« L'amour ne fait point de mal au prochain ; l'amour est donc l'accomplissement de la loi. » Rom. XIII ; 10.
En traitant ce sujet, je
désire :
I. faire quelques remarques sur la nature de
l'amour,
II. montrer que l'amour est le tout de la
religion,
III. indiquer plusieurs choses qui ne sont pas
essentielles à l'amour parfait,
IV. en indiquer plusieurs qui lui sont
essentielles,
V. montrer quelques-uns des effets de cet amour.
1. L'amour revêt différentes
formes.
Les deux principales, dans le domaine religieux,
sont la bienveillance et la sympathie. La
bienveillance est une affection de l'âme, une
direction de la volonté. Elle consiste
à vouloir le bien de l'être
aimé, à rechercher son bonheur.
L'amour de sympathie implique approbation, estime,
admiration pour celui qui en est l'objet. Le
premier de ces amours doit embrasser tous les
êtres moraux, quel que soit leur
caractère. Le second, au contraire, n'est
dit qu'à celui qui est bon et saint.
2. L'amour peut être affection ou
émotion.
Quand il est affection, il est volontaire. Quand il
est émotion, il est involontaire, en ce sens
qu'il ne dépend pas directement de la
volonté. C'est comme affection surtout que
l'amour est une vertu ; et c'est comme
émotion surtout qu'il est une jouissance, un
bonheur.
L'émotion peut se produire
indépendamment de la volonté et
même malgré elle ; on en a conclu
souvent qu'elle échappe à tout
contrôle moral ; le fait est que la
volonté peut agir sur l'émotion, mais
d'une manière indirecte. Nous pouvons, en
effet, produire en nous l'émotion en fixant
notre attention d'une manière suffisante sur
l'objet qui est de nature à la
produire ; nous pouvons aussi prévenir
en détournant notre attention de l'objet qui
lui donne naissance et en ne permettant pas que la
pensée s'y arrête un seul instant.
3. Quand l'amour pour Dieu est
ressenti
sous forme d'affection, il est assez ordinaire
qu'il se manifeste aussi sous la forme de
l'émotion.
Ce n'est pourtant pas toujours le cas. Nous pouvons
exercer notre bon vouloir envers quelqu'un sans
ressentir constamment à son égard
l'émotion de l'amour. Il n'est pas certain
que notre Seigneur Jésus-Christ
lui-même ait continuellement ressenti l'amour
pour Dieu sous la forme de l'émotion. Pour
autant que nous connaissons ce qui se passe dans
les coeurs, nous pouvons affirmer que l'on peut
éprouver de l'affection et être
conduit par cette affection dans tout ce que l'on
fait, sans cependant ressentir aucune
émotion C'est ainsi qu'un homme,
époux et père de famille, peut
être engagé dans un travail incessant
entrepris pour le bien des siens, de façon
à ce que toute son activité soit
inspirée par l'affection qu'il leur porte,
sans qu'à un moment donné su
pensée s'arrête sur eux d'une
façon assez distincte pou réveiller
en lui l'émotion de l'amour. Remarquez que
je prends ici le terme d'affection dans le sens que
lui donne le Président Edwards dans son
célèbre Traité sur la
volonté. L'affection, au sens donné
par cet auteur, est un acte de la
volonté.
4. L'amour pour le prochain implique
l'amour pour Dieu, et l'amour pour Dieu implique
l'amour pour le prochain.
C'est ce que montrent notre texte et notre
contexte. « Celui qui aime les autres a
accompli la loi, » dit l'apôtre,
c'est dire que celui qui aime les autres aime Dieu.
L'apôtre Jacques pose le même principe
lorsqu'il dit : « Si vous
accomplissez la loi royale qui dit : Tu
aimeras ton prochain comme toi-même, vous
faites bien. »
En d'autres termes, tout ce que Dieu requiert de
l'homme, c'est l'amour. L'objet du commandement est
toujours le même au fond, quoiqu'il y ait
diversité de manifestations et
d'applications. Tout se résume dans
l'amour.
1. Notre texte, ainsi qu'un grand
nombre
d'autres passages des Écritures, nous
montrent dans l'amour le but et le
résumé de toutes les exigences de la
loi et de l'Évangile.
Notre Sauveur déclare que le grand
commandement est : « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton
âme, de toute ta pensée et de toute ta
force ; et ton prochain comme
toi-même. » Il nous dit que c'est
là tout ce que l'Écriture
entière, « la loi et les
prophètes » demandent.
2. Dieu est amour ; aimer
c'est
être semblable à Dieu ;
être parfait dans l'amour, c'est être
parfait comme Dieu est parfait.
Tous les attributs moraux de Dieu sont amour ;
c'est toujours l'amour, mais agissant dans des
circonstances variées et avec des fins
diverses. La justice de Dieu punissant le
méchant, la colère de Dieu contre le
péché et tous les traits semblables
du caractère de Dieu ne sont que son amour
s'exerçant pour le bien
général de son royaume. Il en est de
même chez l'homme. Tout ce qui est bon dans
un homme, c'est l'amour et rien que l'amour, sous
une forme ou sous une autre. La haine pour le
péché n'est que l'amour pour la vertu
se manifestant dans son opposition à tout ce
qui est contraire à celle-ci. De même,
la vraie foi renferme. l'amour ; et toute foi
qui ne le renferme pas, qui n'est pas
« agissante par la
charité, » n'a rien de religieux.
La foi vraiment religieuse est une confiance en
Dieu remplie d'affection peur lui. Il y a une
espèce de foi en Dieu qui ne renferme aucun
amour ; le diable a cette espèce de
foi ; le pécheur convaincu de
péché l'a aussi ; mais il n'y a
point là de religion. La foi aurait beau
s'exalter jusqu'à faire des miracles :
si elle ne renferme pas l'amour, elle n'est rien.
Paul dans la lre aux Corinthiens ; chap. XIII,
dit : « Si j'ai le don de
prophétie, et que je sache tous les
mystères et tout ce qu'on peut
connaître, et que j'aie toute la foi
jusqu'à transporter des montagnes, mais que
je n'aie pas l'amour, je ne suis
rien. »
Il en est de la repentance comme de la foi. La
repentance qui ne renferme pas l'amour n'est pas
« la repentance envers Dieu. »
La vraie repentance implique l'obéissance
à la loi d'amour ainsi que l'opposition au
péché inhérente à cette
obéissance.
1. L'amour parfait n'est pas
toujours
accompagné d'une émotion très
vive.
Il est évident que Jésus-Christ
n'éprouva que rarement l'émotion de
l'amour à son plus haut degré ;
et pourtant il eut toujours l'amour parfait. En
général, il ne manifestait pas de
très vives émotions ; il
était remarquablement calme. Parfois son
indignation était grande, et la douleur que
lui causait la dureté du coeur de l'homme
était extrême ; parfois aussi
« il tressaillait de joie en son
esprit ; » mais encore une fois, ce
n'était pas là sa manière
d'être ordinaire. J'en conclus que la
vivacité de l'émotion n'est nullement
essentielle à la perfection de l'amour.
2. L'amour parfait n'exclut pas le
progrès dans l'amour ou dans la
grâce.
Je pense que nous sommes appelés à
croître en connais, lance
d'éternité en éternité
et que ce progrès implique un progrès
correspondant dans l'amour. Dans sa nature
humaine ; le Seigneur Jésus-Christ
« croissait en stature et en grâce
devant Dieu et devant les hommes. » Sans
nul doute, comme enfant, il croissait en
connaissance, et il croissait aussi à
proportion en amour pour Dieu en même temps
qu'en grâce « auprès de
Dieu. » Son amour était parfait
déjà quand il était
enfant ; mais quand il devint un homme fait,
cet amour fut plus grand encore. Il a probablement
grandi dans l'amour de Dieu jusqu'à la fin
de sa vie.
3. L'amour parfait n'implique pas
que
l'amour soit toujours ressenti pour tous les hommes
également.
Nous ne pouvons pas penser à tous les hommes
à la fois. Nous ne pouvons pas même
penser en même temps à toutes les
personnes que nous connaissons. Or, pour que nous
ressentions de l'amour envers telle d'entre elles,
il est nécessaire qu'elle soit actuellement,
présente à notre pensée.
4. Si un homme a l'amour parfait, il
n'en
résulte pas qu'il priera toujours pour tous
avec le même esprit de prière ;
ni qu'il priera toujours pour le même
individu avec ici abondance de cet esprit.
L'esprit de prière n'est pas toujours
essentiel à l'amour pur et parfait. Les
saints qui sont dans le ciel ont l'amour parfait,
cependant il ne nous est pas dit qu'ils
intercèdent en faveur de qui que ce soit.
Vous pouvez aimer beaucoup quelqu'un sans cependant
avoir l'esprit de prière pour lui ; ce
qui veut dire que l'Esprit de Dieu peut ne pas vous
conduire à prier pour son salut. Vous ne
priez pas pour les méchants qui sont en
enfer. L'esprit de prière dépend des
influences du Saint-Esprit qui conduit à
prier pour les choses qui sont agréables
à Dieu. Vous ne pouvez prier par l'Esprit
avec le même degré de ferveur et de
foi pour tous les hommes. Jésus-Christ dit
expressément : « Je ne prie
pas pour le monde. » On se trompe souvent
sur ce point. Plusieurs pensent que les
chrétiens n'ont pas fait tout leur devoir
tant qu'ils n'ont pas prié avec foi pour
chaque pécheur en particulier, aussi
longtemps qu'il y en a sur la terre. Alors
Jésus-Christ non plus n'aurait jamais fait
tout son devoir, car il n'a jamais prié de
cette façon-là. Dieu ne nous a jamais
dit qu'il sauverait tous les hommes, il ne nous a
donc pas donné de raison de croire qu'un
jour tous seraient sauvés ; comment
donc pourrions-nous demander avec foi le salut de
tous les hommes ?
5. L'amour parfait n'est pas
incompatible
avec la langueur et la faiblesse physiques.
Nous sommes ainsi faits que l'excitation
épuise toutes nos facultés ;
mais l'amour parfait peut subsister en dépit
de cet épuisement. Quelqu'un peut être
plus disposé à se coucher et à
dormir qu'à prier, sans que l'amour cesse
d'être parfait en lui. Le Seigneur
Jésus-Christ éprouva souvent cette
fatigue et cet épuisement ; chez lui
l'esprit, était toujours bien
disposé, mais la chair était faible.
1. Avoir l'amour parfait, c'est
n'avoir
plus rien dans le coeur qui soit incompatible avec
l'amour.
Ni haine, ni malice, ni colère, ni
impatience, ni envie, ni mauvais sentiment
quelconque.
2. C'est être conduit par l'amour
dans toute notre vie intérieure et
extérieure, pensées, paroles et
actions, en sorte que rien n'y contredise la loi
suprême de la charité.
3. C'est aimer Dieu par dessus tout.
Celui qui a l'amour parfait aime Dieu tellement
au-dessus de tout, que son amour pour tout autre
objet n'est rien en comparaison de son amour pour
Dieu.
4. C'est l'aimer d'un amour
désintéressé.
L'amour parfait aime Dieu pour ce qu'il est, et non
pas seulement pour les dons qu'il dispense ;
il l'aime à cause de l'infinie excellence de
son caractère.
5. Celui qui est arrive à l'amour
parfait aime son prochain d'un amour égal
à celui qu'il se porte à
lui-même ; il regarde les
intérêts et le bonheur de son prochain
comme, ayant autant de valeur que les siens,
et il agit en conséquence.
1. Si quelqu'un a un parfait amour
pour
Dieu et pour les hommes, il trouvera sa joie
à renoncer à lui-même pour
avancer le règne de Dieu et sauver les
pécheurs.
Voyez des parents affectionnés, quelle
jouissance ils trouvent à renoncer à
eux-mêmes pour procurer, du bonheur à
leurs enfants ! Ce père de famille se
livre aux plus rudes labeurs, jour après
jour, année après année,
durant toute une longue vie, se levant de bonne
heure et souffrant toutes sortes de privations,
tout cela pour le bien de ceux qui lui sont chers.
Et il ne regarde pas ses travaux comme une peine ou
comme un fardeau, mais comme une joie, parce qu'il
aime sa famille. Voyez cette mère qui a pris
à coeur les études de son fils au
lycée : les veillées et les
labeurs qu'elle s’impose pour lui sont pour
elle une joie, parce qu'elle l’aime. De tels
parents jouissent plus de ce qu'ils gagnent en le
donnant à leurs enfants qu'en s'en servant
pour eux-mêmes. Quelle est la mère qui
ne jouisse beaucoup plus Bedonner un fruit à
son jeune enfant que de le manger ?
Le Seigneur Jésus éprouva beaucoup
plus de satisfaction en travaillant au salut de
l'humanité que jamais aucun des saints n'a
pu en éprouver en recevant de lui telle ou
telle grâce. Il a déclaré qu'il
y a plus de bonheur à donner qu'à
recevoir. Donner était la joie qu'il
poursuivait et pour laquelle il endura la croix et
méprisa l'ignominie. L'apôtre Paul ne
regardait point comme une peine ou un malheur
d'être chassé de lieu en lieu,
emprisonné, battu de verges, lapidé,
et d'être regardé comme le rebut de la
société, pour l'amour de Jésus
et des âmes à sauver. Au contraire,
c'était sa joie. L'amour de Christ le
pressait et il avait un tel désir de faire
du bien aux autres que sa plus grande joie
était de s'offrir lui-même en
sacrifice pour leur salut. D'autres après
lui ont été animés des
mêmes sentiments. Il y a en des
chrétiens qui auraient volontiers consenti
à rester sur la terre un millier
d'années, ou même jusqu'à la
fin des temps, pourvu qu'il leur fût
donné de travailler sans cesse à
faire du bien, à avancer le règne de
Dieu, à sauver des âmes. En faveur de
la cause qui leur était si chère,
renoncer au sommeil et à la nourriture
était peu de chose pour eux.
2. L'amour parfait délivre
l'âme du pouvoir des motifs
légaux.
Cet amour conduit à obéir à
Dieu non parce que l'on craint, sa colère ou
que l'on espère être
récompensé, mais parce que l'on aime
Dieu et que l'on aime sa volonté. Plusieurs
disent que la vertu consiste à faire le bien
simplement parce qu'il est le bien, sans se
préoccuper de la volonté de Dieu et
sans être influencé par l'amour pour
Dieu. Mais faire une chose simplement parce que
l'on pense qu'elle est bien et non pas par amour
pour Dieu, n'est pas de la vertu. L'amour parfait
conduit partout au bien et à la vertu ;
dès qu'il a reconnu la volonté de
Dieu, il la fait, simplement parce qu'elle est la
volonté de Dieu.
3. Celui qui a l'amour parfait est
mort
au monde.
Je veux dire par là que les
considérations de ce monde n'auront aucune
prise sur lui. L'amour parfait aura tellement
anéanti l'égoïsme en lui, qu'il
n'aura, pas d'autre volonté que la
volonté de Dieu, pas d'autre
intérêt que la gloire de Dieu. Il ne
sera aucunement influencé par l'opinion
publique, ni par ce que tel ou tel pourra penser ou
dire de lui. Voyez cette femme ; que
n'est-elle pas capable de faire par affection pour
l’époux qu'elle a choisi ? Elle
abandonnera tout le cercle de ses parents et amis,
aussi complètement que si elle était
morte pour eux, et ne fera pas la moindre attention
à toutes leurs objections ; elle
abandonnera toutes les richesses, les honneurs et
les jouissances qu'ils lui offrent, pour suivre
celui qu'elle aime et vivre avec loi dans la
pauvreté, dans les privations de toute
espèce, dans la mauvaise réputation
et dans l'exil. Elle quittera un palais pour
habiter avec lui une chaumière et se
trouvera parfaitement heureuse. Son affection est
si grande qu'elle fait tout cela avec joie. Tout ce
que ses anciens amis pourront dire contre l'objet
de son affection ne fera, que le lui rendre plus
cher. Cette affection unique qui absorbe tout en
elle a tué toutes les autres influences qui
autrefois agissaient sur elle. Il n'y a
désormais qu'un seul chemin par lequel on
puisse arriver à son coeur, et ce chemin
c'est l'affection qui domine tout dans sa vie.
Le parfait amour pour Dieu produit un
résultat analogue. Il est impossible de
détourner de Dieu celui qui est rempli de
cet amour. Ôtez-lui tout ce qu'il
possède sur cette terre, ses amis, sa
réputation, ses enfants ; envoyez-le en
prison, fouettez-le de verges, liez-le sur un
bûcher, enduisez-le de poix, mettez-y le
feu ; - vous lui laissez son Dieu, il est
heureux.
Il y a eu des martyrs qui, tandis que leurs corps
brûlaient sur le bûcher, étaient
si parfaitement heureux en Dieu, qu'ils en avaient
perdu la sensation de la douleur. Supposez, par
impossible, de tels chrétiens dans
l'enfer : aussi longtemps qu'ils jouiront de
Dieu et que l'amour de Dieu remplira leurs coeurs,
ils seront heureux.
Vous avez vu des parents vivre pour leur unique
enfant. Après l'avoir perdu, ils ne
désiraient plus que la mort. Vous avez vu
des époux avoir une telle affection l'un
pour l'autre, que cette affection était leur
vie ; lorsque l'un des deux mourait, l'autre
dépérissait et le suivait
bientôt. Le survivant avait perdu l'objet qui
absorbait toute son âme, pourquoi aurait-il
vécu encore ? De même, quand un
homme est rempli d'un parfait amour pour Dieu, il
désire ne vivre que pour aimer et servir
Dieu ; il est mort au monde, mort
à sa réputation, mort à tout
en dehors du désir de glorifier Dieu.
Je me rappelle avoir entendu dire plus d'une fois
à un ami chrétien :
« Pour autant que je me connais, je ne
songerais pas plus à vivre un seul instant
pour un autre objet que la gloire de Dieu,
qu'à sauter tout droit dans
l'enfer. » C'est avec réflexion et
de sang-froid que mon ami s'exprimait de la sorte,
et toute sa vie confirmait cette assertion.
C'était d'ailleurs un homme aussi
sincère qu'intelligent, et je n'ai aucune
raison de mettre en doute l'exactitude de son
témoignage. Or qu'est-ce qu'un semblable
amour pour Dieu, si ce n'est l'amour parfait ?
L'amour qui a dicté la parole que je viens
de citer est-il surpassé par celui des anges
du ciel ? Jésus-Christ lui-même
pouvait-il dire davantage ?
4. Il est à peine
nécessaire de dire qu'Une parfaite joie et
une parfaite paix sont le résultat naturel
du parfait amour.
5. Celui qui possède l'amour
parfait fera constamment les plus grands efforts
pour la sanctification de l'Église et pour
le salut des âmes.
Mais celui qui montre de la négligence
à l'égard de l'une ou de l'autre de
ces choses, montre par là qu'il n'est
nullement parfait dans l'amour, quelles que
puissent être ses prétentions.
Je désire maintenant diriger votre attention
sur le XIIIe chap. de la Ire épître
aux Corinthiens : Si je parle les langues des
hommes et des anges, dit l'apôtre, mais que
je n'aie pas l'amour, je suis un airain sonnant ou
une cymbale retentissante. Et quand j'aurais le don
de prophétie, la science de tous les
mystères et toute la connaissance, quand
j'aurais même toute la foi jusqu'à
transporter, des montagnes, si je n'ai pas l'amour,
je ne suis rien. Il est donc possible d'avoir une
foi qui opérerait des miracles, une foi si
puissante qu'elle détacherait les montagnes
de leurs fondements éternels, et de n'avoir
pas l'amour. Et quand je distribuerais tous mes
biens pour la nourriture des pauvres, quand je
livrerais même mon corps pour être
brûlé, si je n'ai pas l'amour, cela ne
me sert de rien.
Vous voyez jusqu'où l'apôtre suppose
qu'un homme peut aller sans avoir l'amour. L'amour
est patient. La patience ici est la douceur en face
de l'opposition et des injures. L'amour supporte
les provocations les plus violentes sans rendre la
pareille. L'amour est plein de bonté, ou
d'affection dans ses rapports avec les autre
; il n'est jamais dur, ni rude, il ne fait jamais
de peine à personne inutilement L'amour
n'est pas envieux ; celui qui a l'amour n'en
voudra jamais à d'autres de ce qu'ils sont
plus estimés, plus honorés, plus
utiles, ou plus heureux que lui, ou de ce qu'ils le
surpassent en connaissance ou en
piété. L'amour ne se vante point, il
est toujours humble et modeste. Il ne s'enfle point
d'orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il
produit tout naturellement une manière
d'être aimable et polie envers tous.
Quelque peu familiers que lui soient les usages de
la société, celui qui a l'amour
parfait ne sera gêné et
déplacé nulle part, tant la
courtoisie et la bienveillance lui sont naturelles.
Il ne cherche pas son propre intérêt;
il n'a aucun égoïsme. Il ne
s'irrite pas. C'est toujours l'effet de l'amour.
Voyez cette mère, avec quelle patience elle
supporte ses enfant s? elle les supporte ainsi
parce qu'elle les aime. Si vous voyez un homme
maussade, ou hargneux, s'emportant facilement
dès que quelque chose le contrarie, vous
pouvez être certain que cet homme n'est
nullement parfait dans l'amour, si même il a
de l'amour. Être susceptible est toujours un
signe d'orgueil. Une âme remplie d'amour ne
sera point accessible, tant que dure cet amour,
à cette sorte de colère qui est un
péché. Elle éprouvera à
l'égard de ce qui est vil et injuste
l'indignation que les saints anges et Dieu
lui-même éprouvent, mais il n'y aura
chez elle ni aigreur, ressentiment. Il ne
soupçonne point le mal. Montrez-moi un homme
qui suspecte toujours les motifs des autres, et qui
interprète toujours dans le sens le plus
fâcheux leurs paroles et leurs actions, et
vous m'aurez montré un homme qui a le diable
en lui et non pas le Saint-Esprit. Si un homme est
honnête et simple de coeur, il sera le
dernier à penser mal des autres. Ce n'est
pas lui que vous verrez flairant toujours
l'hérésie ou la mauvaise intention
chez ses frères.
Au contraire, un tel homme sera facilement
trompé par des gens artificieux, non par
manque de bon sens, mais par un effet de sa
charité. Quand les dehors semblent
satisfaisants, il ne soupçonne pas le
ma l; il ne peut le croire sans les preuves
les plus convaincantes. L'amour ne se
réjouit pas de l'injustice, mais il se
réjouit de la vérité. Si un
homme triomphe quand il voit tomber son prochain,
ou s'écrie aussitôt : Je
vous l'avais bien dit » cet homme est
encore loin d'avoir le parfait amour. Il supporte
tout, toutes les provocations et toutes les
injures, sans chercher à se venger. Il croit
tout: au lieu d'être difficilement convaincu
de ce qui est à l'avantage des autres, il
est toujours prêt à croire d'eux le
bien pour peu que cela soit possible. Il
espère tout; là même où
le mal semble probable, il espère le bien ;
et il l'espère aussi longtemps qu'il y a
moyen d'espérer.
Quiconque n'a pas cet esprit, n'est nullement
sincère dans l'amour, cela est certain
; il faut dire plus, il n'a point d'amour.
Le temps me manque pour développer davantage
ce sujet. Mais remarquez encore ceci :
L'amour ne fait POINT DE MAL au prochain. O !
non, l'amour n'opprime personne, ne fait tort
à personne. Celui qui a l'amour, vendrait-il
des liqueurs fortes à son prochain ?
Jamais! Celui qui aime Dieu de tout son coeur,
tiendrait-il son prochain dans l'esclavage? L'amour
ne fait pas de tort au prochain, et l'esclavage le
dépouille de son salaire, il le vend, il
l'arrache à sa famille, il le prive de la
Bible et travaille autant qu'il le peut à
faire de lui une brute. Maintenant que l'attention
a été attirée sur ce sujet et
que la lumière a été faite, il
ne peut pas y avoir de plus grand mensonge et de
plus grande hypocrisie, que de prétendre que
l'on aime Dieu tandis que l'on agit de la sorte. Un
homme haïra-t-il sa propre chair? Et s'il hait
son prochain et le foule aux pieds, comment
aimerait-il Dieu?
1. Vous voyez le pourquoi
de cette
vérité qu'exprime l'apôtre
Jacques : « Si quelqu'un croit
être religieux et qu'il ne tienne point sa
langue en bride, mais qu'il séduise son
coeur, la religion d'un tel homme est
vaine. »
Celui qui fait profession d'être religieux et
qui cependant se permet de parler contre son
prochain et de lui faire du tort, se séduit
lui-même. En effet, serait-ce là aimer
son prochain comme soi-même ? Ce serait
un amour étrange.
2. On peut avoir beaucoup de lumières
sans cependant avoir l'amour.
Il y a beaucoup de gens qui comprennent les choses
de la religion et qui peuvent les enseigner aux
autres, mais qui évidemment ne sont pas mus
par l'amour. La bonté ne découle
point de leurs lèvres.
3. Ceux qui ont beaucoup de connaissance
religieuse et de zèle sans l'amour, sont les
gens les moins aimables et les plus dangereux qu'il
y ait. Ils critiquent toujours ; ils sont
orgueilleux, emportés, hautains. Leurs
discours peuvent produire une forte impression,
mais non gagner les âmes à
Jésus-Christ.
4. Voyez de quelle espèce est votre
zèle et par là vous pourrez savoir
quel est le caractère de votre religion.
Examinez si la lumière est en vous
accompagnée de
l'amour. S'il en est réellement ainsi, votre
zèle ne sera pas sectaire. Mais celui qui
est rempli de jalousie à l'égard de
tout ce qui n'appartient pas à sa secte ou
à son parti, est encore loin de l'amour
parfait.
Le vrai amour n'est jamais dur, ni accusateur. S'il
est obligé de parler des fautes des autres,
il le fait avec bonté et à regret. Il
ne peut parler rudement aux autres, il ne peut pas
davantage parler d'eux avec dureté. Il ne
mettra, jamais grande importance à ce qui
est secondaire ou accessoire dans la
religion ; il ne disputera pas pour des
questions de forme ou de mesures
particulières à prendre. Beaucoup de
gens discutent presque avec fureur pour ou contre
« certaines nouvelles
mesures ; » s'ils étaient
remplis d'amour, ils ne le feraient pas. Le
zèle qui provient de l'amour parfait ne se
dépense pas à combattre pour ou
contre des formes, non plus qu'à attaquer
des maux ou des erreurs minuscules. L'amour conduit
à mettre de l'importance à ce qui est
fondamental dans la religion, à s'attacher
aux chrétiens qui ont le coeur chaud,
n'importe leur dénomination, à les
aimer et à trouver ses délices
à s'associer avec eux. Si vous rencontrez un
homme qui aime à assister aux
réunions ecclésiastiques et à
prendre part à toutes les discussions du
jour, vous pouvez être sûr que cet
homme n'est pas rempli d'amour.
Pour celui qui est rempli d'un saint amour, il est
excessivement pénible d'aller à de
telles réunions et de voir les ministres se
diviser en plusieurs partis, manoeuvrant,
délibérant, avocassant et luttant
pour la prééminence. De même
quant aux disputes dans les journaux ; celui
qui aime à s'y livrer n'est pas rempli
d'amour ; s'il l'était, il
préférerait être
insulté, moqué, calomnié,
plutôt que de répondre et de se
défendre soi-même. Jamais celui qui a
l'amour ne rendra injures pour injures ; si on
le maudit, il bénira. Autant que cela sera
possible, il aura la paix avec tous les hommes.
5. Où il y a religion, ou du moins ce
qu'on appelle de ce nom, il n'y a pas toujours
amour ; il s'en faut de beaucoup.
Que d'oeuvres qui passent pour des oeuvres
religieuses et qui ont été
suscitées par des influences
extérieures et non par la puissance
intérieure d'un saint amour Il faut que nous
le comprenions mieux que nous ne l'avons fait
jusqu'ici : à moins que l'amour ne soit
l'inspiration première de nos actions, il
n'y a pas de religion en elles, qu'elles
s'appellent prières, discours, chant des
louanges de Dieu, donations, aumônes, ou
bonnes oeuvres de quelque espèce que ce
soit. Que d'excitation qui passe pour religion,
sans que cependant l'amour s'y trouve ! Que de
zèle dénué de religion.
Voici un homme toujours rempli d'un zèle
amer ; on le reprend : vite il se
réfugie dans l'exemple de Paul disant
à Elymas : « fils du
diable. » Si c'était l'amour qui
l'animât, il comprendrait qu'il se trouve
dans des circonstances tout autres que celles
où était l'apôtre Paul alors
qu'il reprenait le magicien.
6. L'excitation religieuse qui ne
procède pas d'un esprit d'amour ne constitue
pas un vrai réveil religieux.
L'église peut, être fort
excitée, se donner beaucoup de mouvement,
faire beaucoup de bruit, avec grande apparence de
zèle et grande impétuosité,
mais sans amour des âmes, sans tendresse.
Quelquefois ceux qui prennent au mouvement la part
la plus active ont un ton grossier et
déplaisant et querellent les familles qu'ils
visitent. Un jour un jeune homme que je connaissais
avoua qu'il prenait à tâche de mettre
les gens en colère, et cela, disait-il,
parce que c'était un bon moyen de produire
chez eux une conviction de péché qui
souvent amenait la conversion. Il aurait pu tout
aussi bien se mettre à prononcer en leur
présence d'affreux blasphèmes pour
les rejeter vers la religion par l'horreur que ces
blasphèmes leur auraient inspirée.
Mais qui pourrait justifier une telle conduite sous
prétexte qu'elle aurait eu quelquefois de
bons résultats ?
Si l'excitation produite par un réveil a
été celle d'un zèle amer, on
peut dire, sans méconnaître les
exceptions, ni les bonnes intentions de
quelques-uns, qu'il n'y aura pas eu réveil
religieux, mais réveil de la colère,
de la malice, de tout ce qui est contraire à
la charité, en un mot réveil de
l'irréligion.
7. Quand des gens font profession
d'être convertis, si l'amour n'est pas le
trait qui les distingue, leur conversion n'est pas
véritable.
Quelque bonne apparence qu'ils puissent avoir sous
d'autres rapports, quelle que soit la clarté
de leurs vues, la profondeur de leurs sentiments,
s'ils n'ont pas un esprit d'amour pour Dieu et pour
l'homme, ils se trompent eux-mêmes. N'ayez
pas confiance en de tels convertis.
8. Considérez un peu ce que serait ce
monde si tous les hommes étaient mus par un
esprit d'amour.
Nous savons que le temps viendra où
« il ne se fera plus ni tort ni
dommage, » et où l'esprit d'amour
prévaudra universellement. Quel changement
dans la société ! Quel
changement dans les affaires et dans les relations
sociales, quand. chacun aimera son prochain comme
soi-même et recherchera le bien des autres
comme le sien propre ! Si l'un des saints de
notre époque revenait sur la terre à
ce moment-là, il ne reconnaîtrait plus
le monde dans lequel il aurait vécu :
« Est-ce possible, s'écrierait-il,
que ce soit cette même terre qui était
si pleine d'extorsions, de fraudes, de querelles et
d'oppression ? »
9. Le but du travail de notre Seigneur
Jésus-Christ est d'amener toute
l'humanité sous l'influence de l'amour.
Quel objet plus digne pouvait-il se proposer ?
Il est venu pour détruire les oeuvres du
diable et ce n'est que par l'amour qu'elles peuvent
être détruites. Supposez que le monde
soit rempli d'hommes tels qu'était
Jésus-Christ dans sa nature humaine, et
comparez cette perspective avec l'état
actuel des choses. Ne serait-ce pas un changement
digne du Fils de Dieu ? Quel but glorieux,
remplir la terre d'amour !
10. Vous voyez maintenant en quoi consiste
le ciel.
Il consiste dans l'amour, l'amour parfait. Et l'on
voit en même temps comment le ciel peut
commencer déjà sur la terre ; il
a commencé partout où les coeurs sont
remplis d'amour. Quelle douceur de caractère
chez ceux dont le coeur est tel ! Que leur
compagnie est agréable ! Quelle
bénédiction que de vivre près
d'eux : Lunes si pleines de candeur, de
bonté, de noblesse, si soigneuses à
éviter tout ce qui peut faire de la peine,
si divinement aimables en toutes choses !
Demanderez-vous s'il est bien possible d'en arriver
là ; si nous pouvons vraiment aimer
Dieu, dès cette vie, de tout notre coeur, de
toute notre âme, de toute notre force et de
toute notre pensée ? N'est-ce donc pas
notre privilège et notre devoir de
posséder l'Esprit de Christ, ou sommes-nous
obligés de manifester un esprit qui n'est
autre que celui du diable ?
Bien-aimés, tendons à l'amour
parfait ; ne laissons aucun repos à
Dieu jusqu'à ce que nous sentions nos coeurs
remplis de son amour, jusqu'à ce que toutes
nos pensées et nos vies soient pleines
d'amour pour Lui et pour les hommes. Oh !
quand l'Église se lèvera-t-elle pour
marcher vers ce but ? Qu'elle soit seulement
remplie d'amour et elle sera « belle
connue le jour, resplendissante comme le soleil et
terrible à toute méchanceté
comme une armée qui marche à
enseignes déployées
(Cant
VI : 4, 10).
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