Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

École de la grâce.

Mon école d'évangéliste.

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Des étrangers seront là et feront paître vos troupeaux. Des fils de l'étranger seront vos laboureurs et vos vignerons.
(Esaïe 61 : 5.)


Le prophète Esaïe a prononcé cette parole pour le peuple juif, mais elle nous enseigne que Dieu permet que nous soyons éprouvés par les hommes. Pour réaliser l'accomplissement de cette parole, Dieu se sert quelquefois d'étrangers ou de gens du monde qui agissent en qualité de laboureurs, de vignerons, et comme « professeurs » pour notre éducation, pour notre vie spirituelle. Par leur moyen, le Seigneur laboure le champ de notre coeur.

Après ma conversion, j'avais l'impression qu'il me serait permis d'être en communion avec Dieu s'il m'était possible de vivre dans la solitude, comme Nicolas de Flue, mais je ne possédais pas la foi nécessaire pour me rendre dans une forêt ! Je pensais en effet que ni Dieu. ni les hommes ne me nourriraient, et je crois vraiment qu'il en aurait été ainsi. Je n'étais pas Nicolas de Flue et, pour parfaire mon éducation, Dieu ne m'envoya pas dans une école de théologie, mais chez des paysans impies ; c'est là que je suivis une bonne école. Il n'était plus question d'accomplir ma volonté propre ! On rencontre beaucoup de personnes qui, bien que fréquentant assidûment les assemblées ont, néanmoins, des têtes plus dures que la pierre. Celui qui n'obéit pas aux anciens, ni à ses maîtres, ne saurait parler d'une soumission à Dieu. Le Seigneur commença à me bénir par le moyen suivant : Ici et là, il permit qu'on me dérobât quelque chose, et bien des faits se passèrent à ce sujet durant ces quatre années !

J'eus souvent l'intention de me défendre, mais je vis dans la Parole de Dieu que ce que nous perdons pour l'amour de Jésus nous est rendu au centuple ; ainsi, j'appris à me laisser tromper et ravir des biens terrestres, bien que souvent ce ne fut pas avec joie, je réalisai cependant la bénédiction divine. Lorsque nous parvenons au but fixé par le Seigneur, nous constatons ensuite que ces exercices prennent fin.

Peu de temps après ma conversion, j'eus à régler un compte avec un client, un aubergiste possédant également une boucherie. En compensation du travail que je lui livrais nous lui achetions de la marchandise, et j'avais soin de veiller à ce que mes achats soient inférieurs au montant de mes livraisons. À une certaine occasion, le compte de mon travail se trouvant, comme d'habitude, supérieur à mes achats, au règlement des comptes, j'achetai de la graisse. Comme je n'avais jamais exigé de quittance de sa part avant ma conversion, je ne voulus pas le faire ensuite, pour éviter qu'il ne saisisse l'occasion de dire : « Voilà les agissements de ces mômiers, ils se méfient de nous ! » Je le connaissais suffisamment pour me rendre compte de l'opinion qu'il avait de ces gens, et je dois ajouter qu'il avait malheureusement été scandalisé par la conduite de beaucoup d'entre eux. Aussi je voulais user de sagesse à son égard, car mon but était de le gagner au Seigneur. J'estime néanmoins qu'il est indiqué d'exiger une quittance lors du paiement d'une dette. Une année s'écoula, puis ma femme se rendit chez lui pour un nouveau règlement de comptes, mais nous dûmes constater que cet homme avait ajouté à mon dû une somme payée antérieurement ; ainsi, le solde en ma faveur s'était réduit d'autant. Cela m'occasionna bien des tentations et, comme c'est le cas lorsqu'il faut entretenir une grande famille avec un petit salaire, j'avais grand besoin de cet argent. Je savais cependant que je n'avais pas à le lui réclamer, ni à lui rappeler la chose s'il ne s'en souvenait plus, car je savais qu'il s'irriterait et me soupçonnerait même de tromperie. À cause de cela, je gardai le silence, pensant que Dieu connaissait ma situation précaire et qu'il inclinerait le coeur de cet homme. Le Seigneur vit mes tentations. L'aubergiste maintint ce compte erroné, mais le Seigneur me rendit exactement ce que j'avais perdu ; cette somme me parvint en don d'une contrée totalement inconnue. Ce résultat me fortifia, et combien je fus heureux d'être resté tranquille ! Aujourd'hui encore, il est de toute importance de s'en tenir à cette parole des Écritures : « Agissez sagement envers ceux du dehors ». (Col. 4 : 5.)

Souvent, cet homme fut dans l'étonnement à mon sujet. Un certain jour, il « évangélisait » même un peu à la manière de Jonas, dans son auberge où certains habitués se moquaient de moi. Assis au coin de son fourneau, il leur disait : « Il faut tout de même qu'il y ait une puissance supérieure ! Berger était un tel et, à présent, c'est un nouvel homme ! Une puissance supérieure doit donc exister ! » Ses clients continuèrent toutefois leurs quolibets à mon sujet et, à deux reprises cet aubergiste répéta une phrase identique. Brusquement l'un de ces moqueurs jeta ses cartes à jouer. Convaincu par les paroles de l'aubergiste, il vint me trouver la nuit même et se convertit à Dieu ; quant à l'aubergiste, il se convertit sur son lit de mort. Il n'avait prononcé que ces paroles : « Il faut tout de même qu'il y ait une puissance supérieure ! -

Auparavant, Berger était un tel et, à présent, il est tout autre ! » En prononçant ces paroles, il reconnaissait l'existence d'un Dieu tout-puissant, capable de nous aider. Cet homme crut à la puissance de Dieu et le déclara devant des impies. Rahab, la prostituée, déclara de même : « Nous savons que Dieu est avec vous ».

À une autre occasion, un homme prétendant être acculé à la faillite vint chez moi ; il désirait m'emprunter environ cent francs, disant que cela le préserverait de la débâcle. Comme il promettait de commencer une nouvelle vie, je ne pouvais le renvoyer à vide mais, n'ayant point d'argent, je me demandais comment il me serait possible de lui porter secours. L'idée me vint alors de vendre mon porc engraissé, en dépit du grand besoin dans lequel je me trouvais au sujet de cet argent qui aurait dû me permettre d'acquitter une dette. Je conduisis donc mon porc à un boucher de la contrée, connu pour sa tromperie. Lorsqu'il me vit arriver, il me dit d'un air méprisable : Combien ce porc peut-il bien peser ? Environ 50 kilos ? » J'estimais qu'il devait en peser le double et je me dis : « Cet homme a quelque chose en vue ! » Il le tua donc, le pesa et me dit : « Oui, il pèse 103 livres ! » J'eus grande envie de vérifier le poids indiqué par la balance, mais je ne le fis pas, pensant que cet homme dirait que je n'avais pas confiance en lui, et qu'il ajouterait, pour sa justification : « Je me suis trompé, il s'agit de kilogrammes et non de livres ! » Ici, Dieu avait de nouveau dirigé les choses et je me demandai quelles pouvaient être les vues du Seigneur. La pensée que je ne pourrais ainsi aider l'homme qui m'avait demandé de l'argent m'obsédait, car je n'obtiendrais que la moitié du montant escompté. Je me rendis donc chez moi et me retirai dans ma chambre pour prier.

Il était alors de coutume de régler le jour même les affaires conclues ; j'envoyai donc quelqu'un chercher l'argent qui m'était dû, anxieux d'en connaître le montant. Le boucher avait fait un compte « exceptionnel ». Il déclara que ce porc était très bon, qu'il le payait 75 centimes la livre au lieu de 52 centimes, en ajoutant encore trente francs de pourboire. C'est ainsi que je reçus la contre-valeur de 103 kilos ! Mon boucher aura probablement songé que je n'étais pas aussi borné que cela, et c'est pour cette raison qu'il a agi ainsi. De ce fait, je pus prêter l'argent à l'homme qui m'avait sollicité, mais il fit quand même faillite.

Après cette expérience, ce boucher me respecta et me fit beaucoup de bien. Lorsque je dus quitter la contrée, il voulut m'en empêcher, me promettant de me bâtir une maison si la mienne ne suffisait pas. Il avait dû s'apercevoir que ma présence était une bénédiction pour la localité, car plusieurs buveurs s'étaient convertis, se remettant au travail ; il leur fut même permis de reprendre leurs enfants que la commune s'était vue obligée de placer ailleurs. Chaque automne, cet homme remplissait ma cave de pommes. Il me permettait de faucher sur sa propriété, où bon me semblait, l'herbe nécessaire à la nourriture de mes deux chèvres. Il mettait même du terrain à ma disposition pour la culture des pommes de terre. Bien qu'il ne me promît rien quant au foin qui me faisait défaut, il m'en donnait plus que j'en avais besoin. Plusieurs personnes se plaignaient à son sujet pour son manque de scrupule, mais, pour mon compte, je dois dire qu'il m'a donné bien au delà de ce que je pouvais attendre.

Mon solliciteur fit donc faillite et la perte de tout mon argent me créa bien des soucis. Je m'adressai alors à mon Père céleste, lui disant : « Tu sais combien cet argent me fait défaut, et quel a été le mobile de cette aide ! » Je ne fus pas confus, car cet argent me fut ensuite rendu volontairement, en dépit de la faillite. Oh ! combien je fus heureux d'avoir incité cet homme au bien en agissant selon la volonté de Dieu ! Toutefois, je ne dis pas qu'il y a lieu de porter secours à chacun, mais il est écrit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » Nous devons aussi examiner si ce qu'on veut emprunter de nous est bon et utile pour celui qui fait la demande et pour nous si nous étions à sa place, car les personnes qui empruntent de l'argent discernent rarement les choses à leur juste valeur. Cependant il est écrit : « Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir ».

J'avais loué une petite maison de deux appartements, ainsi que les dépendances : l'étable et la grange. Mon propriétaire était un homme pieux, président du conseil de paroisse, mais il avait de l'antipathie pour moi, car je l'avais fâché en lui déclarant qu'il devait se convertir pour être sauvé, et qu'un ancien ne devait pas s'adonner à l'alcool. Il aurait bien voulu me renvoyer, mais il craignait deux de ses filles, enfants de Dieu fréquentant nos assemblées. Songeant sans doute qu'il me ferait un jour entendre raison, il loua le second appartement à un homme disputeur qui intentait des procès à ses voisins ; mon propriétaire me connaissait suffisamment pour savoir que je ne me laisserais jamais aller à un procès et il pensait probablement qu'il me serait impossible de vivre avec un homme pareil. C'est ainsi que différentes choses se produisirent et je suis reconnaissant envers Dieu d'avoir permis ces épreuves. Il était stipulé dans le contrat de bail que j'avais la jouissance de l'étable entière et que j'étais en droit de posséder quelques poules. Tel n'était pas le cas pour l'autre locataire, mais malgré cela, le propriétaire l'autorisa à utiliser l'étable également, tout en lui permettant d'avoir aussi des poules. Je savais très bien que nous n'en pouvions garder tous les deux, et je vendis les miennes. À cette époque, le poulailler était inconnu chez nous.

La saison des foins arriva et, un matin, je me rendis dans le champ loué avec l'intention de le faucher ; je fus quelque peu étonné de voir, en arrivant, que mon co-locataire était déjà occupé à cette besogne et je lui dis : « Ai-je un faucheur ? - As-tu loué également ce champ ? me répondit-il. - Oui, depuis bon nombre d'années ! » Alors, mettant sa faux avec colère sur l'épaule, il déclara : « Termine ce travail, je m'en vais lui expliquer la chose ! - Non, termine-le toi-même, c'est moi qui me charge de lui parler ! » Prenant alors ma faux, je m'en retournai le coeur bien lourd et ne sachant comment je pourrais encore garder mes chèvres, car je n'avais pas le moyen d'acheter du foin pour l'hiver ! Mais, considérant la Parole de Dieu, je vis que je devais rester tranquille. Ma femme et moi étions d'avis que nous n'avions rien à dire. Pourtant c'est avec chagrin que nous acceptâmes le ravissement de nos biens ; nous avons murmuré, puis nous avons accepté et payé le prix de la location du champ dont le produit fut récolté par notre voisin ; le propriétaire prit possession de cet argent avec satisfaction. Dieu me préserva d'élever la voix pour des réclamations et il ne m'abandonna pas !

En effet, peu de temps après, un agriculteur m'annonça qu'il se trouvait dans l'impossibilité de rentrer complètement sa récolte de foin et qu'il m'offrait l'herbe d'un champ. C'est avec plaisir que j'acceptai, en ajoutant toutefois qu'il ne m'était pas possible de l'acheter. « Je te l'offre gratuitement », répondit-il ; ce qui me consola grandement. Cet homme était si bien disposé à mon égard, qu'il conduisit lui-même ce foin dans ma grange ; la récolte obtenue était le double de celle de mon ancien champ. En dépit de notre non-résistance notre locataire voisin était mal intentionné à notre égard et il semblait même que son audace augmentait à mesure que nous cédions. Lorsque ma femme voulait laver le linge, devant utiliser la même fontaine que la voisine, elle lui demandait prudemment quand elle pensait procéder au lavage de son linge. « Oh ! ce ne sera pas durant les prochains quinze jours ! » répondait-elle. Mais dès que ma femme avait mis son linge dans le bassin, la voisine arrivait avec le sien, criant de façon que chacun puisse l'entendre : « Chaque fois que je désire laver, vous m'en empêchez ; vous saviez très bien que j'avais l'intention de commencer maintenant ! » C'est avec étonnement que je voyais ma femme supporter patiemment les actes hostiles de ces gens ; sans murmurer, elle retirait le linge de la fontaine. L'incident se renouvela quelquefois, et la voisine ne lavait quand même pas son linge. Voyant cela, je dis un jour à ma femme : « Elle grondera de toutes façons, fais ton travail ! »

C'est ainsi que souvent, et sans que nous ayions connaissance du motif, cette voisine s'irritait contre nous. J'appelais parfois son mari qui arrivait en colère, espérant déclencher une querelle, mais, selon mes moyens, je mettais un ou deux francs dans sa main, le suppliant d'être satisfait ; souvent, il acceptait cet argent avec larmes ! Quant à moi, je ne crois pas que j'aurais admis cette façon de procéder ; j'aurais plutôt jeté cet argent à la tête de la personne qui me l'aurait ainsi offert !

Nos voisins cherchaient également à nous faire du tort dans le jardin et il arriva qu'ils arrachèrent tout ce que ma femme venait de planter. Supportant aisément cette injure, elle recommençait son travail que Dieu bénissait de telle sorte que la récolte n'en était que meilleure. Ces gens avaient adopté deux enfants. Poussés par leurs parents adoptifs, ils venaient dans notre cuisine pour y dérober tantôt une assiette, tantôt une tasse, ou un couteau, ou d'autres ustensiles. Un jour, ma femme déclara pourtant : « Maintenant cela suffit ! Je ne puis tolérer plus longtemps ces actes, car nous encourageons ces enfants à dérober en ne disant rien ! » Je l'approuvai en lui disant : « Ne dis rien, car ils pourraient porter plainte au juge ; sans témoins tu ne pourrais rien prouver ! Le Seigneur nous rendra toutes ces choses au centuple ! Donne-leur plutôt quelque chose, s'ils reviennent ». Ma femme suivit ce conseil, et ces enfants ne dérobèrent plus rien chez nous.

Ces voisins recherchaient tous les moyens possibles de nous tourmenter. Ils nous calomniaient à chaque occasion. Parfois nous ne savions plus que faire et je me disais : « Cela ne peut continuer ainsi, car comment pourrais-je encore témoigner dans les assemblées, si les gens croient leurs dires ! » Je ne connaissais pas encore, en ce temps-là, les tressaillements d'allégresse selon Luc 6 : 23, mais j'acceptais tout de même ces traitements. J'intercédais pour ces personnes selon la Parole de Dieu, bien qu'il me semblât que la vie en commun devenait impossible. Mais cette école d'éducation fut très, très bonne pour nous, et ce fut un temps de « bénédictions ». Voilà comment se firent mes « études » d'évangéliste. Comme « professeurs » j'avais les dits voisins qui agissaient en qualité de bons laboureurs, pour mon plus grand bien. Leur hostilité dura environ trois ans puis, à ma grande joie, ces gens se convertirent à Dieu. Le miracle se produisit lors d'une réunion d'évangélisation présidée par le frère Grünig qui parla de Jacob le trompeur. Énumérant différentes choses qui se produisent dans la vie journalière, il s'écria tout à coup : « Jacob, es-tu présent ? » Ce voisin se nommait précisément Jacob. Après la réunion il me dit, à ma grande surprise : « Jacob est ici ! » Il se convertit véritablement et réalisa la paix de Dieu, ainsi que sa femme. Oh ! combien nous étions heureux ensuite de pouvoir louer le Seigneur à genoux ensemble, c'est-à-dire avec des gens qui nous avaient traités comme ils l'avaient fait, ce qui augmentait notre joie d'avoir supporté patiemment des épreuves ! Il est très important que la vie quotidienne des enfants de Dieu corresponde à la vérité et se passe dans la crainte de Dieu, afin que le monde réalise que nous avons en Dieu un Père miséricordieux.

Nous avons été éprouvés souvent, et de plusieurs manières. Un jour, un paysan qui cherchait à me nuire par tous les moyens me commanda un char. Je lui fis remarquer que la longueur des échelles ne suffisait pas du tout lorsqu'il m'en indiqua la mesure, mais cet homme déclara : « Voyez ce pasteur de mômiers, il croit tout savoir à présent ! Puisque tu es pasteur, tu dois aussi savoir ce que c'est que l'obéissance ! » Je lui répondis : « Je veux bien obéir, mais ces échelles trop courtes seront un désavantage pour toi ! » Il répéta que je n'avais qu'à obéir, et je me soumis. Si ce cas s'était produit avant ma conversion, j'aurais tout simplement refusé ce travail.

Lorsque ce char fut terminé et que la femme de mon client l'aperçut, elle s'écria : « Qu'as-tu donc fait-là ? Tu travaillais bien avant d'arriver à la folie, mais tu rates tout depuis que tu es mômier ! » Je lui expliquai que c'était son mari qui m'avait ordonné de faire ce travail ainsi. Sur ces entrefaites, cet homme arriva et me dit : « Tu devais prévoir cela ! car je ne suis pas du métier moi ! - Mais, je t'avais averti ! » Il répéta qu'il n'était pas du métier et qu'il avait, en plus de ma nourriture et de mon salaire, les frais du bois à supporter ! Voyant son entêtement, je lui offris de faire gratuitement de nouvelles échelles. « Non, je n'accepterai rien d'un pasteur de ton acabit ! » Prenant ce char il le tira à travers le village en disant aux gens : « Voilà le char que m'a livré le pasteur des mômiers ! » Je pensai qu'il était en train de me discréditer auprès des clients, et je fus tenté de le dénoncer.

J'avais des raisons de penser qu'à l'avenir on ne me confierait plus de travail ; mais nous n'accomplissons plus notre volonté propre lorsque notre vie est consacrée au Seigneur, et nous agissons selon la volonté de Dieu. Comprenant cela, le calme se fit en moi ! Devant plusieurs personnes, cet homme me déclara même qu'une roue neuve que je venais de lui livrer s'était brisée, mais, lorsque je me rendis sur les lieux pour constater le fait, il s'avéra qu'il s'agissait d'une roue de plus de cent ans ! Cependant, cet homme faisait toujours appel à mes services, malgré ces agissements à mon égard, car il savait très bien que le prix de mon travail était inférieur à celui des autres charrons de la contrée. Un enfant de Dieu n'a nullement à faire valoir sesdroits ici-bas, et c'est le motif pour lequel je continuai de travailler pour lui.

Un jour, je rencontrai un homme conduisant une chèvre dont le poil hérissé annonçait une fin prochaine. Il me déclara qu'il se rendait chez moi, parce qu'il avait appris par ma femme que nous désirions faire un échange. « Oui ! lui dis-je ; mais pas avec une bête pareille ! Et je poursuivis ma route. Néanmoins, il conduisit sa chèvre dans mon étable. Je l'appris à mon retour et j'examinai la bête, pensant : « Cette chèvre va périr ! » J'envoyai ma femme chez cet homme pour lui faire savoir qu'il devait tuer immédiatement sa bête s'il voulait en tirer encore quelque profit. Invectivant ma femme, il arriva chez moi en criant et jurant. Je le saisis alors par le haut de son pantalon, dans la ferme intention de le jeter dehors ; mais après avoir fait trois ou quatre pas avec ce fardeau, l'esprit de Dieu me reprit et m'ordonna : « Arrête ! » Je le déposai donc bien doucement à terre, en lui demandant comment il entendait conclure ce marché. Il me répondit qu'il désirait ma chèvre et qu'il y avait lieu d'y ajouter une somme de trente francs comme prix d'échange avec la sienne ! J'acceptai et il partit avec ma chèvre grasse, dont le lait avait tari, puis il se rendit au prochain cabaret, se vantant de ce marché, et se moquant de ma sottise ! Après son départ, je pensai : « À l'avenir, tu n'auras plus rien à faire avec cet homme » ; mais la Parole me reprit : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés ! » Je pris alors, s'il devait revenir, la résolution d'agir avec lui comme par le passé. Mais ma femme me dit : « J'espère que tu as fini avec cet homme ! » Je lui répondis que j'avais déjà subi une même tentation, mais que je ne le renverrais nullement s'il avait recours à mes services ! Le jour suivant, la chèvre était guérie, donnant du lait, et je puis déclarer que jamais nous n'eûmes une si bonne chèvre ! Peu de temps après, cet homme désira m'acheter une charrette. Pour éviter toute querelle, je la lui offris à moitié prix. Toutefois il me fit savoir que ce prix était encore trop élevé ; alors, je la lui cédai gratuitement. Mais, plus tard, cet homme qui avait l'habitude de voyager avec un beau cheval, tomba dans un dénuement complet, tandis que je réalisais la bénédiction de Dieu.

Il est dit dans la Parole de Dieu : « Qui pourra vous nuire, si vous poursuivez le bien ? » mais combien de personnes hésitent à agir selon les Écritures ! Mon raisonnement me disait aussi qu'en agissant ainsi je finirais sur le pavé, mais j'avais lu : « Si quelqu'un veut prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau ! » Et nous recevons au centuple ce que nous perdons pour l'amour de Dieu ! J'étais encouragé par ces paroles lorsqu'on me ravissait mon bien, mais ma manière d'agir était critiquée par certains prédicateurs qui disaient : « L'on ne peut comprendre les choses ainsi ! » Toutefois, si nous manquons de foi au sujet des biens terrestres, il est évident que nous ne pourrons jamais comprendre les choses célestes !

Une clôture entourait notre jardin de trois côtés et il arriva, à une certaine occasion, que la génisse de notre voisin qui s'était enfuie, pénétra dans notre jardin par le côté ouvert. Elle chercha ensuite à en sortir, mais elle se dirigeait toujours du côté de la clôture. Ses propriétaires pensaient : « Que va-t-il arriver maintenant ? » Alors ma femme leur dit aimablement : « Ne vous tourmentez pas, ce n'est rien ! » Cela fut bien ainsi, car nous constatâmes que les empreintes des pas de la bête étaient toujours à côté des plantes. Il n'y eut donc aucun dommage.

Voilà de quelle manière le Père céleste a dû parfaire mon éducation. C'est ainsi que « des personnes étrangères furent appelées à labourer mon champ ». En restant tranquille, j'ai appris à perdre mes droits et, durant ma vie, j'ai réalisé abondamment la bonté, la fidélité et la grâce de Dieu. Voilà ce que fut mon école d'évangéliste.


Appel de Dieu à rendre témoignage.

Crie à plein gosier, ne te retiens pas. Élève ta voix comme une trompette, et annonce à mon peuple ses iniquités ; à la maison de Jacob ses péchés.
(Esaïe 58 : 1.)


Lorsque je commençai à rendre témoignage dans les assemblées, j'attaquai également les péchés publics, tels que l'abus de l'alcool, le jeu de cartes et le jeu de quilles, la danse, l'usage du tabac, etc., mais des prédicateurs prétendaient que telle ou telle de ces choses n'était pas du péché. Ils me désapprouvaient continuellement à ce sujet. J'étais en danger de céder, mais Dieu me montra l'enfer en vision : je vis les tourments éternels et je constatai qu'il s'y trouvait toutes sortes de gens. Certains jouaient aux cartes, d'autres fumaient, et d'autres encore dansaient ou buvaient de l'eau-de-vie. Le feu dévorant de l'enfer les entourait de toute part. Cette vision était terrifiante. Les flammes léchaient, sans les brûler, les tables, les mains et les cartes de ceux qui devaient s'adonner au jeu ; leur visage était empreint d'une grande frayeur. Il en était de même de ceux qui fumaient ; le feu leur sortait de partout ; de la bouche, du nez, des yeux et des oreilles ; le tourment était terrible ! Il en était de même chez les buveurs ; on ne voyait pas leur ivresse, mais ils ne pouvaient éteindre leur soif dévorante : des jets de feu sortaient de leur gosier et brûlaient leur langue. Les flammes entouraient les jambes de ceux qui dansaient et s'élevaient des poitrines nues. La chose se remarquait spécialement chez les femmes qui étaient vêtues de robes très courtes ! Cette vision me donna une idée terrible de ce que peut signifier une arrivée en ce lieu de tourments, où le ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint pas. Dès lors, je promis à Dieu d'appeler le péché par son nom, et de ne pas embellir ni excuser les choses, mais de faire mon possible pour empêcher les gens de se rendre en ce lieu de terreur. Je fus fortifié en songeant à la parole écrite dans Esaïe 58 : 1. Le Seigneur bénit mon témoignage et bon nombre d'auditeurs commencèrent à vivre une autre vie, par la grande grâce de Dieu. Oh ! que Dieu fasse que nous ne soyons pas des chiens muets, incapables d'aboyer, mais que, restant toujours en éveil, nous marchions soumis à l'esprit d'amour, de force et de sagesse de Dieu.

Au commencement lorsque je témoignais dans les assemblées, les anciens m'opposaient continuellement de la résistance, et les gens, spécialement les jeunes, ne savaient plus que croire. Alors certains frères et soeurs dans le Seigneur me demandèrent de présider des études bibliques, et de commencer personnellement et librement à tenir des réunions. Pensant que je choisirais un chemin propre si je n'étais pas désigné par les anciens, je refusai. Dieu permit alors la maladie de l'un de mes enfants, une fille. Son corps se rapetissait, tandis que le volume de sa tête augmentait. Elle refusait de marcher et retirait ses jambes lorsqu'on tentait de la mettre sur pieds. Cette épreuve dura presque une année et je me demandais : « Qu'ai-je fait ou que n'ai-je pas fait pour en arriver là ? » En lisant le livre des Rois dans les Écritures, ma femme et moi avions la même pensée : « Nous avons péché ». Mais nous ne savions en quoi et comment. M'humiliant devant Dieu, il put alors me révéler mon état : Au point de vue spirituel, j'agissais exactement comme ma petite fille. Je refusais de marcher lorsque Dieu me l'ordonnait. Je pris donc la décision de commencer à présider des études bibliques, et l'enfant recommença à marcher. Huit jours plus tard son corps était redevenu normal. C'est ainsi que j'instituai des assemblées, sachant dès lors très bien que j'agissais non pas selon mon désir mais sur l'ordre de Dieu. Et je puis dire aujourd'hui qu'il m'a soutenu ! Deux ou trois personnes se convertirent lors de chaque assemblée, et il en était de même au cours des réunions de prière.


Ma première série de réunions d'évangélisation.

C'est à Sch., dans l'Emmental, que se réalisa cette série de réunions qui dura quinze jours. Au début, je me disais souvent : « Tu répètes toujours la même chose, vraiment, tu n'oses plus te montrer ! » Ainsi, je désirais plutôt fuir, mais je ne savais où aller. L'argent me faisait défaut pour partir pour l'Amérique. Je n'eus pas d'autre solution que celle de rester et de continuer d'évangéliser, et de me réfugier dans ces paroles : « La puissance de Dieu s'accomplit dans les faibles ! » Jamais, durant les semaines d'évangélisation, je n'ai expérimenté une bénédiction comme à cette occasion. Je parlai plusieurs fois d'un moment précis pendant lequel l'homme reçoit le témoignage qu'il est un enfant de Dieu. Un homme, connu pour son affabilité, président d'une société religieuse, se trouvait parmi mes auditeurs, mais il n'avait pas vécu ce moment favorable. Il avait été saisi par la Parole de Dieu précédemment, lors d'une assemblée que je présidais. Je lui remis un traité, de l'évangéliste J. Vetter, dans lequel il fait mention précisément de ce moment que l'homme doit connaître, et posséder ainsi son salut. Cet homme dit alors : « Ceci me fait défaut ! » Un après-midi, et avant le début d'une étude biblique, alors que nous étions à genoux avec quelques frères et soeurs dans le Seigneur, la porte s'ouvrit et cet homme entra avec un visage rayonnant. Me relevant, je l'embrassai et nous versâmes des larmes de joie ; il avait réalisé la paix de Dieu.

Il raconta avoir vu l'intérieur de son coeur en vision, pendant qu'il trayait une vache. Dans son coeur, il voyait une cruche brisée au sommet et contenant une matière jaune. Ensuite il vit de quelle façon Jésus enlevait tout son péché ; puis la cruche disparut avec son contenu. On enseignait alors qu'il restait un fond de péché chez chaque personne ayant réalisé la nouvelle naissance ; mais ce frère vit par cette vision que c'était totalement faux. À l'assemblée suivante, il commenta le texte : « Fuyez, fuyez du pays du septentrion ! » (Zach. 2 :6). À la fin de la réunion beaucoup de personnes vinrent, disant : « Je désire posséder aussi l'assurance de Jacob Ramseier ! » Il en résulta que trente personnes, premièrement des gens pieux, puis des mondains, reçurent la paix de Dieu. Parmi mes auditeurs se trouvaient des personnes qui, après avoir renoncé véritablement au monde, vivaient pour Dieu aussi bien qu'elles étaient en mesure de le faire. Lorsqu'elles participaient à des entretiens particuliers, il me semblait alors les voir en esprit entourées d'un brouillard jaune pâle ; je leur montrais alors le chemin du salut et, bientôt, elles recevaient la paix de Dieu. À ces mêmes occasions, les gens du monde qui se présentaient étaient entourés d'un gros nuage noir et, s'ils confessaient leurs péchés, je voyais, toujours en esprit, un petit nuage blanc qui s'approchait et, me basant sur cette parole : « Jésus est vainqueur », ce petit nuage venait toucher le front de ces personnes. Elles réalisaient la nouvelle naissance, et le nuage noir disparaissait. Alors je pensai : « À présent, je sais comment les choses se passent ! » Mais le Père céleste n'a pas toujours les mêmes voies et, en d'autres occasions, je ne vis ni nuage noir, ni nuage blanc.

Toutefois, tout cela ne se passa pas sans persécutions. Le diable était très irrité à cause des âmes qui lui échappaient. Une fois, dans la nuit, on tira un coup de feu sur moi, mais je ne fus pas atteint ; Dieu avait sa main sur moi pour me garder et me soutenir. Je savais que je témoignais sur son ordre et non sur celui des hommes ! Et c'est Dieu qui continua mon éducation spirituelle.

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