Que de fois j'ai fait l'expérience
que « pas un cheveu ne tombe de notre
tête sans la volonté de notre
Père ». Mais j'ai
réalisé aussi que le règne de
Dieu est édifié par la souffrance.
Les assemblées qui prospéraient le
mieux et qui recevaient les
bénédictions les plus grandes,
étaient celles qui étaient le plus
persécutées. Ce n'est pas en vain
qu'il est écrit :
« Réjouissez-vous de souffrir avec
Christ, afin que, lors de son avènement,
vous ayez joie et
félicité ». C'est ce que
disait très souvent frère
Vetter : « Là où il y
a de la résistance, Dieu est
présent ;
persévère ! » Nous
lisons dans II
Cor. 4 : 8: « Nous
sommes pressés de toutes manières,
mais non réduits à
l'extrémité ; dans la
détresse, mais non dans le
désespoir ; persécutés,
mais non abandonnés ; abattus, mais non
perdus ».
Quand je commençai à
présider des réunions à 0., je
rencontrai une grande opposition, des gens du monde
et des gens pieux. Quelques-uns même en
voulaient à ma vie. À cette
époque, ma femme était gravement
malade. Devant un jour me rendre à cet
endroit pour y tenir une réunion, je
demandai à deux frères d'y aller
à ma place. Ils refusèrent ! Je
ne pouvais comprendre cette attitude. Finalement,
je décidai de m'y rendre moi-même. Je
consolai ma femme en lui disant que Dieu pourrait
agir plus librement et la guérir d'autant
mieux que je ne me trouverais pas en travers du
chemin. Pendant que je changeais d'habits, j'eus le
sentiment que je devais rester à la maison,
que quelqu'un en voulait à ma vie.
Cependant, je comptai à nouveau avec cette
parole qui dit que pas un cheveu ne peut tomber de
notre tête sans sa volonté, et je
pensai que la suggestion de cet empêchement
provenait du diable. Mais au moment de me mettre en
route, la voix du Saint-Esprit se fit
entendre : « N'y va pas, ils te
tueront ! »
L'avertissement précédent
émanait donc déjà de Dieu. On
apprit plus tard que le maire de R. avait
chargé plusieurs hommes de me maltraiter.
Ils devaient d'abord me jeter dans un étang
très profond, puis m'en retirer et me
remettre aux gendarmes pour me conduire en prison.
- J'ignorais complètement la haine farouche
qui existait à mon
égard dans cette région, mais mon
Père céleste déjoua leurs
conseils et leurs plans.
Plus tard, je fus attaqué par deux
hommes qui me frappèrent violemment au moyen
d'une barre de fer. Lorsque, après un
moment, je pus reprendre le souffle et me relever,
ils me fracturèrent le bras droit d'un coup
de gourdin, et me blessèrent au dos. Je
m'enfuis alors dans une maison à
proximité. Le maître de cette maison,
quoique m'ayant autrefois également
menacé de mort parce que ses deux filles
s'étaient converties, m'accompagna
aimablement jusqu'à la maison où la
réunion devait avoir lieu, me
protégeant de toute autre attaque.
Pendant la réunion, un chevron
pointu, acéré, fut lancé
à travers la fenêtre, mais, par une
circonstance tout à fait
particulière, j'avais changé de place
ce soir-là et personne ne fut atteint.
Malgré mon bras cassé, je pus tenir
la réunion et rentrer le lendemain matin de
bonne heure. Le soir suivant, après cette
terrible journée, j'avais à
présider la réunion à
Wyssachen et, malgré de vives douleurs dans
les bras et au dos, Dieu m'accorda sa grâce
et sa force pour faire ce grand trajet en chemin de
fer et à pied. Je passai la nuit chez un
paysan et, le matin vers cinq heures et demie, mon
bon et divin médecin me guérit ;
une douce chaleur m'envahit tout entier.
J'étais complètement guéri, si
bien que le jour suivant je pus fendre du bois. Oui, nous avons un
Dieu qui secourt, un Seigneur
et Maître qui délivre de la
mort.
Un réveil se produisit
également plus tard à O. Le
père B. mourut laissant une veuve et douze
enfants. La maman et les enfants
entouraient la tombe de ce père, de ce cher
époux. Avec des lèvres
frémissantes, ils chantèrent ensemble
ce cantique : « Mon Sauveur est mon
pilote, sublime de puissance et de
félicité, sans égal sur cette
terre, il est mon appui en tout temps ; ma
nacelle, il l'a construite lui-même, elle est
solide et étanche ; il se joue des
vents et des flots, et jamais ne me
délaisse ». Toute l'assistance en
fut profondément touchée. À
partir de ce jour l'assemblée s'accrut, et
beaucoup de personnes réalisèrent la
paix de Dieu. Aujourd'hui ce sont d'heureux enfants
de Dieu. Une salle de réunions
s'élève à cet endroit.
Je fus aussi invité à
présider des réunions
d'évangélisation dans une caserne,
à Winterthour. Par la suite, nous avons eu
régulièrement des réunions
à Winterthour et à Kollbrunn ;
plus tard à Dettenried où nous
possédons aujourd'hui une salle de
réunions.
À Zurich, l'assemblée prit
naissance de la façon suivante :
J'étais en voyage et, dans le train, je
racontai ma conversion et ma nouvelle naissance
à un homme assis à côté
de moi. Cela l'intéressa vivement, et il me
questionna pour savoir à quelle
communauté j'appartenais. Je lui
répondis : « À celle
des soi-disant sans
péchés ». Ceci
n'était d'ailleurs qu'un surnom, mais je le
lui dis, pensant qu'il serait plus facilement
renseigné quant à ma personne ;
alors il commença à nous
décrier. Arrivés en gare de Zurich,
nous descendîmes du train, et il me cita
encore ce verset : « Nous sommes
tous pécheurs ». Je lui fis
remarquer qu'il n'est pas écrit « nous
sommes... » mais « Ils sont
tous pécheurs ». Il m'invita alors
à prendre un café avec lui. Quelques
temps après il vint à une de nos
conférences qui avaient lieu dans le Jura
bernois. Il me pria ensuite de présider une
série de réunions
d'évangélisation dans sa ville,
à R., où il était membre d'une
congrégation, faisant même partie du
conseil de cette assemblée.
Année après année, il
entendait la Parole, mais jamais la puissance de
Dieu n'avait touché son coeur. Il se
demandait si tout cela n'était qu'une simple
manière de parler, ou si vraiment il y avait
un sens caché dans ces paroles. Il
était neurasthénique, de même
que sa femme. Souvent, couchée à
terre, elle pleurait de désespoir et, quand
il essayait de la consoler, elle lui disait :
« Tais-toi, tu n'es pas en meilleur
état que moi ! » Ou alors,
c'est lui qui tombait dans le désespoir et
c'est elle qui le consolait. Il lui
répondait : « Écoute,
tu es dans le même état que
moi ». Sa mélancolie était
telle qu'il prenait parfois le train pour Zurich et
restait assis durant plusieurs heures dans la salle
d'attente de deuxième classe. Mais lors
d'une série de réunions que j'eus
chez eux, ils acceptèrent tous deux
l'Évangile et reçurent le pardon de
leurs péchés et la paix de Dieu. Ils
se rendirent à l'évidence que la
Parole de Dieu n'est pas un simple verbiage, mais
une puissance de salut pour tous ceux qui croient.
Quelques frères, qui avaient
assisté à ces réunions
à R., m'invitèrent à me rendre
également à Zurich. Tout d'abord, les
réunions eurent lieu dans un appartement
privé. Plus tard il nous fut possible de louer une
petite salle à
la Birmensdorfstrasse. J'avais hésité
à signer un bail, par crainte des frais,
mais bientôt la salle devint trop petite,
beaucoup de personnes devaient rester debout. Nous
louâmes alors une salle à la
Weinbergstrasse, où nous sommes encore
aujourd'hui. Celle-ci aussi est aujourd'hui trop
exiguë, mais au moment opportun, Dieu nous en
procurera une plus vaste. De Zurich, les
réunions se propagèrent à
Raat, Bülach, Schaffhouse, Kloten,
Rümlang, Birmensdorf, Brugg, Baden, Wetzikon,
Bauma, Männedorf, Aadorf, Burgerau, Saint-Gall
et Romanshorn.
À Bâle, nos réunions
débutèrent d'une façon tout
à fait singulière. J'avais
assisté à une conférence
à Riehen, où l'on avait parlé
sur le texte de Colossiens
2. De prime abord
l'enseignement paraissait correspondre à
celui de l'Assemblée
évangélique des frères. Les
orateurs parlaient selon les directives de la
Parole. Par-ci par-là toutefois, une
expression non biblique leur échappait. L'un
d'eux déclara, par exemple, que notre vieil
homme est mort, ce qui me réjouit beaucoup.
Mais ensuite, il ajouta que ce vieil homme venait
lui insinuer encore toutes sortes de choses. Je
l'invitai à se rendre à l'une de nos
conférences à Frutigen, pensant qu'il
s'apercevrait là-bas qu'on n'avait plus rien
à faire avec son vieil homme, puisqu'il est
mort. Empêché de venir, ce
frère envoya à sa place son ami R.
Celui-ci vint d'abord me rendre visite à
Kalchofen, et commença à m'exhorter.
Il supposait, apparemment, que je le prenais pour
un homme-prodige. De temps à autre, j'émettais
quelques
considérations tout en lui faisant remarquer
ce qui n'était pas conforme à
l'Écriture. Finalement, il se rendit compte
qu'il pourrait peut-être apprendre quelque
chose chez nous, et nous nous rendîmes
ensemble à Frutigen. Le premier jour, il
était encore rempli de louanges.
Lorsque la Parole l'eut touché un peu
plus profondément, il se défendit
encore avec des versets de psaumes, tels que :
« Toi, Seigneur, tu me sondes et me
connais » et d'autres encore. On lui
administra alors quelques
« remèdes » de la
pharmacie divine tels que : « Celui
que le Fils affranchit est véritablement
libre » et « Il a fait la
purification de nos péchés par son
sang », etc. Il les accepta, puis Dieu le
toucha et le guérit. Il devint un homme
heureux. À son départ, je lui donnai
le verset : « O Timothée,
garde le bon dépôt qui t'est
confié ». C'est dans une grande
joie qu'il rentra à Bâle. Les membres
fervents de sa congrégation étaient
inquiets à son sujet, craignant de le voir
revenir contaminé et engagé sur une
mauvaise voie. Ils l'examinèrent, lui firent
passer un interrogatoire, cherchant à lui
faire abandonner sa nouvelle position, mais il se
tint ferme. Néanmoins, pour le gagner, ils
organisèrent une petite fête où
chacun devait prendre d'une cassette des versets
bibliques et les commenter brièvement. Il
tira le verset : « Je sais une
chose, que j'étais aveugle et que maintenant
je vois ». Cela le fortifia car il
pouvait bien parler sur ce sujet. Il rendit
témoignage avec joie de ce qu'il avait
réalisé. Il commença
lui-même des réunions dans son
appartement. De là, nous
continuâmes à l'hôtel Baslerhof,
où nous tenons, encore aujourd'hui,
régulièrement des réunions. On
nous demanda aussi de commencer des réunions
à Ziefen, dans le canton de
Bâle-Campagne, ainsi qu'à Thürnen
où existe maintenant une salle de
réunions. Partout, par la grâce de
Dieu, ces réunions réalisent sa
bénédiction.
On nous demanda même d'avoir des
réunions dans l'Engadine, à Madulein,
Ponte, Bevers, Samaden et Pontresina.
En lisant mon traité intitulé
« Quelques réflexions sur la
prière dominicale », un homme
habitant Lucerne reçut la paix de Dieu dans
son coeur. C'est par le moyen de la famille de cet
employé des chemins de fer que nous
pûmes commencer nos réunions dans
cette ville et, depuis plusieurs années,
elles ont lieu régulièrement à
l'hôtel de la Couronne.
Il y aurait encore bien des portes ouvertes,
mais nous manquons d'ouvriers. Il ne suffit pas de
commencer des réunions, il faut aussi suivre
les âmes, en prendre soin, les faire
progresser. Il faut qu'il en résulte quelque
chose pour l'éternité et non
seulement des manières pieuses. En
dépit de toutes sortes de
résistances, l'oeuvre a
prospéré. Aujourd'hui plusieurs
frères m'aident à annoncer la bonne
nouvelle du glorieux Évangile. Nous sommes
(en 1940) dix évangélistes à
la tâche et une cinquantaine de frères
aident à présider des réunions
dans nos cent vingt-cinq locaux
disséminés dans toute la Suisse. Tout
cela, c'est l'oeuvre de Dieu, je ne l'ai pas
cherché, Dieu a tout dirigé.
Nous avons bâti notre première
salle à Unterseen, dans les années
1913-1914. Notre Père céleste nous en
avait donné l'ordre, ce qui nous a
dispensés d'aller mendier les fonds
nécessaires. Nous avions convenu que
personne ne devait parler de collecte à ce
sujet dans nos réunions, car lorsque Dieu
nous demande de faire quelque chose il n'est pas
nécessaire de faire de dettes, et encore
moins d'aller mendier pour exécuter son
ordre. J'étais persuadé que, comme
enfant du Tout-Puissant, je n'avais qu'à
faire part de mes besoins à lui seul. Au
commencement de la construction, quelqu'un
s'était permis de collecter, sans en avoir
été chargé. J'avais
envoyé un frère à Ried pour
présider le culte. Un petit homme se leva
alors et dit : « Prochainement nous
voulons construire une chapelle à Unterseen,
je voudrais mettre au coeur des auditeurs de s'en
souvenir lors de la collecte ». Le
frère que j'avais envoyé fit
remarquer à l'assemblée qu'il me
connaissait, et qu'il ne pensait pas que cet appel
fût selon ma volonté. Dans cette
assemblée, la collecte se montait
ordinairement à trente ou quarante francs.
Il n'y eut que deux francs septante ce
soir-là ! Cela me réjouit
beaucoup, car cela me fit constater que les gens de
cette réunion étaient
obéissants ; c'est intentionnellement,
qu'ils avaient donné moins que
d'habitude.
Il nous fallait ensuite acheter un terrain
pour pouvoir construire à Kalchofen mais,
humainement parlant, il n'y
avait pas d'espoir qu'un de nos voisins nous en
cède. Je dis aux frères de notre
assemblée que nous obtiendrions du terrain
si Dieu le voulait, et j'envoyai mon fils chez un
voisin pour lui en demander. Il répondit que
bien des gens avaient déjà voulu lui
en acheter, mais qu'il avait toujours refusé
d'en vendre. J'étais un peu
déçu et me demandais si je
m'étais trompé quant aux directives
de Dieu ?
Le lendemain matin, le voisin en question et
son fils étaient devant ma porte, me priant
de venir faire l'arpentage du terrain. Nous
n'avions que l'argent nécessaire à
cet achat et pourtant Dieu m'avait donné la
certitude que nous devions bâtir. Nous avons
donc commencé et, comme il nous fallait
bâtir sur un cours d'eau, je commandai un
wagon de ciment, promettant de le payer comptant.
Dieu nous donna sans cesse l'argent qui nous fut
nécessaire, jusqu'au moment où la
maison fut à moitié
bâtie ; puis plus aucun don ne me
parvint. Je craignais d'être obligé
d'arrêter la construction et pensai :
« Que diront les gens ? Il a
commencé de construire et n'a plus les
moyens de terminer ». Je fis
paraître quelques lignes dans notre journal
« Friedensbotschaft » pour
remercier ceux qui avaient envoyé des dons
anonymes, mais mon arrière-pensée
était la suivante : Les membres de
l'assemblée se ressouviendront ainsi de la
construction de Kalchofen et recommenceront
à nous envoyer de l'argent. Heureusement,
rien ne vint, l'insertion n'exerça aucune
influence. Enfin mes yeux s'ouvrirent !
J'avais fait de la chair mon appui et attendu
l'argent des hommes
et
non de Dieu. Je m'humiliai et je pus de nouveau
reconnaître que Dieu seul est le donateur, et
qu'il était toujours mon tendre Père.
Les dons recommencèrent d'affluer, ce qui
nous permit de terminer notre construction. Il
survint encore maintes épreuves. Par
exemple, un jour il me manquait 700 francs pour
effectuer un paiement. Quelqu'un arriva subitement,
tout en sueur, m'apportant cette somme, de sorte
que la facture put être payée à
l'échéance. Une autre fois, comme il
me manquait 500 francs, Dieu permit qu'une soeur en
Christ ne pût s'endormir avant de m'avoir
envoyé cette somme. Oui, notre Père
céleste connaît tous nos besoins, la
maison fut terminée sans interruption, et
l'on put l'inaugurer sans dettes.
Je voudrais encore relater ici
l'expérience suivante : Quelque temps
après, pendant la nuit, des adversaires
jetèrent des bouteilles d'encre rouge contre
la façade de la maison. En voyant cela, je
me dis : « Les gens qui passent vont
maintenant se réjouir et se moquer de nous.
Il faut tout de même que la police soit
prévenue et que ces fripons soient punis.
Les autorités sont là pour
protéger les honnêtes
gens ». En donnant libre cours à
de telles pensées, j'étais
évidemment à l'école du
diable. Mon fils aîné m'avertit en
disant : « Père, l'affaire
tournera mal si tu t'adresses à la
police ». Mon gendre, par contre,
était d'avis que je devais agir
carrément. À cette époque, je
n'étais pas encore président de
l'Assemblée évangélique des
frères ; j'informai donc celui-ci par
téléphone de ce qui s'était passé. Il
me répondit : « Ne
déposons pas plainte, laisse-moi faire, le
gendarme est un de mes parents, je lui en
parlerai ». Ce jour-là, j'avais
à bénir un mariage et, à cette
occasion, je lus le Psaume 91. Quand j'arrivai au
verset : « Aucun malheur ne
t'arrivera, aucun fléau ne s'approchera de
ta tente », je fus soulagé de mon
fardeau. Je compris la pensée du Seigneur et
il modifia mes pensées à
l'égard des auteurs de ces méfaits.
Je reconnus que je n'étais pas resté
« à l'abri du
Très-Haut », sans quoi toute cette
affaire n'aurait pas été un
fléau pour moi. Je m'humiliai et me sentis
alors de nouveau dans la retraite du
Très-Haut ; la chose ne m'apparut plus
comme un malheur ; et je pus regarder comme un
honneur, la couleur répandue sur la
façade de notre maison. J'interrompis alors
la cérémonie de mariage pour
téléphoner au président qu'il
ne devait rien dire au gendarme, que le coupable
était pris, et ce coupable, c'était
moi ! Puis je terminai la
bénédiction du mariage.
Combien j'étais heureux !
Quelque chose n'était pas en ordre et Dieu
me l'avait fait comprendre. Ces ennemis devenaient
ainsi les instruments que Dieu utilisait pour
m'éduquer. Peu après, je
réalisai encore quelque chose de plus grand.
Je pensais devoir faire repeindre la maison, ce qui
aurait coûté beaucoup d'argent. Sur
ces entrefaites, je partis en voyage. De retour
après trois jours d'absence, j'eus
l'intention de faire venir le peintre et, levant
les yeux, j'inspectai la maison. Toute trace de
couleur avait disparu, tout était
propre ! Le Père céleste avait
tout effacé, gratuitement, cela ne m'avait
rien coûté ! À
cette époque, j'avais
beaucoup de tentations et j'en souffrais, car il me
semblait souvent que Dieu ne m'aimait plus, mais ce
fait me fit comprendre que Dieu m'aimait et qu'il
ne m'avait pas rejeté. Quel bienfait de se
confier en lui ! Nous traversons, il est vrai,
bien des peines et des difficultés, mais
nous expérimentons par elles sa puissance.
Si le Très-Haut est notre Père, nous
pouvons être assurés qu'il prendra
soin de ceux qui se confient en lui.
Lorsque nous eûmes l'intention de
construire une maison de réunion à
Dettenried, nous ne possédions aucun argent.
Le comité délibéra et je
proposai de bâtir dès que nous aurions
les fonds ; nous n'avions pas la certitude que
Dieu approuvait ce projet. Quelques frères
de cet endroit disaient : « Mais
Dieu a de l'argent, il en donnera
sûrement ! » Je leur demandai
s'ils en avaient la certitude et si, au cas
contraire, ils en supporteraient eux-mêmes
les charges ? Aucun d'eux ne se porta garant
de la dépense. À la séance du
comité, nous décidâmes
d'attendre et de ne pas faire de dettes. Mais
ensuite, en lisant la méditation,
après le repas, je reçus l'assurance
intérieure que nous osions construire. Je
réunis de nouveau le comité, et la
construction fut décidée. Quant
l'édifice fut terminé et payé,
il restait 10000 fr. en caisse.
Ensuite vint le tour de Delémont.
Là aussi Dieu me donna la conviction que
nous devions acheter une maison - un ancien
restaurant. D'autres frères
préféraient en construire une
nouvelle. Comme j'étais certain d'accomplir
le dessein de Dieu,
nousachetâmes cet ancien
restaurant ; il nous manquait cependant 8000
fr. pour payer comptant. Circonstance curieuse, les
vendeurs ignoraient à qui devait
échoir en partage une part de 8000 fr.
précisément. Après quelques
semaines, comme j'avais promis de payer comptant,
je priai notre caissier d'informer les vendeurs de
notre intention de payer ce solde. On nous pria de
transférer ce montant, dans la huitaine,
à une banque de Berne. C'était un
samedi. Or, à ce moment, nous ne disposions
pas encore d'un montant si élevé.
À nouveau, je fus assailli par de grandes
tentations, pensant qu'on mettrait maintenant ma
certitude en doute, en disant : « Si
Dieu lui avait vraiment confié le mandat
d'acheter, il lui en aurait aussi donné les
moyens ». Je reçus ce montant
entre-temps, et le fis virer immédiatement
à l'adresse de notre caissier. Celui-ci put
en prendre possession à la poste le vendredi
et payer le montant dû.
Depuis longtemps déjà se
faisait sentir le besoin de posséder une
salle pour nos grandes conférences. Pendant
bien des années, nous les avons tenues dans
la ferme de la famille Ramseyer à la
« Zelg », près
d'Aeschlen, qui mettait toute sa
propriété à notre disposition.
La grange servait de salle de réunion, mais
bientôt elle s'avéra tout à
fait insuffisante. Nous fûmes dès lors
contraints de tenir nos assemblées dans une
forêt toute proche, où nous
eûmes le privilège de réaliser
des miracles. Il arriva en effet que deux ou trois
ans de suite, il plut tout autour de nous, pendant
les réunions, tandis que nous étions
épargnés.
Je m'aperçus un jour que beaucoup de
frères et soeurs en tiraient vanité,
se faisant une gloire de ce que Dieu nous accordait
cette faveur. Cela m'obligea à
déclarer : « Il va pleuvoir,
maintenant ». Et réellement la
pluie ne se fit pas attendre, elle tomba même
avant la fin de notre réunion. Cela nous
engagea d'autant plus à reprendre la
question d'une construction. Nous essayâmes
de trouver un terrain approprié à
Aeschlen, mais telle n'était pas la
volonté de Dieu. À cette
époque, j'habitais encore à K. et,
à cause de la situation centrale de cet
endroit, nous pensions construire là notre
salle de conférences, mais Dieu ne le permit
pas non plus, il s'opposa à nos plans.
D'abord, nous pensâmes que les gens de cet
endroit en étaient la raison, mais ensuite,
nous nous aperçûmes que c'était
bien Dieu qui nous en empêchait. Depuis,
souvent nous l'avons remercié de n'avoir pas
permis que nous bâtissions là.
Alors, Dieu dirigea les choses pour que nous
puissions construire à Steffisbourg. Je
réfléchissais souvent au
problème, me demandant comment il fallait
construire pour avoir en même temps une
chapelle pour les réunions ordinaires, et
une salle pour les grandes conférences, mais
aucun plan convenable n'arrêtait mon
attention. Je reçus le plan de construction
de Dieu, un matin, alors que je me trouvais chez la
famille B., à Adelboden. Il me montra
d'abord le réfectoire, puis je vis la salle,
la galerie, le logement et le dortoir ; tout
était exactement pareil à la maison
de conférences que nous avons ensuite
bâtie, telle que vous la voyez aujourd'hui. Le
frère B. faisait les croquis exactement
conformes à ce qui m'avait été
montré. En ce qui me concerne, j'aurais
préféré avoir la certitude de
pouvoir construire, plutôt que de ne
posséder que le plan, car nous n'avions pas
suffisamment de fonds pour son exécution.
Quand on veut entreprendre quelque chose, et que
l'on n'a pas ou trop peu d'argent, un sentiment
d'angoisse cherche à s'emparer de nous, et
l'on se sent poussé d'en parler à
d'autres, de leur faire connaître nos
besoins. Mais c'est à Dieu que nous devons
les apporter.
C'est ainsi que par la foi nous avons
commencé de construire, et Dieu nous fit don
de l'argent nécessaire. Nous lui avions
exposé nos besoins, car j'étais
arrivé à la conclusion, puisque Dieu
nous avait donné un plan, qu'il exprimait
ainsi sa volonté, et qu'il nous donnerait
certainement les moyens de l'exécuter. Nous
ne fûmes pas déçus.
Aujourd'hui, nous disposons à Steffisbourg
d'un espace que nous n'aurions jamais pu obtenir
à Kalchofen. À cette époque,
nous étions loin de prévoir
l'extension que prendrait le mouvement, et qu'il
nous faudrait par la suite un grand parc pour les
vélos, les voitures et les cars. Mais la
famille Oester met souvent à notre
disposition l'espace dont nous avons besoin. Dans
la grande salle il y a place pour 3000 personnes.
Et pendant les conférences qui durent quatre
jours, environ 700 personnes peuvent passer la nuit
dans les dortoirs aménagés à
l'étage supérieur. Le
réfectoire peut contenir 350 personnes et,
lors des conférences, le
dimanche on y a servi jusqu'à 2700
dîners.
Oh ! que de bienfaits nous ont
été dispensés par le
Tout-Puissant, par pure grâce, car nous
n'avions rien mérité ! C'est
à des milliers de personnes que nous pouvons
annoncer la vérité, le message
glorieux de la bonne nouvelle du sang de
Jésus-Christ, qui rachète et
purifie ! Nous ne sommes pas dignes de toute
la miséricorde et de la
fidélité que Dieu nous
témoigne. À lui seul en soit toute la
gloire.
C'est ainsi que par la grâce de Dieu,
plusieurs salles de réunions furent
construites les unes après les autres.
Chacune a son histoire particulière. Au
moment où j'écris ces lignes (en
1940), nous en comptons une vingtaine. Toutes sont
des monuments de la bonté et de la
grâce de notre Père
céleste ; nous avons tout reçu
de ses mains fidèles, sans contracter la
moindre dette.
Nous organisons chaque année quatre
conférences d'une durée de plusieurs
jours. La première a lieu à la
Pentecôte, à Moutier ; la seconde
en juillet, dans notre grande maison, à
Steffisbourg ; la troisième le jour du
« Jeûne
fédéral », à Zurich,
et la quatrième vers la fin d'octobre,
à Frutigen. Le nombre croissant des
participants rend témoignage de la
bénédiction répandue sur ces
assemblées. Pendant l'année, de
petites conférences régionales d'un jour ont lieu
chaque
mois
comprenant cinq dimanches ; elles sont
très appréciées et sont
suivies d'une manière
réjouissante.
En divers endroits, et plusieurs fois par
année, nous avons des cours bibliques, qui
sont en bénédiction aux participants.
La puissance de la Parole se révèle
à beaucoup de personnes, affermit leur foi,
et leur apprend ainsi à combattre le bon
combat de la foi. Si nous nous confions en
nous-mêmes, la peur, la misère et la
folie des grandeurs sont notre lot, mais si nous
sommes en Christ, la joie, la paix par le
Saint-Esprit, la reconnaissance et la louange sont
notre part.
Nous expérimentons chaque fois
combien sont bénis et instructifs tous ces
cours bibliques, où chaque participant doit
traiter par écrit, un des sujets bibliques
proposés. Pendant ces cours, nous avons le
privilège de réaliser la
présence de Dieu, son grand amour, la
puissance de sa grâce et de sa
rédemption. Beaucoup de ceux qui, souvent,
étaient découragés, ont
été ainsi affermis et sont
aujourd'hui fermes et inébranlables, parce
que la Parole de Dieu est devenue leur
épée et leur bouclier ; ils se
tiennent sur le Rocher qui est Jésus, ils
s'attachent fermement à la grâce
manifestée, et se maintiennent ainsi dans
l'amour de Dieu.
Quand nous avons introduit ces cours, chaque
participant devait commenter un ou plusieurs
versets et, s'il s'écartait du sujet, il
était invité à revenir au
texte. Cela donnait de bons résultats, mais
cependant pas tous ceux qui étaient
souhaitables.Puis Dieu me
suggéra l'idée de tenir les cours de
la façon indiquée plus haut.
Je fus ensuite amené à
reconnaître aussi la nécessité
d'organiser des cours d'instruction religieuse pour
les enfants libérés des
écoles. Lors d'un conseil des frères,
je fis passer cette question au vote et un ou deux
frères d'une autre communauté se
prononcèrent contre cette proposition. Nous
avons alors remis la décision à
l'année suivante car, dans notre conseil des
frères, nous avons l'habitude de prendre
toutes nos décisions à
l'unanimité. L'année suivante, d'un
commun accord, nous décidions d'introduire
un cours d'instruction pour
catéchumènes. Vingt-deux enfants
prirent part à ce premier cours. Ce fut un
cours béni ; la plupart des enfants
réalisèrent la nouvelle naissance. Je
pouvais leur dicter des thèmes bibliques,
leur expliquer la Parole de Dieu, puis les laisser
faire leurs compositions. La lecture de la plupart
d'entre elles nous causait une grande joie. Cela se
passa ainsi durant quelques années ;
mais ensuite nous remarquâmes que les enfants
avaient de moins en moins d'intérêt et
de compréhension pour la Parole de Dieu.
Nous ne pouvions dès lors continuer selon
les méthodes du début. Ce
n'était en effet que vers la fin du cours
que ces enfants étaient capables de faire
leurs compositions écrites d'une
manière indépendante et personnelle.
Je crois que cela provient du fait que la Parole de
Dieu n'est plus enseignée dans beaucoup
d'écoles, et que l'autorité des
parents et des maîtres diminue.
Par la suite, il fut nécessaire
d'organiser trois et même
quatre cours d'instruction par année pour
garçons et filles. Chaque année, un
grand nombre d'enfants se convertissent à
Dieu et cette parole s'accomplit :
« J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui
me cherchent de bonne heure me
trouvent ». C'est une grâce
inestimable d'instruire les enfants, non pour la
forme seulement, mais pour qu'ils parviennent
à une foi vivante, pour qu'ils
réalisent la justification et pour qu'ils
puissent attendre le retour du Seigneur.
Les jeunes recherchent la joie ! Si on
leur annonce la Parole telle qu'elle est
écrite et qu'ils la reçoivent, ils
trouvent une joie bien supérieure à
celle que peut leur offrir le monde. Et la joie du
Seigneur n'est pas entachée de
péché et ne conduit pas en
enfer.
Un jour, un pasteur me demanda comment nous
faisions pour avoir autant de jeunes gens dans nos
assemblées. Je lui répondis :
« Nous leur prêchons la repentance,
la conversion, et la nécessité de
réaliser la nouvelle naissance. Nous leur
disons le bonheur qu'on possède quand on
appartient au Seigneur, et combien on est beaucoup
plus heureux avec lui que dans le
monde. » Nous lisons dans Esaïe
58, verset 12 :
« On t'appellera réparateur des
brèches, celui qui restaure les chemins, qui rend le pays
habitable ».
Quand on prêche l'Évangile en le
présentant comme s'il était un
fardeau, et que l'on affirme qu'il est difficile de
vivre pour Dieu, on ne prêche pas que le pays
est habitable. L'Évangile rend les gens
heureux. Il n'est pas possible de rendre quelqu'un
heureux à coups de fouet.
Lorsqu'on fouette un cheval, il trotte pendant un
instant, mais son pas nonchalant habituel est vite
repris. Nombre de parents pieux disent :
« Les enfants doivent aussi avoir leurs
« petits plaisirs »,
sous-entendant par là que l'on est
privé de plaisir quand on vit pour Dieu.
Mauvais pères, mauvaises mères,
parents dénaturés, qui font preuve
d'une pareille mentalité.
Le pasteur qui s'était informé
de quelle manière nous nous occupions de la
jeunesse, désirait encore connaître le
nombre de nos écoles du dimanche, combien
d'enfants les fréquentaient, et qui les
dirigeait. Je lui écrivis qu'il
n'était pas biblique de vouloir faire en
cela un recensement et que nous avions autre chose
à faire. Nous avons en David l'avertissement
de ce qui peut arriver si nous nous tournons vers
le dénombrement. Si nous le faisons pour
nous rendre compte de notre importance et pour nous
vanter, alors le malheur sera sur nous ! Notre
déclin sera rapide.
Hélas, que de choses
répréhensibles se passent souvent
dans le domaine de la piété ! On
crée des sociétés
chrétiennes de gymnastique, ce que la Bible
défend pourtant parce qu'elles
détournent du culte. À notre
époque, sous prétexte de rassembler
la jeunesse, on lui fait faire du sport. On
s'imagine faire une bonne oeuvre, et pourtant c'est
mépriser Dieu que de profaner ainsi le repos
dominical. Est-ce bien là une oeuvre
chrétienne ? Je répondis de la
façon suivante à quelqu'un qui
était fort enthousiaste en faveur d'une
action de ce genre et qui me vantait la
facilité avec laquelle on
pouvait attirer la jeunesse par les sports, pour
l'éduquer ensuite pour Dieu :
« C'est avec la Parole de Dieu qu'il faut
rassembler la jeunesse. Considérez nos
assemblées, nous avons plus de jeunes gens
que vous et nous ne leur apportons que
l'Évangile, et ils sont heureux. Ils se
rendent très vite compte de ceci :
« Ce que je trouve ici vaut bien mieux
que ce que les convoitises du monde peuvent me
donner ». On ne saurait faire un meilleur
usage de son temps, que de recevoir la Parole de
Dieu en vérité. Celui qui recherche
d'autres passe-temps a une conscience qui
l'accuse ».
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |