RAPPORT DES
DISCOURS AVEC LES SENTIMENTS DU COEUR,
ou
SERMON
Sur le Ps. XIX. v. 15.
Guillaume Laget
Pasteur de l'Église de
Genève
1779
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Sur ces paroles de
l'Évangile selon St.
Matthieu Chap. XII. v. 34.
C'est de l'abondance du coeur que la bouche
parle.
Mes Frères,
Dans les maladie du corps, l'habileté des
Médecins consiste à savoir
reconnaître le principe du mal et à le
détruire. Il en est de même dans la
cure plus importante et plus difficile des
maladies de l'âme, des passions
et des vices. Comme elles ont leur
siège dans le coeur, c'est-là qu'il
faut les attaquer : Méthode
approuvée par la raison, et consacrée
par le DOCTEUR CÉLESTE. Nous en avons un
exemple dans notre texte. Les Pharisiens
accusèrent ce Divin Sauveur d'employer les
détestables secrets d'une magie infernale
pour opérer des guérisons
miraculeuses.
Imputation atroce dictée par une fureur
aveugle, par une infâme jalousie !
Comment le Sauveur, répond-il à leur
calomnie ? En leur découvrant la source
impure d'où partaient de tels
blasphèmes, la malignité de leurs
coeurs. Race de vipères, leur dit-il,
(et il fallait que leur crime fût bien
énorme pour arracher une si terrible censure
de la bouche de L'AGNEAU DE DIEU) Race de
vipères, étant aussi méchants
que vous êtes, comment pourriez-vous
dire quelque chose de bon ? Car, c'est
de l'abondance du coeur, que la bouche parle.
(v. 33.)
Cela veut dire en général, que
les discours que l'on profère tiennent de la
nature des sentiments dont le coeur est
animé. Si l'on à des sentiments de
vertu ou de piété profondément
enracinés dans l'âme, si le
caractère essentiel du coeur est
véritablement bon, alors nos discours sont
dictés par la vérité,
la modération, la
bonté, la sagesse et la
pureté. L'homme de bien tire de
bonnes choses du bon trésor de son coeur.
(v. 32) Si au contraire
l'âme est corrompue par des passions
vicieuses, il n'est pas possible qu'elles ne se
manifestent au dehors, par l'impiété,
la grossièreté, le libertinage des
paroles : Un méchant homme tire de
mauvaises choses de son mauvais trésor.
(v. 32)
En un mot, cette maxime de l'abondance du
coeur la bouche parle, désigne
l'ascendant de l'empire des sentiments de notre
âme, sur les pensées de notre esprit
et sur les discours de notre langue.
Je ferai quelques réflexions pour
éclaircir cette vérité dans le
dessein de m'arrêter ensuite principalement
sur les grandes conséquences qui en
résultent. Que les paroles de ma bouche,
et que la méditation de mon coeur te
soient agréables, o Éternel,
mon rocher et mon Rédempteur !
(Ps. XIX. 15.)
PREMIÈRE PARTIE
Trois réflexions
préliminaires.
Avant que d'entrer dans la preuve de la maxime
que nous avons en main, nous faisons ces trois
réflexions
abrégées ;
La 1re. qu'on ne saurait disconvenir, c'est que les actions de
l'homme sont une
meilleure indication de ses sentiments que ses
discours. Jésus-christ le
déclare : on reconnaît l'arbre
à son fruit.
Mais il arrive aussi fort souvent que l'on
découvre ce que l'on est par les discours
que l'on tient : Et même cette
indication du caractère de notre coeur est
plus fréquente et plus marquée que
celle des actions.
Elle est plus fréquente, parce que nous
avons des occasions continuelles d'exprimer nos
sentiments sur toutes les actions de la vie
humaine, quoique nous ne soyons pas en situation de
les faire.
Elle est plus marquée, en ce que nos
actions, dont la plupart sont
équivoques, ne peuvent être
expliquées et caractérisées
aux yeux des hommes, qu'au moyen des paroles
dont nous les accompagnons.
2°. Observons ensuite, que si nos
paroles servent à manifester les
dispositions vicieuses de notre âme, elles
peuvent servir aussi à découvrir le
mérite et la vertu. Quoiqu'un homme de bien
évite toujours de faire un fastueux
étalage de ses bonnes qualités,
néanmoins les excellents sentiments qui
l'animent conduisent ses entretiens, et la retenue
de sa modestie, loin
d'empêcher qu'on ne distingue ses vertus, ne
fait qu'en relever le prix, comme les ombres d'un
tableau donnent plus d'éclat aux couleurs.
Mais l'intention de Jésus-Christ dans notre
texte ne regardant que les vices de l'âme en
tant qu'ils se montrent par les discours, nous nous
en tiendrons précisément à
cette seule idée.
3°. Il importe enfin d'avertir, que la
maxime de notre texte ne doit pas être
entendue à la rigueur. Il serait bien
à souhaiter que les paroles exprimassent
toujours sincèrement les véritables
dispositions de l'âme. Elles en seraient
alors le fidèle interprète et nous
montreraient chacun des hommes dans sa face
naturelle. On ne serait plus exposé à
se tromper, comme on le fait si souvent, sur le
caractère des personnes avec qui l'on est en
commerce : Et en se connaissant
à fond les uns les autres, on formerait des
liaisons solides, on trouverait des amis
sûrs ; et quelles douceurs, n'en
découleraient point dans la vie ! On
saurait à quoi s'en tenir avec ces gens dont
tout le mérite consiste dans
l'extérieur ; avec ceux qui ont une
douceur d'emprunt, une modestie affectée,
une sagesse contrefaite, un maintien
angélique, sous lequel se trouve
quelquefois une âme perfide et
criminelle ; avec ceux qui viennent à
nous en habits de brebis et qui sont
loups ravissants (ravisseurs)
(Matth. VII. 15) ; avec
ceux qui prennent la voix de Jacob, et qui sont
les mains d'Esaü
(Gen. XXVII. 22).
Mais, hélas ! s'il est des masques pour
le visage, il en est aussi pour le
déguisement du caractère. Les
hypocrites disent fort rarement ce qu'ils pensent,
et pensent encore plus rarement ce qu'ils disent.
Gardez-vous de croire que leur bouche parle de
l'abondance de leur coeur ; c'est
précisément le contraire. Ils ne
cherchent qu'à en imposer à la bonne
foi par des dehors flatteurs, dés paroles
insinuantes, des protestations amicales, des
expressions pieuses, par des
cérémonies.
Nous ne parlons point ainsi pour vous rendre
soupçonneux ou défiants. Heureusement
il est encore des personnes sincères dans le
monde : II en est dont l'amitié
réelle et solide, dont l'âme pure,
incapable de tromperie, promet moins par des
paroles, qu'elle ne produit par des effets :
II en est dont les discours sont la vraie et vive
image de leurs pensées. Grâces en
soient rendues à Dieu ! Oh, que n'y en
a-t-il encore un plus grand nombre ! la maxime
de notre texte se trouverait fondée à
tous égards ; mais elle
n'est vraie que pour
l'ordinaire, avec certaines exceptions. Aussi notre
DIVIN SAUVEUR a-t-il eu soin de l'exprimer en des
termes qui en ôtent les
difficultés, et en indiquent la
véritable explication.
Il ne dit pas simplement que c'est du coeur que
viennent les paroles, mais il dit que c'est de
l'abondance du coeur : Par où il
fait entendre, que c'est principalement lorsqu'on a
l'âme bien remplie et fortement agitée
par quelque passion, que l'on découvre par
ses discours les mouvements intérieurs qui
nous animent.
Dans les violentes agitations de la colère,
par exemple, dans les fureurs du jeu, dans
l'acharnement d'un procès, dans
l'échauffement des disputes, dans les fortes
atteintes de la jalousie, dans les affaires
d'intérêts considérables, et
dans tous les cas imprévus où
l'âme est fortement ébranlée,
la langue alors prévenant la
réflexion, lance ses traits et montre ce qui
se passe. dans le coeur.
Et n'est-ce point aussi dans ces cas-là, que
les hypocrites mêmes se
décèlent ? Il est vrai qu'une
seule occasion ne décide point du
caractère ; mais quand nos discours sont ordinairement les mêmes dans des
occasions semblables, c'est alors sûr qu'on
peut dire que la langue
décèle les
sentiments du coeur, que de l'abondance du coeur
la bouche parle. Il faut le prouver maintenant.
SECONDE PARTIE.
Éclaircissement et preuve de cette
maxime
I ère. Réflexion.
Pour peu qu'on fasse attention à la
manière dont nous sommes formés,
on verra que Dieu notre Créateur,
à mis une correspondance naturelle entre
le coeur et l'esprit, c'est-à-dire entre
nos sentiments et nos pensées, et par
conséquent entre nos pensées et nos
paroles.
Notre âme ne saurait recevoir aucune
impression soit d'amour ou de haine, soit de
plaisir ou de douleur, soit de crainte ou
d'espérance, soit de vice ou de vertu, sans
avoir en même temps des idées qui
répondent à ces impressions. Et ces
idées ne peuvent guère se renfermer
dans l'esprit ; elles se montrent et sur les
traits du visage, et plus souvent par les discours
que l'on tient.
Non seulement on ne peut parler d'autre chose que
de ce dont on a le coeur rempli, mais encore, on
ne peut presque pas
s'empêcher d'en parler. Nous aimons à
avoir, ou des admirateurs de nos sentiments
louables, ou des complices de nos
méchancetés.
Il semble que l'on se mette à son aise et
qu'on se soulage par la communication qu'on en
fait.
Dans les uns, c'est l'amour-propre qui en leur donnant une haute
idée d'eux-mêmes et de leur
façon de penser, les porte à faire
parade ouvertement de leurs goûts et de leurs
maximes.
Dans d'autres, c'est une certaine
légèreté, un babil
indiscret qui les trahit et les montre à un
plus grand jour qu'il ne faudrait pour leur
réputation. Très souvent, c'est le
besoin où l'on est d'avoir des conseils, des
protections, des secours, qui fait qu'on
expose avec franchise l'état naturel de son
coeur.
Je demande par exemple, comment il serait
possible que cet homme livré à ses
sens, esclave des voluptés, n'indiquât
point par ses discours la passion qui le
domine ? Eh ! il l'indique même par
son silence. Parlez lui de quelque sujet grave et
sérieux ; l'ennui se peindra d'abord
sur son attitude et sur ses traits. Voulez-vous en
tirer un aveu plus formel ? Ramenez-le au
chapitre des plaisirs exaltez-en les
prétendues douceurs. Oh
c'est alors que vous lui rendrez la parole et la
gaieté, et que par les éloges qu'il
fera du libertinage, il passera d'abord
condamnation sur lui-même. Le coeur de
l'homme, son caractère, c'est l'homme
même tel qu'il est essentiellement, qu'il
pense et qu'il raisonne ; les organes de la
parole ne sont que des instruments de service pour
développer ce qu'il a dans l'âme. Or,
comme il ne peut sortir d'une fontaine d'eau douce
une eau salée, et comme un cep de vigne ne
produit pas des figues
(Jacq. III. 1-12.), mais qu'au
contraire chaque arbre pousse son jet, ses fruits
et ses feuilles, suivant le suc qu'il tire de ses
racines, de même les hommes font
connaître l'intérieur de leur
caractère par la nature de leurs discours.
C'est ainsi qu'en vertu de la dépendance
réciproque des organes du corps humain et de
son âme, la bouche parle de l'abondance du
coeur.
II e. Réflexion.
Je dis encore que nous sommes
intéressés à le faire et que
cela devient comme indispensable, vu l'état
où nous sommes dans la
société.
Nous n'avons point d'autre voie de
communication que la parole. C'est par
elle que nous gagnons la
confiance de nos semblables et que nous les
intéressons à notre
conservation ; c'est par elle que nous lions
des commerces et des attachements, c'est par
elle que nous instruisons les autres de nos
désirs, de nos craintes et de nos vues,
c'est par elle que nous tirons utilité de
nos emplois et de nos professions ; c'est par
elle en un mot, que nous sollicitons le
crédit des puissants, la prudence des sages,
l'opulence des riches et la bienveillance de tous
les hommes.
Je ne parle point de ces confidences d'ami, par
lesquelles on ouvre son coeur à des
personnes dont la discrétion, la
fidélité, l'affection nous
sont connues.
Je ne parle point non plus, de ces confessions
pieuses que la Religion d'accord avec la
conscience, nous oblige de faire quelquefois pour
consulter sur notre état des personnes
éclairées.
Mais nous disons que dans l'état commun des
choses, à cause du commerce
journalier que nous avons avec nos semblables,
à cause de la nécessité
où nous sommes de recourir à eux en
mille occasions, nous ne saurions faire autrement
que de découvrir ce que nous avons dans le
coeur : Et ce n'est qu'en parlant alors sans
déguisement que nous en
tirerons des lumières
satisfaisantes et des secours effectifs.
Le voilà ce noeud admirable que le
CRÉATEUR suprême a tissé de sa
main pour nous unir fraternellement au moyen de la
parole, et par des retours continuels de bons
offices réciproques.
La voilà cette douce et heureuse
communication des coeurs, qui fait le charme de la
société et qui devient même
toujours, plus, heureuse à proportion de ce
que nous y mettons plus de sincérité
dans l'ouverture de nos sentiments. Je ne sais
comment il arrive très souvent que sans
aucune nécessité apparente,
malgré nous et presque à notre
insu, notre bouche parle de l'abondance
de notre coeur.
III e. Réflexion.
C'est qu'en effet il est un grand nombre
d'occasion où nous ne sommes plus les
maîtres de retenir ce que nous ressentons au
fond de l'âme ; et cette
réflexion, Chrétiens, mérite
... une attention particulière.
Développons la soigneusement.
II faut le dire dans l'amertume de notre âme
et à la honte de la nature humaine :
Nous sommes presque tous dominés, dirai-je
tyrannisés, par
quelques penchant vicieux qui
influe généralement sur toutes nos
démarches. Où sont ceux qui ont, ou
assez de modération pour réprimer
à propos les accès de leur passion,
ou assez de vertu pour la vaincre, ou assez
de fourberie pour la bien cacher ?
Toujours elle transpire par quelque endroit,
souvent en pure perte, mais en indiquant
à un oeil attentif le caractère
habituel, ou du moins l'état présent
du coeur. Surtout lorsqu'il est des moments,
et il en est beaucoup de ces moments-là,
où l'on ne se possède point assez
soi-même pour éviter de se faire
connaître.
Tels sont les cas où la passion est vivement
intéressée ; soit qu'elle trouve
à se satisfaire avantageusement, alors elle
éclate en discours de contentement ou de
joie ; soit qu'elle rencontre des
obstacles ou des travers, alors elle
s'exhale en plaintes ou en injures ; soit
qu'un concurrent habile déconcerte nos vues,
ou qu'un censeur hardi nous adresse des
réprimandes. Avec qu'elle vivacité
n'exprime-t-on pas son impatience et son
chagrin ?
Il se forme alors dans notre âme une
abondance, un bouillonnement d'idées, une
telle fermentation de mouvements, qu'elle ne
peut plus les contenir, et qu'ils se
répandent sans notre
volonté et contre nos
intérêts.
De là vint l'amertume des réflexions
qui succèdent aux emportements où
l'on s'est livré. Lorsqu'on médite,
à tête reposée, sur les
discours imprudents qu'on a tenus, et sur la
connaissance peu favorable qu'on a donné de
soi-même, on se reproche une
indiscrète
témérité.
Notre bouche a parlé de l'abondance de notre
coeur, et maintenant : notre coeur est
blessé de l'intempérance de notre
bouche.
J'avoue qu'il est certaines passions qui cherchent
avec grand soin le silence et l'obscurité,
parce qu'elles portent avec elles une note
d'infamie qui les rend souverainement
odieuses ; comme sont l'avarice, l'envie et la
malignité ; eh, plût à
DIEU qu'elles ne se manifestassent jamais !
Cependant, si l'on y prend garde, ces mêmes
passions, quelque intérêt qu'elles
aient à n'être point connues, se
trahissent quelquefois par les efforts mêmes
qu'elles font pour se cacher.
L'avare, s'il peut s'arracher à
lui-même quelque libéralité,
s'y porte avec un certain air de contrainte et
de certaines paroles qui démentent le
plaisir qu'il témoigne en les faisant et qui
découvrent sa passion dans le temps
même qu'il parait y renoncer.
L'envieux, ce ridicule ennemi du
bonheur d'autrui, qui va puiser
sa propre misère dans la
prospérité de ses frères, qui
trouve sa pauvreté dans leur opulence, sa
bassesse dans leur élévation, et ses
peines dans leurs plaisirs ; l'envieux, qui
voudrait se celer à lui-même l'indigne
passion dont il est rongé, ne la
découvre-t-il pas aux autres par son
attention à épier et à
éplucher les endroits fâcheux qui
peuvent altérer la félicité de
son prochain, à répandre son fiel sur
leurs succès, et à les décrier
de tout son pouvoir ?
Mais, que n'aurais-je point à dire de la
malignité de ce monstre diabolique, vomi du
sein des abîmes infernaux, digne seulement du
Prince des ténèbres, qui fut
meurtrier et calomniateur dès le
commencement !
Affreuse malignité, qui, prenant
les dehors du zèle et les couleurs de
la franchise, marchant par des souterrains
inconnus, va frapper de côté et
d'autre des coups funestes à l'honneur et
à la fortune des autres hommes, empoisonnant
leurs actions de son noir venin, travaillant
sourdement à leur ruine, tirant sa
joie des maux qu'elle produit, aigrissant et
élargissant les plaies des malheureux,
se nourrissant des pleurs et de la
désolation des tristes victimes qu'elle
immole à sa fureur ! C'était
le cas des Pharisiens ;
et c'est ce qui donne lieu à
JÉSUS-CHRIST de prononcer la maxime de notre
texte. Il apercevait leur malignité dans
l'insolence de leurs discours et ce que leur bouche
avait annoncé du caractère de leur
coeur ; fut bientôt amplement
confirmé par les horribles
procédés qu'ils tinrent contre te
SAUVEUR.
Et n'est-ce point aux mêmes traits que l'on
peut distinguer aujourd'hui ceux qui les imitent
dans leur dépravation ? Ils ont beau
machiner mille artifices pour déguiser la
malignité qui les anime, elle perce, elle se
fait jour à travers les beaux semblants
qu'ils affectent. Ces coups de langue mordante
lâchés contre le prochain, cette
ardeur à publier et à grossir
les taches qu'ils ont eu découvertes ou
imaginées, cet acharnement avec lequel ils
attaquent l'innocence même,
voilà les indices clairs de leurs
passions et les fondements du mépris
et de l'horreur qu'ils ne manquent pas de
s'attirer.
Heureuse, oh heureuse la
société qui ne nourrit point de tels
monstres, mais une telle
société ne se trouve guère que
dans le Ciel !
IVe. Réflexion.
Je n'ajoute plus qu'une réflexion pour
achever l'éclaircissement de la maxime que
nous avons en main : C'est qu'il y a
plusieurs vices qui sont de nature à ne
pouvoir demeurer enfermés dans le coeur, qui
font nécessités à se montrer
par les discours.
La médisance est sans contredit de cette
espèce. Elle consiste essentiellement
à parler aux dépens de la
réputation du prochain. Je sais que personne
ne veut passer pour médisant, et que
souvent ceux qui sont le plus coupables de ce
péché, l'attribuent à d'autres
qui en sont moins coupables qu'eux. Je sais que
pour en éviter le blâme, la
plupart des médisants prennent des tours
ingénieux, afin de glisser leurs mauvais
discours sous la couverture de la louange ou de
l'ironie, ou d'une faillie d'esprit, ou d'une
fausse et meurtrière compassion, ou d'un
prétendu désir de corriger, ou d'un
avis charitable en apparence, ou d'une
infinité d'autres détours malignement
imaginés pour rendre moins suspects et en
même temps plus efficaces les traits qu'ils
lancent contre les objets de leur
médisance.
N'importe, ils sont connus même par
leurs propres
déguisements.
Tous ces discours amenés de loin et
fardés en mille manières, sont des
finesses triviales et surannées, qui, loin
d'être des leurres pour ceux qui les
entendent, ne font qu'indiquer plus sûrement
le caractère de ceux qui les prononcent. Ils
sont si peu étrangers à la
médisance, qu'ils entrent même dans la
définition qu'on en fait.
Qu'est-ce donc que vous gagnez à parler mal
de votre prochain ?
Prenez-y garde, vous ne réussissez en
effet qu'à vous faire connaître pour
un médisant : Et par là votre
médisance vous devient plus funeste à
vous-même, qu'elle ne l'est à ceux que
vous voulez noircir.
Rarement vous nous persuadez de toutes les choses
que vous débitez contre le prochain,
mais vous nous persuadez toujours clairement de
l'indigne plaisir que vous prenez à le
déchirer. Ainsi, par un contrecoup fort
naturel, ces traits de médisance que vous
destiniez contre les autres, ne les blessent que
légèrement, et retombent avec plus de
force sur votre tête. C'est agir parfaitement
à fins contraires.
J'en dis autant de la calomnie et de tous les
autres vices de la langue, qui certainement font
parler la bouche conformément aux vices du
coeur et montrent par
conséquent le coeur tel qu'il est
foncièrement. Mais, indépendamment de
cela, à quelle marque reconnaît-on un
esprit léger et indiscret ? N'est-ce
pas au moyen d'un babil continuel et peu
suivi ?
Qu'est-ce qui dénote la vanité
et l'ostentation ? Ne sont-ce pas des discours
éternellement relatifs à
soi-même, et toujours empressés
à représenter l'idée ou le
mérite de celui qui parle ?
Comment découvre-t-on la flatterie et le
désir de recevoir des louanges ?
N'est-ce point aux louanges mêmes qu'on
prodigue aux autres à tout propos, et sans
aucun sujet légitime ?
De quel art se servent ceux qui veulent
séduire l'innocence ? N'abusent-ils pas
du talent de la parole pour amener à leurs
vues criminelles des personnes faibles et peu
circonspectes ?
Qu'est-ce qui annonce les débauchés,
les libertins, et les impies ? C'est la
honteuse indécence de leurs
obscénités, la profane audace de
leurs railleries, la folle
témérité de leurs
décisions. Oui, la plupart des
pécheurs n'ont guère de pire ennemi
que leur langue, qui les trahit et les
dénonce à chaque instant, qui
les expose ainsi à l'indignation de tout le
monde. Considérez tous les pernicieux effets
que la langue produit, non
seulement contre le bonheur de la
société, mais contre
l'intérêt même de ceux qui en
abusent, et vous ne serez pas surpris d'entendre
dire à un Apôtre, que la
langue est un feu et un monde
d'Iniquité ; qu'elle est placée
entre nos membres d'une telle manière
qu'elle souille tout le corps et enflamme tout le
cours de notre vie, étant elle-même
enflammée du feu de la
géhenne ; que les hommes
qui ont dompté les bêtes
féroces ne sauraient dompter les
excès de la langue (Jacq. III. 6-7).
D'où résulte évidemment
cette vérité, que la langue
indomptable dans ses égarements, ne
découvre que trop les taches de notre
âme, et que c'est de l'abondance du coeur
que la bouche parle.
Mais, mes Frères, tournons
maintenant toute notre attention sur les grandes
conséquences qui découlent de cette
vérité.
I ère CONSÉQUENCE.
Nous devons d'abord faire usage de la maxime de
notre texte, et de l'explication que nous lui avons
donnée, pour interpréter plusieurs
difficultés qui se trouvent dans le discours
de JÉSUS-CHRIST, dont cette maxime
fait partie. Elle en est effectivement la
véritable clef.
On est surpris que ce divin
SAUVEUR prononce un foudroyant
anathème, une irrémissible
condamnation contre le blasphème des
Pharisiens quoiqu'il eût
déclaré que tous les crimes seraient
pardonnés au moyen de là
repentance.
C'est, mes Frères, que l'horrible
blasphème qu'avaient proféré
les ennemis du Sauveur, avait ceci de particulier,
qu'il partait d'un coeur totalement
gâté, d'une
invétérée et incurable
malignité, d'un fond de
dépravation volontairement et
incorrigiblement obstinée dans la
fausseté de ses principes, et dans
la perversité de ses sentiments.
On est surpris d'entendre cette sentence par
laquelle JÉSUS-CHRIST range au nombre de ses
adversaires ceux qui ne se déclarent pas
hautement en sa faveur ; Celui qui
n'est pas avec moi, est contre moi.
(Matt. XII. 30.)
C'est que la tiède et molle
indifférence que certaines gens lui
témoignaient, venait d'une âme
sensuelle, intéressée et
attachée aux biens de la terre ;
disposition absolument contraire à l'esprit
de l'Évangile.
On est surpris de cette déclaration qu'au
jour du jugement les hommes rendront compte de
toutes les paroles vaines qu'ils auront dites
(Matt. XII. 36.).
Quoi donc ? Pour des paroles vaines et
oiseuses serons-nous appelés
en jugement ? Quelle
sévérité, quelle
rigueur ! C'est que de pareils discours, quand
on s'en fait une habitude, marquent le vuide (vide) qu'il y a dans le
coeur, le manque de sentiments
chrétiens et vertueux qui devaient le
remplir, et qu'ainsi, pour l'ordinaire, ils sont
mêlés de pensées mauvaises, ou
injurieuses à l'honneur de nos
frères.
Enfin, on ne voit pas d'abord, pourquoi le Sauveur
ajoute, par vos paroles vous serez
justifiés, et par vos paroles vous serez
condamnés
(Matt. XII. 36.).
Ne semble-t-il pas, au contraire, plus
équitable, que ce soient nos actions seules
qui décident de notre sort
éternel ? C'est que des paroles
vicieuses sont l'indice ou plutôt l'effet
d'un coeur corrompu, d'un mauvais
caractère, et de sentiments profanes ;
c'est que de l'abondance du coeur la bouche
parle.
IIe. CONSÉQUENCE.
Il est donc d'une plus grande importance qui
l'on pense, d'avoir une extrême attention
à ce que l'on dit : Autre
conséquence bien naturelle.
La plupart des jeunes gens, surtout la jeunesse
légère dans ses sentiments, n'exprime
que trop cette légèreté par
ses discours. On s'évapore
aisément en de vaines et frivoles
expressions ; on parle, pour ainsi dire,
uniquement pour parler ; que dis-je ?
c'est souvent le moindre défaut de pareils
discours que d'être frivoles.
Hélas ! ils ne sont que trop souvent
dangereux et préjudiciables !
Préjudiciables à ceux qui les
profèrent, en ce qu'ils montrent le peu de
solidité de leur esprit, et le mauvais
état de leur coeur ; dangereux à
ceux qui les entendent, par les idées
fausses et par les sentiments peu honnêtes
qu'ils leur inspirent.
Si l'on pouvait une fois bien se convaincre que
notre réputation, notre honneur
dépendent en grande partie de nos
paroles ;
- que ce sont nos paroles qui quelquefois
caractérisent nos actions, en
indiquant le principe d'où elles
partent ;
- que c'est souvent par nos discours que l'on
décide de notre caractère ;
- que c'est ce qui nous gagne l'estime ou nous
attire le mépris de ceux avec qui nous
vivons.
Si l'on réfléchissait bien sur
les suites malheureuses que peuvent avoir de
simples mots que nous lâchons avec tant de
facilité ; sur l'influence que ces mots
ont ordinairement sur le repos des particuliers,
des familles, des états mêmes et
combien il importe de ne rien
hasarder qui puisse porter coup au bonheur
d'autrui, ah ! sans doute, on serait plus
réservé dans les discours que l'on
tient ; on mettrait un frein à sa
langue pour en prévenir
l'indiscrétion ; on ne parlerait
qu'après avoir pensé et
réfléchi, au lieu de ne commencer
à réfléchir qu'après
avoir fini de parler. Et par ces sages
précautions, bon Dieu ! que
d'écarts funestes n'éviterait-on
point ! Que de querelles
supprimées ; que de procès
anéantis, que de paix et d'union dans la
société ! quel empire (autorité, maîtrise)
n'acquerrait-on pas sur soi-même ! Et
à quel degré de perfection ne
pourrait-on pas s'élever ? St.
Jacques avait bien raison de le dire ;
Si quelqu'un ne pèche point en paroles,
c'est un homme parfait, il peut même tenir
tout son corps en bride
(Jacq. III. v. 2.).
IIIe. CONSÉQUENCE.
Et delà je conclus encore, qu'il n'est
point de meilleure méthode pour corriger les
hommes de leurs défauts,
particulièrement des défauts de la
langue, que de travailler sur le coeur, en lui
inspirant les sentiments de la vertu, la
crainte d'un Dieu fort et puissant, le
respect de ses lois et la terreur de
ses jugements.
Qu'on fasse tant qu'on voudra des portraits vrais,
énergiques des dérèglements du
vice ; qu'on en développe tous les
artifices, les ressorts et les manoeuvres,
qu'on en peigne l'énormité des plus
noires couleurs ; c'est beaucoup, mais ce
n'est pas assez.
Tout le mal vient du coeur ; c'est-là,
oui, c'est-là qu'est la racine,
la gangrène et le poison. Il faut aller
à la source ; il faut attaquer le vice
dans son retranchement ; il faut l'extirper et
l'exterminer dans son principe ; il faut
transplanter à la place les dispositions
opposées de la piété.
Vous donc, jureurs et blasphémateurs
du nom de Dieu, (Eh ! plût
à Dieu qu'il n'y en eût aucun dans
cette Église !) et vous qui salissez
votre bouche par des mots infâmes ; et
vous que des accès de colère
emportent à mille travers ; et vous,
enfin, qui déchirez impitoyablement
l'honneur de vos frères ; ah,
vous nous faites bien connaître le
déplorable état de votre
âme !
Comment vous guérirez-vous de ces fatales
habitudes, qui vous déshonorent et qui vous
perdent en même temps ?
Vous en guérirez, en étudiant mieux
que vous ne le
faites la sainte Religion que Dieu vous
à donnée ; en vous nourrissant
de ses salutaires leçons, en
vous pénétrant de
l'idée et de la présence auguste d'un
Dieu juste et redoutable qui vous voit et qui vous
entend, qui à horreur de vos discours, qui
vous en demandera compte.
Et vous, Chrétiens, qui, sans doute, ne
portez pas l'abus de la parole à des
excès si honteux, mais qui, par des discours
peu mesurés, par des conversations toutes
mondaines, dirigées par un goût
profane ou par l'esprit de bagatelle et de
volupté, avez oublié le
légitime usage de la langue, pensez a
l'idée méprisable que vous donnez par
là du fond de votre coeur.
C'est de l'abondance de ses ridicules sentiments
que sortent tous ces abus.
Certainement ce n'est pas de l'abondance de ses
bonnes dispositions et de ses
lumières : Ce n'est pas de l'abondance
de l'esprit que viennent ces riens que vous colorez
du nom d'amusement ; c'est plutôt de ses
vuides (vides) et de
sa stérilité.
Si votre âme était bien
cultivée et bien remplie des instructions de
la sagesse, vos discours s'en ressentiraient, et
vous sauriez joindre, quand il le faut,
l'utilité au plaisir ; union qui seule
peut faire l'assaisonnement de nos entretiens par
le sel et la grâce qu'elle y répand
tout à la fois.
Oh, mes Frères, nous
sommes chrétiens.
Voilà notre vocation ; voilà la
pensée qui doit nous occuper ; ne la
perdons jamais de vue, et ne dissipons pas en de
frivoles plaisanteries le précieux temps qui
nous est donné pour la sanctification du
coeur et pour l'acquisition du salut ; et si
notre bouche parle, que ce soit de l'abondance de
nos vertus.
IVe. CONSÉQUENCE.
Après tout, mes chers Frères,
si malheureusement pour nous, une passion
favorite s'est glissée et enracinée
dans notre âme, concevez, je vous prie,
combien cette passion venant à se manifester
par nos discours, donnera d'ascendant et de
supériorité sur nous à tous
ceux qui la connaîtront.
C'est une quatrième conséquence
de la maxime que nous avons en main : Et c'est
aussi ce qui démontre à quel danger
on s'expose en contractant quelque penchant
criminel. Nous l'avons prouvé ; ce
penchant sera bientôt découvert, notre
propre langue nous trahira ; et
dès-lors, cette foule de spectateurs curieux
qui nous environnent, bien instruits des endroits
faibles de notre coeur, informés, pour ainsi
dire de la première
main et par nos propres aveux, trouveront dans
cette connaissance, et des raisons de nous
mépriser ; et des occasions de nous
surprendre ; et des tentations à nous
offrir ; et des sujets de nous
satiriser ; et des facilités
continuelles à nous gouverner selon leurs
vues ; et des moyens presque infaillibles
d'expliquer toutes nos actions, d'en approfondir
les motifs, d'interpréter nos paroles, de
deviner même nos pensées en les
rapportant à la passion qui nous domine.
Car, enfin, qui est-ce qui peut ignorer que
dès que nous sommes esclaves de quelque
habitude, nous parlons et nous agissons toujours
d'après les sentiments qu'elle nous donne,
et qu'ainsi les yeux de tout le monde sont
éclairés sur nos
défauts ?
Peut-être, hélas !
peut-être aurons-nous la fatale adresse de
nous les dissimuler à nous-mêmes, et
de les embellir dans notre imagination ; mais
c'est ce qui nous donnera un nouveau degré
de ridicule, et les autres hommes qui nous verront
d'un air moins complaisant et moins partial, ne
prendront point le change sur notre
état ; ils formeront un jugement
décisif.
Vous êtes surpris qu'on ait avec vous tel ou
tel procédé qui
vous parait injuste ?
Peut-être ne l'est-il point, et que les
autres vous connaissent mieux que vous ne vous
connaissez vous-même.
Que dis-je, peut-être ?
Oh, la chose n'est que trop claire et trop bien
démontrée par mille exemples !
Je n'en citerai qu'un, seul, mais il est bien
marqué.
Qui est-ce qui se connaît moins qu'un
orgueilleux ?
Et cependant qui est-ce qui est mieux connu de tout
le monde ?
Pendant qu'il se dénonce au public par le
faste et l'arrogance de ses manières et de
ses discours, pendant que les yeux mêmes les
moins clairvoyants aperçoivent l'enflure de
son âme, lui seul s'applaudit à
lui-même, il se flatte et s'encense dans
l'enivrement de ses pensées, parle de
l'orgueil comme d'un défaut étranger,
et l'impute hardiment à quiconque ne
défère pas à son
sentiment !
Et voilà, voilà, Chrétiens, le
malheur de tout homme qui est dominé par une
passion criminelle. Reconnu bientôt pour ce
qu'il est, il devient la risée des
autres hommes, et quelquefois même de ses
semblables. À cet égard,
certainement, le pécheur fait une oeuvre
qui le trompe (Prov. I. 18.), puisque de
l'abondance de son coeur sa bouche parle, et
découvre ses faiblesses.
V e. Et DERNIÈRE
CONSÉQUENCE.
Enfin, et c'est ici notre dernière
et principale conséquence ; vous la
prévenez, sans doute, par vos
réflexions ; mais plût
à Dieu que je puisse la graver et l'imprimer
profondément dans vos esprits et dans vos
coeurs ! c'est que, tous tant que nous sommes,
si nous sommes chrétiens, si nous voulons
garder notre langue du mal, si nous avons
sincèrement à coeur notre salut,
notre principale attention doit être de
purifier notre âme, de l'enrichir et
de l'orner des saintes dispositions de la vertu.
L'homme de bien tire de bonnes choses du bon
trésor de son coeur
(Matt. XII. 35.).
Ah, sans doute, si le coeur est bien
réglé, notre vie entière s'en
ressentira, nos moeurs seront pures et nos discours
édifiants. L'excellent trésor que
celui-là ! trésor d'un riche
revenu, trésor abondant et
inépuisable, trésor à l'abri
de tout malheur, trésor qui se conserve dans
l'éternité : c'est la seule
richesse du chrétien, la seule source de sa
gloire, et le seul fondement de ses
espérances.
Acquérons le premièrement ce divin
trésor, et tous les autres biens en
découleront avec abondance. Il s'agit ici de
tout ce que nous avons au monde
de plus précieux, car il s'agit d'une
éternelle félicité. Au nom de
Dieu, ne nous séduisons pas nous-mêmes
par de vains raisonnements. Je suppose que nous
puissions cacher aux hommes par des discours
imposants la dépravation de notre
coeur ; mais comment la cacherons-nous
à ce Dieu saint et juste dont les regards
perçants vont jusqu'au fond de
l'âme, en pénètrent les
plis et les replis, en dévoilent les
déguisements, en
démêlent les obliquités (les travers), en
éventent les ruses ?
Qu'a-t-il besoin de nous connaître au moyen
de nos paroles, lui qui nous connaît
intimement par la vue immédiate de nos plus
secrètes pensées et de nos sentiments
les plus couverts, lui qui arrache à
l'hypocrite le masque dont il prétendait se
couvrir ; lui qui est le scrutateur des coeurs
et des reins, qui sonde les intentions, qui
se sert des ténèbres comme de la
lumière, qui saisit la pensée au
moment de sa naissance, avant que la parole soit
sur la langue ?
Trouverons-nous quelques artifices pour nous
dérober à sa connaissance ?
Mais, ces artifices mêmes tourneront à
notre confusion. Lui tiendrons-nous de beaux
discours et
l'appellerons-nous Seigneur, Seigneur, pour en imposer à sa
majesté ? Non ! il ne fera aucun
cas de nos protestations, et de nos
éloges ; c'est au coeur qu'il
regardera ; c'est sur le caractère du
coeur qu'il fondera ses décisions. Et
quelles décisions, grand Dieu ! Que tes
jugements, Seigneur éternel, sont
redoutables ! que ton tribunal est
auguste ! que ta majesté nous imprime
de crainte et de vénération !
La justice et l'équité sont
la base de ton trône : tes
arrêts sont fondés sur la droiture, et
tes sentences sur la vérité.
(Ps. LXXXIX. 15.
XXIX.)
Sentence sur notre destinée
éternelle ; sentence sans aucun
rappel ; sentence sévère et
impartiale ; sentence inévitable ;
sentence que notre propre conscience sera
forcée d'approuver et de
justifier !
Oh, quel intérêt n'avons-nous pas
à nous ménager la faveur d'un Juge si
intègre et si éclairé !
Ne cherchons point à nous travestir par de
beaux semblants de vertu ; ne nous contentons
pas de nettoyer le dehors de la coupe et du plat
(Matt. XXIII. 25.) ; allons
à l'essentiel, et prenons enfin du
goût pour la réalité ;
épurons le fond de notre coeur ;
sanctifions-le, consacrons-le tout entier au
service de notre Dieu, attaquons, combattons,
terrassons, étouffons
à jamais ces fatales passions qui sont notre
honte et notre malheur.
Prenons des sentiments dignes de notre glorieuse
qualité de Chrétiens, et des
magnifiques espérances de notre
vocation.
Ce n'est qu'en ayant le coeur pur, que nous
serons admis à la vue de Dieu !
Et pour être dignes d'un si haut degré
de gloire, perfectionnons notre sainteté
dans la crainte de Dieu.
Disons-lui avec un Prophète : O
Dieu ? lave-nous tant et plus de nos
iniquités : lave-nous avec
l'hysope et nous serons nets.
(Ps. LI. 7)
Dieu ! crée en nous un coeur
pur, et renouvelle au dedans de nous un esprit bien
remis.
(Ps. LI. 10).
Amen.
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