Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VII

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Le lecteur attentif de l'Apocalypse aura remarqué que ce chapitre ne fait point partie à proprement parler du cours des événements; c'est-à-dire qu'il ne nous présente ni l'un des sceaux, ni l'une des trompettes, ni l'une des coupes. Les sceaux ne sont pas encore épuisés.
Nous en avons eu six au sixième chapitre, et nous en trouvons un septième au chapitre huit. Quel est donc le sens du chap. VII? Il constitue un intervalle - une espèce de parenthèse dans la suite de ces événements - qui se rencontre entre le sixième et le septième sceau, sous le sixième il survient une effroyable catastrophe parmi les rois et leurs sujets, les grands et les petits, qui appellent les montagnes et les rochers à tomber sur eux et à les cacher de devant la colère de l'Agneau. Dans leur pensée son jour était arrivé.

D'un autre côté, lorsqu'il ouvre le septième sceau (ch. VIII.), il se fait dans le ciel un silence d'environ une demi-heure: de sorte que l'ensemble du chap. VII ne constitue pas un chaînon dans la succession des événements qui se déroulent par anticipation sous les regards de saint Jean. Mais il n'y a pas moins d'ordre et de régularité dans cette interruption apparente du fil de l'histoire que dans la série formellement comptée des jugements, parce que tout ce que Dieu fait est parfait: tous les détails sont établis avec le plus grand soin et la plus grande précision.

Une considération qui confirme cela c'est que, lorsque nous arrivons aux sept trompettes, nous trouvons la sixième au chapitre IX, tandis que la septième n'apparaît qu'au chap. XI, vers. 15; de sorte que tout le chap. X et la plus grande partie du chap. XI. forment une grande parenthèse où des événements sont révélés, d'une manière tout à fait semblable à ce que nous avons ici.
Pour moi, c'est même plus remarquable encore dans les trompettes. Il est dit en effet au chap. IX, 12: «Le premier malheur est passé; voici, il arrive encore deux malheurs,» etc., et nous avons alors le sixième ange sonnant de la trompette et la description des cavaliers de l'Euphrate. Mais ce n'est qu'au chap. XI, 14, que nous lisons «le second malheur est passé,» paroles qui se rapportent évidemment aux cavaliers de l'Euphrate mentionnés auparavant dans le chap. IX. De sorte que tout ce qui est relatif à l'ange puissant, qui descend du ciel, au petit livre que le voyant devait prendre et dévorer, au temple et aux adorateurs qu'il devait mesurer, ainsi qu'à la cour et. à la cité abandonnées pendant quarante-deux mois, et aux deux témoins, à leur témoignage, à leur mort, à leur résurrection et à leur ascension, etc.; - tout cela fait partie de ce remarquable épisode.
Par conséquent, de même qu'il existe une parenthèse entre le sixième et le septième sceaux, il en existe une parfaitement correspondante entre la sixième et la septième trompettes; et de plus, les coupes nous présentent quelque chose de tout à fait analogue.

Si vous regardez à la sixième coupe (ch. XVI, 12.), vous verrez qu'il y a une interruption entre elle et la septième. Premièrement, l'eau du grand fleuve Euphrate tarit afin que la voie des rois qui viennent du soleil levant fût préparée. Et ensuite nous trouvons un sujet tout différent. «Je vis sortir de la bouche du dragon trois esprits immondes», etc. - «ce sont des esprits de démons;» et puis, quelque chose encore de différent de cela, «voici, je viens comme un larron. Bienheureux est celui qui veille,» etc. C'est là une courte mais remarquable parenthèse qui à la fois rend compte du mal et annonce la venue du Seigneur pour le juger. Je n'y fais allusion ici que pour faire voir qu'il n'y a rien dans la parole de Dieu, et particulièrement dans ce livre-ci, qui ne s'y trouve à dessein et avec une portée bien précise.

Si vous prenez l'Apocalypse, il se peut qu'à première vue elle ne vous semble qu'un labyrinthe embrouillé; mais elle n'est nullement cela, et une pareille impression ne provient que d'une précipitation ignorante, ou d'une incapacité de discernement. Le fait est qu'on apporte à l'étude du livre certains sentiments ou certaines vues, au lieu d'attendre dans le désir de savoir quelles sont les pensées de Dieu et ce qu'il dit dans ses pages. Mais nous prenons pour la parole de Dieu le terrain le plus élevé, et nous maintenons que ce n'est que par l'efficacité du Saint-Esprit que l'on peut comprendre quelque partie que ce soit de cette parole. Or, qu'il s'agisse de l'âme d'un homme, de son salut et de ses espérances, de sa marche pratique soit comme individu, soit comme faisant partie d'un corps, de ses voies dans l'Église ou dans le monde, de son besoin d'instruction touchant le culte et le service de Dieu, ou même touchant ses devoirs dans les diverses relations qu'il soutient sur la terre quelles qu'elles soient, il existe une lumière divine pour tous les pas du chemin, et la seule raison par laquelle nous ne la voyons pas tous, c'est parce que nous n'avons pas l'oeil simple que donne la foi. C'est la foi qui obtient la bénédiction, et je crois que de même que cette parole est toujours vraie: «.Qu'il te soit fait selon que tu as cru», il y a aussi aveuglement selon la mesure d'incrédulité. Le Seigneur accorde toujours la bénédiction sur laquelle la foi compte de sa part; l'incrédulité trouve inévitablement la stérilité qu'elle mérite.

Mais revenons à notre sujet. Longtemps j'avais été arrêté par la difficulté que présentaient le scellement d'un corps de juifs élus et la vision d'une innombrable foule de Gentils sauvés, lorsque leur bénédiction arrive seulement dans une portion plus avancée du livre. Mais du moment que j'ai appris que tout cela était une parenthèse et que l'époque où le résidu scellé d'Israël et les Gentils sauvés entrent réellement dans l'action et prennent leur place sur la scène, était une tout autre chose, cette difficulté a disparu.
Pendant que les jugements continuent, Dieu permet pour notre consolation que le rideau soit ôté, s'écarte un petit moment, et nous voyons qu'ils sont tous en sûreté sous ses yeux et prêts à être manifestés au temps convenable. Mais pour ce qui est de savoir quand ils viennent publiquement en vue, c'est une autre question.

Le chap. XIV fait mention d'un corps de 144,000 dont l'Agneau est le centre, et qui se tiennent avec Lui sur la montagne de Sion, ayant son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts. Ce corps est évidemment analogue à celui que nous avons ici, quoiqu'il ne soit pas le même; et peut-être pouvons-nous aussi comparer, mais non pas identifier, les «nations» dont il est parlé en Apoc. XXI, 24-26, avec la foule innombrable de Gentils que nous présente notre chapitre. Leur ressemblance avec les brebis de Math, XXV est plus frappante encore, parce que celles-ci ne sont pas simplement les Gentils bénis du jour millénial, mais ils avaient soutenu l'épreuve durant le douloureux intervalle qui l'avait précédé. Et remarquez que dans ce passage les brebis sont distinguées des frères du Roi dont la position est encore plus rapprochée de Lui-même - les saints Juifs auxquels, après l'enlèvement de l'Église au ciel, sera confié l'Évangile du royaume qui doit être prêché dans tout le monde comme un témoignage à toutes les nations avant que la fin arrive.

Ainsi, en Math. XXV, 31-46, les frères Israélites du Roi, immédiatement avant la fin, servent à éprouver les Gentils qui à son apparition sont mandés devant son trône et distingués les uns des autres comme bénis ou maudits, selon que la conduite qu'ils ont tenue en vers les messagers qui annonçaient l'approche du royaume, au temps de leur douloureux témoignage, a prouvé leur foi ou leur incrédulité.
Dans les jours de paix du Millénium il sera né des millions de Gentils pour lesquels sera fatale la mise en liberté de Satan hors de sa prison à son terme. Nous avons donc simplement dans ce chapitre deux scènes remarquables, rattachées l'une à l'autre par le sens qu'elles ont sinon quand à l'époque où elles ont lieu, en dehors de la marche régulière des choses.
L'Esprit de Dieu interrompt pour le moment la description qu'il faisait des jugements divins dans leur ordre historique, et nous montre que Dieu a en réserve de la miséricorde même dans le jour de détresse qui vient. Israël se trouvera dans des circonstances terribles: «Jérusalem recevra de la main de l'Éternel le double pour tous ses péchés.» Comme elle a été ardente dans sa haine contre le Seigneur, ainsi entend-il que sa colère soit doublement répandue sur la ville coupable.

Nous avons vu passer sous nos yeux les jugements qui commencent d'abord par des événements comparativement ordinaires, tels que l'apparition d'un grand conquérant, des meurtres sur une grande échelle, la famine, les plaies mortelles de Dieu (la mort ayant trait au corps et le hadès à l'âme); puis un éclat impitoyable de persécution contre le peuple de Dieu; ensuite une effroyable convulsion universelle embrassant le ciel, la terre et la mer, sujet de la plus vive alarme et de la plus grande épouvante parmi les hommes qui pensent que le jour de la colère de l'Agneau est venu. Mais ce jour n'était pas encore venu en ce moment. Lorsqu'il sera arrivé, le Seigneur exécutera en personne le jugement sur les morts et sur les vivants. Mais ici c'est une terreur panique qui s'empare des hommes et leur fait redouter le jour du jugement. Et les rois de la terre et les grands, et les chiliarques, et les riches, et les forts, et tout esclave et tout homme libre, furent dans la dernière consternation.

Mais ici le Seigneur s'arrête, et nous prend à part pour un temps, afin de nous montrer ce que sa miséricorde va faire. «Et après ces choses je vis quatre anges..... retenant les quatre vents de la terre.»
Pour le moment un frein est mis à leur impétuosité. «Et je vis un autre ange montant du soleil levant, ayant le sceau du Dieu vivant; et il cria à haute voix aux quatre anges, auxquels il avait été donné de nuire à la terre et à la mer, disant: Ne nuisez pas à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu'à ce que nous ayons scellé les esclaves de notre Dieu sur leurs fronts» (Vers. 2, 3.)

Quelques-uns se sont imaginé que l'ange qui a le sceau est Christ, en partie parce qu'on prétend que l'oeuvre dont il s'agit consiste dans la communication du Saint-Esprit, sceau de la rédemption. Pour moi tout cela est plus que douteux. Le Seigneur ne prend jamais la forme et le titre d'un ange, que lorsque nous arrivons à la série des trompettes. Que nous regardions aux sceaux, ou à la parenthèse qui se trouve entre les deux derniers, Il est invariablement comme l'Agneau partout où il est question certainement de Lui.
Ensuite, cet ange monte du soleil levant. Je puis sans difficulté appliquer un tel mouvement aux anges assujettis au Fils de l'homme, qui montent et qui descendent pour faire son bon plaisir: mais lorsque le Seigneur apparaît sous la forme angélique, ou bien c'est dans son service de Souverain-sacrificateur avec l'encensoir d'or, ou Il descend en proclamant son empire et avec des signes de sa puissance tels qu'il n'est pas possible de s'y méprendre. Dans la scène décrite ici, il n'est rien dit qui révèle sans équivoque sa gloire propre.
On a beaucoup insisté sur la phrase «jusqu'à ce que nous ayons scellé,» comme si elle renfermait une allusion à la pluralité des personnes dans la Divinité, ainsi qu'en Gen. I, 26. Je suis surpris qu'on n'ait pas observé que le reste de la phrase était incompatible avec un sens pareil.
Le Père, le Fils et le Saint-Esprit (car tel dans ce cas serait le sens), diraient-ils, «jusqu'à ce que nous ayons scellé les esclaves de notre Dieu.» Cette idée est absolument sans fondement aucun. Un pareil langage, lors même qu'on le mettrait dans la bouche du Seigneur exclusivement, ne semblerait pas en harmonie avec sa dignité. Il enseigne ses disciples à dire «notre Père,» mais il ne le dit pas avec eux; et quand il les associe avec Lui-même comme ressuscité des morts, l'expression dont il se sert même alors, c'est: «Mon Père est votre Père; mon Dieu est votre Dieu;» - ce n'est jamais notre Dieu. Le sens est donc que, avant que les jugements divers frappent la création, Dieu se sera préparé un certain peuple pour Lui-même. Ce sont des personnes scellées du sceau du Dieu vivant, c'est-à-dire qu'elles sont revêtues d'un caractère en tant que mises à part pour Dieu. Caïn fut revêtu par Jéhovah d'une marque bien différente: elle avait pour but de le mettre à l'abri du jugement de l'homme. Ici aussi le sceau peut impliquer l'idée de protection. Dans tous les cas, ces hommes sont scellé sur leurs fronts, ce qui, naturellement, ne signifie pas une marque physique, mais le fait que Dieu les met à part pour lui-même, et je suppose d'une manière publique. Qui sont les scellés? Un résidu déterminé de son ancien peuple.

Ainsi, nous voyons les anges retenir les jugements qui vont tomber sur la création, et le sceau de Dieu est mis sur un certain nombre de personnes choisies du milieu d'Israël. Dieu aura des élus d'entre ce peuple, mais ce sera une élection personnelle et individuelle, et non pas simplement une élection nationale, comme jadis. Lorsque David entreprit de faire le dénombrement du peuple, ce fut un péché présomptueux; mais ici c'est Dieu qui, dans sa grâce, prend pour lui-même un ensemble complet des tribus d'Israël. Le nombre 144,000 est un nombre régulier et complet, quoiqu'il soit un nombre mystique ayant trait, je suppose, à l'usage que Dieu veut faire ici-bas de la nation privilégiée.
Le nombre douze implique toujours l'idée de quelque chose de parfait en vue de l'accomplissement de l'oeuvre de Dieu, en tant que confiée à l'administration de l'homme. On peut voir cela dans les douze tribus d'Israël, les douze patriarches, les douze apôtres, et même dans les douze portes et les douze fondements de la nouvelle Jérusalem. C'est un nombre parfait dans les choses du ressort de l'administration de l'homme. De là vient que, lorsque la nation d'Israël doit être introduite de nouveau, nous trouvons employé par le Saint-Esprit le multiple de douze et exprimé par des mille: le plein résultat pour ce qui concerne Israël, de l'administration que Dieu confiera à l'homme.

Une question importante a été soulevée ici; on a demandé si les tribus d'Israël devaient être prises dans le sens littéral ou dans un sens mystique. On fait valoir en faveur du dernier que la toute première vision, celle des chandeliers, image empruntée au sanctuaire juif, ainsi que les allusions renfermées dans les sept épîtres qui suivent, mais plus particulièrement dans le chap III, 12, comparé avec le chap. XXI, 12, conservent le sens chrétien tout le long du livre, mais raisonner ainsi, n'est-ce pas méconnaître le fait que l'application de symboles juifs aux Églises, pendant qu'elles sont expressément mentionnées comme se trouvant ici-bas, et d'autres encore à l'Église, soit glorifiée en haut, ou suivant Christ, lorsqu'il vient du ciel au jour du Seigneur, est entièrement distincte de la question, si certains symboles, pris d'Israël, ne peuvent pas s'appliquer aussi à une classe différente de témoins sur la terre entre ces deux termes?
La véritable question consiste dans l'intervalle entre le moment où il n'est plus fait mention des églises et celui où l'Épouse apparaît en gloire avec l'Époux. Il suffit de bien poser la question pour montrer le manque complet de force de l'argument dans son application, non pas à Apoc. II, III, ni à Apoc. XXI, 12, où en général nous sommes tous d'accord, mais aux visions prophétiques à partir du chapitre VI.

En outre, il est accordé par le plus intelligent de l'école historique que, vers la fin du siècle, les Juifs seront convertis et se mettront à la tête dans le chant de louange que les saints terrestres feront retentir en ce temps. Il se peut que cela soit placé trop tard dans le livre et appuyé sur la faible preuve de la rencontre du mot Hébreu «Alléluia» en Apoc. XIX, 3: le fait n'en est pas moins admis - celui d'une prophétie apocalyptique de ce qui doit arriver avant l'apparition du Seigneur. Et qui plus est, une portion considérable de la même école, représentée par un de ses ouvrages les plus populaires (dissertation sur les prophéties de l'Évêque Newton, tom I, pages 578, 579), prend les tribus d'Israël dans leur portée naturelle, historique, et applique la prophétie qui nous occupe à la vaste affluence de Juifs convertit qui se trouva sous le règne de Constantin.
De fait, le premier écrivain chrétien qui fasse allusion à ce chapitre, Irénée, le pieux Évêque de Lyon, explique sans hésitation l'omission de Dan, de manière à prouver qu'il pensait que c'étaient bien les tribus d'Israël qu'il désignait réellement. C'est le même langage que tient aussi Victorien dans un passage au moins du commentaire le plus ancien qui existe sur l'Apocalypse. D'autres commencèrent bientôt de tourner vers la méthode allégorique jusqu'à ce qu'à la fin la théorie anti-judaïque devint de beaucoup la plus générale.

Mais il peut être bon de signaler rapidement les raisons alléguées par l'un des plus habiles défenseurs de l'école mystique, Vitringa. D'abord, il prétend que s'il faut prendre les noms dans le sens littéral, il doit en être de même pour le nombre. Mais cela s'en suit-il? Et s'il le fallait, où serait l'obstacle?
Celui qui au jour d'Élie s'était réservé 7 000 peut bien sceller 144,000 d'Israël à une époque future. Mais je ne vois pas la nécessité de cela. Il n'y a pas de difficulté, sauf pour un esprit fasciné par l'amour d'une simplification excessive, à prendre les personnes dans le sens littéral et leur nombre dans le sens symbolique. On ne nie point que les symboles existent, ni qu'ils aient un sens déterminé, mais c'est contraire à tous les faits d'attendre une harmonie de couleurs dans toutes les parties. De plus, que faudrait-il entendre par un Ruben, un Gad, un Aser mystiques? Personne, que je sache, ne prétend attribuer à ces noms une signification distincte, à moins que ce ne soit quelque esprit entièrement livré aux caprices de son imagination.
Ensuite, si c'est dans ce sens qu'il faille les prendre, on peut s'attendre à ce que chacun d'eux ait sa signification, et on la cherche en vain chez, ceux qui plaident avec le plus d'ardeur en faveur de l'idée générale. On met encore en avant que par les scellés il faut entendre les élus de Dieu, qui doivent être garantis d'une calamité d'ailleurs universelle; et qui peut assurer que ce ne sont que des Juifs? Mais qui affirme qu'il n'y a pas d'autres élus que ceux-là? Nous allons voir que la portée de la prophétie et le contexte font entendre le contraire.

Ce qu'il y a de faux, c'est donc, non pas de prétendre que les milliers scellés sont pris des tribus d'Israël seulement, mais de prétendre qu'il n'y aura pas d'autres saints que ceux-là.
En troisième lieu, l'omission de Dan semble présenter une difficulté pour le moins aussi grande dans l'hypothèse mystique que dans l'interprétation littérale.
Dans la bénédiction de Moïse (Deut. XXXIII), Siméon est laissé de côté. Faut-il donc prendre cette liste des tribus d'une manière allégorique?
En quatrième lieu, le passage parallèle allégué (Apoc. XIV, 1 ) ne prouve en aucune manière qu'il ne s'agit pas des tribus d'Israël prises à la lettre. Les 144,000 du chap. XIV sont des saints existant sur la terre peu avant la catastrophe finale, et en contraste avec ceux qui sont souillés par Babylone et tenus asservis par la Bête. Mais qu'ils soient l'Église plutôt qu'un résidu de Juifs pieux associés dans la pensée de l'Esprit avec Christ qui a souffert, mais qui est maintenant exalté, c 'est ce que les écrivains de cette trempe n'ont même jamais bien considéré, et beaucoup moins encore l'ont-ils établi d'une façon ou de l'autre.

D'un autre côté, je comprends que la distinction des tribus est incompatible avec tout autre sens que le sens littéral. Puis encore la distinction entre les scellés d'Israël et la multitude innombrable de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue, est aussi évidente, aussi positive qu'il est possible de l'exprimer par des mots. De sorte que si on l'examine de près, la théorie mystique ne peut échapper au reproche d'absurdité; car elle identifie les Israélites scellés avec les Gentils qui ont des palmes en leurs mains, nonobstant le contraste manifeste et formel dans lesquels le chapitre les place. Cela vient de ce qu'on ne veut voir dans la multitude Gentille que la réunion de toutes les générations successives des élus d'entre les tribus d'Israël.

Pour ce qui concerne les scellés, on ne trouve rien qui suggère l'idée qu'il y a succession parmi eux: l'ordre de suspendre l'action des quatre vents, jusqu'à ce que les élus fussent scellés, implique même le contraire. C'était une heure précise limitée, de même qu'il s'agissait d'une classe spéciale de personnes. Mais ce qui tranche la question, c'est que les Gentils, porteurs de palmes (c'est-à-dire, selon quelques- uns, l'Église chrétienne dans sa plénitude céleste), sont tous décrits comme venant de la grande tribulation - tribulation que même ils considèrent comme ayant suivi les jours de Constantin. Ainsi, à mon avis, tout concourt a prouvé avec force que les scellés de notre chapitre sont à la lettre Israélites; - ils ne sont pas seulement d'Israël, mais ils sont Israël, l'Israël de Dieu , de même que l'interprétation mystique de la première partie du chapitre, avec l'interprétation littérale du reste, conduit ses défenseurs aux conséquences les plus grossières; là on la suit systématiquement.

Quant aux tribus dont il est fait mention, il y a un point particulier sur lequel je ne puis dire que peu de chose. On y trouve les fils des diverses femmes de Jacob: d'abord les deux fils de Léa, Juda et Ruben; puis ceux de Zilpa, servante de Léa, Gad et Aser; ensuite Nephthali, le fils de la servante de Bilha, et à la place de Dan, son autre fils, est substitué Manassé, premier-né de Joseph.
Viennent ensuite les quatre fils de Léa, Siméon, Lévi, Issachar et Zabulon, et enfin les fils de Rachel, Joseph et Benjamin. Évidemment les fils sont placés d'après leurs différentes mères, les enfants des servantes étant entremêlés avec ceux des femmes libres. Dan, qui avait été le plus en évidence pour l'idolâtrie, est omis, et à la place d'Ephraïm , le plus jeune fils de Joseph, nous trouvons Joseph lui-même.
Ce sont les appelés d'Israël que nous avons ici; mais les tribus sont comptées et disposées dans un ordre particulier, ce n'est plus l'ordre selon la nature, celui de la naissance, qui est suivi, mais il semble que Dieu fait entendre qu'il voulait en faire aussi un peuple spirituel, marqué de son sceau.
Ce seront de vrais Israélites en qui véritablement il n'est point de fraude. Dan n'est pas non plus déshérité à la fin. (Ezéch. XLVIII, 1, 32. ) Mais il y a autre chose. Dieu va aussi sauver une multitude de Gentils, et ici il n'est point indiqué de nombre: pensée bien délicieuse par son ampleur; car quoique Dieu en tire maintenant un peuple pour son nom, néanmoins quand nous pensons aux multitudes qui sont plongées dans les ténèbres, aux myriades de myriades qui vivent dans les contrées païennes, et que nous nous disons que dans leur sein il se trouve tout au plus ça et là une poignée d'hommes ayant la connaissance de Dieu, quel sujet de réflexions pénibles et humiliantes n'est-ce pas pour nos coeurs? Mais n'est-ce pas remarquable que lorsque Dieu va nous montrer l'accroissement de la méchanceté, tant du Juif que du Gentil, et que ses jugements sont sur le point d'éclater, nous trouvons que cette multitude est comptée avec le plus grand soin en Israël et que Dieu n'oublie pas les pauvres Gentils?
Il se peut qu'ils ne soient pas placés dans la même position élevée que les Israélites, mais néanmoins Dieu les bénira d'une manière merveilleuse. Mais le prophète qui venait de reconnaître les élus scellés d'Israël et en avait entendu le nombre doit recourir à un des anciens pour apprendre quels sont ceux dont se compose cette multitude innombrable. Ils étaient pour Jean une foule nouvelle, inconnue parmi les bienheureux. S'ils eussent été scellés sur leurs fronts, peut-on croire que leur vue eût semblé après cela aussi étrange?

La multitude dont il s'agit ici est distincte de l'Église, si même elle ne fait pas contraste avec elle, et voici comment nous savon ,cela clairement.
Les anciens représentent les saints célestes comme chefs de la sacrificature. Or, Dieu pourrait bien employer deux symboles différents pour représenter le même corps, comme par exemple les vierges sages et les bons et fidèles serviteurs en Math, XXV sont successivement des figures des saints célestes; mais notre passage donne la multitude Gentille et les anciens comme des sociétés distinctes comprises dans la.même scène. En outre, les anciens font une chose et la multitude en fait une autre. Et par-dessus tout, remarquez que la manière dont Dieu parle de cette multitude la distingue totalement, soit de l'Église de Dieu, soit des saints de l'Ancien Testament.

Voici, en effet, ce que nous lisons au verset 14: «Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation.»
Je comprendrais naturellement que l'ensemble de cette dispensation fut appelé, d'une manière figurée, un temps de tribulation et même de grande tribulation; mais ici il n'est pas dit simplement: «Ce sont ceux qui sont venus d'une grande tribulation,» mais, de la grande tribulation
Il n'est pas possible d'étendre «la grande tribulation» à tout le temps qui s'est écoulé entre la première et la seconde venue du Seigneur. Même les interprètes protestants, qui se tiennent à un sens vague en font eux-mêmes une tribulation spéciale, mais ils l'appliquent, comme c'est tout naturel chez eux, aux terribles persécutions de la papauté.

Le texte signale un temps particulier de détresse, et nous apprenons d'ailleurs qu'il est encore à venir; et c'est précisément ce temps-là que comprend la partie centrale de l'Apocalypse, ce temps dont surtout elle traite. Il était dit dans l'épître à Thyatire: Voici, je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande affliction, s'ils ne se repentent de ses oeuvres.»
Je soupçonne fort que cette grande tribulation doit s'accomplir maintenant. La scène de l'Église est close, la grande tribulation vient avec rapidité, et ceux qui avaient fait profession de christianisme, mais qui étaient retournés à l'idolâtrie, y seraient jetés avec d'autres. Ce que Dieu nous fait voir ici, c'est donc une multitude de Gentils sauvés; il ne s'agit point des Juifs, car nous les avons eus juste avant, et ce n'est pas non plus les chrétiens, car ils seront alors dans le Ciel. C'est un corps de Gentils, appelés après l'enlèvement de l'Église; ils doivent se trouver dans la grande tribulation, mais ils y seront préservés.

Il est parlé de la grande tribulation dans plusieurs parties de la parole de Dieu. Jérémie la nomme en rapport avec les Juifs. (Jérém. XXX, 7.) «Hélas! que cette journée-là est grande. Il n'y en a point eu de semblable, et elle sera un temps de détresse à Jacob , mais il en sera pourtant délivré.» Il doit y avoir un temps d'angoisse excessive, qui se termine par le jour du Seigneur, et Jacob doit en être délivré , de sorte que vous avez là la détresse du Juif ainsi que sa délivrance.
Mais c'est encore plus explicite en Daniel. (Dan. XII.) L'ange parle du propre peuple de Daniel, des Juifs. «En ce temps- là..., et ce sera un temps de détresse tel qu'il n'y en a point eu depuis qu'il y a eu des nations jusqu'à ce temps-là, et en ce temps-là, ton peuple, c'est à savoir quiconque sera trouvé dans le livre, échappera.»
C'est là «le temps de la détresse de Jacob, mais il en sera délivré.»
C'est évidemment une contre-partie manifeste des paroles de Jérémie. J'en conclus qu'il doit y avoir une période future de «détresse,» telle qu'il n'y en a jamais eu,»... et qui précédera immédiatement la délivrance du peuple de Jacob, comme il en est parlé dans ces prophéties.

En Mathieu XXIV, le Seigneur lui-même y fait allusion. «Car alors il y aura une grande affliction, telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu'à maintenant, et qu'il n'y en aura jamais.»
Évidemment c'est la même période que nous avons là, le Seigneur citant le passage même de Daniel. Il est de toute clarté qu'il ne parle que des Juifs, parce qu'ils sont supposés être en rapport avec le Temple, et qu'ils sont exhortés à prier pour que leur fuite n'arrive pas en un jour de Sabbat, cas où ils ne pourraient aller plus loin que le chemin d'un Sabbat, non plus qu'en hiver.
Dans l'un et l'autre cas, leur fuite rencontrerait un obstacle, soit du côté de Dieu, soit dans les circonstances de la saison. La même allusion se trouve en Marc, mais Luc semble parler d'une manière plus générale. Quelles sont donc les personnes qui doivent se trouver sur la scène de la tribulation?
D'abord il y aura des Juifs dont il est parlé dans les prophètes et les évangiles, objet des soins de Dieu qui agira avec amour à l'égard d'un résidu d'Israël et le délivrera de sa détresse. Puis Apoc. VII, 9, nous apprend qu'il doit aussi y avoir une multitude de Gentils. Mais ni l'une ni l'autre de ces deux catégories ne sont l'Église.

Nous ne voyons jamais Dieu s'occuper ainsi dans ses voies du Juif et du Gentil comme tels et en même temps former l'Église, car alors il y aurait dans le même temps, sur la terre, au moins deux, sinon trois objets - non-seulement différents, mais opposés - de l'affection particulière de Dieu, et avec lesquels il agirait sur des principes et dans des buts différents.

Supposez qu'il y eût deux personnes que le Seigneur s'occupât de rapprocher de lui: s'il s'agissait du Juif, Dieu reconnaîtrait un temple, une sacrificature et un culte terrestres. Quand il était sur la terre, le Seigneur reconnaissait les Juifs comme tels, et il fera de même, d'une manière plus bénie encore dans le jour qui approche.
Mais aussi longtemps qu'il s'occupe de la formation de l'Église, l'ordre juif cesse d'avoir des droits.
A supposer donc que Dieu bénit les Juifs comme Juifs, et qu'en même temps il fût occupée former l'Église sur la terre, si deux personnes se convertissaient, l'une dirait: je dois encore avoir mon sacrificateur et aller au temple , tandis que l'autre s'écrierait: il n'y a pas d'autre sacrificateur que Christ, et c'est dans le ciel qu'est le Temple.
Voyez la confusion qui résulterait du fait que Dieu reconnaîtrait dans le même temps ici-bas un peuple terrestre et un peuple céleste.

En ce temps de tribulation, où le Seigneur reconnaîtra en un certain sens le Juif, c'est-à-dire le résidu fidèle, l'Église ne sera plus sur la scène. Les objets de la délivrance seront des Juifs élus et des Gentils élus, parfaitement distincts les uns des autres, et non l'Église de Dieu dans laquelle ils sont unis, et où toutes les distinctions disparaissent.
Nous avons vu dans les chap. IV, V, la preuve directe que l'enlèvement de l'Église a eu lieu alors. Ici nous en trouvons une démonstration indirecte dans le fait de Juifs scellés et de Gentils sauvés, et dans l'expresse distinction de ces derniers, des anciens ou des saints célestes.
Les Juifs scellés comprenaient les élus d'entre toutes les tribus d'Israël, excepté là où il se trouvait une flétrissure particulière comme dans le cas de Dan. Mais du moment que les Juifs reparaissent, Dieu regarde aussi vers les nations, quoique séparément d'Israël, parce qu'ayant déjà visité le Gentil dans sa miséricorde, Il ne la lui retirera jamais. C'est pourquoi, comme Il parle ici de miséricorde à une plénitude d'Israël, il y a aussi le salut pour une multitude de toute nation, de toute tribu, de toute langue et de tout peuple.

Nous avons vu en Thyatire que si les coupables chrétiens de profession continuaient dans leur péché avec Jésabel, ils seraient abandonnés et auraient à passer par la grande tribulation. Ici nous trouvons la grande tribulation arrivée, et non-seulement les Israélites sont scellés, mais une multitude de Gentils en sont délivrés.
L'Ancien Testament ne parle pas de délivrance de Gentils, il ne parle sous ce rapport que des Juifs. Cependant Dieu a envoyé le salut aux Gentils, et de là vient que la délivrance Gentille est aussi prééminente dans la prophétie du Nouveau Testament que l'est dans l'Ancien la délivrance juive. Dieu fait voir qu'il y a à sauver dans les derniers jours une immense multitude de Gentils.
Mais en sera-t-il ainsi dans ces contrées où la lumière de l'Évangile a brillé et a été méprisée? «Ils n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés. Et à cause de cela Dieu leur enverra une énergie d'erreur pour croire au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n'ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l'injustice.» (2 Thess. II, 10-12.) Dieu visitera ceux qui n'ont pas joui de ce témoignage, les peuples en dehors de la chrétienté auxquels Christ n'a pas été présenté comme il faut. L'Église a entièrement manqué à ce que Dieu attend de nous. Il appelait l'Église à prendre la croix et suivre Christ; mais dans la pratique, l'Église a laissé la croix et suivi le monde.
Tout cela a endurci les païens, qui trouvent que l'Église ne porte pas les fruits qui conviennent à la grâce et à la vérité que nous professons avoir trouvées en Christ. Mais Dieu, dans la plénitude de sa miséricorde, ira vers ces peuples de dehors. Ma pensée est donc que ces mêmes pays, qui se seront donnés comme le centre d'où jaillit la lumière , seront plongés alors dans l'idolâtrie de l'Anti-Christ, tandis que ceux qui auront été dans les ténèbres se montreront dans la lumière. Ce sera seulement une seconde fois l'histoire de la Galilée des nations, lorsque Jérusalem méprisa et perdit le Fils de Dieu, - hélas! jusques à quand?

Le résultat béni de cela nous apparaît ici dans cette multitude innombrable de toutes nations, de toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues, qui se tiennent devant le trône (1) et devant l'Agneau. Leurs robes sont les robesde justice, et leurs palmes sont les palmes de la victoire; mais ils ne chantent pas le cantique nouveau. Rien dans cette scène ne rappelle le ton élevé et triomphant du chap. V; pas d'intercession pour d'autres, pas un mot du privilège d'êtres fait rois et sacrificateurs pour Dieu. Ils crient à haute voix: «Le salut est de notre Dieu qui est assis sur le trône et de l'Agneau.» Ce sont des personnes sauvées; mais dans ce qu'elles célèbrent, elles s'arrêtent au titre que Dieu prend sur le trône et à l'Agneau; elles ne vont point au-delà. Or, Dieu n'est pas assis maintenant sur le trône écrit dans ce passage , du moins ce n'est pas ainsi qu'Il se révèle pendant que l'Église est sur la terre. Il y prendra bientôt sa place, comme quelqu'un qui va procéder à des jugements; et la grande idée qui me paraît présentée ici, c'est que quoique ce soit un temps de colère et d'action judiciaire préparatoires, Dieu montre une miséricorde signalée, même envers les Gentils.

Le verset 13 nous présente les anciens considérant cette scène. Comment pourraient-ils se contempler eux- mêmes? Tel cependant doit être le cas, si on suppose que les anciens et l'innombrable multitude figurent également l'Église. Ce sont des catégories distinctes. Si les anciens sont l'Église, la multitude ne l'est point; et si la multitude l'est, alors les anciens ne sauraient l'être. Je puis bien comprendre qu'un homme se soit fait peindre avec un costume à une époque, et dans un costume différent à une autre. Mais il n'est pas possible que le portrait d'un homme le représente revêtu, dans le même moment, de deux costumes différents destinés à le montrer dans des caractères distincts et remplissant en même temps des fonctions opposées.

Dans l'Église de Dieu dont l'appel a cours actuellement, il n'y a ni Juif ni Gentil. Du moment que vous trouvez la distinction entre eux gardée, il ne saurait y avoir l'Église. Partout où vous séparez le Juif du Gentil vous êtes hors du principe de l'Église. Avant la mort et la résurrection de Christ, Dieu n'était pas occupé à former du Juif et du Gentil un seul corps. Aussi, quand le Seigneur Jésus était sur la terre, allait-il jusqu'à défendre à ses disciples d'aller vers les Gentils, ou même d'entrer dans les villes samaritaines. Mais quand le moment fut venu où il allait former l'Église, Lui, le commencement, le premier-né d'entre les morts, il leur commanda d'aller partout et de prêcher l'Évangile à toute créature, au lieu de rechercher seulement ceux qui le méritaient en Israël.
Par là, Dieu manifestait un changement total dans ses voies; non pas qu'il n'eût pas connu la fin depuis le commencement, mais dans le dessein de déploiements nouveaux de sa gloire en son Fils. C'est ainsi, pareillement, que lorsque la vocation présente prendra fin, sa miséricorde s'ouvrira des voies nouvelles comme nous l'avons vu.

J'ai donc confiance qu'il a été montré clairement, que ce n'est pas l'Église qui fait le sujet de ce chapitre, mais bien Israël et les Gentils bénis comme tels. Et certes, je n'hésite pas à dire que si quelqu'un supposait que Apoc. VII traite de l'Église, cela prouverait qu'il n'a pas une idée juste de la nature et de la vocation de l'Église, - qu'il n'a pas l'idée de ce que le Saint-Esprit rattache avec le corps de Christ ici- bas (2).
L'Église de Dieu est essentiellement un corps céleste qui exclut complètement toute distinction de Juif et de Gentil. Il résulte de ce chapitre, si même il n'a pas pour but de l'établir, qu'au temps auquel il se rapporte ces distinctions reparaissent. Il nous présente d'abord un ensemble déterminé d'Israélites, ensuite une foule innombrable provenant des Gentils; outre ces deux catégories, la classe des rachetés composée de Juifs et de Gentils, et qui nous est familière depuis longtemps dans ce livre, savoir, les anciens couronnés, y est aussi présentée comme un corps entièrement distinct. Nous avons donc dans ce chapitre, «le Juif, le Gentil et l'Église de Dieu,» - des Juifs scellés et des Gentils sauvés pour la terre, comme je le suppose, et l'Église avec les saints del'Ancien Testament conservés pour la gloire céleste. Quoique une grande miséricorde soit aussi manifestée aux élus des douze tribus, et aux Gentils aussi qu'on aurait pu croire oubliés alors (vers. 14-17), ce n'est pas cependant le même haut privilège dont nous jouissons.
«Ils» c'est- à-dire, les Gentils épargnés, «le servent jour et nuit dans son temple.» Mais quand le Saint- Esprit nous montre notre place particulière de bénédiction, le prophète dit: «je ne vis point de temple en elle.» Au chap. XXI où il décrit l'épouse ou la Jérusalem céleste, c'est un état de choses entièrement différent de ce que nous, avons ici. Quoique ce fût la cité où vous vous seriez attendu avant tout à trouver un sanctuaire, il dit: «Je ne vis point de temple en elle.» Pourquoi cela? parce que cette cité est le symbole de l'Épouse, et que lorsque Dieu révèle la bénédiction et la gloire de l'Église, Il en parle comme l'attirant tout près de lui-même de telle sorte qu'il n'y ait que Christ entre Lui et Elle; si nous pouvons appeler cela entre, quand Christ lui-même est l'image du Dieu invisible, celui qui nous révèle Dieu et qui est Dieu. Elle exclut l'idée du Temple. Ici au contraire nous avons le Temple. Un des plus grands privilèges mentionnés comme appartenant à ceux dont il s'agit, c'est qu'ils servent Dieu dans son temple, et que Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux.» Tel est le véritable sens de l'original, qui ne signifie point, habitera avec eux, comme disent les versions ordinaires.

Au chap. XXI, nous trouvons Dieu habitant avec les hommes; mais c'est une expression complètement différente de celle de notre chapitre. Ici l'idée est que la présence de Dieu couvre les Gentils de son ombre, les protège, les met à l'abri; mais rien ne tend à faire penser que Dieu prenne sa place avec eux. Ils sont bénis de Dieu , couverts de son ombre, et protégés comme autrefois Israël, sous la nuée de sa présence. Comme eux aussi, dans l'avenir, (Es. XLIX) ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus ni aucune chaleur: expressions bénies mais qui rappellent plutôt une position terrestre qu'une position céleste.
Pour nous, nous avons l'Agneau lui-même pour nous paître maintenant. Même ici, il nous donne d'avoir en nous des fontaines d'eau jaillissante jusques dans la vie éternelle, et de voir couler de nous des fleuves d'eau vive.

J'ai donc tâché d'établir que les desseins de Dieu ne se bornent pas à ce qu'il fait maintenant. Tout en formant le corps céleste de l'Église, et lui conférant les plus hauts privilèges qu'il puisse accorder, Dieu va bientôt visiter les Gentils. Il se souviendra d'eux, et cela sera fait au milieu des jugements les plus terribles qui précèdent le grand jour.
Dieu fait voir clairement notre position propre au milieu de tout cela, car nous voyons les anciens distingués de tous les autres, et ils ont la pensée de Christ. Ceci est la position de l'Église même sur la terre, absolument comme Joseph fut en son temps , le dépositaire de la sagesse de Dieu.
En prison , ou hors de prison , il entrait dans les pensées de Dieu, et était capable de les exprimer à d'autres. Telle est la position dans laquelle nous place la bonté de Dieu. Hélas! Combien peu elle est appréciée, et comme nous agissons peu en conséquence. Avoir la pensée de Christ est l'un des plus précieux privilèges qui appartiennent à l'Église de Dieu, après la position que Dieu nous donne en tant que, amenés tout près de lui en Christ. Il devrait y avoir la puissance d'annoncer les pensées de Dieu révélées par le Saint-Esprit.


(1) La vision n'implique pas que ces personnes doivent se trouver dans le ciel plutôt que sur la terre quand le royaume s'établit. L'expression «devant le trône et devant l'Agneau» a une portée plutôt morale que locale. (Comp. Apoc. XI, 4: XIV, 3.) Elle exprime simplement la place où le prophète les voit dans la pensée de Dieu. La description par laquelle le chapitre se termine donne l'idée de personnes délivrées d'amères souffrances, et désormais à l'abri pour toujours. Sans aucun doute ce sera pour elles une inexprimable bénédiction; mais rien de ce qu'elles disent ne s'élève à la hauteur de la joie et de l'intelligence qui se montrent dans les anciens, et il n'est dit non plus absolument rien à leur sujet qui les mette sur un même niveau avec eux.
On ne les voit jamais avec des couronnes ni assises sur des trônes comme les vingt-quatre. Elles sont en relation avec Dieu quand il n'est plus envisagé comme assis sur un trône de grâce, aspect sous lequel nous le connaissons maintenant, mais comme sur un trône d'où procèdent des jugements. Tout cela est en harmonie avec l'intervalle d'une action de Dieu en gouvernement qui précède le millénium auquel elle sert comme d'introduction.

(2) L'extrait suivant de la dissert, prélim. du docteur John Owen à son commentaire sur l'épître aux Hébreux est fortement recommandé à l'attention par un professeur de théologie vivant, et peut servir à prouver les ténèbres qui règnent sur le sujet en question. «A la venue du Messie, il n'y eut pas d'église ôtée et remplacée par une autre; mais la même Église continua d'exister en ceux qui étaient les enfants d'Abraham selon la foi.

L'église chrétienne n'est pas une église différente; elle est exactement l'église même qui existait avant la venue de Christ, partageant la même foi qu'elle, et étant intéressée dans la même alliance.
L'olivier est le même, seulement quelques branches ont été coupées et d'autres y ont été entées; les Juifs sont tombés et les Gentils sont venus à leur place. C'est là ce qui fait et doit faire la différence entre les Juifs et les chrétiens relativement aux promesses de l'Ancien Testament. Elles sont toutes faites à l'Église. Personne n'y a part, si ce n'est en qualité de membre de l'Église.
Cette église est, et à toujours été, la même. Quels que soient ceux dans lesquels elle se poursuit, les promesses leur appartiennent, non pas par application ou analogie, mais directement et proprement. Elles appartiennent aussi immédiatement aujourd'hui, soit aux Juifs (?), soit aux chrétiens, qu'elles appartenaient jadis à qui que ce soit. Il s'agit de savoir quels sont ceux qui composent cette église qui est fondée sur la semence promise dans l'alliance; car là où elle est, là se trouvent Sion, Jérusalem, Israël, le Temple de Dieu.»

Pas une phrase en tout cela, qui ne renferme une erreur, car là même où il y a un certain fond de vérité, il en est fait un usage trompeur. Sur ce pied, la transformation de l'église en quelque chose de tout juif est complète. Le fait est que le Dr Owen confond la vocation de l'Église selon le mystère caché dès les siècles et les générations, avec l'ordre terrestre auquel appartient l'administration des promesses.
Ainsi, la doctrine des épîtres aux Éphésiens, aux Colossiens, et d'autres portions semblables de l'Écriture, est laissée de côté et inconnue: c'est-à-dire, la doctrine d'un corps uni à Christ, sa tête glorifiée, et manifesté sur la terre par le Saint-Esprit envoyé du ciel.
Un état de choses pareil n'existait pas avant la première venue de Christ, ni ne saurait exister après sa seconde venue.
Quant à l'héritage des promesses, nous y avons part avec les saints des anciens temps, mais cela ne constitue pas notre lot particulier de bénédiction. L'Église, comme telle, est une chose toute différente, quoique ses membres soient, avec d'autres, héritiers par Christ. De même pour l'olivier. Sans doute, les Gentils y sont entés maintenant, mais est-ce possible qu'un homme spirituel confonde cela avec le corps de Christ.
Ces Juifs étaient des branches naturelles, l'olivier était leur propre olivier; les branches  incrédules elles-mêmes en faisaient partie, quoiqu'elles aient été coupées à la fin pour que les Gentils entrassent.
Mais y a-t-il en tout cela un mot qui manifeste l'Église telle qu'elle nous apparaît en Eph. I, II.? Ici tout n'est-il pas au-dessus de la nature?
Dans ce corps qui est un, nous n'avons pas des Juifs faisant place aux Gentils, mais les croyant Juifs ou Gentils, retirés de leur ancienne condition précédente, réconciliés en un par là croix, et édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l'Esprit.
Tout cela est annulé par la théorie du Dr Owen. M. Elliot l'abandonne au moins pour ce qui regarde l'avenir. «L'Église des premiers-nés, l'épouse peut être complète, dit-il, mais il ne s'en suit pas que personne ne peut être sauvé après. La déclaration que les rois de la terre marcheront à la lumière de la Jérusalem céleste, me semble impliquer une jouissance de la bénédiction par d'autres que ceux qui composent l'épouse de Christ, la nouvelle Jérusalem.
Le fait lui-même que Christ est un sacrificateur sur son trône, (s'il s'applique, comme je le pense, à l'époque milléniale) implique que Christ agit comme intercesseur et qu'il remplit d'autres fonctions sacerdotales. Et si la manière dont je comprends Jean XVII, 21, 23, est juste, c'était un point important de sa toute première prière d'intercession, qu'il résulterait de la manifestation distinctive en gloire de l'église de ses disciples de la dispensation actuelle que le monde généralement croirait en lui; - manifestation qui, comme tous en conviennent, n'aura lieu qu'à sa seconde venue.» (Horae Apoc. pag. 187).

Chacun doit reconnaître que dans le millénium l'olivier sera florissant plus que jamais, et que les promesses à Abraham seront accomplies à la lettre. Si donc l'Église, l'épouse de Christ, est distincte des saints de l'époque milléniale quoique ces derniers héritent des promesses et soient des branches de l'olivier, le principe est évidemment abandonné. La même chose peut être vraie des saints de l'Ancien Testament. C'est une question de témoignage de l'Écriture. Or, celle-ci nous l'avons vu, déclare que l'Église de Dieu, le corps de Christ, dépend du don et de la présence du Saint-Esprit à la suite de la mort, de la résurrection et de la glorification du Sauveur. (Math, XVI, 18; Jean VII, 39; XIV-XVI; Act I, II; 1 Cor. XII, etc.)
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