Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II.

SMYRNE

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Vers 8-11 - A Éphèse, nous avons vu l'Église abandonner sa première position. L'état qui suit est d'une nature différente. L'Église de Smyrne est dans la détresse; les saints de Dieu souffrent. Ils ont pensé peut-être que la terrible persécution qui leur était survenue était quelque chose d'étrange: mais il est plus vrai, au contraire, que le coeur du Seigneur est contristé par un chrétien qu'il laisse exempt de souffrance pour son nom. Le Seigneur avait lui-même connu la tribulation au plus haut degré: mais, dans son cas, ce n'était que l'épreuve du bien qui était en lui et la manifestation de sa perfection. Et tout pauvres que nous sommes, nous pouvons aussi connaître l'épreuve indépendamment du mal qui est en nous.
Dans les châtiments qu'il dispense à un chrétien, le Seigneur a deux sortes de motifs: ou bien c'est parce qu'il y a quelque chose de mal, ou qu'il y a danger  de mal, danger peu senti par le chrétien. Lorsque David fut hors de sa tribulation il tomba dans un piège; et c'est quand il se trouva dans la détresse qu'il épancha son coeur, sous l'inspiration du Saint-Esprit bien entendu, en ces doux accents que nous lisons aujourd'hui avec tant de charme. Il est dangereux pour l'âme de désirer sortir de l'épreuve. Le but de l'épreuve peut être de nous montrer ce que nous sommes en réalité, ou, ce qui vaut mieux, de prouver ce que Dieu est pour nous, et ce qu'il nous est: mais elle est aussi envoyée pour nous empêcher de tomber dans le péché, et, dans son amour, le Seigneur détourne souvent de cette manière le mal qu'Il voit et que nous ne voyons pas.
Je ne doute point qu'il y ait une autre espèce de souffrances plus profondes, savoir la communion avec les souffrances de Christ, qu'il ne faut pas confondre avec la fidèle discipline du Seigneur, quoiqu'elles puissent, je pense, être trouvées parfois réunies.

Il semble qu'à Smyrne le Seigneur veut pourvoir à ce déclin du premier amour qui était survenu, et dans ce but il envoie la tribulation. Une telle conduite de sa part, grâces lui en soient rendues, n'est pas extraordinaire, car il est bon et fidèle. Et dans quel caractère parle-t-il à cette église? «Le premier et le dernier qui a été mort et qui vit, dit ces choses.»

Avant tout, son titre est celui d'une personne divine. Ici l'Esprit réclame pour Jésus ce qu'Esaïe avait auparavant réclamé pour Jéhovah. (Es. XLI. 4.) Et qu'y avait-il qui ne pût point être revendiqué pour Lui, pour celui «qui a été mort et qui vit?» Quelle consolation pour ceux qui étaient dans l'épreuve. Qui est-ce qui s'adresse à eux dans leur affliction? Celui qui s'était trouvé au plus profond de la souffrance et avait passé par la mort elle-même; Celui qui était le Premier et le Dernier, et qui avait formé toutes choses. C'est Celui qui avait été mort et qui de nouveau était vivant. Et c'est auprès de celui-là même que dans mon épreuve j'ai à me réfugier. Cela fait voir quel rapport il y a entre la résurrection des morts et la consolation de ceux qui sont dans l'épreuve (Comparez 2 Cor. I-V.).

Jésus était Dieu, mais il était homme aussi. Il fut l'homme éprouvé par la souffrance, et il était l'homme triomphant, et comme tel il était capable de les consoler dans leur affliction. «Je connais tes oeuvres et ton affliction, et ta pauvreté (mais tu es riche), et l'outrage de ceux qui se disent être juifs et qui ne le sont pas, mais qui sont la synagogue de. Satan» (vers. 9.). Le mot «juif» est pris ici dans un sens figuré. C'était le nom de la nation qui avait été connue anciennement comme le peuple de Dieu, au dessus de tous les autres; et ces symboles étaient empruntés à l'Ancien-Testament. Il semble que celui-ci désigne des personnes qui, ayant pris position d'enfants de Dieu, étaient retournés à leur religion héréditaire.

D'un côté, il y avait cette détresse extérieure que le Seigneur permettait pour leur bénédiction, et de l'autre, il y avait des gens qui professaient les principes juifs (Phil. III, 2.). Mais le Seigneur dit: «Ne crains rien des choses que tu vas souffrir.» «Ne vous occupez point de ce que l'on dit, ni de ce que l'on fait contre vous. «Voici, le diable va jeter quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés.» C'est ainsi que, par la grâce de Dieu, l'ennemi lui-même est employé comme instrument pour le bien des enfants do Dieu dans les persécutions qu'il soulève contre eux.
D'un autre côté, il n'y a rien qui serve plus efficacement à Satan pour les détourner, qu'une espèce de tranquille, commode demi-christianisme. Que Dieu garde les siens d'avoir deux visages, deux caractères, en sorte qu'il ne leur arrive jamais d'être mondains avec les mondains, et de prendre ensuite l'air et le langage d'un chrétien avec ses frères!

Ce n'est pas pour le Seigneur une chose nouvelle que de faire ainsi concourir à la bénédiction de ses saints les efforts et l'inimitié de Satan. La même chose se voit dans le cas de Job: et même l'épreuve de ce serviteur du Seigneur fut beaucoup plus profonde. A chacun de ces assauts successifs de la part de Satan, Job conserva son intégrité et bénit le Seigneur; mais le Seigneur fit connaître Job à Job lui-même - précisément la chose qui était nécessaire pour qu'il réalisât la bénédiction de lâcher le moi pour le Seigneur. Ensuite il lui montra Dieu, et à la fin Job fut aussi profondément consolé qu'il s'était profondément abaissé.

Job ne pensait point qu'il était trop occupé de lui-même; et c'était précisément cela que Dieu avait à lui montrer. Il aimait à rappeler le temps où les fruits de la piété qui se manifestaient en lui attiraient le respect et l'estime des hommes. Mais Dieu lui montra combien c'était une chose mauvaise de regarder aux effets de la grâce en lui-même ou sur les autres. Ce que l'ennemi de Dieu et de l'homme ne put point effectuer, les amis de Job le firent.
Il avait pu tenir ferme contre les tentations de Satan, mais il fut provoqué à la folie par ses amis venus pour prendre part à sa douleur, et qui donnèrent leurs malencontreux avis. Quand quelqu'un parle beaucoup de la grâce, on peut être sûr qu'il n'en est pas entièrement rempli. Job même dut être mis dans la fournaise pour découvrir qu'il y avait en lui beaucoup d'autres choses que la grâce. Mais quoique Satan l'eût tenté sans succès, et que ses amis l'eussent seulement provoqué, quand le Seigneur intervient, Job est aussitôt complètement humilié. Il se voit à la lumière de la présence de Dieu, et s'écrie: «Mon oeil t'a vu. C'est pourquoi j'ai horreur de moi-même, et je me repens sur la poudre et sur la cendre.»
Mais la fin du Seigneur est pour le moins aussi bonne que son commencement. Il est toujours miséricordieux et plein, de tendres compassions. C'est lorsque Job ne pense plus rien de lui-même que la grâce prend véritablement son cours, et qu'il prie pour ses amis. «Et l'Éternel tira Job de sa captivité quand il eut prié pour ses amis.»

Smyrne succède à Éphèse. Comme je l'ai déjà donné à entendre, l'Église de Smyrne s'appliquerait, à mon avis, au temps où l'Église fut appelée à passer par la tribulation qui suivit l'époque apostolique - les persécutions infligées aux chrétiens par les empereurs romains, etc. Voici, le diable va jeter quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés: et vous aurez une affliction de dix jours» (vers. 10.). Les souffrances des chrétiens, la manière dont ils moururent pour Christ sont les quelques points lumineux, les quelques brillantes manifestations de la vie dans le deuxième siècle et au commencement du troisième.

«Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie» (vers. 10.). C'est une doctrine importante que celle qui est relative à la diversité de gloire réservée aux serviteurs de Dieu. Car, tandis qu'il est essentiel de maintenir que la même grâce qui a pardonné le brigand sur la croix est précisément celle-là même qui a sauvé Paul de Tarse, ce serait néanmoins une grande erreur de supposer que le brigand aura, dans la gloire, la même récompense que saint Paul. Cependant, nous ne devons point être effrayés en entendant dire au Seigneur: «je connais tes oeuvres:» car quoique les vaisseaux qui doivent contenir la bénédiction puissent ne pas avoir une capacité égale, la petite coupe se trouvera aussi pleine que la grande, et pleine, si je puis m'exprimer ainsi, des mêmes matériaux de joie et de bénédiction.
Dans l'état de gloire, il ne sera naturellement plus question d'épreuve, de fidélité ou d'infidélité. Mais il existe des différences spirituelles avant que nous y soyons, et lorsque nous y serons, les distinctions dans le royaume de Christ répondront au caractère et à la mesure du service accompli ici-bas, quoique il faille réserver aussi la souveraineté de Dieu.

Puis venait la parole suivante de consolation bien appropriée aux fidèles de Smyrne: «Celai qui vaincra n'aura point à souffrir de la seconde mort» (vers. 11.).
Ne craignez point la première mort: elle n'est qu'une servante pour vous introduire dans la présence de Dieu, La seconde mort ne vous touchera point. Le Seigneur est comme ce bois de jadis qui fut jeté dans les eaux de Mara: Il est descendu pour nous dans les eaux les plus amères de la mort qui ont été par là changées pour nous en eaux douces et rafraîchissantes.


PERGAME


Versets 12-18. - Ici le Seigneur s'annonce à l'Église de Pergame comme celui qui était armé de la puissance qui scrute toute chose par la parole de Dieu, la parole de jugement.
Dans l'Apocalypse, l'épée aiguë est au commandement du Seigneur Jésus comme l'instrument du jugement. Ce que fait l'épée dans la main de l'homme, la parole pénétrante de jugement le fait, et le Seigneur l'applique avec puissance: elle décide toutes les questions qui ont à faire avec lui. Il y a toujours un grand et beau rapport entre l'aspect ou le titre sous lequel le Seigneur se présente et l'état de l'église à laquelle il s'adresse.
C'était parce que la parole n'avait plus dans l'Église cette énergie vivante de jugement, que le Seigneur Jésus prend soin de montrer qu'elle n'avait jamais perdu son efficace entre ses mains. Comme la première église nous présente le déclin déjà entré même dans les jours de l'apôtre Jean, et Smyrne le temps des persécutions de la part des païens, de même nous avons ici un état de choses tout à fait différent.

Pergame est la scène du pouvoir de Satan pour flatter et séduire, pouvoir dont il fit usage aussitôt après que la violence de la persécution se fut épuisée. Ce plan de l'ennemi était plus dangereux que le second; car lorsque nos coeurs sont poussés à quelque chose de mal, rien ne prouve mieux que Dieu est contre nos voies que le fait qu'il nous abandonne à notre volonté. «Ephraïm s'est associé aux idoles, abandonne-le.» Dans le cas de Smyrne, c'était tout le contraire: là le Seigneur arrêtait la puissance de Satan au moyen de la persécution du dehors que Dieu faisait servir à empêcher les progrès de la corruption au dedans.

Après cela, le Dieu de ce monde promit aux chrétiens toute sorte d'avantages mondains. L'empereur lui-même offrit de devenir chrétien, quoiqu'il différât le baptême jusqu'à son lit de mort. Rien ne prouve avec plus d'évidence combien l'Église était entièrement déchue, et combien elle s'était éloignée du nom du Seigneur, que son acceptation des conditions de l'empereur et du patronage du monde. Ceux même qui étaient sauvés avaient perdu complètement de vue ce qu'était l'Église, comme n'appartenant pas au monde, mais étant du ciel. L'empire romain était essentiellement la puissance du monde. L'Église avait été appelée pour être le témoin vivant de deux grandes choses: premièrement, de l'amour de Dieu, et secondement, de la ruine du monde.
Mais quand nous voyons l'Église donner la main au monde, tout est fini, et l'Église tombe tout droit dans l'esprit de ce siècle. Si sous quelques rapports il y a gain pour le monde en cela, il y a perte pour l'Église en toute manière; et il ne faut point s'en étonner; car c'est au prix de la volonté et de la gloire de Christ. C'est bien «le trône» de Satan qui est le sens de la phrase. Le terme original est le même que celui qui est employé pour «siège» aussi bien que pour trône dans d'autres portions de ce même livre; mais ici c'est bien proprement un «trône,» parce qu'il est parlé de Satan sous le rapport de l'autorité. Il est évident que tout cela décrit d'une manière exacte l'état des choses au temps de Constantin.

Au lieu d'être sur le bûcher et dans la souffrance pour Christ, l'Église était maintenant unie au monde dans une simple profession de christianisme; car, comme le monde ne pouvait pas s'élever réellement jusqu'à elle, elle dut descendre au niveau du monde. Rien d'étonnant que là dessus le Seigneur dise: «Tu habites là où est le trône de Satan.» Néanmoins, il reconnaît tout ce qu'il peut, même là où se trouve cette misérable association - son assemblée habitant là où est le trône de Satan.
Ces chrétiens tenaient encore ferme son nom et n'avaient pas renié la foi qui avait sauvé leurs âmes; mais c'était tout. Ils venaient précisément de sortir de la grande persécution dans laquelle Antipas avait été mis à mort. Mais à présent au lieu de souffrir, l'Église de Pergame habitait tranquillement avec le monde. Comme Lot, ils affligeaient aussi leurs âmes justes à cause de l'impiété de ceux au milieu desquels ils vivaient.

En conséquence, le Seigneur met en avant les choses à l'égard desquelles il avait à les avertir. «Tu as là des gens qui tiennent la doctrine de Balaam» (Vers. 14.). Quel est le trait principal que nous apercevons en Balaam? Sa cupidité le conduisit à frayer avec le méchant roi de Moab et à le servir en maudissant le peuple de Dieu. Après que Dieu lui a donné une réponse, il n'en va pas moins encore une seconde fois vers Dieu, parce que son coeur voulait suivre son propre chemin.
Et c'est une chose bien solennelle de voir que si Dieu vous abandonne, vous pouvez obtenir ce que vous désirez.
Plus tard, Balaam tombe dans un mal encore pire. C'était certes un homme dont le coeur n'était pas avec Dieu. Il dit quelques choses vraies, mais il n'avait pas son esprit à ces choses. Il parle toujours de dehors, pour ainsi dire, comme un homme misérable, loin de la bénédiction qu'il voyait. «Je le vois, mais non pas maintenant; je le contemple, mais non pas de près.» II poursuit ainsi pas à pas, jusqu'à ce qu'il se prête à être le corrupteur, par le moyen du monde, même des élus de Dieu. C'est ainsi qu'il en fut de l'Église.

Les philosophes eux-mêmes commencèrent à s'occuper de la vérité chrétienne, et nous trouvons dans les écrits des Pères une grande partie de ce que nous avons ici. Ce que la fornication est dans les choses morales, le commerce illicite des chrétiens avec le monde le fut dans les choses de Dieu. Il y eut, je n'en doute pas, des témoignages dont on ne fit que très-peu de cas, sauf dans le ciel; mais un des hommes qui exercèrent l'influence la plus étendue et la plus durable, Augustin, était véritablement un saint de Dieu, et quoique ce ne soit pas beaucoup dire, la plus grande lumière de l'Église d'occident. Il avait tenu ferme le nom de Christ et n'avait point renié sa foi. Tout le monde est d'accord que ces épîtres s'appliquaient dans l'origine aux églises auxquelles Jean écrivait: mais beaucoup ne voient pas qu'elles s'appliquent aussi aux différentes périodes de l'Église et en décrivent les divers états successifs.

La doctrine des Nicolaïtes paraît être un mal du dedans, comme celle de Balaam en était plutôt un du dehors. C'était maintenant érigé en principe et en doctrine. La lettre à Éphèse parle des oeuvres des Nicolaïtes; mais la chose alla plus loin et plus profond. C'était une corruption de la grâce, un changement de la grâce en dissolution. Rien de plus terrible que cet abus de la grâce par ceux qui la connaissent et qui la prêchent. Et si nous sondons nos coeurs et nos voies, nous reconnaîtrons que c'est là ce que nous sommes tous enclins à faire. Le Seigneur nous a complètement rendus libres par la mort de son Fils, et quel droit cet amour ne possède-t-il pas sur nos coeurs? Ne nous arrive-t-il pas fréquemment d'en agir avec la grâce de Dieu envers nous, de la même manière que nos enfants en agissent à notre égard dans leur plus grand endurcissement, quand ils considèrent tout comme affaire de droit? Quoique la créationait été assujettie à la vanité par suite du péché d'Adam, il n'y a pas cependant de mal moral rattaché aux bêtes, etc. Mais il n'en est pas de même pour l'homme. Connaissant le mal, il ne laisse pas de continuer à vivre dans le mal; et même après que nous avons obtenu la certitude de la délivrance, si la joie du salut a passé en quelque mesure nous nous mettons à faire servir la grâce du Seigneur à notre propre satisfaction. C'est là quand on poursuit sans conscience dans cette voie, ce qui constitue le Nicolaïsme. Dieu entendait que sa grâce nous liât complètement à lui-même. Nous pouvons voir une personne tomber dans le mal, et c'est là, certes, une chose bien triste chez un chrétien; mais il y a une bien plus grande quantité de choses mauvaises que les autres ne voient pas.

Dieu nous fournit l'occasion de nous juger nous- mêmes, quand personne d'autre, peut-être, ne sait rien du mal que nous jugeons en nous. Si nous ne le jugeons pas, alors la fin ici-bas est que le monde nous juge; et nous pouvons tenir pour sûr, qu'il faut qu'il y ait eu une masse énorme de mal secret, pour que Dieu permette que nous fassions une chute telle que le monde même juge notre conduite comme mauvaise. Mais il ne faut pas nous décourager. C'est justement là où la vérité est prêchée et retenue avec le plus de fidélité, que Satan s'efforcera d'introduire la pire des hérésies pour attirer l'opprobre sur le témoignage de Dieu. Si un homme tombe du faîte le plus élevé, sa chute, naturellement, sera d'autant plus terrible, comme aussi elle sera beaucoup plus manifeste pour le monde, que s'il était simplement tombé dans la plaine.

Le Seigneur ne dit point: «je combattrai contre toi par l'épée de ma bouche,» mais «contre eux» (verset 16). A la vérité, l'épée du jugement peut agir en ôtant par la mort les membres de l'Église, comme cela eut lieu pour les saints de Corinthe qui furent jugés par le Seigneur ici-bas, afin que plus tard ils ne fussent pas condamnés avec le monde. La discipline chrétienne n'a pas pour but d'ôter ceux qui ne sont pas chrétiens du milieu de ceux qui le sont; mais en l'exerçant, l'assemblée envisage plutôt sa purification de chrétiens qui marchent mal, afin de maintenir dans son sein l'honneur et la sainteté du Seigneur. La miséricorde est le grand motif de la discipline, après le maintien du caractère de Christ dans l'Église. C'est le fond des voies du Seigneur envers nous, et certainement il en devrait être ainsi de nous à l'égard des autres.

Le mélange de l'Église avec le monde eut pour conséquence immédiate d'isoler le chrétien fidèle. L'Église n'est devenue invisible que par le péché. Ce n'était pas l'intention de Dieu, non plus que selon son coeur, qu'elle le fut jamais, quoique je croie que tout a été permis et ordonné avec sagesse. Dieu ne fit point une lumière pour qu'elle fut cachée, mais pour qu'elle fut mise sur un chandelier. Néanmoins le fait était tel désormais: le catholicisme régnait, si vous prenez le point de vue à longue portée, et bientôt frayait la voie au papisme.
Au saint dont le coeur est sincère au milieu de cette ruine et de cette confusion «Je donnerai, dit Jésus, à manger de la manne cachée» (verset 17). La manne représente Christ lui-même, tel qu'il descendit du ciel et prit une place d'abaissement dans le monde. C'est la place que Christ prit ici-bas qui est rappelée à ceux qui se laissaient glisser dans le monde. La manne cachée a trait à l'usage qui fut fait de la manne pour l'arche: on en porta dans le lieu saint une certaine portion comme mémorial devant Dieu.

Le sens de cette promesse n'est pas simplement que nous participerons en Christ, et pour en jouir avec lui, à toute sa gloire, selon qu'il est exalté en haut, et qu'il sera manifesté devant le monde; mais que Dieu nous donnera une communion spéciale avec Christ tel qu'il était ici-bas. Ce qu'il y aura de particulièrement doux dans la gloire, ce sera de sentir que le Bien-Aimé qui nous aura introduits dans toute la jouissance et toute la paix du ciel, est celui-là même que nous avons connu dans tout son sentier et sa réjection dans ce monde, avec lequel nous y avons participé toujours ici avec tant de faiblesse, nous nourrissant de Lui, comme de notre portion même à présent.

Le caillou blanc était la marque d'un entier acquittement. Puissions-nous regarder ainsi en avant à Christ; et que Dieu nous donne de savourer ses propres délices en son Fils, tel qu'il était ici-bas dans sa position de rejeté des hommes! Puissions-nous, de plus, posséder le caillou blanc, la portion des fidèles dans un état de choses, tel que celui de Pergame, où l'Église et le monde se réjouissaient ensemble.
Quand ils seront dans la gloire, ces fidèles jouiront de la même nourriture qui les soutient maintenant. Christ sera votre nourriture même dans la gloire et vous aurez le caillou blanc «et sur le caillou, un nouveau nom écrit que nul ne connaît due celui qui le reçoit;» c'est-à-dire l'expression de la satisfaction du propre coeur de Christ à l'égard de la manière dont vous avez souffert pour lui et l'avez servi ici-bas.

Assurément ce que le coeur appréciera le plus, c'est ce que Christ donnera entre lui-même et le coeur seulement - ce que nul ne connaîtra que nous-mêmes et lui. Puissions-nous posséder des marques de l'amour que nous avons pour lui, lors même que personne ne dût les connaître maintenant que lui-même.


THYATIRE


Verset 18. - Il se fait, dans ce chapitre, un grand changement qui commence avec l'épître à Thyatire. Dans les trois premières églises l'avertissement ( «que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux assemblées» )  précède la promesse; mais les quatre dernières possèdent la promesse avant d'être invitées à écouter.

Or, il doit y avoir une raison pour cela, une raison sage et suffisante pour laquelle le Saint-Esprit ait adopté dans les trois premières épîtres un arrangement uniforme, et s'en soit écarté et en ait adopté un autre aussi uniforme dans les quatre dernières. Rien n'a lieu par hasard dans la parole de Dieu.
Comme toutes ses voies envers l'homme ainsi que toutes les oeuvres de la création portent l'empreinte de son dessein dont il les a revêtues lui-même, à plus forte raison en est-il de même de cette parole qui développe ses voies et manifeste sa gloire morale.

Cette considération est pour nous d'une importance pratique immense: car souvenons-nous en, le secret de la force est dans une connaissance de Dieu et de ses voies en Christ, enseignée par l'Esprit. Entrer dans les pensées et les sentiments de Dieu tels qu'ils sont manifestés dans ce qu'il fait et ce qu'il dit dans la révélation qu'il a donnée lui-même de lui, et jouir de ces pensées et de ces sentiments, voilà ce qui gagne et garde le coeur du croyant, le purifie et lui donne de la force. Israël ne comprit pas les voies, et en conséquence ne comprit jamais le coeur de Dieu, et son propre coeur s'égara, comme il est dit: «c'est un peuple dont le coeur s'égare; car ils n'ont point connu mes voies» (vers. angl.}. Moïse, au contraire, appréciait le coeur de Dieu, et en conséquence il est dit à son sujet que «l'Éternel a fait connaître ses voies à Moïse.»

Dans les trois premières églises, l'invitation à écouter est donc adressée formellement à toute l'assemblée dont il s'agit; mais dans les quatre dernières, le changement de place qui a eu lieu pour elle semble indiquer plus de réserve: le Seigneur ne s'attend plus, pour ainsi dire, à ce que quelqu'un écoute, excepté ceux qui vaincront, et à partir de là, cette classe est distinguée du reste. Le mal avait maintenant gagné le corps professant, et la promesse n'est plus présentée et ne pouvait plus l'être dans son ancienne forme qui ne faisait aucune distinction. Nous recueillons de celle qui survient ici qu'un résidu commence à être de plus en plus clairement indiqué.

Quelque chose d'analogue se présente ailleurs. C'est ainsi que dans les paraboles de Math, XIII, les trois dernières sont incontestablement distinguées des précédentes, et s'adressent à un degré supérieur de spiritualité.
Les quatre premières furent prononcées dehors à la multitude, les trois dernières le furent dans la maison aux disciples seulement. Toutes les fois que nous trouvons dans la Bible une série de paraboles, de visions, ou de choses semblables groupées ensemble comme le sont celles-là, il y a d'ordinaire, pour ne pas dire invariablement, une ligne de démarcation entre celles qui commencent avec une portée générale, et celles dont l'application devient plus spéciale et plus restreinte à mesure que nous approchons du terme. Cela est vrai d'une manière frappante de ces épîtres apocalyptiques, dont les quatre dernières séparent les vainqueurs de la masse infidèle qui les entoure. En un mot, la formation d'un résidu fidèle, qui d'abord n'était, je suppose, séparé que d'une manière morale du corps qui portait le nom du Seigneur, maintenant, hélas! contrairement à la vérité, devient de plus en plus nette. En Thyatire, il semble que l'Esprit de Dieu rend ce principe clair et pleinement manifeste, comme il apparaîtra désormais.

Le Seigneur Jésus se présente ici dans son caractère de Fils de Dieu, suivi d'une description empruntée généralement à la vision que l'apôtre avait vue dans le chap. I. «Écris aussi à l'ange de l'assemblée qui est à Thyatire: le Fils de Dieu qui a ses yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à de l'airain très-luisant, dit ces choses.» (vers. 18).

Si nous nous reportons à ce que les Écritures disent du Seigneur Jésus ainsi considéré, deux choses nous frappent plus particulièrement. Comme Fils de Dieu, il est la source de la vie, et celui qui la donne souverainement (Jean V). La vie que nous tirons par la foi (car Celui qui croit a la vie éternelle) du Seigneur Jésus-Christ, est la vie dans une efficace telle que les corps mêmes de ceux qui la possèdent en lui, sortiront des sépulcres en résurrection de vie; tandis que les autres qui ne l'ont pas en doivent sortir en résurrection de jugement (Jean, V, 28,29).
Dans la résurrection de jugement nul ne saurait être sauvé. Nul chrétien ne paraîtra devant le tribunal de Christ comme un criminel qui va être jugé. Tous les chrétiens y comparaîtront (comme il faut que tous les hommes y comparaissent); mais le résultat devant le monde sera, nonobstant en certains cas la perte de leur récompense, leur glorieuse manifestation comme hommes justifiés. Mais s'il s'agissait pour vous ou pour moi de comparaître afin de voir si nous sommes justes, et si nous pouvons échapper ainsi à la condamnation, pourrait-il y avoir pour nous un rayon d'espérance?
Malgré cela, il ne saurait jamais y avoir, ou du moins il ne devrait jamais y avoir un doute à l'égard du salut absolu de ceux qui ont la vie dans le Fils de Dieu et par lui. Le tribunal de Christ les manifestera clairement comme des personnes justifiées; mais nous n'avons pas à attendre notre comparution devant le tribunal pour savoir que nous sommes justifiés: nous déshonorons la grâce de Dieu et l'oeuvre de son Fils, en ne sachant pas maintenant ce «dont le Saint-Esprit nous est aussi un témoignage.» La foi possède dès à présent et ici- bas un droit divin à une pleine justification, conformément à la valeur et à l'acceptation du Seigneur Jésus aux yeux de Dieu.

Ceci m'amène à la seconde des choses quelles j'ai fait allusion comme se rattachant au «Fils de Dieu.» Il donne la liberté aussi bien que la vie. «Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres» (Jean VIII, 36.) Ce sont là les deux grands aspects de la bénédiction qui caractérise Jésus comme Fils de Dieu. Il procure non pas seulement la vie, mais aussi la liberté. Non pas qu'elles aillent ensemble toujours ou nécessairement: car, comme on l'observe trop souvent, un homme peut posséder la vie spirituelle, et néanmoins être dans un triste esclavage. C'est aussi ce que nous pouvons voir, en Rom. VIII. Une personne convertie possède la vie, mais peut être en même temps le plus misérable des hommes pour ce qui regarde son expérience propre. «Misérable homme que je suis! qui me délivrera de ce corps de mort? 
Nous trouvons au chap. VIII la réponse de la grâce. «Car la loi de l'Esprit de vie dans le Christ-Jésus, m'a affranchi de la loi du péché et de la mort.» Maintenant, la liberté va avec la vie du Fils de Dieu; car il est le Seigneur ressuscité qui mourut pour moi et m'affranchit de tous les droits de la loi et de toute autre chose qui pouvait faire obstacle à ma bénédiction. Le serviteur ne demeure pas toujours dans la maison; il peut recevoir avis de la quitter; mais pareille chose n'arrive jamais au Fils. Et c'est à ce titre, comme fils, que Dieu nous place dans sa maison, dans une position de pleine et sainte liberté.

Quel titre propre à faire réfléchir sérieusement, mais combien précieux, le Seigneur eut à prendre là, surtout si ce n'était pas seulement les besoins d'alors de l'assemblée de Thyatire qui occupaient son coeur, mais s'il se représentait, en outre, cet état d'éloignement de la vérité, et même ces profondeurs de Satan, qui caractérisèrent les siècles du moyen-âge!
A Éphèse, lorsque les apôtres avaient presque tous disparu du monde, déclin du premier amour; à Smyrne, la persécution de la part des pouvoirs païens; puis à Pergame, ce qui est évidemment signalé, c'est l'époque où le Christianisme obtint la prépondérance dans le monde, et où par conséquent l'Église consomma et ratifia la perte de sa sainte et céleste séparation sur la terre.

La puissance du monde ne remporta jamais de plus grande victoire que lorsque elle fut vaincue extérieurement par la croix, lorsque le monde romain fut traité comme né de Dieu, simplement en vertu de la profession du nom de Christ dans le baptême, lorsque en un mot, devant le soleil levant de la chrétienté tomba en apparence le paganisme, mais en réalité le Christianisme. Il se peut que, sous bien des rapports, cet événement ait été une grâce pour le genre humain, comme certainement il a été le plus grave qui se soit accompli dans le gouvernement du monde depuis le déluge; mais qui pourrait estimer la perte que firent les saints et le déshonneur qui rejaillit sur leur Seigneur, lorsque le corps chrétien échangea la position, dans laquelle il est appelé maintenant à souffrir en grâce, en attendant d'être dans la gloire avec Christ à sa venue, contre une position actuelle d'autorité dans le monde, et même sur le monde?

Avec Thyatire, nous arrivons à une période encore plus sombre - conséquence naturelle de la puissance pour un peu de temps de ces plaisirs du péché. Quand l'empire se rangea sous la profession chrétienne et revêtit magnifiquement la croix de la splendeur de l'or, il en résulta non-seulement que les enfants de Dieu furent comblés de.... et de faveurs, au lieu d'avoir à errer, vêtus de peaux de brebis et de chèvres, ou à se cacher dans les cavernes et les trous de la terre, mais que leurs ennemis furent inévitablement attirés, que l'état moral dont Balaam est l'expression se développa et l'homme courut avidement après l'erreur pour une récompense. Mais l'état de choses qui a son symbole dans Jésabel est pire encore que celui-là et typifie d'une manière frappante la sanguinaire et idolâtre prophétesse qui chercha à être la maîtresse universelle dans les siècles de ténèbres, comme on les appelle, et qui certes étaient bien ténébreux en effet. C'est de cet état de choses que l'Église de Thyatire était d'avance, je crois, la remarquable figure.

Mais le Seigneur aime à louer tout ce qu'il peut, et c'est dans une sombre époque qu'il prend plaisir à pouvoir donner son approbation à quelque chose. «Je connais les oeuvres, et ton amour, et ta foi, et ton service (car tel est l'ordre véritable, ) et ta patience, et que tes dernières oeuvres surpassent les premières.» (vers. 19.) «Mais j'ai contre toi, que tu laisses faire à la femme Jésabel qui se dit prophétesse, et enseigne, et égare mes esclaves, en les entraînant à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles.»
Ainsi, il y avait beaucoup d'énergie, et un esprit de service dévoué; mais en même temps, le mal le plus grave menaçait l'assemblée de Thyatire et déjà alors était à l'oeuvre.

Quand Jésabel était assise en reine en Israël, la ruine et la confusion se trouvaient partout; mais le Seigneur ne laissa pas de se susciter à lui-même un témoignage convenable. C'est alors que nous trouvons un Elie et un Élisée, et même un autre témoin là où naturellement on pouvait le moins s'y attendre, dans la maison même où le mal régnait en souverain: quelqu'un qui cacha dans une retraite et nourrit les prophètes du Seigneur persécutés par Jésabel. Comme le Nouveau Testament nous montre des saints dans la maison de César, de la même manière précisément il y eut jadis un Abdias qui craignait fort l'Éternel, établi sur la maison d'Achab «qui s'était vendu pour faire ce qui déplaît à l'Éternel, selon que sa femme Jésabel l'induisait.» C'est aussi alors qu'il y eut ce résidu de sept mille qui n'avait pas fléchi le genou devant Bahal. Sans doute que le Seigneur eût dit de ce résidu ce que nous lisons dans l'épître à Thyatire: «Tes dernières oeuvres surpassent les premières.»

La méchanceté de ceux qui entouraient ces fidèles ne faisait que rendre leur fidélité plus précieuse au Seigneur; et peut-être, pouvons-nous ajouter, les loue-t-il davantage que s'ils avaient vécu dans des jours moins difficiles: précisément de la même manière que, d'un autre côté, il ne peut pas ne pas traiter plus sévèrement le mal commis dans un temps spécial de lumière et de grâce. Que d'Ananias et de Saphira il y a eu depuis les jours de la Pentecôte qui n'ont pas été visités d'une manière aussi ouverte et avec aussi peu de ménagements que lorsque une grande grâce reposait sur tous!
C'est là une pensée encourageante pour nous qui nous savons exposés non pas, il est vrai, à l'orage de la persécution, mais à une saison bien plus périlleuse. Il n'y a jamais eu de temps où l'homme ait eu meilleure opinion de lui-même, et c'est là un péché d'autant plus grave que le témoignage de la vérité de Dieu au fait opposé a été répandu au loin de toute part. Je ne nie pas qu'il se fait aujourd'hui de grands efforts parmi les chrétiens. Mais «l'obéissance vaut mieux que le sacrifice, et se rendre attentif vaut mieux que la graisse des moutons;» et jamais il n'y a eu moins de soumission à la volonté de Dieu qu'en ce temps-ci.
L'esprit d'association est très-répandu, et cela sonne bien; on prend beaucoup conseil ensemble; mais faire alliance est une chose, et s'appliquer à garder l'unité de l'esprit en est une autre bien différente.

Et voici ce que le Seigneur déclare: «Je regarderai à celui qui est affligé, et qui a l'esprit. brisé, et qui tremble à ma parole.» Ce qui est réellement important pour les chrétiens ce n'est point de se trouver ensemble, seraient-ils même tous les chrétiens, mais d'être ensemble dans la voie du Seigneur, et n'ayant pour but que la gloire du Seigneur, «seule chose» qu'ils aient à faire. N'y en eut-il que deux ou trois réunis ainsi en son nom, il nous a assuré lui-même que sa présence et sa bénédiction seraient là, malgré toutes les apparences contraires; tandis que lors même que nous nous trouverions ensemble deux ou trois mille, si ce n'était pas en obéissance immédiate au Seigneur Jésus, nous ne recueillerions en définitive que la douleur et la honte, quoiqu'il eût put sembler un temps. Si nous cherchons à plaire aux hommes nous ne saurions être serviteurs de Christ.

C'est donc, à ce qu'il me paraît, au moment où le Seigneur a devant ses yeux l'état d'une église qui pouvait bien préfigurer le sombre développement d'un jour à venir (durant lequel les saints seraient dans un grand esclavage et où une action complètement étrangère s'exercerait au milieu d'eux, les persécutant, tandis que l'autorité de Christ serait nulle dans la pratique), c'est, dis-je, à un pareil moment, que le Seigneur met en avant son titre de «Fils de Dieu» dont les yeux étaient comme une flamme de feu et les pieds comme de l'airain très-luisant.
Jadis Pierre l'avait confessé pour le Christ, le Fils du Dieu vivant; et là-dessus, immédiatement après l'avoir déclaré bienheureux et l'avoir solennellement nommé du nom nouveau qu'il lui avait donné, le Seigneur ajoute: «Sur ce rocher je bâtirai mon assemblée.» Maintenant, hélas! le Seigneur anticipe le jour où l'église professante perdrait l'équilibre et se mettrait virtuellement à sa propre place à lui, alléguant que c'était elle, la dame, et non pas lui, le Seigneur, qui devait être écoutée dans les matières de foi.
En conséquence nous le voyons ici revendiquer sa gloire personnelle et les attributs de son jugement inflexible et qui scrute tout, pensée sérieuse mais consolante pour ceux des siens qui se trouveraient au milieu de cette triste confusion, et parfaite ressource que leur procurait sa sagesse pour les délivrer de ce qui allait s'établir, ou était déjà établi. C'est aussi de la même manière que sa promesse (26, 27) devait les préserver de rechercher un royaume actuel, un soi-disant millénium spirituel sans Christ, où ils auraient soit la liberté de jouir du monde, soit même le droit de le gouverner.

Dans l'église de Thyatire il se trouvait des personnes fidèles, aimantes, et zélées particulièrement pour les bonnes oeuvres; mais il y avait aussi cette tache terrible, qu'on y souffrait «cette femme Jésabel.» Jésabel, comme nous l'apprenons ici, était une fausse prophétesse qui enseignait et induisait les serviteurs de Christ à commettre fornication et à manger des choses sacrifices aux idoles. C'était pire que l'iniquité de celui qui aima le salaire d'injustice, un pas plus en avant même dans la voie de Balaam. «Et je lui ai donné du temps afin qu'elle se repentît, et elle ne veut pas se repentir de sa prostitution. Voici, je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle dans une grande affliction, s'ils ne se repentent de ses oeuvres; et je ferai mourir de mort ses enfants; et toutes les assemblées connaîtront que c'est moi qui sonde les reins et les coeurs; et je vous donnerai à chacun selon vos oeuvres.» (Vers. 21-23.)

Que pouvait-il y avoir de plus abominable que le mal que nous voyons ici? Jésabel, comme c'était connu de tous, ajouta la violence à la corruption, fut la conseillère du meurtre, l'active ennemie de tous les témoins de Dieu, la protectrice en public et en particulier des prêtres des idoles et des prophètes de Bahal. Et maintenant il y avait dans Thyatire ce qui, au yeux du Seigneur, figurait la sombre et cruelle idolâtrie qui devait être expressément enseignée et imposée par une prétendue autorité infaillible au sein de l'église professante. Même à ce moment-là le germe actuellement existant ne pouvait être caché à celui dont les yeux étaient comme une flamme de feu. Jésabel était là, et «ses enfants» aussi. C'était une source de mal profonde et permanente. Mais le jugement qui devait la frapper, elle et toute sa race, était sévère quoiqu'il put paraître avoir tardé. Le Seigneur discerne divers degrés de relation avec le mal; mais aucun ne resterait impuni.

Les mots «quelque peu de chose,» au verset 20, doivent disparaître. Il ne s'agissait pas d'un petit sujet de plainte, mais bien d'un qui était d une gravité et d'une complication extraordinaires. Cette phrase se glissa là du verset 14, je pense, et il se trouve d'ailleurs entre les deux versets assez de ressemblance pour qu'un copiste ait eu l'idée de leur complète assimilation. Mais un examen plus attentif montre, ainsi que nous l'avons vu, que la différence entre eux est grande, surtout si nous devons lire «la femme Jésabel.» Le péché de fornication ou d'adultère est ici le symbole de ce commerce impie avec le monde qui, pour le chrétien ou pour l'Église, est une relation analogue à celle qu'aurait constitué pour un Israélite le mariage avec une Cananéenne.
L'action de manger des choses sacrifiées aux idoles mit en communion avec ce qui se rattachait directement à la puissance de Satan; «car les choses que les nations sacrifient, elles les sacrifient à des démons et non pas à Dieu,» Et c'est une chose facile d'avoir communion avec les démons, quoique les hommes y attachent peu d'importance et que les chrétiens jugent sainement de son énormité.

Outre celle qui était le principal instrument de la corruption et la source du mal, il est fait mention de deux classes de personnes qui étaient positivement coupables: les serviteurs de Christ qu'elle induisait à un commerce criminel avec le monde, et ceux qui étaient la postérité directe de Jésabel «ses enfants.»
Le Seigneur en agirait avec chacun selon ses oeuvres. Il était le juste juge, et il faut que l'homme, comme tel, soit jugé, et que tous, saints ou pécheurs, soient manifestés devant son tribunal.
Combien n'est-il pas remarquable cependant que le Seigneur évite de dire que les saints seront jugés. «Je vous donnerai à chacun,» dit-il, «selon vos oeuvres.» Il en cet de même au chapitre XXII, 12, et bien d'autres passages semblables.
D'un côté il nous est déclaré positivement que le croyant ne viendra pas en jugement (car, Jean V, 24, signifie jugement et non pas. «condamnation,» quoique certainement tel en doive être le résultat).
De l'autre côté, nous savons par Apoc. XX, 12, 13, que les prêchants doivent se trouver devant le trône, et là, être jugés selon leurs oeuvres. Leur résurrection est une résurrection de jugement (et en effet de condamnation) en contraste avec celle des justes qui est une résurrection de vie. Ainsi, il est certain que si je suis jugé pour le salut ou pour la perdition, conformément à ce que mes oeuvres méritent, il faut que je sois perdu, car j'ai péché et j'ai le péché; néanmoins, il est également sûr que le Seigneur n'est point injuste pour oublier l'oeuvre et le travail de l'amour, et ainsi il donnera à chacun selon ses oeuvres. Christ lui-même, l'amour de Christ, est le seul bon motif d'un chrétien en quoi que ce soit, mais il va des récompenses pour ceux qui ont souffert pour Christ, ou qui ont été chassés pour la justice ou pour le nom de Jésus.

Le résidu apparaît avec une grande clarté dans le verset qui suit: «Mais je vous dis à vous, savoir, aux autres (litt. au reste, au résidu), qui sont à Thyatire» (vers. 24), paroles qui nous montrent quelques fidèles, qui sont appelés «les autres», le reste, distingués de la masse dans Thyatire.
Le Seigneur avait parlé de ses serviteurs qui avaient été induits à jouer avec le mal de Jésabel, et des propres enfants de cette méchante femme, classe pour laquelle il n'y avait aucune miséricorde à attendre de lui. Puis il s'adresse à une autre classe, le résidu: «Je vous dis à vous, les autres (le reste).» Le corps extérieur corrompu continue, et il y a un résidu que désormais le Seigneur avait particulièrement en vue. Il les suppose ignorants, peut-être, et dit seulement «autant qu'il y en a qui n'ont pas cette doctrine, qui n'ont pas connu les profondeurs de Satan (comme ils disent), je ne mets pas sur vous d'autre charge, mais seulement tenez ferme ce que vous avez, jusqu'à ce que je vienne» (vers. 24, 25). Tout cela n'était peut- être que négatif, mais ils s'étaient gardés purs de ce mal, et en tenant ferme le peu qu'ils avaient ils auraient sûrement leur récompense à la venue du Seigneur. Dans ces siècles de ténèbres il y eut des personnes qui souffrirent pour Christ et qui lui rendirent témoignage.Tels furent les Albigeois et les Vaudois; et je considère la phrase «Tous, les autres, qui êtes dans Thyatire» comme se rapportant à ces diverses associations persécutées qui retinrent avec force ce qu'elles avaient reçu de Dieu.
Elles ne possédaient pas de grandes connaissances, mais elles étaient un résidu séparé et souffrant du mal répandu autour d'elles, du mal de Jésabel. La consolation qui leur est présentée ne consiste pas dans quelque promesse d'amélioration dans l'état de l'Église, mais bien dans une espérance qui est en dehors de tout sur la terre, savoir la venue personnelle de Christ.

Il ne saurait y avoir en quelques mots une esquisse plus admirable que celle que nous avons ici. Ce n'est pas aussi une chose peu remarquable que le livre de l'Apocalypse ait été autant prisé par ces saints. A la vérité, il en a été toujours plus ou moins ainsi aux époques de persécution: non que ce soit là le meilleur motif, car c'est lorsque le Seigneur amène son peuple à attendre son retour que ce livre est le plus apprécié; mais sa tendresse pour les siens dans la souffrance en un temps de ténèbres est extrêmement douce au coeur; et quelle promesse! - «Et celui qui vaincra et qui gardera mes oeuvres jusqu'à la fin, je lui donnerai autorité sur les nations,» etc. (vers. 26,27).

Ce que l'Église du moyen-âge rechercha avec arrogance et méchanceté, les saints qu'elle persécuta ou méprisa doivent néanmoins le posséder lors de la venue et du règne de leur Seigneur, et en conséquence cette venue et ce règne sont présentés ici comme l'objet convenable de leur espérance. L'Église coupable ne fut pas plus cruelle envers les véritables saints qu'ambitieuse de puissance sur le monde. Mais il est bon d'attendre la voie et le temps du Seigneur. C'est lorsque la puissance terrestre aura été mise de côté et jugée, que ceux qui ont souffert avec Christ régneront avec lui. Mais la promesse va plus loin que l'autorité sur les nations, et le pouvoir de les paître avec une verge de fer..... selon que Christ aussi a reçu de son Père. «Et je lui donnerai l'étoile du matin» (vers<. 28). Ceci est très-précieux; ce n'est pas seulement la promesse d'être associé à Christ au jour de son pouvoir, où la force des hommes sera brisée comme les vaisseaux d'un potier, mais «de nous réunir ensemble à lui» avant ce jour-là.

Le lever du soleil appelle l'homme à ses laborieuses occupations, mais l'étoile du matin brille pour ceux-là seuls qui ne dorment pas comme les autres, pour ceux qui veillent comme des enfants de lumière et du jour. Sans aucun doute nous serons avec le Seigneur quand le jour de gloire se lèvera sur le monde; mais l'étoile du matin  précède le jour, et Christ ne dit pas seulement: «Je suis... l'étoile brillante du matin;» mais «je donnerai l'étoile du matin». Il viendra et recevra ses saints célestes avant qu'ils soient manifestés avec lui en gloire.
Puissions-nous lui être fidèles en refusant les aises, les honneurs et le pouvoir du siècle présent!
Puissions-nous le suivre en portant notre croix et en renonçant chaque jour à nous-mêmes. Il ne nous oubliera pas lors de son jour, et avant de venir, il nous donnera l'étoile du matin.

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