Une remarque
préliminaire que je désire
présenter, c'est que ce chapitre nous
fournit occasionnellement une preuve que les
trompettes ne coïncident pas avec les sceaux.
C'est dans une grande parenthèse
(Apoc.VII)
à la suite du sixième sceau, que nous
avons vu sceller les serviteurs de Dieu, tandis
qu'il est fait allusion à cet acte, non pas
après mais avant la sixième
trompette. Il ne pourrait en être ainsi s'il
y avait parallélisme entre les deux
séries de jugements.
La conséquence naturelle, et, je crois,
véritable, qui en découle, c'est que
les sceaux avaient terminé leur cours avant
que les trompettes eussent commencé le leur,
de sorte que lorsque la cinquième trompette
donne le signal du premier «malheur,» les
hommes de la terre en ressentent le tourment
prédit, ceux qui avaient été
scellés étant simplement l'objet
d'une allusion comme à des personnes qui se
trouvent au milieu de la scène où
sévit le fléau, mais qui en sont
préservées.
Comment pourrait-il y avoir ordre de ne nuire
qu'aux hommes qui n'avaient pas le sceau de Dieu,
si le sceau n'avait pas encore été
empreint? Et s'il l'avait
été déjà, il ne saurait
exister de parallélisme respectivement entre
les sceaux et les trompettes, et ces deux
séries de faits ne sauraient pas non plus se
rapporter à la même
époque.
Elles se suivent, et ne marchent pas de pair; et
comme nous l'avons vu le dernier sceau n'est que le
prélude du silence qui se fait dans le ciel
immédiatement avant que commence la nouvelle
série des jugements divins. Comment cela
pourrait-il se faire, si elles devaient s'accomplir
simultanément, et côte à
côte pour ainsi dire. Car si les premiers
sceaux se suivent incontestablement dans un ordre
régulier, le septième doit être
le dernier dans l'accomplissement aussi bien que
dans la vision; mais au lieu de figurer, comme les
sceaux précédents, un pas nouveau
dans l'action de Dieu en providence, le
septième ne consiste qu'en une courte pause
qui a lieu dans le ciel et qui introduit une autre
classe, d'une nature plus sévère, des
jugements décrétés.
Nous en venons maintenant à la
cinquième et à la sixième de
ces trompettes, c'est-à-dire aux deux
premières de malheur auxquelles le chap.
IX
est
consacré.
«Et le cinquième ange sonna de la
trompette; et je vis une étoile
tombée du ciel sur la terre, et la clef du
puits de l'abyme lui fut donnée. Et il
ouvrit le puits de l'abyme; et une fumée
monta du puits, comme la fumée d'une grande
fournaise, et le soleil et l'air
furent obscurcis par la fumée du puits. Et
de la fumée il sortit des sauterelles sur la
terre, et il leur fut donné un pouvoir
semblable au pouvoir qu'ont les scorpions de la
terre. Et il leur fut dit qu'elles ne nuisissent ni
à l'herbe de la terre, ni à aucune
verdure, ni à aucun arbre, mais aux hommes
qui n'ont pas le sceau de Dieu sur leurs fronts,
(vers.
1-4).
L'étoile tombée du ciel sur la terre
est un dignitaire en état d'apostasie; car
c'est bien un personnage réel que ce symbole
désigne comme le font voir les paroles
suivantes: «et la clef du puits de l'abyme lui
fut donnée.»
L'allusion à Ésaïe
XIV,
12, où le roi
de Babylone se voit l'objet de cette mordante
apostrophe «Comment es-tu tombée des
cieux, étoile du matin, fille de l'aube du
jour!... Et cependant on t'a fait descendre au
sépulcre, au fond de la fosse»,
paraît évidente. Ici ce n'est pas sa
sentence comme en Ésaïe, mais
l'autorité qu'il lui est permis d'exercer
sur l'abyme, terme qui exprime la source du mal et
de la misère d'un caractère
satanique.
«Il ouvrit le puits de l'abyme, et une
fumée monta du puits comme la fumée
d'une grande fournaise,» &emdash; symbole
d'une énergie d'erreur qui obscurcit
l'esprit de l'homme.
«Le soleil et l'air furent obscurcis par la
fumée du puits.» L'autorité
suprême et toutes les influences sociales
saines se ressentent au plus
haut degré de sa ténébreuse
efficace. Et ses effets ne se bornent pas
là.
«De la fumée il sortit des
sauterelles» figure d'actifs instruments de
rapine, et qui sont revêtus d'un singulier
pouvoir de causer du tourment «semblable au
pouvoir qu'ont les scorpions de la terre.»
L'ordre qui leur est donné montre
très clairement, à mon avis, l'erreur
de ceux qui prennent ces sauterelles dans le sens
littéral. Elles ne devaient pas nuire
à l'herbe de la terre, etc.,
c'est-à-dire, à ce qui est leur
nourriture naturelle, s'il s'agit de sauterelles
véritables. Les hommes
devaient être le point de mire de ces
pillards symboliques &emdash; les hommes, à
l'exception de ceux qui étaient
marqués du sceau de Dieu. Et encore ces
maraudeurs devaient-ils, non pas les tuer, mais les
tourmenter durant cinq mois (vers.
5).
«Et leur tourment est comme le tourment du
scorpion quand il frappe l'homme. Et en ces
jours-là les hommes chercheront la mort, et
ils ne la trouveront point, et ils
désireront de mourir et la mort s'enfuira
d'eux» (vers.
6).
Rien sur la terre ne saurait dépasser
l'angoisse de conscience qui déchirera leurs
victimes: et la peinture qui nous est faite de leur
misérable état est plus forte encore
que celle que Jérémie trace
(chap.
VIII,
3) de
l'état de
désolation et de dispersion des Juifs, dans
tous les lieux où le Seigneur les avait
chassés dans son amer
déplaisir.
Mais il est ajouté une autre
description.
«Et la ressemblance des sauterelles
était semblable à des chevaux
préparés pour le combat, et sur leurs
têtes il y avait comme des couronnes
semblables à de l'or, et leurs faces
étaient comme des faces d'hommes. Et elles
avaient des cheveux comme des cheveux de femmes, et
leurs dents étaient comme des dents de
lions; et elles avaient des cuirasses comme des
cuirasses de fer, et le bruit de leurs ailes
était comme le bruit de chariots à
plusieurs chevaux courant au combat; et elles ont
des queues semblables à des scorpions et il
y avait des aiguillons dans leurs queues; et leur
pouvoir était de nuire aux hommes cinq mois.
Elles ont sur elles un roi, l'ange de l'abyme, dont
le nom est en Hébreu, Abaddon; et en Grec,
Apollyon» (vers.
7-11).
Ce n'étaient pas simplement des pillards,
mais il y avait en elles une énergie
belliqueuse et elles réclamaient pour leur
carrière victorieuse la juste sanction de
Dieu, dont elles portaient extérieurement la
ressemblance et la gloire, tandis qu'en
réalité elles étaient
complètement assujetties à l'homme et
aussi à Satan. La férocité
leur est propre, et leurs coeurs sont endurcis
contre tout sentiment de pitié dans leur
rapide carrière. Mais leur pouvoir le plus
funeste se trouvait dans le venin de mensonge qui
les suivait. C'était l'efficace d'une fausse
doctrine, représentée par l'aiguillon
de la queue d'un scorpion. Et
comme nous le savons par un autre passage «le
prophète enseignant mensonge, c'est la
queue. (Ésaïe.
9,
15)»
Enfin, leur roi est l'ange de l'abîme, le
même peut-être, que l'étoile
tombée qui avait la clef du puits. Dans ce
cas, c'est un destructeur au caractère
satanique, quoique non pas Satan en personne.
C'est dans ce monde actuel que le diable est ainsi
exalté, il est son prince; mais il est aussi
le prince de l'autorité de l'air et le dieu
de ce siècle. Dans l'abîme il sera
lié comme un prisonnier pour une longue
durée; et dans l'enfer, il sera
tourmenté à toujours, l'objet le plus
misérable qui s'y trouvera, et nullement
l'ange ou le roi de personne. Ce sont là des
rêves de poètes; mais
l'Écriture ne parle pas
ainsi.
«Et le sixième ange sonna de la
trompette et j'entendis une voix sortant des quatre
cornes de l'autel d'or qui était devant
Dieu, laquelle dit au sixième ange qui avait
la trompette: Délie les quatre anges qui
sont liés sur le grand fleuve Euphrate. Et
les quatre anges qui étaient
préparés pour l'heure, le jour, le
mois et l'année, furent déliés
afin de tuer la troisième partie des hommes.
Et le nombre des armées à cheval
était de deux myriades de myriades: j'en
entendis le nombre. Et je vis aussi les chevaux
dans la vision, et ceux qui étaient
montés dessus, ayant des cuirasses de feu,
et d'hyacinthe, et de soufre; et
les têtes des chevaux étaient comme
des têtes de lions, et de leur bouche
sortaient du feu, de la fumée et du soufre.
Et la troisième partie des hommes fut
tuée par ces trois fléaux, par le
feu, la fumée et le soufre qui sortaient de
leur bouche. Car le pouvoir des chevaux est dans
leur bouche et dans leurs queues; et leurs queues
sont semblables à des serpents; et elles
avaient des têtes, et par elles ils nuisent.
Et, le reste des hommes qui n'avaient point
été tués par ces plaies, ne se
repentit pas non plus des oeuvres de leurs mains
pour ne pas adorer les démons, et les idoles
d'or, et d'argent, et d'airain, et de pierre et de
bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni
marcher, et ils ne se repentirent pas de leurs
meurtres, ni de leurs empoisonnements, ni de leur
fornication, ni de leurs larcins.»
(vers.
13-21).
C'est la voix du Seigneur, sans aucun doute, qui se
fait entendre d'entre les cornes de l'autel d'or.
Mais quel son solennel, et par dessus tout, par le
lieu d'où il retentit! car d'ordinaire cet
autel est le témoin spécial de
l'intercession toujours efficace de Christ. C'est
de là que le parfum montait devant Dieu.
Lorsqu'un individu avait péché, que
ce fût un des principaux ou quelque personne
du commun peuple, le sang de l'offrande pour le
péché était mis simplement sur
les cornes de l'autel d'airain. Mais lorsque la
congrégation était
coupable, le sacrificateur avait ordre de mettre du
sang de la victime sur les cornes de l'autel d'or;
car la communion du peuple, considéré
comme un tout, était interrompue et avait
besoin d'être rétablie.
Combien est différent ce que nous trouvons
ici! Une voix sortant des quatre cornes de l'autel
d'or, commande à l'ange de là
sixième trompette de délier les
quatre anges qui, jusqu'à ce moment,
étaient liés près de
l'Euphrate. Ils avaient été
préparés là pour l'heure, le
jour, le mois et l'année afin de tuer la
troisième partie des hommes. Ils avaient
été préparés, non pas
durant ce temps, beaucoup moins après qu'il
eût expiré, mais en vue de lui:
lorsque cette heure, et ce jour, et ce mois, et
cette année arrivèrent, ou
plutôt, quand ils furent venus à leur
terme, ces anges étaient prêts pour
l'oeuvre de carnage qui leur était
assignée.
Et cependant si c'est une chose terrible d'entendre
un tel signal sortir de l'autel d'or, qu'il est
consolant de penser que, dans le jugement, tout est
ainsi minutieusement arrangé et
préordonné par le Seigneur! C'est Lui
qui le premier donne l'ordre, et qui le donne
à l'ange saint; ensuite l'ange délie
les quatre qui sont liés sur l'Euphrate. Le
mauvais ange ne peut agir qu'au moment et dans la
mesure où le bon le lui permet, et les anges
saints, quelqu'excellents en force qu'ils puissent
être, ne font
qu'exécuter les commandements du Seigneur,
obéissant à la voix de sa parole.
C'est une étrange idée que celle qui
voudrait identifier les quatre anges que nous avons
ici avec ceux qui retenaient les vents au chap.
VII, puisqu'il s'agit d'un contraste, non d'une
ressemblance. Ici ils ne retiennent pas, mais sont
retenus, ce qui n'est dit nulle part des saints
anges. Là ils se tiennent aux quatre coins
de la terre aussi séparés les uns des
autres que possible; ici ils sont tous liés
dans le même
lieu.
Quant à la nature même du second
malheur, il n'est pas destiné comme le
premier à tourmenter les hommes, mais
à les tuer. Ce n'est pas que
l'élément de la prophétie de
mensonge ne se trouvât pas dans celui-ci
aussi bien que dans celui-là, «car le
pouvoir des chevaux,» est-il dit, «est
dans leur bouche et dans leurs queues; et leurs
queues sont semblables à des serpents, et
elles avaient des têtes et par elles ils
nuisent:» C'est-à-dire, par l'erreur
pleine de venin qu'elles propagent et laissent
derrière elles, et cela d'après un
plan plus méthodique que dans le malheur
figuré par les sauterelles, celles-ci ayant
des queues semblables à des scorpions et des
aiguillons, tandis que les queues des chevaux sont
semblables à des serpents et ont des
têtes.
Mais le pouvoir des chevaux était aussi dans
leur bouche. «Et je vis aussi les
chevaux dans la vision, et ceux
qui étaient montés dessus ayant des
cuirasses de feu, et d'hyacinthe et de soufre; et
les têtes des chevaux étaient comme
des têtes de lions, et de leur bouche
sortaient du feu, et de la fumée et du
soufre.
C'est la puissance judiciaire de Satan, dans la
mesure que Dieu la permet. En outre, il y a une
énergie guerrière, et une
activité de combats et de destruction qui
dépassent de beaucoup ce que le malheur
précédent renferme en ce genre.
Celui-là était d'une nature
spirituelle &emdash; dans le sens du mal, cela va
sans dire; celui-ci est d'un caractère plus
séculier, quoiqu'il traîne à sa
suite les ravages provenant des mensonges de
l'ennemi. Il semble aussi plus varié dans sa
nature, surtout que nous pouvons en juger par ceux
qui en sont les principaux agents; car il n'y en
avait qu'un en tête de l'autre, et il y en a
quatre dans
celui-ci.
«Et le reste des hommes qui n'avaient point
été tués par ces plaies ne se
repentit pas» etc.
Leçon humiliante et qu'il est bien de ne pas
oublier! Dieu a envoyé jugement sur
jugement, d'abord sur les circonstances des hommes,
et ensuite sur les hommes eux-mêmes, et dans
ce dernier cas, tourment, puis enfin la mort: mais
c'est en vain. L'homme est tel qu'après tout
cela il ne se repent point de ses iniquités,
qu'elles soient commises dans le domaine religieux
ou dans le domaine
moral.
Le lecteur s'apercevra que je ne cherche simplement
qu'à présenter le trait principal de
chaque malheur, selon que j'en suis capable, de
manière à aider, en quelque mesure,
les âmes à comprendre la
prophétie. Ceci, qu'il s'en souvienne, est
une chose très différente de
l'application d'une prophétie. La question
des personnes, des lieux, ou des temps auxquels il
est fait allusion, peut être
profondément intéressante, mais elle
est subordonnée à l'intelligence du
livre.
Pour ma part, je ne doute pas que l'application,que
l'on
fait d'ordinaire des sauterelles aux
Sarrasins, et des cavaliers de l'Euphrate aux
Turcs,ne soit bien fondée. Mais nous avons
vu maintes fois que l'accomplissement de
l'Apocalypse ne saurait proprement avoir lieu avant
que les saints célestes soient
enlevés au ciel, et que le peuple terrestre
soit une fois de plus l'objet des voies de Dieu sur
la terre et dans son propre pays, quoique nullement
à l'exclusion du témoignage divin et
de son efficace bénie parmi les Gentils.
Conformément à ce dernier
accomplissement, l'accomplissement final, le second
malheur serait accompli, je suppose, dans les
premiers ravages des armées du Nord-Est (de
l'Assyrien), comme le premier le serait par
l'action séductrice de l'Antichrist dans la
Palestine. Je pense que lorsque la prophétie
sera réaliséedans
toute sa précision, la scène sur
laquelle ces mystérieuses sauterelles
doivent exercer leur amer mais passager tourment,
sera le pays où les Juifs seront
réunis en ce temps- là, mais, pour ce
qui est de la masse, dans
l'incrédulité. C'est naturellement
à eux et très probablement à
leur pays,que se rapporte ce qui est dit de ceux
qui ne sont pas scellés. Car on remarquera
que sous cette trompette-ci il n'est pas fait
mention de «troisième partie» pour
donner à entendre quelle sera la direction
du malheur, ni de quelque autre chose que je sache
sauf que les scellés en sont garantis: le
reste des Juifs était encore dans
l'aveuglement judiciel, et est l'objet implicite de
ce jugement.
Si ce sont les mouvements préliminaires de
ces deux pouvoirs que ce chapitre nous
présente, chacun d'eux est aussi
décidément opposé à
l'autre qu'ils le sont tous deux au Seigneur
Jésus: ils doivent être successivement
jugés et détruits quand Il arrive
avec puissance et avec gloire. Il est
intéressant d'observer que le même chap.
XIV
d'Ésaïe
auquel je me suis référé dans
l'explication de l'étoile tombée du
ciel, (c'est-à-dire du principal personnage
dans le premier malheur) traite aussi de l'ennemi
Assyrien que je juge être le parfait
accomplissement de ceux qui figurent sous le second
malheur. «L'Éternel des armées a
juré en disant: S'il n'est fait ainsi que je
l'ai pensé, même comme je
l'ai arrêté dans
mon conseil, il tiendra; c'est que je froisserai le
roi d'Assyrie dans ma terre, je le foulerai sur mes
montagnes; et son joug sera ôté de
dessus eux, et son fardeau sera ôté de
dessus leurs épaules. C'est là le
conseil qui a été arrêté
contre toute la terre, et c'est là la main
étendue sur toutes les nations. Car
l'Éternel des armées l'a
arrêté dans son conseil; et qui
l'empêcherait? et sa main est étendue
et qui la détournerait?» (Vers.
24-27).
La différence est qu'Esaïe nous donne
la fin de la carrière de cet ennemi pour la
délivrance d'Israël, tandis que St-Jean
nous en montre plutôt le commencement et le
cours comme un fléau sur le Judaïsme et
la chrétienté, l'un et l'autre en
apostasie. Ce serait une erreur que de limiter
Ésaïe à l'histoire du
passé, ou de voir dans le passé plus
qu'un type de l'avenir, quelque important qu'il ait
été en son jour.
En effet, dans l'histoire, l'Assyrien tomba le
premier et Babylone ne subit sa sentence que
longtemps après. Dans la prophétie,
au contraire, c'est le dernier représentant
de Babylone (c'est-à-dire, la Bête de
la crise) qui est détruit le premier, et
puis celui qui répond à l'Assyrien,
le grand chef des nations, viendra à sa
fin et personne ne lui donnera du secours. C'est
ainsi qu'il est écrit en Ésaïe
X,
12: «Mais il
arrivera que quand le
Seigneur aura achevé toute son oeuvre dans
la montagne de Sion et à Jérusalem,
j'examinerai le fruit de la grandeur du coeur du
roi d'Assyrie et la gloire de la fierté de
ses yeux,» etc.
Notre chapitre de l'Apocalypse nous donne un
aperçu des commencements de la
carrière politique de l'Assyrien, sinon de
l'Antichrist, ou de leurs entreprises
respectives.
Dans le système de l'application de ces
visions à l'histoire d'une manière
plus vague et dans une période
prolongée, application que je conçois
être entrée dans le plan divin les
concernant, on peut demander comment ce chapitre
doit être compris. J'ai déjà
fait voir brièvement comment les
premières trompettes nous amenaient
jusqu'à l'extinction de l'empire romain en
Occident.
Poursuivant la même ligne de pensées,
la cinquième trompette porte d'une
manière distincte sur les malheurs dont les
Sarrasins furent les instruments, comme la
sixième est relative à la furieuse
attaque des Turcs. Par suite, on admet volontiers
que l'étoile tombée du ciel a trait
d'une manière générale
à Mahomet qui fut l'instrument de Satan pour
ouvrir sur le monde la porte aux séductions
de l'abyme avec tous leurs effets
ténébreux. La description que fait
St-Jean convient certainement dans plusieurs de ses
principaux traits, non pas au développement
graduel du mal au sein de la
chrétienté sous le double rapport de
la doctrine et des moeurs, mais
à cette armée de
pillards qui, embrassant avec ardeur le symbole
inspiré par l'enfer du faux prophète
arabe, s'élança dans son ambitieuse
et fanatique carrière.
Je ne puis accepter toutefois sans en beaucoup
rabattre, la signification que l'on a
donnée, en fait de lieux et de nations, aux
sauterelles et aux scorpions, aux lions et aux
chevaux, aux faces d'hommes, aux cheveux de femmes,
et aux cuirasses de fer. Il est évident, par
exemple, que la nation dont la rapide et
dévastatrice incursion en Palestine est
décrite en Joël
II (prototype
des sauterelles de
l'Apocalypse) n'a rien à faire avec les
Sarrasins ou l'Arabie, mais est plutôt
l'armée du Nord, «l'Assyrien»,
dont les prophètes juifs parlent si souvent.
Comparez aussi Nahum
III,
17, qui
confirme cette
pensée.
Un raisonnement parfaitement semblable s'applique
à l'usage que font les Écritures du
terme «scorpions,» comme en Ezéch.
II,
6, où il est
employé dans
le sens figuré de même qu'ici, mais
sans avoir trait le moins du monde aux voleurs du
désert. Pour ce qui est «des
chevaux,» la vision des guerriers de
l'Euphrate qui suit immédiatement,
réfute l'idée qu'il faut y voir une
allusion géographique; car les Turcs
appartiennent à une race tout à fait
distincte et sont sortis d'une contrée
différente; et cependant les chevaux
occupent ici une place aussi proéminente que
dans la vision de leurs
devanciers (1).
Puis, dans l'une nous trouvons les têtes,
dans l'autre les dents de «lions.» Aussi,
tout cela réfute-t-il l'idée que ces
symboles soient d'un usage exclusivement distinct,
pour ne pas parler des applications
différentes qu'en font d'autres passages. La
vérité est, que le Saint-Esprit trace
un tableau symbolique juste et complet, et ne
s'astreint en aucune manière aux animaux,
etc., particuliers au
pays.
Selon moi c'est une intention morale, et non pas
géographique, qu'il faut voir dans ces
visions, et la manière dont tant
d'écrivains les expliquent fait perdre
à l'Écriture de sa force
réelle en occupant l'esprit de choses qui,
dans l'ordre naturel, peuvent être vraies en
partie, mais qui ne sont pas je crois, ce que le
Saint-Esprit a en vue. Aussi ne semble-t-il pas
presque un jeu de voir dans les faces d'hommes, les
cheveux de femme, et les couronnes semblables
à de l'or, une allusion à la barbe ou
à la moustache, en compagnie d'une chevelure
littéralement flottante, surmontée
d'un turban? Tandis que si l'on prend ces choses
comme des emblèmes du caractère moral
des personnes dont il s'agit, la dignité de
la paroledivine est maintenue et
sentie. Les sauterelles désignent
naturellement des multitudes innombrables,
exerçant leurs ravages dans des limites
déterminées, mais plus remarquables
encore par les tourments que cause l'aiguillon
d'une fausse doctrine.
Ceux qui n'avaient pas le sceau de Dieu, les hommes
de la terre, furent les victimes du fléau,
mais il avait pour but la propagation d'une
doctrine par des conquêtes: non pas
l'extinction de la prospérité, mais
plutôt son maintien aux dépens de la
vérité, et cela pendant une
période déterminée.
La circonstance qu'elles ressemblaient à des
chevaux préparés pour le combat,
exprime leur attitude agressive, et leurs couronnes
semblables à de l'or semblent donner
à entendre la foi dont elles se vantaient en
leur mission divine de justice et de victoire.
Leurs faces d'hommes, mais avec des cheveux de
femmes, peuvent signifier que, nonobstant toute
leur prétention d'agir avec autorité
au nom de Dieu, elles n'en étaient pas moins
assujetties à une autorité purement
humaine, et non pas à Dieu après
tout.
Dans leurs cuirasses de fer, leurs dents de lion,
le bruit de leurs ailes, je vois des figures de
l'inébranlable courage de leur fanatisme, de
leur plus forte armure, et des féroces
déprédations qui accompagnaient leur
expédition d'une rapidité
merveilleuse.
Le nom hébreu de leur roi confirme, à
mon avis, la pensée qu'il
s'agit là pleinement d'une
dévastation spéciale des Juifs, comme
aussi son nom grec peut impliquer un rapport avec
l'empire d'Orient.
J'ai fait ainsi ressortir la signification
spirituelle des émissaires du premier
malheur, en exposant surtout ce que l'on pouvait
supposer préfigurer l'accomplissement qu'il
a eu dans le passé, et selon lequel les cinq
mois doivent naturellement être pris comme
des mois d'années.
Mais je proteste contre l'arbitraire qu'il y a
à interpréter une partie du
récit dans le sens littéral, et
l'autre dans le sens figuré.
Si nous l'examinons attentivement, je le
répète, tout ce que l'on peut
admettre, c'est qu'il y a eu un commencement
d'accomplissement partiel. Il est manifeste, en
effet, que le prophète de La Mecque
ressemblait davantage à un astre qui se
lève, qu'à un dignitaire
tombé; Mède, avec les anciens auteurs
en général, y voient Satan, comme
d'autres le Pape, etc.
De plus, l'ordre de ne pas tuer est très
difficile à concilier avec la politique
exterminatrice des expéditions des
Sarrasins; et quelques auteurs fort estimés
ont doublé le terme de 150 ans, à
cause qu'il est mentionné deux fois (mais
comp. Apoc.
XX)
en vue d'obtenir une solution plus plausible. Mais,
ainsi que d'autres l'ont montré
suffisamment, cette conséquence peu probable
que l'on tire de la double mention des cinq mois a
elle-même, ses difficultés.
Pour ce qui concerne le second malheur, la
première difficulté qui se
présente dans le système de
l'application de l'Apocalypse à une longue
période, consiste dans le sens à
donner aux quatre anges qui étaient
liés sur l'Euphrate. La plupart des
écrivains protestants l'appliquent à
quatre puissances musulmanes successives ou
contemporaines. Mais, dit M. Elliot (Horae A. 1. pp
461, 462), «à l'examen, toutes ces
interprétations sont trouvées
inadmissibles. Comme c'est par un
seul et même acte que dans la vision
les quatre anges sont déliés et
reçoivent leur commission, de même les
agents dont ils sont les symboles doivent
nécessairement avoir été
déliés et chargés de leur
mission dans un
seul et même temps:
considération qui à elle seule semble
exclure toute succession dans les agents de
destruction, telle que celle que Vitringa, et
Woodhouse après lui, ont mise en avant dans
leur explication.
Et pour ce qui est des dynasties turques
contemporaines, que nous nous reportions à
la liste donnée par Mède et par
Newton après lui, ou à celle de Faber
et de Keith, d'après Mills et Gibbon, on ne
saurait en montrer quatre qui aient agi de concert
dans la destruction de l'empire grec, qui fussent
toutes établies sur l'Euphrate, qui
existassent au temps que l'on assigne à
l'ordre donné aux quatre anges, &emdash; ou
qui aient continué d'exister jusqu'au
moment ou l'ordre donné
fut accompli dans la destruction de l'empire
grec.
En un mot, l'incompatibilité avec les faits
de l'histoire de toutes les tentatives de solution,
a été jusqu'ici, dans la
pensée des interprètes de la
prophétie les plus attentifs et les plus
savants, comme une meule de moulin, pour ainsi
dire, au cou de toute la théorie qui
applique cette vision aux Turcs.»
Voilà, du moins, un aveu plein de candeur,
surtout si nous considérons qu'il s'agit
d'une prophétie à l'égard de
laquelle on s'est généralement
accordé plus que pour aucune peut-être
de l'Apocalypse. Mais quelle est la vue que l'on
suggère et qui doit laisser intacte
l'application générale? La ressource d'intelligences
angéliques
surhumaines dirigeant
l'action subordonnée des hommes, et cela
sans rapport avec le nombre des instruments
terrestres employés. De fait, M. Elliot,
identifie ces anges de l'Euphrate avec les anges
introduits en parenthèse dans le
sixième sceau (chap.
VII), et
raisonne d'après la
supposition que les jugements des
précédentes trompettes étaient
les résultats probables de leur action. Mais
cela, évidemment, n'est pas en harmonie avec
le système qui ne veut pas voir un ange,
mais Mahomet, dans l'étoile qui tombe du
ciel sous le premier malheur: l'harmonie exigerait,
ce semble, que si l'ange de l'abîme dans la
trompette précédente
représente un homme, ces
quatre-ci doivent représenter des chefs
semblables.
Ces anges sont certainement en contraste avec les
anges dont l'office était plutôt de
retenir les vents que d'exciter leur souffle
dévastateur. Toutes les circonstances
secondaires confirment l'idée qu'ils sont
distincts les uns des autres.
Puis, l'usage que l'on fait du feu, de la
fumée, et du soufre qui sortaient de la
bouche des chevaux, comme s'ils
préfiguraient l'artillerie turque; des
cuirasses de feu, d'hyacinthe et de soufre, comme
si c'était une allusion aux vêtements
de guerre, de couleur écarlate, bleue et
jaune, des Ottomans; et des queues de chevaux
semblables à des serpents ayant des
têtes, comme emblème des pachas
turcs, me paraît aussi incompatible avec les
autres parties de l'Apocalypse, que (le dirai-je)
grotesque en lui-même.
Je ne nie pas l'application des cavaliers et des
chevaux aux anciennes invasions des Turcs, en tant
que distincts de leurs prédécesseurs
Sarrasins, se vouant à leur oeuvre de
destruction dans l'empire d'Orient, romain ou grec,
d'une manière bien plus systématique,
et avec des résultats bien plus durables.
Dans leur terrible carrière, ils respiraient
dans une mesure qui n'était pas petite,
conjointement avec la vieille séduction
diabolique, un esprit infernal de jugement; et
telles qu'étaient leurs armes, telle
était leur armure. C'est sur cette puissance
particulièrementsatanique,
non pas semblable au scorpion maintenant, mais
semblable au serpent, que le Saint-Esprit attire
l'attention comme sur la grande source du mal.
L'action morale, l'action du faux prophète
est là, et elle est aussi revêtue
d'autorité, car les queues avaient des
têtes, et par elles elles nuisent. Dans toute
la sphère où il leur fut permis
d'agir, le résultat fut l'entière
abolition de la profession chrétienne,
pendant que le reste, hélas! ne prit pas
garde à l'avertissement. Mais tous ces
traits embrassent, d'après mon jugement, des
éléments encore plus terribles que
tout ce que l'on a vu encore sur la terre; de sorte
que tout me confirme dans la conviction que nous
devons attendre un autre et dernier accomplissement
de ces scènes symboliques, dans le dernier
fléau qui doit tomber sur la corruption et
l'idolâtrie de l'Orient.
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