Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XVIII.

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 Le cas de Babylone démontre d'une manière frappante, ce me semble, comment un jugement qui est dit émaner de Dieu, peut en même temps être exécuté par les hommes. Au chap. XVII nous avons vu que Dieu se servira des dix cornes ou rois, dans les états desquels la terre Romaine se trouvera divisée à la fin de cette dispensation, - et qu'il donnera une prééminence particulière à ce qui est appelé «la bête», c'est à savoir, à la puissance qui sert de lien à ces autres parties autrement séparées et distinctes. Le grand chef impérial et les divers pouvoirs, distincts mais non plus indépendants - vassaux de celui-là - seront les instruments que Dieu emploiera pour infliger ses jugements à Babylone.

Maintenant, au chap. XVIII, il ne paraît pas un mot de cela; et la différence entre les deux portions est si évidente, et si grande à première vue, que certaines personnes ont avancé résolument que le jugement du chap. XVII était antérieur à celui du chap. XVIII; que, dans le premier, la destruction de Babylone est le fait simplement de l'homme; mais que, dans celui-ci, son jugement est postérieur et procède directement de Dieu. Mais je ne voudrais pas fonder un enseignement sur cette explication, concevant au contraire que, dans le même jugement, vous pouvez avoir le côté de Dieu et le côté de l'homme, Dieu agissant providentiellement, et les hommes - comme le moyen qu'il emploie - frappant le coup.
S'il y a réellement une distinction à faire, la «chute» vient avant la destruction finale. Il résulte pour Babylone de l'assaut des pouvoirs civils un avilissement total de sa condition...
Ensuite, c'est un appel pressant de Dieu à son peuple pour l'en faire sortir...
Puis enfin arrive la complète et éternelle destruction de Babylone, de la part de Dieu.

Si nous considérons Babylone dans l'Ancien Testament, nous voyons précisément que les prophètes ont parlé de sa destruction comme du jour du Seigneur contre elle. «C'est ici l'oeuvre du Seigneur l'Éternel des armées, dans le pays des Caldéens» (Jérémie L, 25; vers. Ang.).
En même temps, il est tout à fait certain que l'instrument par lequel Dieu a amené la ruine de Babylone, est le célèbre Cyrus, chef de l'armée Médo-Perse.
C'est de la même manière qu'en Apoc. XVII nous sont présentés les vrais instruments humains. L'influence de Babylone s'étendait bien au-delà, mais les dix cornes de la terre Romaine étaient les pouvoirs qui, en quelque sorte, rayonnaient de son centre même. Et c'est pour cela peut-être que Dieu fait voir dans ce chapitre que ces pouvoirs, qui semblaient si fortement attachés à Babylone dans un abject esclavage (le pouvoir impérial lui-même n'ayant guère été qu'une bête de somme pour elle), sont destinés à faire volte-face, à un certain moment désigné de Dieu, et à assouvir sur elle leur vengeance, leur dédain et leur haine.
Ils ont des vues humaines, sans doute; mais ils exécutent pour Dieu une oeuvre de juste rétribution. Dieu leur aura mis au coeur de s'accorder pour donner leur royaume à la bête, jusqu'à ce que Ses paroles soient accomplies.

Mais au chap. XVIII les instruments humains disparaissent, et lorsque cet autre ange descend du ciel, il ne dit pas un mot de ceux dont Dieu s'était servi, comme moyens, pour faire tomber Babylone; ils sont omis, et c'est le Seigneur Dieu qui la juge. Dieu aurait pu détruire Babylone sans les dix rois tout aussi aisément qu'avec eux; ils n'étaient nécessaires en aucune façon: mais il convenait au gouvernement que Dieu exerce sur la terre d'employer les dix cornes pour humilier Babylone à la fin, puisqu'auparavant elle avait régné sur les rois de la terre et commis fornication avec eux. Ils pouvaient être, eux, des hommes méchants ayant de mauvais desseins: c'est pourquoi il est nécessaire qu'il soit directement montré aux saints que Dieu Lui-même est contre Babylone.

Considérons un peu maintenant ce nouveau point de vue, auquel nous ne trouvons plus sur la scène que deux parties: Babylone sur la terre, et Dieu dans le Ciel. Et le Seigneur Dieu se prononce contre l'orgueilleuse et royale cité qui fut la constante ennemie de Dieu et de son peuple - qui fut l'instrument de Satan pour séduire et entraîner ses victimes dans une alliance de méchanceté et dans l'idolâtrie. Tel est le caractère sous lequel Babylone est ici envisagée. Et néanmoins c'est cette Babylone qui s'arrogeait la position et la fonction de faire connaître Dieu. Car la grande ville n'est pas une puissance athée; elle n'est pas, comme la Babylone ancienne, un étranger de dehors, et employé de Dieu, comme moyen, pour infliger le châtiment à son peuple d'Israël.
Dans ma pensée, la Babylone de l'Apocalypse correspond aussi clairement que possible à la Babylone de l'Ancien Testament; mais elle s'applique aux sujets du Nouveau. Dans l'Ancien Testament, la pensée de Dieu avait essentiellement pour objet Son peuple et le pays: et il y avait aussi une ville sur laquelle son oeil se reposait avec une affection, particulière, car il n'aimait pas seulement le peuple, mais il s'intéressait à ce qu'il avait donné au peuple.
Mais cet état de choses a complètement cessé depuis que le Seigneur Jésus a été crucifié. Depuis lors jusqu'à maintenant, il n'a pas existé de lieu plus saint qu'un autre. Celle qui avait été la sainte ville se trouvait être maintenant le champ même qui était taché du sang du Seigneur Jésus- Christ. Mais l'oeil de Dieu voyait que, dans la suite des temps, s'élèveraient une ville et un peuple de professants qui prendraient avantage de la révélation que Dieu avait donnée, et formeraient de l'état de corruption et de ruine du Christianisme un système à eux, empruntant tout ce qu'ils pourraient du Judaïsme et le mélangeant avec le mal des Gentils pour produire ainsi un système au plus haut degré haïssable pour Dieu et séduisant pour l'homme.

Je n'ai donc aucun doute que, dans ce chapitre, c'est Rome qui est en particulier l'objet du jugement de Dieu; non pas que Rome soit exclusivement ce qui est compris dans Babylone, mais parce que Rome en est le centre, parce que c'est, de toutes les villes, la plus coupable aux yeux de Dieu. Il ne s'agit pas de Rome sous sa forme païenne, ni de Rome telle qu'elle est de nos jours, encore qu'elle soit bien mauvaise et croissant, je crois, en méchanceté. Je crois que la Babylone de l'Apocalypse n'est pas simplement ce système qui s'oppose aujourd'hui au Christianisme, mais la Babylone qui aura fait opposition au dernier témoignage que Dieu enverra - le témoignage de Dieu concernant son propre royaume même qu'il est près d'établir sur son peuple bien-aimé. Car Dieu ne renonce jamais à ses desseins. C'est une partie du caractère de Dieu de ne se repentir jamais de ses dons et de son appel.

Là où il ne s'agit pas d'un dessein de miséricorde, mais d'une menace, Dieu peut fléchir, et il aime à le faire. Qu'il le fasse, nous le savons par l'histoire de Ninive (bien qu'un coup fut frappé plus tard et qu'un coup doive être frappé dans quelque temps futur). Il laissera les hommes dire qu'il a changé de pensée là où il s'agit de différer le châtiment dû au péché; mais, d'un autre côté, là où il y a de la part de Dieu dessein de bénir un peuple, il n'y renonce jamais. Cela est digne de lui. Il est plein de miséricorde. Il pourra permettre que la prophétie envoyée contre Ninive par son serviteur Jonas ait l'air d'avoir été mise de côté; il ne se préoccupe pas de ce que les hommes en disent. Il veut bien leur laisser croire que, par grâce, il a changé de pensée et que la sentence de destruction a été détournée là où il y a eu humiliation et repentance devant Dieu. Mais la chose réjouissante que nous voyous est celle-ci: - que lorsque la chute de l'homme, la chute de l'Église et autres apostasies pareilles paraissent avoir compromis le dessein béni que Dieu tient en réserve pour son peuple et pour sa propre gloire, - tout ce qui est de Dieu ne fait que se déployer avec plus d'éclat un autre jour.

Considérons Babylone dans son histoire passée et voyons comment ce nom était approprié pour exprimer le mal spécial qui devait surgir de la corruption du Christianisme. C'est en Gen. X qu'il est pour la première fois fait mention de Babel. Là, elle se trouve en connexion avec un homme plein de volonté, qui avait d'abord montré son adresse à l'endroit des animaux, et qui commença bientôt à tourner contre ses semblables toute l'habileté et toute l'expérience qu'il avait acquises dans une sphère moins élevée.
Nimrod est le premier personnage avec lequel Babel soit associée; c'est l'homme concentrant le pouvoir en lui-même. Mais au chapitre suivant (Gen. XI), nous avons une autre idée. Ce n'est plus seulement l'homme s'exaltant lui-même et en exaltant d'autres soumis à lui par la fraude ou par la force, mais c'est un grand effort des hommes se rassemblant entre eux pour bâtir quelque chose de permanent, de fort et de haut - une tour dont le sommet s'élève jusqu'aux cieux et qui leur attire un nom sur la terre. Ici donc, nous avons les deux pensées qui sont toujours plus ou moins directement liées avec Babylone. Elle peut se présenter sous la forme individuelle d'un homme qui s'exalte lui-même, ou bien sous la forme collective d'hommes qui combinent quelque grande entreprise; ou, enfin, elle peut être un mélange de ces deux principes.
Et c'est ce que vous trouverez plus clairement développé encore lorsque vus arriverez à l'histoire de la nation Juive. Dieu appela les Juifs comme peuple, et leur conféra des privilèges et des bénédictions particulières. Ils tombèrent dans l'idolâtrie, le péché de Babylone qui en était la grande et primitive source; et Babylone devient le principal instrument de jugement pour le peuple de Dieu, et la scène de la captivité de Juda. Là encore, vous avez Nébucadnetsar, la tête d'or de la statue, correspondant à Nimrod, et la grande ville qu'il bâtit correspondant à la tour de Babel - les deux idées impliquées dans ce nom se trouvant ainsi réunies comme en effet elles le furent bientôt au commencement, car Babel fut le commencement du royaume de Nimrod. Le coeur naturel convoite pour l'homme une élévation présente sur la terre, et une exaltation revêtue d'une sanction religieuse, mais tendant à un but d'idolâtrie.

Or, le Saint-Esprit, dans le Nouveau Testament, relève le terme «Babylone», et l'applique à la corruption qui devait se développer dans la Chrétienté professante. Lorsque Dieu sauve des âmes, il ne leur permet pas de choisir leur propre voie dans le monde; encore moins leur permettrait-il de choisir leur propre voie dans l'Église.

Celui qui comprend bien la place qui lui appartient comme étant à Dieu, a sa volonté brisée. Il a reçu le privilège de traiter sa nature comme une chose morte et mauvaise; non pas sur le pied d'un esclave, qui travaille pour un salaire et parce qu'il y est obligé, mais dans la liberté d'un enfant de Dieu, de quelqu'un qui a été béni de Dieu et qui a à coeur les intérêts de son Père. Or, ce n'est pas la volonté de son Père que, dans le temps actuel, il se mêle avec le monde ou qu'il s'y crée une place.
De fait, dans la pensée de Dieu, le monde, pour le Chrétien, est quelque chose de trop inférieur, parce qu'il est pratiquement sous la puissance de l'ennemi. Il vient un temps où le monde sera placé sous l'autorité des enfants de Dieu, alors qu'ils jugeront le monde. Mais cela ne saurait avoir lieu jusqu'à ce que Satan soit ôte, et que le Christ soit publiquement exalté sur la terre aussi bien que dans le Ciel. Jusque-là, les saints sont appelés à attendre dans la foi et dans la patience. Et tel est l'argument sur lequel l'apôtre insiste en I Cor. VI. pour démontrer que les frères en Christ ne devraient rien avoir à faire à présent avec les jugements de ce monde. Y porter leurs différends était au-dessous de leur dignité comme enfants de Dieu. C'est en vain que l'on essaierait de réformer le monde: une semblable idée n'entra jamais dans l'esprit de l'apôtre. Car la foi, en même temps qu'elle se réjouit dans la délivrance des pauvres pécheurs, considère le monde au point de vue de Dieu, c'est-à-dire, comme étant déjà jugé et n'attendant plus que l'exécution de la sentence à la venue du Christ.

Mais, si l'apôtre exhorte à la soumission envers les autorités qui existent, il ne dit jamais: Vous, frères, qui occupez des postes d'honneur sur la terre, vous devez continuer à y rester. Cela eût été annuler le but de Dieu dont les enfants ne sont pas du monde, de même que Christ n'est pas du monde. Car aujourd'hui Dieu n'entreprend pas de gouverner le monde, sauf par sa providence secrète, bien entendu.
Lorsque le royaume de ce monde deviendra effectivement Sien, il commencera par juger les corrupteurs de la terre, et plus particulièrement toute iniquité commise sous le nom de Christ. Ce n'est pas ce que Dieu fait maintenant: il met plutôt à l'épreuve les âmes de ses saints, dans un lieu de tentation où tout est contraire à son nom. S'ils sont fidèles, ils souffriront persécution; s'ils sont infidèles, le monde pourra faire grand cas d'eux; ils pourront en partager les aises et les honneurs; mais Satan se servira assurément d'eux pour faire demeurer les choses tranquilles - car rien n'apporte au mal une sanction éclatante, autant que l'homme de bien qui se joint au monde et lui donne son appui.
Souvenez-vous de Lot. Il siégeait à la porte de Sodome, là où s'administrait la justice. La position qu'il occupait là, était aussi déshonorante pour Dieu que misérable pour lui-même. A la fin, il fallut l'en arracher; mais avant même qu'il fût emmené de Sodome, les plaines bien arrosées du Jourdain avaient perdu leur valeur à ses yeux. Son âme juste s'affligeait des actions iniques des habitants, et bientôt il devint l'objet de leurs railleries:
«Celui-ci, disaient-ils, est venu parmi nous pour y séjourner, et il a la prétention de s'établir juge!»
Ils voyaient l'inconséquence de sa position; car les mondains sont prompts, en général, à discerner les manquements du croyant. Hélas! il est facile de comprendre comment un homme peut être pieux, en somme, et se trouver désormais dans des circonstances où un Chrétien ne devrait pas être et, dans la mesure de son manquement, n'être pas un vrai témoin pour Dieu. Que je considère le Chrétien individuellement, ou bien l'Église, je vois que le but de Dieu est d'avoir, dans le monde, un témoignage à sa propre gloire; d'avoir les siens, non pas occupés à renverser le monde, encore moins à rechercher les honneurs et les richesses du monde, mais disposés, par amour pour Christ, à renoncer à ce qu'ils aiment le mieux, parce qu'ils ne regardent pas aux choses visibles, mais aux choses invisibles et éternelles
Voilà où Dieu met son triomphe; et c'est selon la mesure dans laquelle nous réalisons cela, que nous sommes de vrais témoins pour Dieu. De l'autre côté; si nous cherchons à gagner ou à retenir le monde avec Christ, nous voilà engagés dans le principe de Babylone.

Sans doute, les chap. XVII et XVIII de l'Apocalypse vont beaucoup plus loin, et montrent qu'un vaste système religieux corrompu est le sujet dont ils traitent. Cela ressort clairement de la comparaison du chap. XVII. 1, 2, 3, avec le chap. XXI. 9, 10, 11. Au chap. XVII, il est écrit:
«Et l'un des sept..... anges vint, et me parla, disant: Viens ici, je te montrerai le jugement (c. à. d. la sentence) de la grande prostituée qui est assise sur plusieurs eaux».

Mais ensuite, au chap. XXI, 9, nous avons une autre scène. «Et un des sept anges - vint, et me parla, disant: «Viens, je te montrerai l'épouse de l'Agneau, la femme.»
Or, il est évident que le Saint- Esprit emploie la même forme de langage pour introduire auprès de nous ces deux femmes, dans le dessein, me semble-t-il, de nous faire saisir le rapport qui existe entre elles. Le même guide, un des sept anges qui avaient les sept coupes, vient prendre Jean, et lui montre au désert cette femme terrestre et corrompue; plus tard, dans la scène finale, il l'enlève sur une montagne excessivement haute et lui montre une femme céleste. Comme la femme céleste est le symbole de l'Église céleste, ainsi Babylone symbolise un corps religieux corrompu. C'est celle qui prend la place de l'Église et celle de témoin pour Dieu sut la terre, en même temps, qu'elle soutient toute sorte de commerce mauvais avec ceux qui sont exaltés ici-bas.
Il y a d'abord, comme d'usage, ce qui est charnel et terrestre, puis ce qui est spirituel et céleste. Après que le faux système de l'homme et de Satan a disparu, le système véritable est déployé dans la gloire de Dieu.

Or, bien que nous puissions nous attendre à un développement ultérieur de Babylone, comme opposée à Dieu dans le témoignage final du royaume, témoignage qui sera rendu devant toutes les nations avant que vienne la fin, cependant je ne pense pas qu'il y ait de difficulté à discerner dès à présent où se trouvent de la manière la plus complète les traits de Babylone.

C'est un système religieux qui gouverne nombre de rois; ce n'est pas un système qui soit à la merci des gouvernements séculiers. Cette dernière chose est bien un péché, mais ce n'est pas le mal dont il est parlé ici.
Babylone est un système de corruption religieuse incomparablement plus ténébreux, plus profond, plus étendu - s'arrogeant exclusivement le nom d'Église de Dieu, s'établissant au-dessus des rois, intriguant avec eux, mais en même temps maintenant sa suprématie sur eux tous; abrutissant les masses par le poison de ses excitantes faussetés; se parant de toute la splendeur que lui ont acquise ses prostitutions dans le monde; source de la pire idolâtrie qui existe sous le soleil; et enfin manifestant un esprit sanguinaire de persécution contre les vrais saints et témoins de Jésus, sous l'effrayante prétention d'accomplir sa volonté, d'agir sous son autorité.
Il est un système qui prétend à cette position, qui la prend comme donnée de Dieu, et dont le siège et le centre se trouvent au coeur même de ce qui fut jadis l'empire Romain - un système religieux qui affecte la domination universelle, et qui, dans le but de la réaliser, ou bien cherche à captiver par l'art de la séduction, ou bien étouffe toute opposition dans le sang de ses victimes, les prétendus hérétiques.

«Par tes breuvages empoisonnés toutes les nations ont été séduites. Et en elle a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre» (Vers. 23, 24).
Pour toute personne non prévenue, qui lit avec calme cette description de Babylone et se demande quel est dans la Chrétienté le corps professant où les idoles abondent ainsi, où il y a tant d'autorité sur les rois de la terre, le corps professant qui est si indulgent pour les méchants, si cruel pour les justes - pour toute personne non prévenue, il est impossible de ne pas voir et de ne pas répondre (1).

Quant aux Églises Grecque et Orientale, quant, aux Églises établies d'Angleterre, d'Écosse, et autres Églises nationales réformées elles sont plus ou moins dans un état de complète subordination vis-à-vis du gouvernement qui a affaire avec chacune d'elles. Il peut y avoir, et je crois qu'il y a, du mal à cela. Mais il est deux manières par lesquelles un système religieux peut agir contrairement à Christ: ou bien par un coupable asservissement au monde, ou bien par une suprématie sur lui plus coupable encore - en un mot, en étant l'esclave du monde ou le maître du monde. Dans le temps actuel, il n'y a qu'un seul système religieux qui prétende avoir les rois à ses pieds, et ce système est l'Église de Rome, qui, par conséquent, correspond à Babylone. C'est une grandeerreur que de croire que nous en avons fini avec elle, ou que son jour est passé.
Rome peut encore obtenir un triomphe passager. Ses émissaires sont activement répandus sur la surface du monde, et les fondements du Protestantisme sont minés de toute part. Ceux qui s'attendent à voir le Christianisme, dans l'état actuel des choses, renverser ses adversaires sur la terre, sont, selon moi, en grand danger de se trouver déçus dans l'espoir anti-scripturaire d'obtenir une Église aussi grande ou plus grande dans le bien, que celle de Rome ne l'est dans le mal. Car il surviendra encore une lutte terrible, et Rome, dans ma prévision, acquerra une influence universelle et étouffera toute voix qui lui sera contraire, excepté les soupirs des quelques témoins dont il est ici parlé, témoins qui meurent par elle, ou bien qui sortent du milieu d'elle. Dieu les entendra; mais pour ce qui est de tout témoignage ouvert ou public à Lui-même, il sera absorbé par Babylone.
Et quant à la destruction de Babylone, ce n'est pas par le moyen de l'évangile ou par la force de la vérité qu'elle sera effectuée, mais par la volonté et la colère des hommes. Partout où le Romanisme emporte la victoire, l'incrédulité en est la conséquence infaillible; aussi Babylone prépare-t-elle toujours la voie au dernier effort de la Bête contre l'Agneau, avant que la fin arrive, la Bête obtient tout à fait la haute main, et Babylone devient sa pâture et celle des dix cornes.

Est-ce là ce qui nous est présenté ici? L'homme est laissé de côté; il n'est pas une seule fois fait allusion aux dix cornes dans le chapitre XVIII, bien qu'il soit fait allusion aux rois de la terre.
Voici la différence: dans «les rois de la terre», sont compris, me semble-t-il, tous ces gouvernants de la Chrétienté avec lesquels Babylone avait vécu dans les termes d'une coupable intimité, ou qui avaient soutenu avec elle de mauvaises relations.
Les dix cornes sont les chefs de l'empire dans son état final de division et les instruments actifs de sa dévastation, comme cela nous est déclaré au chapitre XVII.
Les rois de la terre sont ceux qui mènent deuil sur elle, et non ceux qui la brûlent. Ici, au chapitre XVIII, son heure est venue, et c'est le Seigneur Dieu qui la juge.

Remarquez bien quelle est ici la voix qui vient du Ciel:
«Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés, et que vous ne receviez pas de ses plaies.» (Vers. 4).
Recevoir de ses plaies n'est pas le motif divin pour se séparer d'elle. Les hommes se préoccuperaient passablement de ce sujet-là; mais la grande chose que Dieu attend de son peuple, c'est qu'ils ne participent pas à ses péchés.
Je désire placer cette question devant chaque Chrétien individuellement: Jusqu'à quel point avons-nous sympathie avec la pensée de Dieu concernant Babylone et ses péchés? Jusqu'à quel point sentons-nous le mal qui est en elle et le jugeons-nous?

Babylone n'a pas recherché le ciel, mais la terre; elle n'a pas recherché les souffrances de Christ et les gloires qui doivent suivre, mais elle a aspiré à s'asseoir en reine et à ne point voir de deuil.
Babylone est satisfaite d'une exaltation mondaine. Si vous marchez évitant toute chose semblable, Babylone n'a pas d'attraits pour vous. Et le danger actuel de chaque âme, par rapport à Babylone, c'est d'en venir graduellement à se soucier, comme Chrétien, de ce que l'homme apprécie sur la terre et de se l'accorder.

Dans ces dernières années, il s'est opéré un grand changement dans les pensées des Chrétiens, en ce qui regarde la jouissance réelle de la prospérité et du plaisir en ce monde. Mais il y a dans tout cela un étonnant danger; car quelle en est la pensée de fond? L'élévation, le progrès, l'exaltation de l'homme - l'homme montrant ce qu'il peut faire et améliorer. Et l'on cherche à rattacher à tout cela le nom et la sanction de Christ! Hélas! c'est là Babylone la grande (Vers. 9-19). En elle nous voyons le but auquel tend le désir du coeur, qui est de jouir, tout en professant d'être à Christ, de tout ce qui est dans le monde: la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et: l'orgueil de la vie.

Je ne m'étonne point qu'un homme inconverti cherche à rendre le monde agréable: c'est ce que Caïn a cherché; et aujourd'hui il y a telle marche dont on peut dire que c'est marcher dans la voie de Caïn. Il y a ceux qui confectionnent toutes sortes d'instruments de musique, et ceux qui travaillent sur airain et sur fer. Il est vrai que ces choses ont pris naissance à une époque bien primitive du monde; mais toutefois ce n'est pas pour rien que l'Esprit de Dieu nous déclare qu'elles se trouvaient dans la famille de Caïn, et non dans la famille de Seth. Tout fils d'homme est tenu responsable devant Dieu, qu'il soit ou non converti, de reconnaître sa position de rejeté à cause de sa qualité de pécheur: il n'a pas le droit d'étouffer sa conscience dans les plaisirs et la gloire du monde.
Mais si mauvais que cela soit, la chose que Dieu hait le plus, et qu'il jugera publiquement de la manière la plus terrible, même dans ce monde, c'est de rattacher le nom de Christ à la satisfaction des convoitises mondaines. N'est-ce pas le désir même de beaucoup de chrétiens d'endosser la grandeur et les richesses du monde? Je ne doute pas qu'on ne désire cordialement voir des âmes converties, mais on aimerait les voir apporter avec elles leur influence terrestre. Voilà l'esprit de Babylone.

Ce que le Seigneur attend de nous, c'est que nous accomplissions la volonté de Dieu, que nous souffrions pour elle, et que nous la prenions patiemment. Tout ce que le coeur de l'homme convoite, sera trouvé enlacer la volonté de l'homme. Il n'est pas une seule place de distinction ou de gloire dans le monde, qui n'oblige celui qui l'occupe à faire l'abandon d'une bonne conscience envers Dieu. En d'autres termes, vous ne pouvez à la fois être membre du monde et agir fidèlement comme membre de Christ. Si vous estimez le monde et que vous désiriez le suivre, vous présenterez toutes sortes d'excuses et raisonnerez en faveur d'un compromis; mais cela ne fera que montrer jusqu'à quel point le levain de Babylone a affecté votre âme.

Dieu rassemble les âmes autour de Jésus - c'est-à-dire de Jésus rejeté et monté au ciel. C'est pourquoi l'Église est établie sur ces deux vérités fondamentales. Elle a la croix, et elle est unie à Christ dans ta gloire céleste, par le Saint-Esprit envoyé ici-bas. Or, la croix et la gloire céleste ne peuvent se mélanger avec le monde. Voilà la chose même qui met mon coeur à l'épreuve. Si Christ est mon objet, je n'aurai pas besoin du monde; je porterai - peut-être faiblement- mais toutefois je porterai mon regard en haut, vers le ciel; et là je trouverai l'objet - l'unique objet - par lequel Dieu veut me fortifier, me donnant de vouloir souffrir dans la conscience que j'ai Christ dans la gloire.
Là où l'Église cherche quelque chose d'autre, l'estime et la gloire du monde, par exemple, ou même l'amélioration de la société, elle renie la gloire qui lui est propre. Le papisme s'est mépris sur le véritable caractère de l'Église; il a suivi le système Juif et pensé qu'on devait apporter de l'or, de l'argent, des pierres précieuses et des choses délicates pour honorer le Seigneur (Voyez vers. 12-14). Mais Dieu est plus sage que les hommes, et montre que toute cette prétention à l'honorer n'est qu'une fausse apparence, et que ce qu'au fond les hommes recherchent, c'est de s'honorer eux-mêmes. Ils recherchent ce qui offre de l'attrait et fait d'eux-mêmes un objet d'attraction, en même temps qu'ils cachent leur véritable but sous le prétexte du nom de Christ.
C'est là ce que Dieu jugera, et ce qui infectera la Chrétienté tout entière avant que ce jugement vienne.
Vous me demanderez peut-être comment cela peut-il être possible, lorsqu'on voit se former un si grand nombre de sociétés, et une énergie si active - tant religieuse que morale - se déployer contre les diverses formes de mal public par tout le monde. Ce n'est pas ce que je vois, moi, que je vous déclare, mais ce que montre la Parole de Dieu - la prépondérance universelle, avant qu'arrivé la fin d'un système corrompu qui a évidemment son centre à Rome, encore qu'il étende plus loin son cercle, embrassant toutes les institutions religieuses quelconques (2) qui, si opposées au papisme qu'elles paraissent aujourd'hui, ne lient pas les âmes avec le ciel. Il n'y a pas de sécurité pour aucun de ceux qui bâtissent sur la terre.

Les saints célestes seront retirés avant que le jugement tombe sur Babylone. Ce n'est pas à eux qu'il est fait allusion dans cette parole: «Sortez du milieu d'elle, mon peuple.» Cela est dit du peuple terrestre de Dieu (3) pour un peu plus tard. Mais en même temps, ce principe trouve sa pleine application; car l'essence même de Babylone est l'union du monde avec le nom de Christ.
«C'est pourquoi sortez du milieu d'eux et vous en séparez, dit le Seigneur, et ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous recevrai».
Le seigneur ne tiendra point pour innocent celui qui a la conscience de ce qui est dû à Christ, et n'y marche pas. A quiconque est dans ce cas je voudrais dire: Voilà où vous enviendrez: vous cheminerez pour un temps et serez troublé par la vérité, car elle vous condamnera; mais sous peu vous trouverez que vous en avez perdu le goût, vous vous en fatiguerez et même vous tournerez contre elle, et dès lors vous serez moralement mûr pour Babylone quand elle se présentera devant vous. En ce qui me concerne personnellement, la question pour Dieu est de savoir si je suis coupable de l'esprit de Babylone. Si quelqu'un marche dans sa voie, il participe à son péché. Et qui s'oppose à la vérité autant que ceux qui la corrompent? Qui hait autant que ceux qui sont condamnés d'eux- mêmes.

Il y a maintenant une grande oeuvre en train, non-seulement pour dissoudre et détruire ce qui est ancien, mais pour unir et amalgamer en vue de diverses fins; et ainsi que cela s'est vu dans la Babylone du commencement (Gen. XI), cette oeuvre sera trouvée, dans le cours des temps, servir le dessein de cette grande cité avant que le Seigneur Dieu la juge pour toujours.

Je crois, sur le fondement de divers passages des Écritures, qu'il y aura un mélange étonnant du Christianisme avec le Judaïsme: et ce dernier, jugé par la nouvelle et pleine révélation qui est donnée de Christ dans le Nouveau Testament, ne vaut pas mieux que le paganisme (Gal. IV).
Nous savons avec quelle tendresse le Saint-Esprit supportait la faiblesse, les scrupules, l'attachement aux anciennes habitudes religieuses chez des Chrétiens qui avaient été Juifs auparavant (Rom. XIV); mais il en était bien différemment quand des docteurs cherchaient à imposer des ordonnances juives aux convertis d'entre les Gentils.
Le même Esprit traitait un rite emprunté par les Gentils aux Juifs, comme étant en principe la même chose que l'ancienne idolâtrie païenne. «Mais maintenant, ayant connu Dieu, ou plutôt ayant été connus de Dieu, comment retournez-vous de nouveau aux faibles et misérables éléments auxquels vous voulez encore derechef être asservis? Vous observez des jours, et des mois, et des temps et des années.»

Le papisme est aujourd'hui la plus saillante et la plus haïssable illustration de cet amalgame; mais des abominations plus grandes apparaîtront encore. Le Sacrementalisme et le Rationalisme, dans ces pays protestants comme dans d'autres, se provoquent l'un l'autre à des excès sans exemple. De plus, où vit-on jamais une pareille indifférence publique, recherchant du loisir pour le commerce au-dehors et le développement social au-dedans? On en verra le résultat dans les dernières phases de Babylone et de la Bête.

Dans le tableau qui est devant nous, nous avons les lamentations des rois, des marchands  et de tous ceux qui avaient eu affaire avec le trafic impur de Babylone. Le ciel, et spécialement les saints (car c'est ainsi qu'on devrait lire), et les apôtres et les prophètes sont appelés à se réjouir du jugement de Dieu. «Dieu a vengé votre sang», ou, littéralement, jugé votre jugement, «sur elle». Dans l'acte et la parole de l'ange puissant, qui termine le chapitre (vers. 21, etc.), ce n'est pas seulement la violence et la totalité de sa ruine qui sont présentées, mais la raison de cette ruine par rapport aux nations: - «car par tes breuvages empoisonnés, toutes les nations ont été séduites.» Le dernier verset ajoute une autre et terrible chose - Babylone ayant hérité du sang que la coupable Jérusalem a répandu. «Et en elle a été trouvé le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre.»

Plaise au Seigneur qu'au lieu de regarder seulement le dehors et de nous occuper à condamner les autres, nous prenions grand soin de préserver nos propres âmes des souillures de Babylone! Puissent nos affections rester vraies envers Lui, qui seul peut réellement nous garder des séductions de l'ennemi! Nous sommes fiancés à Christ.comme une vierge chaste. «Petits enfants, gardez-vous des idoles!»


(1) Les efforts faits par le célèbre et subtil Bossuet pour détourner de la Rome Christianisée ou papale l'application de Babylone telle qu'elle est décrite en Apoc. XVII et XVIII, ne sont pas seulement faibles; mais, dûment passées au crible, ils font ressortir la vérité avec plus d'évidence encore.
Son argument est celui-ci: que l'Église étant mariée à Christ, l'Église coupable serait une adultère plutôt qu'une prostituée. A quoi nous répondons que le mot fornication n'est pas seulement un terme générique, ainsi que chacun put le voir tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament, mais que, si même on en fait la plus rigoureuse application, le terme «prostituée» décrit le plus exactement le péché actuel, parce que l'Église est maintenant fiancée à Christ, et non pas mariée. Selon l'Apocalypse, le mariage n'est consommé qu'après le jugement final de Babylone, au chap. XIX.

(2) Babylone n'est pas seulement «la grande prostituée». mais «la mère des prostituées et des abominations de la terre». Il y a en religion plusieurs sortes de corruption, parentes par nature, bien que Rome soit prééminente, «la mère et maîtresse» des autres, ainsi qu'elle le prétend. 

(3) II suit de là qu'il n'est pas besoin d'adopter l'idée bizarre de Vitringa, d'après laquelle le verset 6 serait adressé aux rois, ni de détruire la distinctive vocation pratique de l'Église en supposant qu'elle est le vengeur des fautes de Babylone. La justice rétributive de Dieu adressera d'une manière mieux appropriée Son appel à son peuple, les Juifs, qui sont destinés à être les témoins de son gouvernement en justice ici-bas.
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