons-la simplement et avec attention.

Celui qui médit de son frère et qui condamne son frère, médit de la loi et condamne la loi : or si tu juges la loi, tu n'es plus observateur de la loi, mais tu t'en rends juge...
Or, est-ce médire de la loi et condamner la loi que de blâmer ce qu'elle défend, et de condamner ce qu'elle condamne ?
Suis-je juge de la loi quand je dis avec elle : « Les injustes, les ravisseurs, les idolâtres, les impurs, les ivrognes n'hériteront pas le royaume des cieux » ?
Quand je répète avec l'Évangile « que l'amour du monde est inimitié contre Dieu et qu'on ne peut servir deux maîtres » ; et même quand je vais jusqu'à faire l'application de cette loi à ceux qui la violent ouvertement sous mes yeux ?
Est-ce juger que de dire d'un homme qui blasphème, que c'est un impie ; d'un homme qu'on voit chaque jour sortir de la taverne en chancelant, que c'est un ivrogne ?
Est-ce juger que de dire d'un homme qui nie la divinité du Sauveur et la nécessité de son sacrifice, la corruption de l'homme et l'action du Saint-Esprit dans le coeur des croyants, et qui le fait publiquement dans ses discours ou ses écrits ; est-ce juger que de dire : Voilà un incrédule, un ennemi de la croix de Christ ? « L'homme spirituel juge de tout », et son jugement est juste, parce qu'il est basé sur la loi de Dieu et non sur les préjugés et les maximes du monde.

À qui donc, demanderez-vous, s'adressent, ces paroles de l'apôtre ; qui sont ceux qui en condamnant leurs frères médisent de la loi et condamnent la loi ? Ne sont-ce point ceux qui condamnent ce que la loi ordonne et qui approuvent ce qu'elle blâme ? Ne sont-ce point ceux qui méprisent les autres et qui les taxent d'exaltation, de bigotisme et d'hypocrisie dès qu'ils les voient s'appliquer sérieusement à vivre selon la piété qui est en Jésus-Christ ?

Ne seraient-ce point encore (et plus particulièrement peut-être) ceux qui, parmi les fidèles, sont disposés à blâmer ceux d'entre leurs frères qui se montrent plus exacts et plus scrupuleux qu'eux-mêmes dans l'accomplissement de certains devoirs ?
Nous avons un triste penchant à critiquer ce que nous n'avons pas le courage d'imiter, et à prêter de mauvais motifs à ceux qui font mieux que nous. Nous trouvons celui-ci trop sérieux, trop grave ; celui-là trop simple dans sa mise, dans son ameublement, trop sévère dans ses habitudes : nous disons qu'il est sous la loi, qu'il cherche sa propre justice.
Nous condamnons celui qui, convaincu d'un devoir qui ne nous paraît pas tel à nous, obéit à sa conscience, et s'y soumet même aux dépens de son repos et de ses intérêts temporels....

En toutes ces choses nous condamnons la loi et nous médisons de la loi ; car c'est à cause de la loi et par respect pour elle que ceux que nous jugeons, agissent comme ils le font ; et fussent-ils dans l'erreur, nous devrions respecter la droiture de leur intention et nous souvenir que « celui qui agit contre sa persuasion commet un péché ».
Lisez ici les treize premiers versets du XIVe chapitre de l'Épître de Saint-Paul aux Romains, où vous verrez qu'il n'est question que des choses qui ne sont point mauvaises en elles-mêmes, et qu'on peut faire ou ne pas faire pour le Seigneur, et nullement des choses décidément réprouvées par la loi, qui doivent toujours être qualifiées comme elles le méritent.

VERSET 12.
Il y a un seul Législateur qui peut sauver et qui peut perdre. Toi, qui es-tu qui juges les autres ?

Si nous sommes appelés souvent à reprendre ce qui est mal, n'oublions jamais que le jugement absolu, le jugement final, ne peut appartenir qu'à Celui qui a donné la loi, et qui d'ailleurs peut seul sonder les coeurs et les reins et apprécier le degré de culpabilité du pécheur. Aussi si nous devons reprendre « les oeuvres infructueuses des ténèbres, » nous ne devons jamais soupçonner le mal (1 Cor. XIII, 5), ni juger témérairement du motif secret qui fait agir nos semblables.


VERSETS 13-16.
Je viens maintenant à vous qui dites : Nous irons aujourd'hui ou demain en une telle ville, nous y passerons une année ; nous y trafiquerons et nous y gagnerons, Vous ne savez pourtant pas ce qui arrivera le lendemain, car qu'est-ce que votre vie ? ce n'est qu'une vapeur qui paraît pour un peu de temps et qui ensuite s'évanouit. Au lieu que vous devriez dire : Si le Seigneur le veut et si nous sommes en vie, nous ferons telle ou telle chose. Mais au contraire, vous vous glorifiez dans vos pensées orgueilleuses. Toute vanterie de cette espèce est mauvaise.

Dirait-on, à l'assurance avec laquelle les hommes parlent de leurs projets, que leur vie n'est qu'une vapeur qui paraît pour un peu de temps et qui bientôt s'évanouit ? Cette orgueilleuse confiance en son avenir est déjà une folie aux yeux du sage de ce monde, mais aux yeux du Seigneur c'est une impiété ; elle annonce un manque de foi à la Providence qui dirige tous les événements, un oubli de notre absolue dépendance, et surtout un funeste oubli de cette mort dont la pensée est si salutaire à notre âme.

Il n'est point nécessaire que nos projets soient mauvais en eux-mêmes pour qu'ils soient coupables devant Dieu et contraires à nos intérêts spirituels. Il suffit qu'ils occupent trop notre coeur et qu'ils détournent nos pensées des objets éternels. C'est ainsi qu'au jour de l'avènement du Seigneur, comme aux temps de Noé et de Loth, les hommes, absorbés par les soucis et les occupations de la vie, se laisseront surprendre par le jugement, sans s'y être préparés.

Combien de gens, de nos jours, semblent ignorer qu'il existe un Dieu de qui tout dépend et qui a leur souffle en sa main ? et s'il en est plusieurs qui semblent respecter le conseil de Saint-Jacques, qu'est-ce autre chose le plus souvent qu'une vaine formule dont on finit par oublier entièrement la signification ?

Vous dites bien : s'il plaît au Seigneur, si Dieu le permet ; mais le dites-vous du fond du coeur et dans un véritable esprit de soumission et d'humilité ? Le ton assuré qui accompagne ordinairement ces paroles ne leur donne-t-il pas au contraire l'air d'un défi à la puissance de Dieu ?
Il est si vrai que l'emploi de ces expressions est fréquemment accompagné d'un oubli total de l'intervention divine, qu'on les prononce même quelquefois en annonçant de mauvais desseins....

Ce n'est point par une vaine et coupable habitude que le vrai disciple de Christ dit en toute occasion : s'il plaît à Dieu, si telle est la volonté du Seigneur, si nous sommes encore en ce monde.
C'est dans le vif sentiment de sa fragilité et de sa dépendance.
C'est parce qu'il sait que « nous sommes ici-bas étrangers et voyageurs et qu'il n'y a rien de stable sous le soleil ».
C'est parce qu'il est prêt à tout événement et qu'il sait que nous devons voir échouer nos plus justes projets et manquer nos plans les mieux conçus, sans en être déconcertés et surtout sans nous laisser aller au murmure. Rappelons-nous que « notre vie n'est qu'une vapeur qui s'évanouit ». Rappelons-nous « qu'il ne tombe pas un cheveu de notre tête sans la permission de notre Père céleste ».
Rappelons-nous surtout que sa volonté est toujours bonne, agréable et parfaite, et que toutes choses tournent au bien de ceux qui l'aiment », et nous suivrons de bon coeur et en vérité le conseil de Saint-Jacques, et nous y trouverons une paix et une tranquillité d'esprit que le monde ne connaît point.

VERSET 17.
Celui-là pèche qui sait faire le bien et qui ne le fait pas.

Vous n'attendez pas sans doute que nous cherchions à rapprocher ce passage des versets précédents. Il forme à lui seul un sens assez complet, et la vérité qu'il exprime est assez importante pour devenir l'objet des plus sérieuses réflexions.

Je ne fais aucun mal, je ne fais tort à personne, dites-vous aussitôt si l'on cherche à vous convaincre de péché. Il est fort douteux que vous ne fassiez aucun mal même dans le sens où vous l'entendez ; mais quand vous pourriez le dire avec vérité, seriez-vous pour cela justices devant Dieu et même devant les hommes ?
Voilà vraiment un bon et fidèle serviteur qui se glorifie de ce qu'il n'a pas dévasté l'héritage de son maître, ni maltraité ses compagnons, et de ce qu'il a représenté tel quel le talent qui lui fut confié !
Est-ce donc simplement à ne pas faire de mal que nous sommes appelés ? est-ce « pour occuper inutilement la terre » que l'Éternel nous a plantés dans sa vigne ?
Est-il nécessaire qu'un arbre porte de mauvais fruits pour qu'il soit coupé et jeté au feu ; ne suffit-il pas qu'il soit stérile ?

Si lors même que nous aurions fait tout ce qui nous a été commandé, nous serions des serviteurs inutiles, que serons-nous si nous l'avons négligé ? La loi prononce malédiction non seulement contre celui qui fait ce qu'elle interdit, mais encore contre celui qui n'a pas persévéré à faire tout ce qu'elle ordonne (Gal. III, 10).

Entrez maintenant en compte avec Dieu, vous qui prétendez vous justifier en ne faisant pas de mal. Débattez vos droits avec l'Éternel, et voyez si sur mille articles vous pouvez lui répondre à un seul.

Quoiqu'il y ait entre les hommes des degrés de responsabilité bien divers, on peut néanmoins dire hardiment qu'il n'est personne sur la terre à qui les paroles de notre texte ne soient applicables. Il n'est pas un païen, pas un sauvage qui ne sache faire quelque bien s'il en a la volonté. Il n'en est pas un qui ne puisse sentir la vérité et la justice de ce principe : ce que tu veux que les autres fassent pour toi, fais-le de même pour eux. « Car les gentils, dit Saint-Paul, qui n'ont point de loi, se tiennent lieu de loi à eux-mêmes, et leur conscience qui les approuve ou les condamne suivant ce qu'ils font, fait voir que la loi est écrite dans leur coeur » (Rom. II, 14, 15). Aussi, au jour du jugement, seront-ils « sans excuse et reconnus coupables devant Dieu » (Rom. I, 20, 32 ; II, I, 16 ; III, 9, 19).

Mais si le païen, malgré son ignorance, a la bouche fermée, où paraîtrons-nous, nous qui avons tant de lumière ? Il est cependant des gens parmi nous qui pensent justifier leur indifférence et leur paresse pour le bien en alléguant qu'il sera peu redemandé à celui qui a peu reçu.... Sans doute, mais quelle excuse ces paroles peuvent-elles vous fournir ? Vous avez lu l'Évangile, ou vous l'avez entendu lire, puisque vous en citez des paroles. Vous savez que c'est Dieu qui donne, et que nous avons un compte à lui rendre. N'est-ce pas avoir déjà beaucoup reçu ? et si ce n'est pas assez, pourquoi ne demandez-vous pas davantage ? pourquoi ne cherchez-vous pas à connaître plus exactement la volonté de votre Père céleste ?

Vous ne savez pas lire ! direz-vous.
Ah ! si vous pensiez que la Sainte Bible dût vous enseigner le secret d'acquérir des richesses, de conserver votre santé ou de prolonger vos jours sur la terre, vous auriez bientôt appris à lire, ou du moins vous chercheriez bien vite quelqu'un qui voulût vous lire ce saint livre.

Vous êtes placé désavantageusement ; vous n'avez près de vous personne qui puisse vous aider à comprendre les Saintes Écritures, et vous entretenir des choses qui concernent votre salut ! Mais craignez-vous de faire quelques lieues pour vos intérêts temporels ou pour vos plaisirs ?
Vous avez peu d'intelligence ; vous êtes, dites-vous, trop idiot, trop simple ! Vous ne l'êtes peut-être pas tant pour le mal. D'ailleurs Dieu n'a-t-il pas « révélé aux petits enfants ces choses qu'il a cachées aux intelligents ». Et Saint-Jacques ne dit-il pas : « Si quelqu'un manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu qui ne la refuse point ».

Dites plutôt que vous vous souciez peu de connaître la volonté de Dieu, et que vous préférez votre ignorance, dans la pensée qu'elle doit vous exempter de l'obéissance et du châtiment. Votre conduite ressemble assez à celle d'un soldat lâche et paresseux qui fuit ou se cache quand il entend battre l'appel, de peur d'être commandé de service ; mais si cette ruse réussit rarement au soldat, qui n'a pourtant à faire qu'à des hommes, comment pourrez-vous échapper à celui qui sonde les coeurs ? Votre ignorance, loin d'être une excuse, s'élève en condamnation contre vous ; car elle vient, comme dit un apôtre, « de l'endurcissement de votre coeur » (Ephés. IV, 18).
Et vous qui ne manquez ni d'instruction ni d'intelligence, et qui avez tant de moyens de vous rendre utile, direz-vous aussi que vous ne savez pas faire le bien, ou que vous faites tout le bien que vous pourriez faire ? Les forces de votre corps, les facultés de votre esprit, les connaissances que vous avez acquises, sont-elles fidèlement employées à la gloire de Dieu et au bien de vos semblables ; et croyez-vous pouvoir rendre au dernier jour un compte satisfaisant des nombreux talents que vous avez reçus ?

Mais c'est à vous surtout qui êtes entés sur le vrai cep, que s'adressent les paroles de notre texte ; c'est de vous que le Père a droit d'attendre des fruits abondants (Jean XV, 1, 8). « Vous êtes comme un arbre planté près des eaux, qui étend ses racines le long d'une eau courante; le vent brûlant du désert ne saurait flétrir son feuillage, et dans l'année de la sécheresse il ne doit point cesser de porter du fruit. (3»
Vous ne chercherez point comme le mondain à vous excuser sur votre ignorance ou votre faiblesse, car « l'onction de l'Esprit doit vous enseigner toutes choses (I Jean II, 27. Jean XIV, 26, Héb. VIII, 11). Dieu produit en vous le vouloir et l'exécution (Phil. II, 13), et vous pouvez tout en J. C. qui vous fortifie. »
Examinez-vous vous-même, et voyez si vous êtes fidèles dans l'emploi de ces grâces, dont le Seigneur vous a comblés. « Vous êtes le sel de la terre (Matt. V, 13) ; vous êtes la lumière du monde ; vous êtes « la lampe allumée et placée sur le chandelier ; et votre lumière doit luire devant les hommes à la gloire de Dieu, car c'est lui qui vous a créés en J. C. pour les bonnes oeuvres, et qui les a préparées afin que vous marchiez en elles » (Eph. II, 10).

La mesure de vos obligations est donc celle de vos facultés ; et si vous avez le désir d'accomplir le bien qui vous est proposé, les occasions ne vous manqueront point. Ce n'est pas seulement en donnant du pain ou de l'argent que vous devez faire le bien ; c'est peu de chose que cela ; il ne suffit pas de faire au nécessiteux une chétive aumône qui le rendra peut-être encore plus misérable. Il faut agir avec discernement ; il faut entrer dans sa demeure, connaître par soi-même son véritable état, et tâcher de le rendre à l'amour du travail, de l'ordre et de l'économie.
S'il est malade, il faut, en lui donnant les secours nécessaires, veiller à ce qu'ils soient administrés convenablement. Ces choses-là sont plus difficiles, plus fatigantes, plus désagréables à la chair, que de répandre au hasard des aumônes plus ou moins abondantes ; mais ce n'en est pas moins à cela que vous êtes appelés si vous voulez être vraiment bienfaisants.
Vous contribuez aux frais du culte et de l'enseignement, vous envoyez aux Gentils des messagers de paix, vous aidez par vos dons la distribution de la Bible et des ouvrages religieux ; c'est très bien, mais ne pourriez-vous rien faire de plus ? et si vous n'avez pas les moyens de contribuer de cette manière à ces bonnes oeuvres, y demeurerez-vous étranger ? Ne pourriez-vous pas, riche ou pauvre, faire part de vos connaissances utiles à ceux qui sont moins instruits que vous ?

Combien de gens peut-être croupissent autour de vous dans l'ignorance, auxquels vous pourriez enseigner à lire ; et pouvez-vous calculer le prix de ce bienfait ? Combien d'exemplaires de la Parole de Dieu, combien de bons livres vous pourriez placer utilement en vous donnant un peu de peine ?

Combien d'âmes immortelles vous pourriez, avec l'aide de Dieu, tirer de leurs ténèbres, de leur indifférence, de leur misère spirituelle, avec un peu de zèle et d'activité ? et sans être pasteur ni docteur, sans en prendre le ton ni les formes, combien de services vous pourriez rendre à la cause de l'Évangile et à l'Église de Jésus-Christ ?
Aquilas et Priscille sa femme, et la bien-aimée Perside, qui avaient les uns et les autres beaucoup travaillé pour le Seigneur, étaient-ils ministres ? (Rom. XVI, 5, 12). Est-ce seulement aux ecclésiastiques qu'il est dit : « Que chacun emploie le don qu'il a reçu au service des autres, comme étant de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu (1 Pier. IV, 10), car quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes qu'un seul corps en Christ, et chacun en son particulier les membres les uns des autres (4). L'Esprit qui se manifeste dans chacun, lui est donné pour l'édification commune, afin qu'il n'y ait point de division dans le corps, mais que les membres aient un soin mutuel les uns des autres » (1 Cor. XII, 7, 25).
Vous ne pouvez donc, « concitoyens des saints et domestiques de Dieu, demeurer oisifs et stériles dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » sans pécher grièvement contre lui et contre tous les membres de son corps. Vous ne pouvez donc, je vous le répète (1 Cor. XII, 15-21), rester en arrière et vous refuser à contribuer, selon les dons que vous avez reçus, à l'édification, à l'avancement spirituel de vos frères, pas plus qu'à leur bien-être temporel. Demandez à Dieu qu'il vous fasse sentir vivement combien cette obligation est pressante.

Hâtez-vous « de faire du bien à tous, pendant que vous en avez l'occasion (Gal. VI, 10). Rachetez le temps (Éphes. V, 16) » ; ne le perdez pas, ce temps précieux, dans l'inaction, la mollesse ou la frivolité.
Rappelez-vous cette maxime si souvent répétée dans l'Évangile : « Ne cherchez point votre intérêt particulier, mais celui des autres (5). Ne soyez point paresseux à vous employer pour autrui (Rom. XII, 11). Ne vous lassez pas en faisant le bien ; car nous moissonnerons en son temps, si nous ne nous relâchons pas (Gal. VI, 9). Rappelez-vous que celui qui sème peu, moissonnera peu (2 Cor. IX, 6). Rappelez-vous que vous n'êtes plus à vous-mêmes, mais à Celui qui vous a rachetés, et que vous ne devez plus vivre pour vous-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour vous (2 Cor. V, 14, 15). Rappelez-vous enfin que celui-là pèche qui sait faire le bien et qui ne le fait pas. »

« Or le Seigneur vous fasse croître et abonder de plus en plus en charité les uns envers les autres, et envers tous ; et Dieu est puissant pour faire abonder toute grâce en vous, afin qu'ayant toujours tout ce qui suffit en toute chose, vous soyez abondants en toute bonne oeuvre. Amen, (1 Thess. III, 12. 2. Cor. IX, 8.) »

FIN.

Table des matières


(1) Hébr. XII, 5-11 ; Jacq. I, 2-4, 12 ; V, 10-11 ; Rom. V, 3-4 ; 1 Pier. I, 6-7 ; IV, 12-13, 17 ; 2 Cor. I, 4-6-10 ; IV 10,11,16, 17 ;VII, 10, 11 ; XII, 7-10, etc.

(2) Amiante, minéral filamenteux, dont on fait des tissus incombustibles.

(3) Ps. I, 3. Jér. XVII, 8. Ezéch. XLVII, 12.

(4) Rom. XII, 4,5 ; 1 Cor. XII, 12, 27 ; Eph. IV, 4, 7, 16 ; Col. III, 15, 16.

(5) 1 Cor. X, 24, 33. Phil. II, 4. Rom. XV, 2.

 

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