Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'école de l'humilité

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Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles.
(I Pierre 5 : 5.)


L'Évangile délivre de toute perversité. Je ne savais pas que j'étais un homme fier et orgueilleux ; pauvre comme je l'étais, je croyais n'avoir aucun motif de l'être. Mais j'en fus convaincu par la suite. Environ une année avant ma conversion, j'avais planté des pommes de terre en utilisant beaucoup d'engrais, mais en automne la récolte fut bien maigre, des nids de fourmis jaunes se trouvaient presque sous chaque plant. Après ma conversion, j'obtins une belle récolte, bien que j'en eusse planté une plus petite quantité ; nous en avions même à revendre ; auparavant nous devions toujours en acheter et nous avions à peine l'argent nécessaire pour les payer. « Tout dépend de la bénédiction de Dieu ! »

Ayant déménagé dans un autre endroit, nous plantâmes des haricots dans notre nouveau jardin, mais le fumier nécessaire nous faisait défaut et nous n'avions à notre disposition que de l'eau de fosse très délayée. Le propriétaire se moqua de nous, mais nos haricots furent superbes, tandis que les siens étaient bien misérables. L'année suivante, il se servit de notre « eau », mais notre récolte fut de nouveau plus belle que la sienne. Puis vint la troisième année, qui fut la plus bénie. Les pousses de nos plants de haricots ne montèrent même pas le long des perches et la récolte fut des plus maigres. J'avais ajouté quelque chose à la plantation : un peu d'orgueil. Je m'imaginais que ma piété m'avait valu les belles récoltes faites auparavant ! Dieu nous voit ! Si nous nous attribuons la gloire et si nous cherchons à nous élever, il sait parfaitement nous abaisser. Il ne se préoccupe guère de nos cris, mais il dira : « Berger, tais-toi ! Tout se terminera bien ! » Dieu ne cède sa gloire à personne, ni même à Berger et ses haricots !

Le Père céleste sait parfaitement comment nous administrer une « cure » s'il doit nous guérir de la propre justice ! Lorsque j'étais encore charron, j'eus une fois la visite d'un paysan incrédule qui me parla de toute espèce de sujets. L'invitant à entrer dans la chambre, je pris la Bible et lui dis : « Il est préférable que nous lisions la Bible au lieu de discuter des choses de ce monde ! » Il me cria dans l'oreille : « Que Dieu nous préserve de la propre justice ! » Je lui demandai alors : « Dis-le moi, suis-je dans une propre justice ? » Il se borna à crier encore une fois à mon oreille « Que Dieu nous préserve de la propre justice ! » À nouveau, je lui posai ma question et pour la troisième fois il me cria la même chose, puis il s'en alla en courant. Me mettant à genoux dans la chambre, je priai : « Père céleste, si je suis imbu de propre justice, montre-le moi ! » Alors mes yeux s'ouvrirent dans une certaine mesure et je vis que mes pensées étaient semblables à la prière du pharisien : « Je te rends grâces, ô Dieu, de ce que je ne dois plus boire, jouer aux cartes, jouer aux boules et fumer comme les autres qui y sont asservis ! » Je n'ai pas dit cela textuellement, mais le sens est identique ; j'étais démasqué !

Autrefois j'étais d'avis que les « mômiers » étaient des personnes remplies de propre justice ; lorsque je me convertis, je pensai que c'était le cas pour les autres gens. Par la grâce de Dieu, le temps vint où je vis que c'était moi qui étais imbu de propre justice ! Pour être sauvés, il faut que cette conviction se fasse une fois en nous ; il faut que nous reconnaissions qu'aux yeux de Dieu, notre justice est semblable à un vêtement souillé. Après cette expérience je n'eus plus le même langage !

Quelquefois, nous n'avions pas de pain et l'argent nous manquait pour en acheter. Pour le « goûter », ma femme préparait alors des pommes de terre rôties, mais nous les faisions vite disparaître dans le tiroir de la table s'il survenait des visites, car nous ne voulions pas que quelqu'un constate que le pain manquait. Là aussi le Dieu d'amour dut « m'opérer ». Je pensai à la famine qui pourrait survenir, et je compris que nous ne devions plus retirer de la table les pommes de terre quand il arrivait quelqu'un. Dès lors nous eûmes toujours du pain.

Dieu a eu fort à faire pour me guérir de mon orgueil ! Un soir, un homme vint me voir ; j'espérais qu'il s'en irait bientôt, mais il n'en fut pas ainsi. Nous nous mîmes à table pour souper, mais il resta. Neuf heures sonnèrent, puis dix, puis onze heures ! Il n'avait toujours nulle intention de faire ses adieux ! Je devais faire une drôle de tête ! Nous habitions une vilaine masure ; les chambres étaient noires de suie, mais nous avions un lit propre dans l'une d'elles, néanmoins je n'osais proposer à ce monsieur de monter à l'étage si peu accueillant. Ailleurs, nous n'avions pas la moindre place ! Enfin nous lui offrîmes ce lit, nous excusant en même temps de la pauvreté du gîte. Cette nuit-là, je ne dormis guère et je craignis que notre hôte ne se levât fort mécontent le lendemain. Il ne s'éveilla qu'à dix heures du matin et descendit radieux. Alors je fus obligé de me dire : « Que tu es sot ! » Dieu ne saurait exiger de nous ce que nous ne pouvons donner, il demande seulement ce que nous avons ; heureusement, j'ignorais alors complètement qu'il aurait fallu un service de toilette à disposition. Notre toilette nous la faisions à la fontaine, avec un seul linge ; notre hôte en fit de même. Si j'avais eu connaissance de ce que je sais maintenant, ma gêne n'aurait été que plus intense ; mais là, je vis clairement que mes pensées étaient de l'orgueil !

Dans mes lettres, je faisais beaucoup de fautes d'orthographe et je ne manquais pas d'ajouter : « Excusez-moi pour les fautes ! » Un frère me réprimanda à ce sujet, me disant que c'était de la fierté et de l'orgueil, et que je devais rendre grâces à Dieu de pouvoir écrire ainsi. Cela me fut salutaire et je fus guéri; il aurait peut-être pu me consoler en me disant que mes lettres étaient parfaitement lisibles, mais il n'en fit rien. C'est ainsi qu'on voudrait se faire valoir et s'élever, mais notre Dieu d'amour nous émonde, coupant chaque branche inutile, jusqu'à ce que nous soyons descendus de nos hauteurs !

Je fis une fois plusieurs visites dans l'Oberland bernois et je déclinai toute invitation à dîner, car, si le temps me le permettait, j'avais décidé de prendre quelque nourriture chez une veuve habitant près de la gare. Avec un visage rayonnant et sans s'excuser de n'avoir plus rien à m'offrir, cette veuve me servit une tasse d'eau et une petite tranche de pain. Jamais je n'aurais osé priver cette femme de son pain mais je savais qu'il me serait possible de lui faire parvenir ensuite quelque chose. Quant à moi, je n'aurais rien offert dans un cas semblable ! En admirant cette grandeur d'âme, comme j'ai eu honte de moi-même ! Alors, je pus me rendre compte de ma situation : J'aurais désiré offrir quelque repas lorsque des gens riches me rendaient visite, mais je pensais que je devrais être à même de donner au moins du beurre et du fromage. Or, nous n'en possédions pas toujours et c'est le motif pour lequel je ne donnais rien. Par contre, j'offrais avec joie du pain et du café aux gens de conditions modestes.

Combien Dieu m'a délivré de toutes ces choses secondaires ! C'est si simple de vivre pour notre cher Sauveur ! Que d'expériences personnelles et bénies fait-on à son service ! J'ai pensé souvent que s'il m'était possible de céder à d'autres le bonheur qui remplit mon coeur, pour une minute seulement, tous se convertiraient immédiatement.


L'école de la confiance en Dieu
Dans les biens temporels.

Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous.
(I Pierre 5 : 7.)


Qu'il est beau le sort réservé à celui qui se confie en Dieu et comme il est permis de l'éprouver, lui, notre Père ! Combien de personnes agiraient d'une autre façon, si elles songeaient à ceci : « Nous n'avons rien apporté dans le monde et il est évident que nous n'en pouvons rien emporter ! » Aujourd'hui, certaines communautés mendient, gémissent et se plaignent, au lieu de se confier en ce Dieu vivant ! Il m'a montré qu'il pourvoyait à mes besoins ! Au début, je disais ma détresse aux frères et soeurs qui en faisaient part à d'autres personnes et je recevais quelque chose. Mais un jour j'eus honte de ce procédé et je pris la résolution de ne plus communiquer mes peines aux autres. Néanmoins en certaines occasions, je compromis quand même ma situation. Je me posai alors la question suivante : « Dieu me donnera-t-il également si aucune personne n'a connaissance de mes besoins ? » Et Dieu répondit mieux encore lorsque je pus me taire ! Dès lors je sais que c'est Dieu qui a aidé, et non les hommes. J'expérimentai même que Dieu peut secourir directement ; il peut aussi se servir des corbeaux !

Quelques années après ma conversion, je tombai malade ; j'avais trop travaillé ! Le matin, je me levais à cinq heures ; bien souvent, les gens étaient encore couchés quand je me présentais chez eux pour le travail. Je restais à la tâche toute la journée, prenant rapidement quelque nourriture à midi ; ma journée se terminait bien tard. Je devais tenir des réunions tous les jours, excepté le samedi. Il n'était pas question de la journée de huit heures ! Je soupais avec les employeurs, mais, parfois, j'étais obligé de partir précipitamment, sans manger, pour tenir ma réunion. Après la réunion, on prenait du café ou du thé et, souvent, nous causions ensemble plus longtemps qu'il n'eût fallu ! Ainsi, j'arrivais chez moi à minuit ou plus tard encore. Je menai ce train de vie pendant six ans environ. Un certain matin, m'efforçant de me rendre au travail, je m'affaissai auprès de mon banc de menuisier.
Durant un an environ, ma faiblesse m'empêcha de travailler normalement. Mon gain était très réduit. Néanmoins, je présidais encore des réunions. Je ne les interrompis que pendant un mois. Mon état ne fit qu'empirer ; je me disais souvent, en rentrant chez moi : « Un pas de plus, et tu seras à terre ! » Lorsqu'il y avait de la neige, je cherchais un tronc d'arbre pour m'asseoir et, si j'y parvenais, je constatais qu'il était couvert de neige. En arrivant à la maison, je cherchais à atteindre la serrure sans succès, puis je tombais ! Arrivé à cette extrémité, le diable vint me dire : « Tu dois travailler dur et, à présent, te voilà malade et sans gain. Les autres évangélistes reçoivent un salaire et ne sont pas astreints à un tel travail. Ils ne tiennent que trois réunions hebdomadaires, tandis que tu dois en présider six, sans rétribution. Tu es surmené ! » Voilà ce que le diable me soufflait à l'oreille et je répétais cela pendant des journées entières. C'est ainsi que je fus à son école et que j'y appris des « psaumes » de ce genre. J'étais loin de ressembler à David qui rétorquait, lorsque le diable lui disait qu'il avait tout lieu de se plaindre : « Je bénirai l'Éternel en tout temps, sa louange sera toujours dans ma bouche ! (Psaume 34.) David ordonnait à sa bouche de louer : « Mon âme, bénis l'Éternel ! que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom ! Mon âme, bénis l'Éternel et n'oublie aucun de ses bienfaits ! » Ma situation empirait.

Dans les réunions je ne me plaignais pas, mais je glorifiais Jésus et c'est ce qui me soutenait un peu. Je fus ainsi à l'école du diable durant trois trimestres, m'imaginant être dans le droit chemin. Je ne fis aucune dette pendant tout ce temps d'épreuves ; nous avions des chèvres, des pommes de terre et des légumes. Enfin, je constatai que je n'étais pas dans la bonne voie et je me dis : « Autrefois, tu étais l'homme le plus heureux de la terre et à présent il n'en est plus ainsi ! » Je m'humiliai devant Dieu et me repentis. Subitement, je me sentis mieux ; j'étais de nouveau le plus heureux des hommes ; je n'avais plus de disette et j'éprouvais la présence de Dieu dans les réunions. J'étais dans une grande félicité, même sans argent et sans travail, et ne songeais plus à me plaindre ; je ne manquais de rien. La bénédiction de Dieu reposait sur notre maison et sur tout ce que nous possédions ; c'est ainsi que durant cette année-là, je reçus l'unique somme de dix francs, mais Dieu pourvut à tout et me tira de la misère. Je fus nommé agent de la Croix-Bleue et repris peu à peu des forces. En réfléchissant à mes expériences passées, je vois que c'est aussi un don de Dieu de ne pas se mettre en souci ! Comme c'est différent de vivre ainsi pour Dieu, au lieu d'afficher une piété purement extérieure et se laisser influencer par le malin. Je me rendis compte que j'avais été longtemps à l'école de Satan, qui nous répète les mêmes choses sans se lasser. Il est important de prendre toutes choses de la main de Dieu !

Au cours d'une réunion, je posai la question suivante : « Qui, parmi vous, a déjà été à l'école du diable ? » Personne ne leva la main. Je racontai alors mon expérience et posai encore une fois la même question : « Qui, de vous, a déjà fréquenté l'école du diable ? » Presque tous levèrent la main ! C'est pourquoi cette exhortation est de toute importance : « Réjouissez-vous dans le Seigneur ! » Le sens est d'ailleurs identique à celui du livre de Sirach 30 : 22 : « Ne t'attriste pas toi-même, et ne te tourmente pas par tes propres pensées ! Fais-toi du bien, console ton coeur, et chasse de toi toute tristesse ». Si nous sommes persuadés que toutes choses concourent à notre bien, notre coeur est consolé même quand nous avons des sujets de gémir.

Aujourd'hui encore, cette expérience m'est plus précieuse que l'or. Tout dans ma vie paraissait sans issue, et en un instant j'ai pu constater que Dieu avait pourvu à tout, comme jamais dans ma vie. Dieu nous a nourris ainsi pendant une année. En ce temps-là, nous possédions deux chèvres ; ma femme me dit un jour que l'une d'elles allait périr. Sans me rendre à l'étable pour constater la chose, je dis au Père céleste : « Père, tu sais que tu dois me remplacer cette chèvre par une autre si tu me la prends et, comme je n'aime pas du tout m'occuper du trafic de chèvres, j'aimerais beaucoup que tu la guérisses ! » Le lendemain, elle était bien portante et donnait du lait comme auparavant ; le Père céleste savait que j'avais pris l'affaire au sérieux. Autrefois, j'aimais faire le commerce, usant même du mensonge ; après m'être converti, j'eus le dégoût de ce genre de trafic. C'est pourquoi je pus parler ainsi au Père céleste ; il a répondu !

Pendant la période de guerre 1914-1918, nous avions une fois soixante jeunes gens à un cours d'instruction religieuse. Nos cartes de ravitaillement étaient épuisées et il ne nous restait plus rien à manger. Voulant éduquer les enfants qui suivaient ce cours à se confier en Dieu, je leur tins ce langage : « Priez, si vous voulez avoir à manger demain ; je le ferai également ! » Le soir, un paysan envoya une livre de petits pois et je pensai : « Qu'est-ce que cela représente pour autant de monde ? » C'était là ma foi ! Et pourtant, il y en avait un peu dans ce propos. Le lendemain et comme nous n'avions rien d'autre à cuire que ces petits pois, je dis aux personnes s'occupant de la cuisine qu'elles devaient bien remuer, louer et rendre grâces à Dieu ! Nous eûmes une bonne soupe aux pois, épaisse comme elle ne l'avait jamais été en pareille occasion, et nous pûmes manger à coeur joie. Que c'est merveilleux. L'homme intérieur est également nourri en absorbant de pareils mets ! Cette expérience était semblable à celle des Écritures : « Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains, et que vous avez été rassasiés ! » Dans ces pains se trouvait une vertu qui les avait unis à Dieu.

Combien d'expériences avons-nous eu le privilège de réaliser ! Une fois, nous avions des personnes passant leurs vacances chez nous. Pour le samedi, il ne nous restait qu'un peu de viande, et nous étions sans argent. Nous nous concertâmes, ma femme et moi. Je lui dis de couper la viande en petits morceaux, ajoutant qu'il y avait lieu de mettre une bonne quantité de légumes, de façon que tout suffise pour deux jours. Je me rendis dans l'atelier et me mis à genoux ; alors cette réponse me fut donnée : « Ne te préoccupe pas du lendemain ! » J'eus honte et dis à ma femme qu'elle devait cuire le tout ; le soir, nous recevions par la poste un gros jambon ! Aujourd'hui encore nous avons un Père auquel il est permis de tout dire.

Une autre fois, nous avions parmi nos hôtes, une femme qui devait manger des oeufs. Nous ne possédions ni oeufs ni argent et je n'osais le lui dire. Je suppliai Dieu : « Nous devrions avoir des oeufs et manquons d'argent ! » Au même instant, il me vint à l'idée : « Tu as encore à recevoir quatre-vingts francs de tel endroit, tu es un coquin de mendier de l'argent à Dieu ! » Je dis au Père céleste : « Tu es très bon pour les coquins ! » Quatre-vingt-dix oeufs et quatre francs nous arrivèrent par le courrier de quatre heures. Plus tard, je questionnai à ce sujet la soeur qui avait effectué l'envoi et elle me dit que le matin elle avait été subitement très inquiète et pressée de m'envoyer des oeufs ; qu'elle s'était rendue rapidement à la poste pour les expédier. Le Père céleste connaissait nos besoins. Il dit dans sa Parole : « Avant qu'ils m'invoquent, je leur répondrai ! » Combien l'âme qui se soumet de tout coeur à la Parole de Dieu éprouve une joie complète ! Aujourd'hui encore on peut réaliser des miracles !

Que de miracles n'aurais-je pas réalisés si je n'avais pas été pauvre ! Gellert dit : « La pauvreté n'est guère bonne, car souvent au mal on s'adonne ! ». Mais la pauvreté est quelque chose de beau si l'on est converti à Dieu ! Lorsque nous sommes tentés, Dieu peut nous secourir et le temps que j'ai passé ainsi dans la pauvreté a été une des périodes les plus bénies de ma vie. J'ai appris à me confier en la Parole, et j'ai expérimenté combien ce que Dieu dit par elle est véritable.

Un père prend soin de ses enfants et ses enfants s'attendent entièrement à lui. Combien nous sommes reconnaissants d'avoir un Père qui prend à tel point soin de nous ; c'est pourquoi nous ne voulons pas nous inquiéter : « Que mangerons-nous, et que boirons-nous ? De quoi serons-nous vêtus ? Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent ! » Notre Sauveur nous encourage par toutes sortes de moyens : « Considérez les passereaux et les corbeaux ! Ils ne sèment ni ne moissonnent ; votre Père céleste les nourrit ! » Il importe uniquement de se confier en lui comme un enfant. Cela ne dépend nullement de nos dispositions, mais de la Parole de Dieu et de sa merveilleuse bénédiction. Dieu peut bénir l'argent, mais il peut aussi faire intervenir la malédiction, alors tout le gain et l'économie ne servent à rien. C'est avec la conversion que la bénédiction nous est donnée ; plus nous nous confions en lui d'une façon enfantine, plus nous faisons l'expérience de sa fidélité et de son amour.

Il arriva une fois à La Punt, où se trouvait notre maison de vacances, que les paysans nous refusèrent la livraison promise du lait, nouvelle dont on me fit part à mon arrivée. J'étais fort embarrassé et je pensai : « Les hôtes à qui je veux raconter de quelle manière Dieu prend soin de nous vont arriver, et je devrai leur servir du café noir et du thé : cela ne concordera pas ! » Je me rendis dans ma chambre pour invoquer Dieu et il me répondit : « Regardez les moineaux ! » Sortant de la maison, j'en vis un qui, le bec plein, se percha sur un fil téléphonique. Sa nourriture se voyait de chaque côté du bec. Retournant dans ma chambre, je rendis grâces à Dieu avec joie, me disant qu'il nous remplit aussi la bouche ! Bientôt un frère de Madulein me fit lire une annonce concernant la vente d'une vache laitière ; je l'achetai ! Un autre paysan vint également m'offrir du lait, mais à condition que je lui achète toute sa production journalière ; nous avions vraiment « le bec plein ! » Nos hôtes purent boire du lait en abondance. Voilà de quelle façon le Père céleste exauce les siens. Nous ne devons jamais penser qu'il ne nous exauce qu'à la condition de vivre mieux mais, au contraire, nous rappeler sans cesse ceci : « Par grâce ! Par grâce ! »

En 1914, à la déclaration de guerre, tout le monde pria Dieu d'épargner notre pays, demandant que la guerre puisse se terminer bientôt. Quand nous entendons parler de guerre et de soulèvement, il est écrit dans ma Bible que nous devons lever la tête parce que notre délivrance approche. Mais il est aussi écrit que nous devons prendre garde que nos coeurs ne s'appesantissent pas par les excès du manger et du boire. Ces avertissements sont aussi nécessaires quand la guerre sévit, quand la famine menace et que les vivres se font rares. Que de tentations m'assaillirent alors ! La lutte était grande ! Les uns amassaient des vivres en masse. Mais je savais que cela n'était pas selon la foi. Je sentis la force de ce courant et je fus encore assailli par une excuse pieuse : « Il y a tant de frères et de soeurs qui viennent chez nous, il faut pourtant les recevoir ! » Mais je m'humiliai en lisant les versets par lesquels Dieu promet de nous donner le nécessaire, et je crus.
Cependant, les soucis se dressaient toujours devant moi et j'avais l'impression de me trouver dans un véritable guêpier. Autrefois, quand les soucis fondaient sur moi, je trouvais un appui dans Matthieu 6: 25-34, mais il me semblait qu'à présent cela ne m'était plus d'aucune utilité. Mais subitement la lumière se fit en moi et je me dis : Quel être égoïste es-tu ? Cela ne t'inquiète-t-il pas que les autres meurent de faim et que toi, un chrétien, tu veuilles avoir à manger ? Je dis alors : « Si c'est la volonté de Dieu, je veux aussi mourir de faim ! » À partir de cette heure, les soucis disparurent ; il ne faut pas grand chose pour mourir de faim. C'est alors que je ressentis quelque chose de la force de la Parole : « Ils l'ont vaincu par le sang de l'agneau et par la parole à laquelle ils rendaient témoignage, et ils n'ont point aimé leur vie jusqu'à la mort ». Ce sont là des vainqueurs. Ceux qui ne mettent en pratique que les deux premières affirmations de ce verset : c'est-à-dire qui croient au sang de Christ et qui rendent témoignage à la Parole, mais qui continuent à aimer leur propre vie, ne peuvent être sauvés par Dieu. J'ai précisément eu la victoire au moment où je fus disposé à perdre ma vie ; c'est merveilleux, le Père voit tout, tout !

Une fois nous avons donné tout ce que nous possédions à titre de prêt à un frère, soit deux mille francs. Probablement par ignorance, il me remit une reconnaissance de dette sans signature, munie de timbres postaux et, pendant plusieurs années, il ne versa aucun intérêt ! Désirant faire imprimer nos livres de chant, je lui écrivis que j'avais besoin de cet argent ; il m'envoya cette brève réponse : « Ne réclame pas ton bien à celui qui s'en empare ! »

Mais je pensai que j'avais le droit de prendre des mesures juridiques, et je cherchai si le livre des Proverbes ou celui de l'Ecclésiaste ne mentionnait pas un passage m'autorisant à lui réclamer ma créance. Je le trouvai, en effet, mais je n'étais quand même pas à mon aise et je cherchai un autre moyen. Me rendant chez le relieur, je lui demandai si je pouvais lui céder cette créance et il se déclara d'accord ; je lui demandai toutefois de ne pas poursuivre cet homme. Cette affaire me tourmenta encore plusieurs jours. Quelque temps après, je proposai à ma femme d'abandonner cette créance ; elle fut d'accord et il me sembla être libéré d'un grand poids. Je m'humiliai d'avoir agi à la légère, de ne pas m'être soumis à la Parole de Dieu dans cette affaire et de n'avoir pas accepté l'enlèvement de mes biens avec joie, selon l'épître aux Hébreux.

Jésus a promis que ce que nous abandonnerions pour l'amour de son nom nous serait rendu au centuple. Parce que je m'étais tourmenté au lieu de compter avec la parole du Seigneur, je me qualifiai moi-même « d'âne ». Celui qui fait son calcul selon les enseignements de la Parole de Dieu, peut accepter l'enlèvement de ses biens avec joie. Il est vrai que je n'ai pas reçu en retour un montant cent fois supérieur mais, lorsque je renonçai à ma créance, je ne perdis rien. Auparavant, je faisais l'addition de toutes nos disponibilités et je pensais que mes enfants pourraient à la rigueur me remettre ce qu'ils possédaient, car je ne voulais pas faire de dettes ; mais ceux-ci ne durent faire aucun abandon et, après le paiement de l'édition, il me resta une somme supérieure à celle qui m'était due par cet homme ; je ne sais d'où cet argent est venu. Il semblait qu'une multiplication s'était faite dans la caisse. Je ne verse pas des larmes facilement, mais bien souvent la bonté de Dieu les a fait couler. Je voyais à nouveau l'évidence de la bénédiction divine qui prévaut sur toute chose !

Si quelqu'un met sa confiance en Dieu, il pourra se trouver dans une situation des plus difficiles, mais il en coûte peu à Dieu de donner à un pauvre la richesse et la puissance, ou de réduire un riche à la pauvreté et à la faiblesse. Mais il faut abandonner à Dieu toutes choses et ne pas poursuivre ses propres voies. Dieu ne se conforme pas à nos plans, et il est inquiétant de lire ce que dit le Psaume 81 : 12 s'il nous laisse agir selon nos propres desseins : « Mais mon peuple n'a point écouté ma voix, Israël ne m'a point obéi. Alors je les ai livrés aux penchants de leur coeur, et ils ont suivi leurs propres conseils ». C'est terrible lorsque Dieu ne nous châtie plus, car il est écrit : « ... Le Seigneur châtie ceux qu'il aime ». Ces derniers n'ont plus de repos jusqu'à ce que l'affaire soit mise en ordre, s'ils ont agi contrairement à sa volonté. Nous avons le droit et l'obligation de remettre tous nos soucis à notre Père céleste, car il prend soin de nous. On est souvent tenté de dire : « Maintenant, il n'y a plus d'issue ! »

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Les soucis sont de l'idolâtrie ! Tous ceux qui s'en chargent sont des païens, car ils attendent toutes choses des circonstances et non de notre riche Père céleste. Un frère s'appuyant pleinement sur la Parole qu'il avait entendue dans nos réunions à Bâle, se déchargeait de tous ses soucis sur Jésus. Il fut accusé par un agent d'assurances, qui m'écrivit une lettre dans laquelle il reprochait à ce frère son manque de prévoyance envers sa famille et ses enfants. La Bible parle de deux genres de soucis ; premièrement : « Ne vous inquiétez d'aucune chose, Dieu prendra soin de vous ! » Ailleurs, elle indique les soucis qui doivent être les nôtres, mais il ne s'agit pas de ceux-ci « Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? De quoi serons-nous vêtus ? » Car toutes ces choses sont recherchées par les païens ; notre Père connaît nos besoins. Nous devons premièrement rechercher le royaume de Dieu et sa justice, et toutes les autres choses nous seront données par-dessus ; voilà ce que nous devons croire, sans rien y ajouter. Il est vrai que la Parole dit que celui qui ne travaille pas ne doit pas manger non plus, mais le fait de se mettre en souci n'a rien à voir avec le travail. Il y a quelques années, l'automne avait été très pluvieux, ne permettant pas aux paysans d'ensemencer leurs champs. L'un d'eux avait pourtant fait les semailles mais n'avait pu herser son champ ; durant tout l'hiver il se tourmentait, pensant que la moisson serait mauvaise. Cependant, la récolte fut abondante. Cet homme s'était converti dans le courant de l'année. Lorsque je le visitai, il réalisa le salut en Christ et me raconta comment il s'était vainement mis en soucis. Le poète Gellert a dit :

À quoi bon tes cuisantes alarmes ?
Pourquoi faire renaître chaque matin
Le fardeau des soupirs et des larmes,
Te lamenter sur ton destin ?
Car à ta croix et sa détresse,
Tu ajoutes encore la tristesse !

Il nous est ordonné de rechercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice. Que de temps ai-je mis à comprendre cela ! Depuis longtemps, je désirais posséder une maison ; celle que j'habitais comme locataire à Dürrgraben allait être vendue aux enchères. Un frère me conseilla de l'acheter, m'offrant trois mille francs en seconde hypothèque. Il ajouta encore que je devais m'adresser au frère surnommé « Pierre des bois » ; ce dernier se déclara immédiatement d'accord de prêter la somme totale. Cependant, Dieu avait payé toutes mes dettes, et je savais que je ne devais plus en faire, convaincu que le Père céleste me donnerait tout ce dont je pourrais avoir besoin. En cette circonstance, j'eus pourtant de la peine à accepter cette ligne de conduite ; j'avais le sentiment que Dieu me traitait quelque peu avec sévérité ; il ne laissait rien passer !

Peu de temps après et par un temps pluvieux, je suivais la route qui traverse la vallée de Dürrgraben et, fait étrange, une petite carte parfaitement sèche vint choir à mes pieds ; je la ramassai. C'était une carte d'assiduité destinée aux enfants de l'école du dimanche et ce verset y était imprimé : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par-dessus ». À côté du texte se trouvait l'image d'une petite maison avec ses alentours. « Cela vient de Dieu me dis-je, dorénavant je veux m'appliquer à chercher le royaume de Dieu et sa justice, afin de recevoir une petite maison pareille à celle-ci. Dès à présent, je me conformerai exactement à la Parole de Dieu. » Le « moi » avait toujours la première place ; je veux... je veux... et c'est ainsi que je croyais chercher le royaume de Dieu et sa justice, sans m'apercevoir que je cherchais précisément « ma justice ». J'avais décidé que ma ligne de conduite devait être bien droite, mais tout dépendait toujours de « moi » ; dans la Bible, je ne voyais que ce que je devais faire. Dix-huit ans plus tard seulement, je compris que « chercher sa justice » consiste à compter et à s'appuyer sur ce que Jésus a fait ou ce qu'il fait, au travers de tout. Alors, il me fit don d'une maison également.

Durant ces années-là, un frère de Rüschlikon voulait me faire don d'une maison avec salle de réunions qu'il entendait construire, mais à condition d'y transférer mon domicile. Cette construction aurait coûté soixante mille francs. C'était avant la guerre de 1914-1918. Ce même frère retirait annuellement une somme de deux mille sept cents francs d'un logement qu'il louait dans sa villa ; il me l'offrit gratuitement, avec l'ameublement complet. D'entente avec ma femme, je n'acceptai pas cette offre. Il m'aurait peut-être été permis de faire fortune, mais je savais pertinemment que ma place n'était pas en Suisse orientale. On avait également établi déjà le plan d'une construction à Unterseen, mais je savais aussi que Dieu n'avait pas choisi cet endroit pour moi. Si quelqu'un m'avait fait une proposition identique pour habiter l'Emmental, j'aurais certes accepté avec empressement, mais rien ne vint dans ce sens. C'est ainsi que le temps s'écoula jusqu'au moment où j'appris en « vérité » à chercher le royaume de Dieu et sa justice ; à ce moment-là, sa promesse s'accomplit.

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