« Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! au contraire, nous établissons la loi. » Rom. 3:31.
Seule la justification par la foi produit la
vraie obéissance à la loi de Dieu,
c'est-à-dire la sainteté.
Les motifs que présente la loi
n'empêcheront jamais des êtres
égoïstes et méchants de
pécher. Maintenant que l'homme est sous la
puissance de l'égoïsme et que le
péché est devenu en lui une habitude
invétérée, il serait absurde
de supposer que les mêmes motifs qui n'ont
pas suffi à l'empêcher de tomber dans
le péché, puissent l'en retirer.
Par la chute, les motifs que présente la loi
se trouvent avoir perdu une partie de leur
influence ; ils exercent même une
influence opposée à celle qu'ils
avaient auparavant. Par le fait qu'ils s'adressent
à un être égoïste, ils
tendent à faire abonder le
péché. C'est là
l'expérience de tout pécheur. Voir la
spiritualité de la loi, sans voir les motifs
évangéliques qui la font aimer,
provoque l'orgueil, excite la rébellion et
endurcit le coeur.
Les pénalités de la loi ne tendent
pas du tout à produire l'amour, directement
du moins. Elles peuvent l'accroître chez ceux
qui le possèdent déjà, alors
qu'ils les considèrent comme des
manifestations de l'infinie sainteté de
Dieu. Et c'est ce qui arrive chez les anges et chez
les hommes régénérés
quand ils considèrent la convenance de ces
pénalités et qu'ils y voient
l'expression de l'excellente volonté de Dieu
à l'égard de ses
créatures ; mais chez l'homme
égoïste, il en est autrement. Il voit
le châtiment suspendu sur sa tête, sans
aucun moyen d'y échapper. S'attendra-t-il
à ce qu'il s'éprenne d'amour pour
Celui qui tient la foudre suspendue sur sa
tête ? Il s'enfuira plutôt de lui.
Les écrivains inspirés ne semblent
pas avoir jamais eu la pensée que la loi par
elle-même pût sanctifier l'homme. Elle
a été formulée pour tuer
plutôt que pour faire vivre ; elle
devait détruire à jamais chez l'homme
toute illusion de propre justice et le contraindre
ainsi à fuir vers Christ. La doctrine de la
justification par la foi, au contraire, eut
produire, et produit en effet une réelle
obéissance aux préceptes de la
loi ; elle ne supprime pas la loi comme
règle du devoir, elle ne met de
côté que ses pénalités.
La prédication de la justification, comme
don purement gratuit accordé à un
simple acte de foi, est la seule voie par laquelle
l'obéissance à la loi puisse
être obtenue. C'est ce que je vais montrer
par les considérations suivantes :
1. La justification par la foi
délivre l'esprit du fardeau des soucis
égoïstes à l'égard du
salut.
Tant que la loi absorbe notre attention, nous
sommes mus par l'espérance et la crainte qui
perpétuent en nous les efforts purement,
égoïstes. Mais la justification par la
foi met fin à cet esprit de servitude.
« Vous n'avez point reçu un esprit
de servitude, pour être encore dans la
crainte ; » dit l'apôtre Paul.
La justification, don gratuit, engendre l'amour et
la gratitude envers Dieu et dispose l'âme
à goûter les douceurs de la
sainteté.
2. La justification par la foi
délivre l'esprit de la dure
nécessité où il se trouvait de
faire de son propre salut son suprême.
Celui qui croit au plan du salut tel qu'il est
présenté par l'Évangile,
trouve un salut tout préparé pour
lui, salut qui renferme tout, pardon,
sanctification et vie éternelle ; au
lieu de commencer une vie de pharisien, vie
d'efforts laborieux qui l'épuiseraient, il
reçoit le salut comme un don purement
gratuit ; c'est ainsi qu'il se trouve libre
pour exercer la bienveillance
désintéressée, et pour ne plus
vivre que pour le salut des autres, en abandonnant
sa propre âme sans réserve à
Christ.
3. Le fait que Dieu a pourvu à son
salut et le lui a donné d'une manière
purement gratuite, est fait pour éveiller
chez le croyant le souci du salut des autres ;
quand il les voit périr dans l'ignorance et
les ténèbres, il est pris du
désir de les amener à la connaissance
de la vérité et à
l'acceptation du salut. Il est ainsi bien
éloigné de tout motif
égoïste. La justification par la foi
manifeste Dieu non comme un ennemi
irréconciliable, ainsi que le fait la loi,
mais comme un père offensé et
affligé, désirant ardemment que ses
enfants soient réconciliés avec lui
et qu'ils vivent ; ce qui est fait pour
produire l'amour. L'Évangile nous montre
Dieu faisant le plus grand sacrifice pour
réconcilier le pécheur avec soi et
cela sans autre pensée que le bonheur de la
créature. Essayez de cette
méthode-là dans l'éducation de
vos enfants.
J'ai entendu un père raconter qu'il avait
essayé d'imiter, dans sa famille, le
gouvernement de Dieu. Son enfant s'étant mal
conduit, il s'était entretenu avec lui, il
lui avait montré ses fautes, et quand
l'enfant avait été pleinement
convaincu de son tort, confondu et condamné
dans sa conscience, il lui avait posé la
question : « Mérites-tu
d'être puni ? « Oui, avait
répondu l'enfant. »
« Maintenant, avait reparti le
père, si je te dispensais purement et
simplement du châtiment, négligeant de
reprendre le péché, quelle influence
cela aurait-il sur mes autres enfants ?
Plutôt que de le faire, j'endurerai
moi-même la punition. » Et il
s'était appliqué à
lui-même la punition due à l'enfant.
L'effet avait été merveilleux ;
la parfaite soumission, qu'aucun autre moyen
n'avait pu produire, fut obtenue par
celui-là. Selon les lois de notre esprit, il
devait en être ainsi. La grâce affecte
l'esprit et le coeur tout autrement que la loi.
4. La justification par la foi place
l'esprit sous des influences entièrement
nouvelles ; elle lui donne la liberté
nécessaire pour apprécier les raisons
d'être saint, et pour se décider selon
ces raisons.
Sous la loi, la crainte et l'espérance sont
les seuls motifs qui puissent agir sur l'esprit du
pécheur. Mais quand l'Évangile est
accepté, ces deux motifs perdent leur
pouvoir, un nouvel ordre de considérations
se présente, tout le caractère de
Dieu se dévoile et exerce son influence sur
celui qui le contemple. L'Évangile manifeste
les traits du caractère de Dieu les plus
propres à briser le coeur du pécheur
et à détruire le péché
en lui. Il révèle aux sens Dieu
incarné dans la nature humaine. Il manifeste
son désintéressement.
Quand les enfants de Dieu voient ce même Dieu
saint qui donna la loi, s'émouvoir de
compassion pour des rebelles, leur tendre ses bras
paternels, leur donner son Fils bien-aimé,
et travailler à leur salut avec une
sollicitude qui ne se dément jamais, ne
pensez-vous pas qu'il y ait là de quoi
fortifier les motifs de leur amour et de leur
obéissance ?
Le démon, qui est un être purement
égoïste, accuse sans cesse les autres
d'égoïsme. « Est-ce d'une
manière désintéressée
que Job craint Dieu ? » De
même auprès de nos premiers parents,
il accusa Dieu d'égoïsme, en
prétendant que Dieu n'avait
été porté à leur
interdire le fruit de l'arbre de la connaissance
que par la crainte de les voir s'égaler
à lui par leur savoir. L'Évangile
révèle ce qu'est Dieu. S'il
était égoïste, il ne montrerait
pas une si grande et si persévérante
sollicitude pour le salut de pécheurs que
d'un mot il pourrait anéantir. Rien n'est
propre à rendre l'égoïste
honteux de son égoïsme comme la vue de
la bienveillance désintéressée
chez les autres. De là vient que le
méchant s'efforce toujours de paraître
désintéressé. Que
l'égoïste à qui il reste un peu
de coeur soit le témoin et l'objet d'une
bienveillance sincère, il sera couvert de
confusion. C'est ce qui a fait dire au Sage :
« Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain
à manger ; s'il a soif, donne-lui de
l'eau à boire. Car ce sont des charbons
ardents que tu amasses sur sa
tête. » Rien, en effet, n'est
puissant comme la bienveillance pour dompter un
ennemi et en faire un ami. C'est là le moyen
qu'emploie l'Évangile à
l'égard des pécheurs.
Il en est comme d'un homme condamné à
mort pour crime de rébellion. Il a fait tout
ce qui était en son pouvoir pour se
recommander à la clémence du
gouvernement, mais en vain, parce que toutes ses
démarches portent l'empreinte de son
égoïsme et de la sécheresse de
son coeur. Cependant, contre toute
espérance, arrive une lettre de ce
même gouvernement qui lui offre sa
grâce à condition qu'il la recevra
comme un don purement gratuit. Quel effet cette
lettre produira-t-elle sur lui ? Dès
qu'il verra le châtiment écarté
sans qu'il ait plus aucun effort à faire
pour se justifier, il sera rempli d'admiration pour
une telle délivrance. Et maintenant, qu'il
apprenne que son gouvernement a fait les plus
grands sacrifices pour lui procurer cette
délivrance, son égoïsme en
recevra le coup de mort, son coeur se fondra, il
tombera comme un petit enfant aux pieds du
souverain qui lui accorde une telle grâce, et
désormais la loi le trouvera toujours
prêt à l'obéissance parce qu'il
aime son souverain.
5. La foi assure la sanctification en
plaçant l'âme sous le pouvoir de
motifs capables de la produire. Elle donne aux
éternelles vérités
accès dans l'esprit et prise sur leur coeur.
En ce monde, les motifs temporels s'adressent
à nos sens ; dans le ciel, au
contraire, les motifs qui influencent les
bienheureux ne sont point de ceux qui peuvent agir
sur nos sens. La foi fait disparaître le mur
de séparation qui se trouve entre la terre
et le ciel ; par elle, les
réalités infinies de
l'éternité agissent sur notre esprit
de la même manière que sur celui des
bienheureux. L'esprit est le même partout, et
n'étaient les ténèbres de
l'incrédulité, les hommes vivraient
ici-bas comme on vit dans le monde invisible. On
verrait les pécheurs en furie, vomissant
leurs blasphèmes exactement comme on fait
dans l'enfer, tandis que les saints aimeraient
serviraient et loueraient Dieu exactement comme on
fait dans le ciel. La foi rend les choses à
venir présentes et réelles ;
elle délivre l'esprit de toutes les entraves
de ce monde ; elle saisit Dieu, sa loi et son
amour, motifs qui ne peuvent pas agir sur l'esprit
autrement que par elle.
Quelle action profonde la foi n'exerce-t-elle pas
sur l'âme, quand c'est de l'amour de Christ
qu'elle s'empare ! quelle puissance de vie ne
devient-elle pas quand, grâce à elle,
les purs motifs de l'Évangile se saisissent
du coeur et le remuent avec l'énergie
même de Dieu ! Chaque chrétien
sait que son esprit est libre, puissant et actif
à proportion que sa foi est forte ;
tandis qu'au contraire son âme n'est que
faiblesse et obscurité quand sa foi
défaille. Seule la foi rend capable de
comparer avec justesse les choses temporelles avec
les choses éternelles ; seule elle
remet les unes et les autres à leur vraie
place en leur donnant leur vraie valeur. Elle
détruit les illusions, délivre
l'âme de ses erreurs et de ses entraves, la
relève et la réintègre dans la
communion de Dieu.
1. Il n'est ni
philosophique ni
scripturaire d'essayer de convertir et de
sanctifier les âmes sans leur
présenter les motifs de
l'Évangile.
Vous pouvez, la loi en main, presser le
pécheur de se convertir, vous pouvez lui
montrer la grandeur et la justice de Dieu, vous
pouvez lui montrer son état de
perdition ; mais tant que vous lui cacherez
l'Évangile, tout sera vain.
2. Il est absurde de penser que la
grâce offerte par l'Évangile soit de
nature à produire une espérance
égoïste. Quelques personnes craignent
de faire connaître au pécheur tous les
traits du caractère de Dieu ; elles
s'efforcent de le jeter dans le désespoir
afin de le soumettre à Dieu.
Ce procédé n'est pas seulement
contraire à l'Évangile, il est encore
absurde en lui-même. Il est, en effet,
absurde de penser que pour détruire
l'égoïsme du pécheur, il faille
lui cacher la grandeur de l'amour et de la
pitié que Dieu ressent pour lui, et ne rien
lui dire de l'immensité du sacrifice que
l'amour divin a accompli afin de le sauver.
3. Il est si peu vrai qu'en faisant
connaître au pécheur toute
l'étendue des compassions de Dieu, on
s'expose à lui donner de fausses
espérances, qu'au contraire, en les lui
laissant ignorer, vous le mettez au point de ne
pouvoir
entretenir qu'une espérance fausse. En
effet, cacher au pécheur qui se débat
sous une conviction poignante de
péché que Dieu a pourvu à son
salut par un don purement gratuit, c'est le vrai
moyen de l'endurcir dans son égoïsme.
Et s'il parvient, en cette position, à
concevoir quelque espérance, cette
espérance ne peut être qu'illusoire.
La soumission obtenue par la, loi seule ne peut
être que la fausse soumission du propre
juste.
4. Pour autant que nous pouvons le savoir,
le salut par grâce, — salut qui n'est
obtenu à aucun degré par le
mérite de nos propres oeuvres, — est la
seule voie possible pour obtenir la
régénération du pécheur
égoïste.
Supposez que le salut ne soit pas absolument
gratuit, mais qu'il soit attribué en quelque
mesure à nos bonnes oeuvres ; il
stimulera notre égoïsme dans la
proportion où nos bonnes oeuvres auront
été prises en
considération.
Il faut amener le pécheur à ce qu'il
se voie dans une dépendance absolue de la
libre grâce de Dieu ; il faut qu'il
reconnaisse qu'une justification complète et
parfaite est accordée comme un don purement
gratuit au premier acte de foi, non en retour d'une
oeuvre quelconque qu'il aurait à accomplir.
Une telle justification est la seule qui puisse
détruire l'égoïsme et produire
la sainteté.
5. Si tout ceci est vrai, les
pécheurs doivent être mis le plus vite
possible en pleine possession de tout le plan du
salut ; il faut qu'ils en aient la
connaissance la plus complète possible.
Il faut leur faire connaître la loi et leur
propre culpabilité ; il faut qu'ils
voient la complète impossibilité
où ils sont de se sauver par
eux-mêmes. Il faut ensuite leur faire
connaître le plus possible « la
longueur, la largeur, la hauteur, la profondeur de
l'amour de Dieu ; » plus vous y
réussirez, plus vous crucifierez leur
égoïsme, et vous soumettrez leur
âme à Dieu dans l'amour. En conversant
donc avec les pécheurs, ne craignez pas de
leur donner au plus tôt la complète
connaissance de tout le plan du salut et des
compassions infinies de Dieu. Montrez-leur que
malgré leur culpabilité, le Fils de
Dieu frappe à la porte de leur coeur les
suppliant de se laisser réconcilier avec
Dieu.
6. Vous voyez pourquoi tant de
pécheurs convaincus en restent au
Sinaï ; faisant, dans leur propre
justice, tous les efforts possibles pour se sauver
par leurs propres oeuvres.
Qu'il est fréquent de voir le pécheur
s'efforçant, avant de se convertir, de
sentir davantage, ou attendant d'avoir fait plus de
prières, ou de plus grands efforts, pensant
se recommander ainsi à Dieu ! Il faut
détourner le regard du pécheur de
toutes ces choses, il faut lui montrer que, par
tous ces délais et toutes ces demandes
préliminaires, il ne fait pas autre chose
que chercher son salut dans la loi, et que tout
cela, est rendu plus que superflu par
l'Évangile qui lui offre à titre
gratuit tout ce dont il a besoin. Il faut qu'il
entende la voix de Jésus qui lui crie :
« Tu ne veux pas venir à moi pour
avoir la vie ; tu veux bien prier, aller aux
réunions religieuses, lire la Bible, faire
toute sorte de choses, excepté la seule qui
puisse te sauver : venir à
moi. »
7. Vous comprenez pourquoi tant de gens qui
font profession d'être chrétiens
restent cependant toujours dans les
ténèbres.
Ils regardent, toujours à leurs
péchés et ne contemplent que leur
propre personne. Ils oublient qu'ils n'ont autre
chose à faire qu'à saisir Christ et
à se reposer sur lui ; qu'ainsi tout ira
bien.
8. La loi est utile pour convaincre de
péché ; mais (c'est un fait
qu'on ne peut nier) elle ne brise jamais le coeur
du pécheur ; l'Évangile en est
seul capable. Et vous pouvez observer que le
nouveau converti a le coeur brisé en
proportion du degré de clarté avec
lequel l'Évangile lui est apparu.
9. Les convertis, — si vous voulez leur
donner ce nom, — qui suivent une
prédication légale, et qui, au point
de vue même de cette prédication,
entretiennent des espérances de vie
éternelle, peuvent donner à la loi
une approbation intellectuelle, avoir un
zèle aride, mais ils ne seront jamais des
chrétiens au coeur doux et humble. S'ils
n'ont pas connu Dieu tel qu'il se présente
à nous dans l'Évangile, ils ne
ressembleront jamais à ces chrétiens
bienheureux tels que nous en connaissons
quelques-uns, coeurs simples et purs qui, au nom de
Jésus, tressaillent d'émotion jusque
dans leurs dernières profondeurs.
10. Les pécheurs qui sont convaincus
de péché et les chrétiens de
profession qui sont dans les
ténèbres, doivent être conduits
les uns et les autres droit à Christ pour
saisir en lui le plan du salut par la foi. Il n'y a
pas d'autre moyen de leur faire du bien.
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