Saints en Christ
VINGT ET UNIÈME JOUR
Sainteté et bonheur
Le royaume de
Dieu consiste dans la justice, dans la paix, et
dans la joie
par le
Saint-Esprit.
(Rom. XIV, 17.)
Les disciples étaient
remplis de joie
et
d'Esprit-Saint.
(Act. XIII, 52)
Néhémie
dit : Ce jour est consacré à
notre Seigneur. Ne vous affligez pas, car la joie
de l'Éternel sera votre force.
(Néh. VIII, 10)
La profonde signification de la joie dans la vie
chrétienne est peu comprise. La joie est
trop souvent considérée comme quelque
chose de secondaire, tandis que sa présence
dans notre âme est essentielle comme preuve
que Dieu nous satisfait pleinement, et que son
service fait nos délices. Dans notre vie
domestique, il ne nous suffit pas pour être
contents que toutes les convenances de la conduite,
du maintien soient observées, et que tous
remplissent leurs devoirs réciproques ;
seul l'amour vrai nous rend heureux dans nos
rapports les uns avec les autres ; or, de
même que l'amour donne sa chaleur
d'affection, la joie est le rayon de soleil qui
remplit la maison de son éclat. Même
dans la souffrance et la pauvreté, les
membres d'une famille qui s'aiment, sont une source
de joie les uns pour les autres. Sans cette joie,
spécialement, il n'y a pas de vraie
obéissance de la part des enfants. Ce n'est
pas à la simple exécution d'un ordre
donné ou à l'accomplissement d'un
service que des parents regardent ; c'est
à la manière joyeuse, volontaire, au
joyeux empressement avec lesquels cela est fait,
qui rend ce service agréable. Il en est de
même des rapports des enfants de Dieu avec
leur Père céleste. Même dans
l'effort que nous faisons pour arriver à une
vie de consécration et d'obéissance
selon l'Évangile, nous sommes
continuellement en danger de nous replacer sous la
loi avec ses : « Tu feras, tu ne
feras pas ». La conséquence en est
toujours une occasion de chute.
La loi ne produit que la colère ; elle
ne donne ni la vie ni la force. Ce n'est que
lorsque nous nous tenons fermes dans la joie de
notre Seigneur, dans la joie de notre
affranchissement du péché, dans la
joie de son amour et de ce qu'il est pour nous,
dans la joie de sa présence, que nous
possédons la force nécessaire pour le
servir et pour lui obéir. Ce n'est que
lorsque nous sommes libres de tout maître, du
péché, du moi et de la loi ; ce
n'est que lorsque nous nous réjouissons dans
cette liberté, que nous pouvons offrir
à Dieu un service qui le satisfasse, et qui
nous rende nous-mêmes heureux. « Je
vous reverrai, disait Jésus à ses
disciples, et votre coeur sera réjoui, et
nul ne vous ravira votre joie ». La joie
est la preuve et la condition de la présence
permanente et personnelle de Jésus dans
notre âme.
Si la sainteté est la beauté et la
gloire de la vie de la foi, il est évident
que là, tout particulièrement,
l'élément de la joie ne doit pas
faire défaut. Nous avons déjà
vu comment la première mention qui a
été faite de Dieu comme le Saint, se
trouve dans un chant de louanges sur les bords de
la mer Rouge, comment Anne, la mère de
Samuel, et Marie, la mère de Jésus,
dans leurs moments d'inspiration, louaient Dieu
comme Celui qui est le Saint ; comment le nom
de Dieu trois fois saint, prononcé dans les
cieux, vient jusqu'à nous par la bouche et
dans le cantique des séraphins ; et
comment les êtres vivants qui sont devant le
trône et la grande multitude des
rachetés qui chantent le cantique de
l'Agneau, adorent Dieu comme le Saint. Nous devons
l'adorer dans toute la beauté de sa
sainteté ; chanter ses louanges en nous
souvenant de sa sainteté ; ce n'est que
dans un esprit d'adoration, de louange et de joie
que nous pouvons connaître Dieu parfaitement
comme le Saint. Plus encore, ce n'est que sous
l'inspiration d'un amour qui adore et qui se
réjouit, que nous pouvons être rendus
saints. C'est lorsque nous cessons de vivre dans la
crainte et l'anxiété, et que nous ne
comptons plus sur nos efforts ou sur nos
élans, mais que nous nous reposons avec des
coeurs reconnaissants et joyeux sur ce que
Jésus est dans son oeuvre parfaite comme
sanctification pour nous ; c'est lorsque nous
nous reposons et nous réjouissons en lui,
que nous pouvons être faits participants de
sa sainteté. C'est le jour de repos,
c'est-à-dire le jour que Dieu a béni,
qui est un jour de joie et de
félicité ; et c'est le jour
qu'il a béni qui est un jour saint.
Sainteté et bonheur sont
inséparables.
Mais ceci n'est-il pas en contradiction avec
l'enseignement de l'Écriture et avec
l'expérience des saints ? La souffrance
et l'affliction ne sont-elles pas parmi les moyens
choisis de Dieu pour la sanctification ? Les
promesses ne sont-elles pas faites à ceux
dont le coeur est brisé, aux pauvres en
esprit, à ceux qui pleurent ? Le
renoncement à soi-même, l'abandon de
tout ce que nous avons, la crucifixion avec Christ
et la mortification journalière de notre
chair, n'est-ce pas là le chemin de la
sainteté ? et tout ceci ne donne-t-il
pas plus de raisons de souffrir et de pleurer que
de chanter et de se réjouir ?
La réponse à ces questions, nous la
trouverons dans une juste conception de la vie de
la foi. La foi élève, et nous met en
possession de ce qui est précisément
l'opposé de ce que nous sentons ou
expérimentons. Dans la vie
chrétienne, il y a toujours un
paradoxe : les oppositions qui nous paraissent
le plus irréconciliables, nous les voyons
à tel moment donné mises côte
à côte. Paul l'exprime dans des
paroles comme celles-ci :
« ... Pour mourants, et
voilà que nous vivons ; pour
châtiés, et pourtant nous ne sommes
pas mis à morts ; pour tristes, nous
qui sommes toujours joyeux ; pour pauvres,
nous qui en enrichissons bon nombre ; pour
n'ayant rien, nous qui avons tout ». Et
ailleurs : « Lorsque je suis
faible, c'est alors que je suis
fort ». Cette contradiction apparente se
concilie non seulement par le fait de l'union, dans
tout croyant, de deux vies, la vie humaine et la
vie divine, mais surtout parce que le fidèle
participe en même temps de la mort et de la
résurrection de Christ. La mort de Christ a
été une mort de douleurs et de
souffrances, une mort réelle, terrible, un
déchirement des liens qui unissaient
l'âme et le corps, l’esprit et la
chair.
La puissance de cette mort agit en nous : si
nous voulons vivre saintement, nous devons la
laisser agir puissamment ; car c'est dans
cette mort que Christ s'est sanctifié, afin
que nous-mêmes, nous soyons vraiment
sanctifiés. Notre sainteté, comme la
sienne, est dans la mort à notre
volonté propre, et à notre vie propre
tout entière. Mais — et nous devons
bien saisir ceci — nos approches du
côté de la mort, nous ne les faisons
pas du même côté que Christ,
c'est-à-dire dans la direction d'un ennemi
à vaincre, d'une souffrance à subir
avant d'entrer dans la vie nouvelle. Non, le
croyant, qui sait ce que Christ est comme
Ressuscité, s'approche de la mort, de la
crucifixion à soi-même, de la
crucifixion de la chair et du monde, du
côté de la résurrection, qui,
pour le racheté, est le côté de
la victoire en la puissance du Christ vivant. Quand
nous avons été
« baptisés en Jésus-Christ,
nous avons été baptisés en
sa mort » et en sa
résurrection comme nôtres ;
et Christ lui-même, le Seigneur vivant,
ressuscité, nous introduit triomphalement
dans la puissance de sa mort. Et ainsi, pour le
croyant qui vit vraiment par la foi, et qui ne
cherche pas à crucifier et à
mortifier la chair par ses propres efforts, mais
qui connaît le Sauveur vivant, la joie
profonde de la résurrection ne l'abandonne
jamais, mais elle est sans cesse sa force dans ce
qui pour d'autres peut paraître n'être
que durs sacrifices et croix à porter. Il
dit avec Paul : « Je me glorifie
dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ
par lequel le monde est crucifié pour
moi ». Le croyant ne se pose jamais la
question : « Qui me délivrera
du corps qui cause cette mort ? »
sans faire retentir la joyeuse et triomphante
réponse comme une expérience
actuelle : « Je rends grâces
par Jésus-Christ, notre Seigneur.
Grâces soient rendues à Dieu de ce
qu'il nous fait toujours triompher en
Christ ! »
Et maintenant retenons les deux leçons
suivantes : la sainteté est essentielle
au vrai bonheur ; le bonheur est essentiel
à la vraie sainteté.
La sainteté est essentielle au vrai
bonheur. Si vous voulez avoir de la joie, une
plénitude de joie, une joie permanente que
rien ne peut faire disparaître, soyez saints
comme Dieu est saint. La sainteté est la
félicité. Rien ne peut assombrir ou
interrompre notre joie sinon le
péché. Quelle que soit notre
épreuve ou notre tentation, la joie de
Jésus, dont Pierre dit : « En
qui vous vous réjouissez d'une joie
ineffable et glorieuse », est une
compensation qui l'emporte, et au-delà. Si
nous perdons notre joie, la cause doit en
être le péché. Peut-être
suivons-nous le monde ou nous-mêmes ; il
se peut aussi qu'une tache se soit produite sur
notre conscience par quelque chose de douteux, ou
qu'il y ait en nous quelque
incrédulité, un désir de
marcher par la vue où Dieu veut que nous
marchions par la foi, situation dans laquelle nous
pensons plus à nous-mêmes et à
notre joie qu'au Seigneur seul : quoi qu'il en
soit, rien ne peut nous ravir notre joie que le
péché. Si nous voulons avoir une vie
heureuse et qui connaît la vraie joie, une
vie par laquelle nous assurions Dieu, les hommes et
nous-mêmes que notre Seigneur est vraiment
tout pour nous, soyons saints, glorifions-nous en
lui qui est notre sainteté, car, en sa
présence, il y a plénitude de joie.
« Ta face est un rassasiement de
joie ». Vivons dans le royaume qui est
« joie par le Saint-Esprit ».
L'Esprit de sainteté est en même temps
un esprit de joie, parce qu'il est l'Esprit de
Dieu. Ce sont les saints, les saints de Dieu qui
poussent des cris de joie.
De plus, le bonheur est essentiel à la
vraie sainteté. Si vous voulez
être un chrétien saint, vous devez
être un chrétien heureux. Jésus
fut oint de Dieu d'une « huile de
joie », afin qu'il puisse
« nous donner une huile de joie au lieu
du deuil ». Apprenez à comprendre
la divine valeur de la joie. Elle est la preuve la
plus évidente que vous êtes en la
présence du Père, et que vous
demeurez dans son amour. Elle prouve que vous avez
conscience de votre affranchissement de la loi et
de l'effort de l'esprit de servitude. C'est le
signe que vous êtes libres de souci et de
responsabilité (responsibility),
parce que vous vous réjouissez eh
Jésus-Christ comme en Celui qui est votre
sanctification, votre gardien, votre force. C'est
le secret de la santé et de la force
spirituelles, remplissant tout votre service dans
l'assurance heureuse et enfantine que le
Père ne demande rien de nous sans nous
donner la force de l'accomplir, et qu'il accepte
tout ce qui est fait dans cet esprit, quelque
imparfait que soit le travail. Le vrai bonheur est
toujours désintéressé ;
il se perd dans ce qui fait l'objet de sa joie.
Dans la mesure où la joie du Saint-Esprit
nous remplit, et où nous nous
réjouissons en Dieu, qui est le Saint, par
Jésus-Christ, notre Seigneur, dans la mesure
où nous adorons et servons le Dieu trois
fois saint, dans cette mesure nous devenons saints.
C'est là, même dans le désert
où nous sommes, le « chemin de la
sainteté, la voie sainte, où les
rachetés de l'Éternel marcheront,
allant à Sion avec chants de triomphe. Une
joie éternelle couronnera leur
tête ; ils obtiendront la joie et
l'allégresse ».
(Esaïe XXXV).
Tous les enfants de Dieu comprennent-ils
ceci ? C'est que la sainteté est
précisément un autre nom, le vrai nom
que Dieu donne pour bonheur ; que
c'est, en effet, un bonheur inexprimable que de
savoir que Dieu nous rend saints, que notre
sainteté est en Christ, que le Saint-Esprit,
l'Esprit de Christ est en nous. Rien n'est si
attrayant que la joie ; les croyants ont-ils
compris que ceci est la joie du Seigneur :
être saints ? « Tu te
glorifieras dans le Saint
d'Israël ». Les plus pauvres feront
du Saint d'Israël le sujet de leur
allégresse. Réclamons-nous de ces
promesses. Que l'assurance que la foi nous donne
que Dieu, notre Père, et notre Sauveur
Jésus-Christ, et le Saint-Esprit qui demeure
en nous, se sont engagés à faire
l'oeuvre dans notre âme, et qu'ils la font,
que cette assurance, dis-je, nous remplisse de
joie. Ne cherchons pas notre joie en ce que nous
voyons en nous de sainteté ;
réjouissons-nous de la sainteté de
Dieu en Christ, sainteté qui nous a
été gratuitement acquise ;
réjouissons-nous dans le Saint
d'Israël. Ainsi notre joie sera indicible et
permanente ; ainsi aussi nous le
glorifierons.
« Soyez saints, car je suis
saint ».
Dieu bienheureux ! Je te
prie de me révéler, à moi et
à tous tes enfants, le secret de se
réjouir en toi, le Saint
d'Israël.
Tu vois quelle part importante du service de tes
enfants se fait dans un esprit de servitude, et
combien qui n'ont jamais compris jusqu'ici que la
voie sainte est un chemin dans lequel ils peuvent
marcher en chantant, et que là ils
rencontreront la joie et l’allégresse.
O Père ! enseigne à tes enfants
à se réjouir en toi.
Je te demande spécialement de nous
enseigner que dans une profonde pauvreté
d'esprit, dans l'humilité et dans le
sentiment de notre péché et de notre
néant, dans la conscience bien nette qu'il
n'y a pas de sainteté en nous, nous pouvons
chanter tous les jours ta sainteté, que tu
as faite nôtre en Christ, et ta gloire, que
tu as fait reposer sur nous, sainteté et
gloire qui sont cependant à toi, et à
toi seul. O Père ! dévoile
à tes enfants les mystères
bénis de ton royaume, c'est-à-dire la
foi qui voit tout en Christ, et rien en
soi-même ; la foi qui, en effet, a tout
en lui, et se réjouit de tout en lui, la foi
qui ne saurait se réjouir de rien en
soi-même, parce qu'il n'y a là rien de
quoi se réjouir. Amen.
1° Le grand obstacle à la joie en
Dieu est de s'attendre à trouver en
nous-mêmes quelque chose dont nous
puissions nous réjouir. Dans les premiers
pas que nous faisons à la recherche de la
sainteté, nous nous attendons toujours
à voir se produire en nous un grand
changement. Mais lorsque nous avançons plus
profondément dans la connaissance de ce
qu'est la foi et la vie de la foi, nous comprenons
comment, quoique nous ne voyions pas le changement
que nous avions attendu, nous pouvons cependant
nous réjouir d'une joie ineffable en ce
que Jésus est. C'est là le secret
de la sainteté.
2° La joie doit être cultivée. Le
commandement de nous réjouir nous est
donné plus fréquemment que nous
n'avons l'air de le savoir. Cela fait partie de
l'obéissance de la foi de se réjouir
lorsque nous n'en sentons aucune envie. La foi
se réjouit et chante parce que Dieu est
saint. « Remplis de joie et du
Saint-Esprit ». « Le royaume de
Dieu est joie par le Saint-Esprit ».
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