Versets 14 à 25 principalement. Rom 7 : 14-25
J'ai plus d'une fois fait allusion à ce chapitre ; mais, n'ayant pu encore l'étudier directement et à fond, j'ai jugé utile d'en faire le sujet d'un discours spécial.
1. D'après une opinion qui a
été fort en vogue, et qui aujourd'hui
encore est celle de beaucoup de gens, les versets 14
à 25 du VIIme aux Romains
seraient la description abrégée d'une
expérience chrétienne. Ils seraient
destinés à décrire la lutte du
chrétien contre le péché qui
habite en lui. Il y a lieu de remarquer que cette
manière de voir est comparativement moderne.
On ne peut citer aucun écrivain des premiers
siècles qui l'ait soutenue. D'après
le professeur Stuart, qui a étudié ce
sujet plus complètement que personne en
Amérique, Saint Augustin est le premier qui
ait donné cette interprétation, ce
qu'il fit dans sa controverse avec
Pélage.
2. L'autre interprétation de notre
texte est celle qui voit dans notre passage
l'expérience d'un pécheur convaincu
de péché, agissant par des motifs
légaux et n'ayant point encore fait
l'expérience de la grâce
proclamée par l'Évangile.
Cette interprétation a prévalu dans
les premiers siècles de l'Église et
elle est encore généralement
adoptée en Europe, ainsi que par un nombre
considérable d'auteurs anglais et
américains.
Une saine intelligence des versets 14 à 25 a
toute l'importance d'un principe fondamental. En
effet, si ce morceau décrit
l'expérience purement légale du
pécheur sous la conviction de
péché, et qu'un lecteur se persuade
que cette expérience (où il retrouve
la sienne) est celle du chrétien, il. ne
manquera pas de se considérer comme un vrai
chrétien, parce qu'il est d'accord avec le
chapitre VII des Romains, et demeurera
plongé dans une funeste
sécurité
(1).
1. Il est certain que l'homme est
fait de
telle manière qu'il suit toujours la ligne
de conduite que, tout bien considéré,
il tient pour préférable.
En d'autres termes, c'est la volonté de
l'homme qui dirige sa conduite et gouverne ses
membres ; l'homme n'agit jamais contre sa
volonté.
2. L'homme désire souvent la
chose, qu'en fin de compte, il ne choisit pas.
Le désir et la volonté sont souvent
opposés l'un à l'autre. C'est la
volonté qui détermine la conduite et
non pas le désir. Le désir est donc
souvent opposé au choix et à la
conduite. Vous pouvez désirer de quitter
cette salle en cet instant pour vous en aller
ailleurs et cependant, tout bien
considéré, choisir de rester à
votre place. Un homme peut désirer
très vivement de faire un voyage ; ce
serait important pour ses affaires, cela flatterait
son orgueil et ses goûts ; mais ses
enfants malades ou quelque autre affaire grave
demandent qu'il reste à la maison ;
aussi, tout bien compté, se
décide-t-il à rester. La conduite
suit toujours la détermination de la
volonté, le choix actuel.
3. La régénération
ou conversion est un changement de choix.
C'est un changement dans cette détermination
suprême de la volonté d'où
découle toute la vie. Celui qui est
régénéré ou converti
préfère la gloire de Dieu à
toute autre chose ; il la choisit comme objet
suprême de toutes ses affections. Son coeur
est changé ; il avait choisi auparavant
son propre intérêt ou son bonheur
comme but suprême ; maintenant il
choisit le service de Dieu de
préférence à son propre
intérêt. Une forte tentation peut
produire exceptionnellement chez lui un choix
mauvais et même une succession de choix
mauvais ; mais habituellement sa
volonté est bonne, son choix est bon, et sa
conduite de même, par conséquent. Si
ce point est contredit, je demande alors quelle
différence il y a entre un homme converti et
un homme inconverti. Si celui qui est converti ne
pratique pas habituellement les commandements de
Dieu, je demande en quoi consiste la conversion.
Mais je présume que mon assertion ne sera
contestée par aucun - de ceux qui croient
à la régénération.
4. Tout être moral est
constitué de telle façon, qu'il
approuve naturellement et nécessairement ce
qui est bien.
L'être moral est celui qui est doué
d'une intelligence, d'une volonté, d'un
coeur et d'une conscience. La conscience est la
faculté qui discerne le bien et le mal, qui
approuve le premier et réprouve le second.
On ne peut nier que le pécheur en soit
doué ; s'il ne l'était pas, il
ne pourrait approuver la loi de Dieu non plus que
les pénalités qu'elle prononce, il ne
pourrait être convaincu de
péché. Il n'y a pas un être
moral, ni dans le ciel, ni sur la terre, ni dans
l'enfer, qui ne puisse être amené
à reconnaître que la loi de Dieu est
bonne et dont la conscience ne soit obligée
d'approuver cette loi.
5. Non seulement l'homme approuve la
loi
et la déclare juste et bonne ; mais
souvent, quand il la considère abstraitement
et sans rapport avec sa propre personne, il prend
un réel plaisir à la contempler.
C'est là un fait qui est la cause de
beaucoup d'illusions ; et je dois vous y
rendre attentif. On considère la loi de Dieu
en elle-même et on l'aime. Quand il n'y a
aucune raison égoïste qui s'y oppose,
on l'admire. En principe, chacun approuve le bien
et condamne le mal. Personne n'approuve la
méchanceté tant qu'aucune raison
personnelle ne l'y pousse ; qui, en effet, a
jamais rencontré un homme assez mauvais pour
approuver le mal considéré
abstraitement ? a-t-on jamais vu un homme qui
approuvât le caractère moral du diable
ou celui de quelque criminel entièrement
perverti, à moins d'y avoir quelque
intérêt ? Que de fois n'avez-vous
pas entendu de méchants hommes exprimer la
plus grande horreur et l'indignation la plus vive
au sujet de la méchanceté
d'autrui ? Quand leurs passions ne sont pas
enrôlées au service de l'erreur ou du
mal, les hommes se déclarent toujours pour
le bien ; l'approbation qu'ils lui donnent est
obligée, elle est un effet de leur
constitution morale. Or cette approbation peut
s'élever jusqu'à l'enthousiasme et
leur faire trouver un véritable plaisir dans
la contemplation de la bonté morale,
à condition qu'elle ne gêne en rien
leur propre égoïsme.
6. Cette approbation de la
vérité et de la loi de Dieu, qui
tient à notre constitution morale, n'a rien,
de vertueux.
Elle fait partie de notre nature ; elle
jaillit naturellement et nécessairement de
notre âme. Bien loin d'être vertueuse,
elle fait d'autant plus ressortir la
méchanceté de l'homme qui,
connaissant le bien, l'approuvant et l'admirant, ne
le pratique cependant pas. Il ne faut donc pas
s'imaginer que cette approbation du bien soit, chez
les pécheurs impénitents, quelque
chose de saint.
La gravité du péché est
proportionnelle à la lumière
reçue. Or, plus le pécheur
impénitent discerne l'excellence de la loi
de Dieu, l'approuve et trouve de plaisir en elle,
plus il est, non pas saint, mais coupable,
puisqu'il ne lui obéit pas ; la
connaissance et le sentiment qu'il a du bien ne
font que montrer combien est grande sa
méchanceté, et rendre chez lui le
péché « excessivement
pécheur. »
7. L'on a coutume de dire :
« Je voudrais faire ceci ou cela, mais je ne puis pas, »
voulant dire par
là qu'on a bien le désir de faire
la chose, mais qu'on ne s'y décide pas.
« Je ne puis pas, » signifie
donc en ce cas : « Je pourrais si je
voulais, mais je ne veux pas. »
Il n'y a pas longtemps que je demandais à un
ministre de prêcher à ma place le
dimanche suivant ; il me
répondit : « Je ne puis
pas ; » je découvris ensuite
qu'il l'aurait pu s'il l'avait voulu. Je demandais
un jour à un marchand de me céder un
article pour un certain prix ; il me
répondit : « Je ne puis
pas. » Ce n'est pas qu'il fût
réellement hors de son pouvoir de me donner
cet article pour ce prix, car il l'aurait pu s'il
l'avait voulu ; cela signifiait seulement
qu'il ne se souciait pas de faire ce que je lui
demandais.
Quand nous lirons le chapitre que nous avons pris
pour texte, vous verrez le rapport qu'il y a entre
ces remarques et le sujet que nous étudions.
1. Nous devons toujours
interpréter chaque passage dans le sens
requis par la nature du sujet traité.
On peut tordre le sens de toute parole si l'on perd
de vue le sujet qu'elle se propose
d'élucider. Que de fois, séparant des
passages de leur contexte, ne les a-t-on pas
interprétés sans égard pour ce
principe ! c'est ainsi que des erreurs
innombrables et des plus absurdes se sont
maintenues. Les cours de justice ne permettraient
jamais, dans leur sein, les procédés
d'interprétation que l'on se permet quand il
s'agit de la Bible.
2. Nous sommes toujours tenus
d'interpréter le langage d'un homme de
façon et ce que le sens que nous lui
attribuons soit, autant que possible, en accord
avec le caractère et les convictions de cet
homme.
Nous devons faire tout ce qui dépend de nous
pour ne pas mettre cet homme en contradiction avec
lui-même.
Si nous n'observons pas cette règle, nous
pourrons à peine converser cinq minutes avec
notre prochain sans l'accuser de se contredire
lui-même ; et nous devrons renoncer
à nous comprendre les uns les autres. Le
témoin né pourra plus éclairer
le jury devant lequel il dépose, si ses
paroles peuvent être torturées
à plaisir, sans égard pour la
règle que nous rappelons ici.
3. Pour comprendre un discours, il
ne
faut jamais en perdre de vue le but.
On ne peut comprendre un raisonnement si l'on ne
tient pas compte du but que l'auteur se propose, et
c'est ait point de vue de ce but que son langage
doit constamment être expliqué. Que
d'erreurs l'oubli de cette règle n'a-t-il
pas produites dans l'interprétation des
Saintes Écritures !
Faisons tout d'abord quelques
remarques :
1° Dans tout ce passage, Paul emploie
la première personne. Qu'il entende
réellement parler de lui-même,
à une époque plus ou moins
éloignée de sa vie, ou qu'il ait en
vue un cas supposé, cela n'importe pas
beaucoup à la saine interprétation de
son langage.
Beaucoup de gens pensent que, l'apôtre
parlant à la première personne, il
faut admettre qu'il parle de lui-même, tel
qu'il est au moment où il écrit. Mais
quand on discute un principe, il est
généralement d'usage de supposer un
cas particulier que l'on prend comme exemple. Et,
dans ce cas, il est fort naturel de s'exprimer
à la première personne, sans avoir en
aucune façon l'intention de parler de
soi.
L'apôtre Jacques au IIIme chapitre de son
épître parle à la
première personne et cela en adressant
à ses frères de sévères
avertissements : « Mes
frères, ne soyez pas beaucoup de docteurs,
sachant que nous en recevrons une plus grande
condamnation ; car nous bronchons tous en
beaucoup de choses. »
« Par elle (la langue), nous
bénissons Celui qui est Dieu et
Père ; et par elle, nous maudissons les
hommes qui ont été faits à la
ressemblance de Dieu. »
L'apôtre Paul emploie souvent le pronom de la
première personne, et il s'en sert quand il
discute des principes généraux :
« Toutes choses me sont permises, mais
toutes choses ne sont pas avantageuses ;
toutes choses me sont permises, mais je ne serai
sous la dépendance de quoi que ce
soit. »
(1
Cor VI, 12) « Je
dis : la conscience, non la tienne, mais celle
de l'autre ; car pourquoi ma liberté
serait-elle jugée par une autre
conscience ? Et si je mange avec actions de
grâces, pourquoi serais-je calomnié au
sujet d'une chose dont je rends
grâce ? »
(1
Cor X. 29.) « Nous
voyons au moyen d'un miroir, d'une manière
obscure, mais alors nous verrons face à
face ; aujourd'hui, je connais en partie, mais
alors je connaîtrai comme j'ai
été connu. »
(1
Cor XIII. 12.) « Si je
réédifie les choses que j'ai
détruites, je me constitue moi-même
transgresseur. »
(Gal
II : 18.) Dans la, Ire aux
Corinthiens,
(1
Cor IV : 6), Paul informe
ses
lecteurs qu'il prend sa personne comme simple
exemple dans les explications qu'il leur
donne : « C'est à cause de
vous, frères, que j'ai tourné
figurément ces choses sur moi et sur
Apollos, afin que vous appreniez en nous à
ne point penser au delà de ce qui est
écrit, et que nul de vous, en faveur de
l'un, ne s'enfle contre l'autre. »
2° Le langage de l'apôtre est
applicable, en très grande partie, au
chrétien déchu auquel ne restent plus
que les formes de la religion. Ce chrétien a
perdu son premier amour, et il est de nouveau sous
l'influence des motifs légaux de
l'espérance et de la crainte, exactement
comme le pécheur impénitent. Aussi
les expressions employées par St Paul
s'appliquent-elles également à l'un
et à l'autre. Mais de ce que notre texte
décrit l'expérience du
chrétien déchu, il serait visiblement
faux de conclure qu'il décrit une
expérience chrétienne. Tout ce que
l'on peut dire, c'est que le chrétien
déchu et le pécheur impénitent
sont semblables à beaucoup
d'égards.
Je n'hésite pas à affirmer hautement
que celui qui a conscience d'être mû
par l'amour de Dieu n'aura jamais la pensée
de s'appliquer à lui-même ce chapitre
VII des Romains. Mais si quelqu'un n'est pas
animé de cet amour, qu'il soit
chrétien déchu ou pécheur
convaincu de péché, ce chapitre
décrit sa vie intime.
3° Quelques expressions dont se sert
ici l'apôtre peuvent s'appliquer au croyant
qui n'est pas habituellement en état de
chute, mais qui est momentanément vaincu par
la tentation et qui, subjugué qu'il est par
ses passions, parle de lui-même comme s'il
était entièrement dans le mal.
« Un homme est tenté, nous est-il
dit, quand il est attiré et amorcé
par sa propre convoitise. » Celui qui est
dans cet état trouvera dans notre chapitre
bien des expressions qui s'appliqueront à
son cas. S'en suit-il que ce chapitre VII des
Romains décrive l'expérience du.
chrétien ? Loin de là. Cet
état dans lequel un chrétien se
trouvera momentanément par sa chute, c'est
l'état habituel du pécheur
impénitent convaincu de
péché.
Quoi qu'il en soit, l'ensemble de notre chapitre ne
permet évidemment pas de voir ici la
description d'une expérience
chrétienne. Mon opinion est que
l'apôtre a voulu raconter l'expérience
du pécheur qui est sorti de son
indifférence et qui est fortement convaincu
de péché, mais non converti. Voici
mes raisons :
1° Il est manifeste que
l'apôtre décrit ici l'état
habituel de quelqu'un.
Et ce quelqu'un, c'est un homme qui est
entièrement sous la dépendance de la
chair. Dans son ensemble, notre texte, versets 14
à 25, ne décrit donc pas
l'expérience d'un homme qui succomberait
momentanément à la tentation ;
il décrit celle de l'homme qui tombe
habituellement dans le péché,
malgré l'approbation qu'il donne à la
loi de Dieu.
2° Décrire
l'expérience d'un chrétien aurait
été sans rapport avec le but que se
proposait l'apôtre.
Après avoir établi que la
justification n'a lieu que par la foi, et non par
les oeuvres de la loi, il s'efforce de justifier la
loi dans son rôle auprès de l'homme
charnel. Dans notre chapitre VII, il soutient que
la sanctification, comme la justification, n'est
que par la foi. « Ignorez-vous,
frères, — car je parle à des
gens qui connaissent la loi, — que la loi
exerce son pouvoir sur l'homme aussi longtemps
qu'il vit ? Ainsi, une femme mariée est
liée par la loi à son mari tant qu'il
est vivant ; mais si le mari meurt, elle est
dégagée de la loi qui la liait
à son mari. Si donc, du vivant de son mari,
elle devient la femme d'un autre homme, elle sera
appelée adultère ; mais si le
mari meurt, elle est affranchie de la loi, de sorte
qu'elle n'est point adultère en devenant la
femme d'un autre. De même, mes fières,
vous aussi vous avez été, par le
corps de Christ, mis à mort en ce qui
concerne la loi, pour que vous apparteniez à
un autre, à celui qui est ressuscité
des morts, afin que nous portions des fruits pour
Dieu. »
En d'autres termes : Pendant que vous
étiez sous la loi, vous ne pouviez
être justifiés qu'en l'accomplissant
tout entière. Mais maintenant, ayant
été affranchis de la loi comme norme
d'après laquelle vous devriez être
jugés, vous n'êtes plus sous
l'influence des considérations
légales de la crainte et de
l'espérance, car Christ, auquel vous
êtes unis comme l'épouse à
l'époux, a mis de côté la
pénalité de la loi, afin que vous
fussiez justifiés devant Dieu par la
foi.
« Car, lorsque nous étions dans la
chair, » c'est-à-dire lorsque nous
étions encore inconvertis, « les
passions des péchés provoquées
par la loi agissaient dans nos membres, de sorte
que nous portions des fruits pour la mort. Mais,
maintenant nous avons été
dégagés de la loi, étant morts
à cette loi sous laquelle nous étions
retenus, de sorte que nous servons dans un
esprit nouveau, et non sous le régime ancien
de la lettre. » Telle est la vraie
condition du chrétien : il sert dans un
esprit nouveau, il a quitté le
légalisme, l'esclavage de la lettre. Il a
fait l'expérience que le fruit de la loi,
c'est la mort, et que seul l'Évangile a pu
l'amener à la vraie soumission à
Dieu. Ici se présente une objection.
« La loi est-elle donc
péché ? Loin de là !
Mais je n'ai connu le péché que par
la loi. Car je n'aurais pas connu la convoitise, si
la loi n'eût dit : Tu ne convoiteras
point. Et le péché, saisissant
l'occasion, produisit en moi par le commandement
toutes sortes de convoitises ; car sans loi le
péché est mort. Pour moi,
étant autrefois sans loi, je vivais ;
mais quand le commandement vint, le
péché reprit vie, et moi je mourus.
Ainsi le commandement qui conduit à la vie
se trouva pour moi conduire à la mort.
La loi donc est sainte, et le commandement est
saint, juste et bon. » Mais, (ici revient
l'objection) « ce qui est bon a-t-il donc
été pour moi une cause de mort ?
Loin de là ! Mais c'est le
péché, afin qu'il se manifestât
comme péché en me donnant la mort par
ce qui est bon, et que, par le commandement, il
devint condamnable au plus haut point. »
L'apôtre justifie donc la loi en montrant que
ce n'est pas à elle, mais au
péché qu'il faut attribuer la
mort ; et il montre combien le
péché est exécrable, ce
péché par le moyen duquel la bonne
loi de Dieu elle-même devient un instrument
de mort.
« Nous savons, en effet, que la loi est
spirituelle ; mais moi, je suis charnel, vendu
au péché. » Ici est le
noeud de la question. Remarquez-le bien : ce
que l'apôtre se propose, c'est de justifier
la loi que son interlocuteur supposé
prétend être mauvaise, parce qu'elle
est un instrument de mort pour le pécheur.
À l'encontre de cette objection, St Paul
entreprend de montrer que toute l'action qu'exerce
la loi sur le coeur du pécheur
démontre l'excellence même de la loi.
La loi est bonne, dit-il, mais tout le mal vient
« des passions des péchés
qui sont dans les membres de celui qui est dans la
chair. » Il en vient ainsi à
décrire cette expérience qui est le
sujet de la grande controverse que nous avons
rappelée. « La loi est
spirituelle, mais je suis charnel. »
Ce mot de charnel n'est appliqué qu'une
seule fois par Paul à des
chrétiens ; il l'applique à des
hommes dont l'état spirituel laissait
beaucoup à désirer :
« Vous êtes encore charnels, dit-il
aux Corinthiens, car puisqu'il y a parmi vous de la
jalousie et de la dispute et des divisions,
n'êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous
pas selon l'homme ? » Il s'agissait
de chrétiens en état de chute, qui
agissaient comme s'ils n'avaient pas
été convertis. Le terme de charnel
lui-même désigne
généralement les pires
pécheurs. Paul définit ce terme en
ajoutant : « vendu au
péché. » Pouvait-il
s'appliquer à lui-même ces
expressions, au moment où il les
écrivait ? Était-il alors vendu
au péché ? Pouvons-nous penser
cela du grand apôtre ? Non, son but
n'est point de parler de lui-même mais de
justifier la loi des accusations lancées
contre elle ; et il le fait au moyen d'un cas
imaginaire, avec lequel il s'identifie par une
figure de langage. Il continue :
« Car ce que j'accomplis, je ne le
reconnais pas ; car je ne fais pas ce que je
veux, mais je pratique ce que je
hais. »
Vous voyez ici l'application qu'il faut faire des
principes que j'ai posés. Le
« je veux » ne doit pas
être entendu du choix ou de la
volonté, mais simplement du
désir ; l'entendre autrement serait
mettre l'apôtre en contradiction
complète avec les faits ; car chacun
sait très bien que la volonté
gouverne la conduite. Aussi le professeur Stuart
a-t-il traduit très convenablement par je
désire : « ce que je
désire, je ne le fais pas ; ce que je
hais, je le fais. » Ensuite vient la
conclusion « Si donc je fais ce que je ne
veux pas, je reconnais par là que la loi est
bonne. » Si je fais ce que je
désapprouve, je désapprouve ma propre
conduite, je me condamne moi-même et par
là j'atteste l'excellence de la loi.
Maintenant, lisez le verset suivant sans perdre de
vue le but de l'apôtre : « Ce
n'est donc plus moi qui accomplis cela, mais le
péché habitant en moi. »
Ici, il parle comme s'il était divisé
contre lui-même, comme s'il possédait
deux natures, ou comme quelques philosophes
païens l'ont enseigné, comme s'il
possédait deux âmes, l'une approuvant
le bien, l'autre aimant et choisissant le
mal : « Car je sais qu'en moi,
c'est-à-dire en ma chair, il n'habite pas de
bien ; car le vouloir se tient à mes
côtés, mais le moyen d'accomplir le
bien, je ne le trouve pas. » Ici, le vouloir signifie
simplement
l'approbation ; car lorsqu'un homme
VEUT réellement faire une chose, il la
fait ; chacun le sait parfaitement.
L'interprétation que nous donnons ici
correspond à l'expérience de tout
pécheur convaincu de
péché ; ce
pécheur-là sait ce qu'il doit faire,
il l'approuve fortement, mais il n'est pas
prêt à le faire. Supposons que
j'adresse un appel à ceux d'entre vous qui
sont pécheurs impénitents, les priant
de s'avancer et de s'asseoir sur ce premier banc,
afin que nous puissions voir quels ils sont, prier
pour eux, leur montrer leurs péchés
et leur devoir de se soumettre à Dieu,
— quelques-uns ne se diraient-ils pas :
« Je sais que c'est mon devoir, j'ai un
grand désir de le faire, mais je ne puis
pas. » Qu'est-ce que cela
signifierait ? Cela signifierait simplement
que, tout compté, leur volonté se
refuserait à se rendre à mon
appel.
Au verset 20, Paul répète ce qu'il a
dit plus haut : « Et si ce que je ne
veux pas, je le pratique, ce n'est plus moi qui
accomplis cela, mais le péché
habitant en moi, » Est-ce là
l'état d'âme et l'expérience
habituelle du chrétien ? J'admets qu'un
chrétien puisse tomber assez bas pour que ce
langage s'applique à lui ; mais s'il se
trouve habituellement dans cet état, en quoi
diffère-t-il d'un pécheur
impénitent ? Si Paul décrit ici
l'état habituel du chrétien, il est
complètement faux de dire avec la Bible que
les saints sont ceux qui obéissent
réellement à Dieu ; car nous
aurions ici un chrétien dont il serait dit
qu'il n'obéit jamais.
« Je trouve donc en moi cette loi :
quand je veux faire le bien, le mal est
attaché à moi. » Ici,
l'apôtre parle de l'action des mauvais
penchants comme étant si continuellement
prédominante qu'il l'appelle « une
loi. » « Car je prends plaisir
à la loi de Dieu selon l'homme
intérieur. » C'est ici qu'est
la grande pierre d'achoppement qui rejette tant de
gens dans la fausse interprétation que nous
combattons. « Peut-on dire, objecte-t-on,
que le pécheur impénitent prend
plaisir à la loi de Dieu ? »
Je réponds : Oui Je sais que
l'expression est forte, mais les expressions fortes
sont ici continuelles, Paul les emploie aussi bien
dans un sens que dans l'autre.
Du reste, l'expression est la même que celle
dont Dieu se sert au chap. LVIII d'Esaïe en
l'appliquant aux Juifs rebelles ;
« Crie à plein gosier,
n'épargne pas ta voix, élève
la comme une trompette, et déclare à
mon peuple leur rébellion et à Jacob
leurs péchés. Chaque jour ils me
cherchent, et ils se plaisent à
connaître mes voies comme une nation qui
pratiquerait la justice et n'aurait pas
abandonné la loi de son Dieu ; ils me
demandent des jugements de justice, et PRENNENT
PLAISIR à approcher de Dieu. » De
même dans Ézéchiel,
chapitre XXXIII
v. 32 : - « Tu es pour eux (toi
Ézéchiel) comme un chanteur
agréable, comme une belle voix et un habile
joueur de harpe. Ils écoutent tes paroles,
mais ils ne les mettent point en
pratique. » Et Dieu venait de dire au
prophète combien ce peuple était
méchant : « Ils se rendent en
foule auprès de toi, et ils s'asseyent
devant toi comme mon peuple ; ils
écoutent tes paroles, mais ils ne les
mettent point en pratique ; car, de leur
bouche, ils en font des propos charmants, mais leur
coeur s'attache à leurs
convoitises. »
Voilà donc des pécheurs visiblement
impénitents qui aiment à entendre la
voix éloquente du prophète. De
même aujourd'hui, nous voyons souvent des
pécheurs impies prendre plaisir à une
prédication éloquente, jouir de
l'argumentation puissante de quelque
prédicateur capable ; c'est pour eux
une fête intellectuelle. Et parfois ils y
prennent un tel plaisir qu'ils s'imaginent
réellement aimer la Parole de Dieu. Ce
plaisir que l'on prend à la loi de Dieu et
à la prédication qui en est faite est
parfaitement compatible avec l'inimitié
contre le vrai caractère de Dieu et avec
l'entière perversité du coeur ;
il contribue même à les mettre dans un
plus grand jour : en connaît et on
approuve la vérité, mais on ne la
pratique pas (Voir Luc
12 : 47, 48 Trad.).
C'est pourquoi, malgré ce plaisir
trouvé dans la loi de Dieu, Paul
ajoute : « Mais je vois dans mes
membres une autre loi qui combat contre la loi de
mon intelligence, et qui me rend captif de la loi
du péché qui est dans mes membres.
Misérable homme que je suis ! qui me
délivrera du corps de cette
mort ? » Puis viennent les
mots : « Je rends grâces
à Dieu par Jésus-Christ notre
Seigneur, » qui ne sont absolument qu'une
parenthèse, une exclamation personnelle qui
rompt le fil de la pensée. Enfin, vient la
conclusion de tout le morceau :
« Ainsi donc, moi-même, quant
à l'intelligence, je suis asservi à
la loi de Dieu, mais quant à la chair, je
suis asservi à la loi du
péché. »
C'est comme s'il disait : « Mon
meilleur moi, mon jugement impartial, ma
conscience, approuve la loi de Dieu ; mais la
loi qui est dans mes membres, mes passions ont un
tel empire sur moi, que je désobéis
toujours. » L'apôtre décrit
donc l'état habituel d'un être qui est
entièrement sous la puissance du
péché. Il eût été
tout à fait hors de son propos de raconter
ici une expérience chrétienne. Son
dessein était de justifier la loi, il devait
donc de toute nécessité
décrire, non l'expérience de celui
qui est sous la grâce, mais
l'expérience de celui qui est sous la loi.
Du reste, si l'expérience qu'il
décrit ici était celle du
chrétien, l'apôtre raisonnerait
à l'encontre de ses propres
affirmations ; car il démontrerait que
ce n'est pas seulement la loi qui est impuissante
à dompter les passions et à
sanctifier l'homme, mais que c'est encore
l'Évangile.
Une dernière raison, qui est
décisive, c'est le fait que l'apôtre
décrit ensuite l'expérience du
chrétien qui est absolument
différente. Au chapitre
VIII, il parle de ceux qui
ne sont pas sous la loi, ni dans la chair ;
c'est-à-dire de ceux qui ne sont pas
« charnels, » qui sont
délivrés du joug de la loi et qui
servent actuellement Dieu selon l'Esprit :
« Il n'y a donc maintenant aucune
condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ, qui marchent non selon la
chair, mais selon l'Esprit. Car la loi de l'Esprit
de vie qui est dans le Christ Jésus, m'a
affranchi de la loi du péché et de la
mort. » (Il avait fait allusion à
cette délivrance, lorsqu'il s'était
écrié, dans la parenthèse
chapitre VII,
verset 25 : « Je
rends grâces à Dieu etc.)
« Car — chose impossible à la
loi, parce que chair la rendait sans force —
Dieu a condamné le péché dans
la chair, en envoyant, à cause du
péché, son propre Fils dans une chair
semblable à celle du péché, et
cela afin que la justice de la loi fût
accomplie en nous, qui. marchons, non selon la
chair, mais selon l'Esprit. » De qui
parle-t-il maintenant ? Si l'expérience
décrite au chapitre précédent
était celle du chrétien, de qui donc
est celle qu'il décrit ici ? L'homme
que l'apôtre nous présente au chapitre
VIII est dans une condition entièrement
différente de celui qu'il nous a
présenté au chapitre VII. Celui-ci
était sous la loi, esclave du
péché, connaissant son devoir et ne
le faisant pas.
Chez l'homme du chapitre
VIII, au contraire, ce que
la loi n'avait pu produire à cause de la
puissance des passions, l'Évangile l'a
produit, de sorte que la justice qu'exigeait la loi
a été accomplie. « Ceux, en
effet, qui vivent selon la, chair s'affectionnent
aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent
selon l'Esprit s'affectionnent aux choses de
l'Esprit. Et l'affection de la chair, c'est la
mort, tandis que l'affection de l'Esprit, c'est la
vie et la paix ; car l'affection de la chair
est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne
se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle
ne le peut même pas. Or, ceux qui vivent
selon la chair ne sauraient plaire à
Dieu. » Celui donc qu'au chapitre VII il
appelle charnel ne saurait plaire à Dieu.
« Pour vous, vous ne vivez pas selon la
chair, mais selon l'Esprit, si du moins l'Esprit de
Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit
de Christ, il ne lui appartient pas. Et si Christ
est en vous, le corps, à la
vérité, est mort à cause du
péché, mais l'esprit est vie à
cause de la justice. » Il s'agit ici d'un
homme dont le corps est mort ; auparavant le
corps dominait sur l'âme et
l'entraînait loin du devoir et du
salut ; mais maintenant le pouvoir des
passions est vaincu.
1. Ceux qui trouvent leur
propre
expérience décrite dans le VIIme
chapitre aux Romains ne sont pas convertis. Si leur
état habituel est celui que décrit ce
chapitre, v.
14 à 25, il est clair
qu'ils ne sont pas
régénérés, qu'ils sont
convaincus de péché, mais qu'ils ne
sont pas chrétiens.
2. Vous voyez combien il importe de rappeler
au pécheur les exigences de la loi, afin de
le porter à se condamner lui-même,
à justifier Dieu et à
apprécier l'Évangile. Les
pécheurs ne sont jamais amenés
à la vraie repentance tant qu'ils ne sont
pas convaincus de péché par la
loi.
3. Vous voyez en même temps
l'entière insuffisance de la loi pour
convertir l'homme.
4. Vous voyez le danger qu'il y a à
prendre de simples désirs pour de la
piété. Le désir du bien qui
n'aboutit pas au choix du bien n'a rien de moral.
Le diable lui-même peut avoir de semblables
désirs. Les plus méchants hommes de
la terre peuvent désirer d'avoir de la
religion, et l'on ne peut douter qu'ils
n'éprouvent ce désir, quand ils
voient que la religion pourrait seule mettre un
frein à leurs passions et les conduire au
salut.
5. Jésus-Christ et l'Évangile
nous présentent les seuls motifs qui
puissent sanctifier ; la loi ne peut que
convaincre de péché et condamner.
6. Ceux qui sont véritablement
convertis et qui ont reçu la liberté
que donne l'Évangile, sont
délivrés de l'esclavage de leur
propre corruption.
La domination que leur corps exerçait sur
leur esprit est brisée. Ils peuvent avoir
encore des luttes et des épreuves,
même de grandes ; mais ils obtiennent la
victoire sur le péché et font
l'expérience qu'il est aisé de servir
Dieu et que ses commandements ne sont pas
pénibles. Le joug de Jésus-Christ
leur est « doux et son fardeau
léger. »
7. Celui dont la conversion est
véritable a la paix avec Dieu ; il a
conscience qu'il l'a ; il en jouit. Il a le
sentiment que ses péchés lui sont
pardonnés et qu'il est victorieux du
péché.
8. L'étude que nous venons de faire
nous montre quelle est la condition
véritable d'un très grand nombre de
membres de l'Église. Toujours sous la loi,
ils consument leur vie en vains efforts. Ils
approuvent la loi dans ses préceptes et dans
ses menaces ; ils se sentent condamnés
et désirent la délivrance ; mais
ils restent malheureux ; ils n'ont pas
l’esprit de prière, ils ne jouissent
pas de la communion
Dieu et n'ont pas la certitude de leur adoption.
Ils se reposent sur le chapitre VII des
Romains ; « c'est exactement mon
expérience, » disent-ils. Si c'est
votre expérience, mes chers auditeurs,
laissez-moi vous dire que vous êtes encore
dans « des liens »
Vous sentez que vous êtes sous la
condamnation, vaincus par le péché,
et à coup sûr vous éprouvez
qu'un pareil état est plein d'amertume.
Maintenant ne trompez plus votre âme en vous
imaginant, qu'avec cette expérience vous
pouvez vous aller asseoir à
côté de l'apôtre Paul.
Non ! vous êtes charnels, vendus au
péché, et à moins que vous
n'embrassiez l'Évangile, vous êtes
perdus éternellement.
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