Je
t'instruirai et te montrerai la voie que tu dois
suivre. Je te conseillerai, j'aurai le regard sur
toi.
(Psaume
32 :
8.)
Souvent et tôt après ma conversion,
j'ai rendu témoignage aux réunions de
la Croix-Bleue au sujet de la délivrance et
du bonheur que l'on a auprès de
Jésus. Toutefois, mes auditeurs n'arrivaient
que jusqu'à ce stade : signature de la
tempérance et vie plus décente. Ils
ne réalisaient pas la nouvelle naissance et
le pardon de leurs péchés, et ne
recevaient point d'assurance quant à leur
salut ; moi-même, je ne l'avais pas
encore à cette époque. Tous, nous
restions sur ce terrain : « Nous
sommes de pauvres
pécheurs ! » En pensant
à la mort, nous espérions recevoir
une fois le pardon par Christ, mais cette assurance
nous faisait complètement
défaut ; il n'en existe
précisément point dans une telle
attitude ! Dès le jour de ma nouvelle
naissance, Dieu bénit mon travail.
Je rendais témoignage selon Actes
13 : 38-39:
« Sachez donc, hommes frères, que
c'est par lui que le pardon des
péchés vous est annoncé, et
que quiconque croit est justifié par lui de
toutes les choses dont vous ne pouviez être
justifiés par la loi de Moïse !
Mais celui qui croit en lui est
juste ! »
Dans les assemblées, nos anciens
parlaient de tribulations, de difficultés et
de chagrins ; je parlais de bonheur, de paix
et de joie. Bien des personnes
pieuses se rendirent compte qu'elles ne
possédaient pas ce bonheur, et une âme
après l'autre réalisa la paix de
Dieu.
Je fus ensuite nommé président
de la Croix-Bleue de Dürrgraben. Le but de mon
travail ne consistait pas à amener les gens
à la suffisance et à la propre
justice, mais je cherchais à leur faire
réaliser le salut en Christ. D'autres
sociétés de tempérance
m'appelèrent à témoigner du
salut mais, souvent, je me heurtais à une
grande résistance. J'annonçais
l'Évangile aux sociétés et aux
buveurs, ne parlant pas uniquement de la
misère de l'ivrognerie ou du bienfait de
l'abstinence, mais je prouvais aux gens qu'on peut
être heureux, et que la misère de
l'ivrognerie ne disparaît que lorsqu'on a le
pardon des péchés et la vie divine,
assurance que l'on doit posséder.
Une fois, dans notre Société,
je fis passer au vote la question de savoir si nous
entendions introduire des réunions de
prières tous les huit ou quinze jours. Cette
proposition fut rejetée. Rentrant de cette
assemblée et pensant à cette
décision, je fus angoissé et rempli
de crainte. Je me disais : « La
prière est ordonnée par Dieu ;
tu es donc un bien triste président d'avoir
soumis cela à un vote ! »
Convoquant alors une nouvelle assemblée des
membres, je m'humiliai devant tous, reconnaissant
que je n'avais pas bien agi, vu que la
prière en commun est une chose
ordonnée par Dieu. Je déclarai en
outre que, dès à présent,
personne n'avait le droit de faire valoir sa voix
pour des questions divines sans avoir
réalisé la nouvelle
naissance, car nous ne voulions pas agir selon le
conseil des méchants. Je craignis alors que
certains membres quittent l'assemblée mais
il n'en fut rien ; dès ce jour, la
Société commença à
prospérer et, au bout de quelques
années, elle comptait cent quatre-vingts
membres. Parmi ceux-ci se trouvaient non seulement
beaucoup d'anciens buveurs délivrés
de la boisson, mais encore beaucoup de personnes
délivrées de tout
péché, louant le salut et la
grâce de Dieu ! Bon nombre de ces
membres avaient pu reprendre leurs enfants qui
avaient été placés ailleurs,
et dans plusieurs familles régnait la joie
au sujet de ce que Dieu avait fait par
Jésus-Christ.
Dans l'Union chrétienne de jeunes
gens de la localité, un frère et
moi-même louions Jésus et son oeuvre,
en condamnant le péché. Le
président de cette société
pensa que nous allions provoquer le départ
de membres. Bien que leur nombre eût
augmenté en peu de temps de vingt personnes,
ce président nous fit sentir que nous
étions indésirables. Peu de temps
après, je fus invité à
présider des réunions chez le plus
riche paysan de notre commune. Avec un
frère, nous eûmes des réunions
régulières dans sa ferme. Elles
avaient lieu le même jour que la
réunion de l'Union chrétienne.
Dès le début, et sans intervention de
notre part, l'Union se réduisit à un
petit nombre d'adhérents. Certains
démissionnaires assistèrent
dès lors à nos réunions
à la ferme, tandis que d'autres
renoncèrent aux choses religieuses.
En ce temps-là, le président
d'une assemblée me pria de
travailler pour elle, mais une certaine crainte
s'empara de moi, car jamais encore, il ne m'avait
entendu parler ou prier. Comme il voulait m'engager
malgré cela, j'eus le pressentiment qu'il
avait une arrière-pensée. Je ne
possédais pas de joie intérieure pour
donner mon assentiment ; j'avais l'impression
que, dans ce cas particulier, il ne s'agissait pas
de la volonté de Dieu.
Dans le même temps, on me pria de
collaborer avec une autre assemblée. Cette
fois, je soupçonnai qu'on voulait m'engager
uniquement pour faire grossir les rangs de cette
assemblée. En effet, les dirigeants me
critiquaient beaucoup, ainsi que le
témoignage que je rendais de la Parole de
Dieu. Je ne pus donner suite à cet
appel.
J'avais le sentiment d'être
appelé à faire un travail au sein de
l'oeuvre de la Croix-Bleue. Or il advint ensuite
qu'un ancien et un évangéliste
vinrent me demander d'accepter le poste d'agent de
la Croix-Bleue du canton de Berne. C'est avec
profonde conviction que j'acceptai leur
proposition, mais en leur déclarant que je
viendrais parmi eux avec la prédication de
la croix. Lors de la nomination et en dépit
de beaucoup d'hésitations et de
contre-propositions, j'obtins la majorité
des voix. Cinquante candidats s'étaient
annoncés pour ce poste et, sur 96 voix, 92
s'étaient déclarées en ma
faveur. Après le vote, le président
déclara : « Dieu l'a
nommé ! » et la salle fut
traversée comme par un bruissement. Nous
étions en l'an 1907.
C'est avec une grande joie que je travaillai
au sein de la Croix-Bleue. Comme je l'ai
déjà dit, je
désirais que les buveurs soient
délivrés, non seulement de l'abus de
l'alcool, mais aussi de leurs péchés.
Par la grâce de Dieu, des membres de la
Croix-Bleue et d'autres personnes se convertirent
à Dieu.
Vint alors la question du salaire. Je
déclarai d'abord que je ne désirais
pas de gage. Le président
répondit : « Nous
verrons ! » Un prédicateur,
par son raisonnement, avait en effet réussi
à me convaincre que les hommes qui acceptent
un salaire pour l'oeuvre de Dieu sont des
mercenaires, et c'est dans cette pensée que
j'avais travaillé jusqu'alors. Plus tard,
j'appris que ce prédicateur s'était
fait une situation très aisée. Dans
les assemblées, il relevait continuellement
son attitude à l'égard de cette
question de salaire, ce qui incitait les gens
à lui glisser de l'argent dans la poche,
supposant qu'il était très pauvre.
Bien des fois, moi-même j'avais vidé
mon petit porte-monnaie pour lui en rendre le
contenu.
Après avoir mieux examiné la
chose, je vis qu'il fallait une foi plus grande
pour se contenter d'un petit gage. J'en informai
les dirigeants de la Société. C'est
ainsi que j'acceptai un salaire annuel de 1200
francs. On exigea alors que je contracte une
assurance-vie. Un certificat médical
était nécessaire. J'étais
assuré contre les accidents, mais je ne
voulais pas d'assurance sur la vie,
déclarant que j'étais
déjà assuré. On me demanda le
motif de mon refus, et je renvoyai à la
promesse donnée dans le Psaume
37 : 25. Mes
interlocuteurs voulurent alors savoir ce qu'il y
est dit. Je ne voulus pas donner
ma Bible et ils durent en chercher une dans le
voisinage pour lire le passage en question. Des
pasteurs et des évangélistes
étaient présents, mais aucun d'eux
n'était porteur d'une Bible ! Le
passage cité dit ceci :
« J'ai été jeune, j'ai
vieilli ; et je n'ai point vu le juste
abandonné, ni sa postérité
mendiant son pain ».
Je dus quand même me rendre à
Bienne pour une visite, avec d'autres membres, pour
l'admission à l'assurance. Refusant de me
rendre chez le médecin, j'attendis dans le
cabinet de travail du pasteur L. Lorsque les autres
personnes revinrent de la visite médicale,
l'agent voulut m'obliger à la subir
également. Je lui demandai s'il était
né de Dieu. « Non !
répondit-il. Alors je lui dis :
« Il est écrit : Heureux
l'homme qui ne marche pas selon le conseil des
méchants ! Ainsi, tout est
liquidé ! » et l'entretien
fut clos.
Comme les autres agents touchaient un
salaire beaucoup plus élevé, le
comité, et particulièrement le
secrétaire, ne me laissèrent pas de
repos. Après une longue résistance,
j'acceptai enfin 1700 fr. par an, mais cette fois
encore, le comité ne fut pas satisfait, car
la différence de salaire avec mes
collègues était encore trop grande.
Le deuxième agent déclara ensuite
qu'il ne pouvait plus continuer ainsi, qu'il avait
besoin de jours de congé. on m'en offrit
également, mais je refusai. Alors le
comité décida de donner mensuellement
huit jours de congé à cet agent,
tandis que je devais en avoir quinze. Peu de temps
après, on déforma les faits
ainsi : Berger est engagé à
mi-temps et touche la moitié du salaire, soit
1700 fr. par an. Sur ces entrefaites, je
commençai de présider des
réunions d'évangélisation
pendant mon temps de congé. En une
année, cela fit vingt-sept semaines.
Certains jours, je me faisais accompagner par des
amis. Bien des auditeurs prirent un engagement
d'abstinence, et un bon nombre d'entre eux se
convertirent à Dieu. Les dirigeants du
comité s'indignèrent et
déclarèrent qu'il fallait cesser
d'évangéliser ainsi, sinon la
société de la Croix-Bleue perdrait le
respect du monde en devenant une
société de mômiers. C'est ainsi
que je fus à nouveau engagé à
plein temps, mais il m'était défendu
d'évangéliser pendant plus de trois
jours consécutifs au même endroit. Les
personnes désirant avoir des semaines
d'évangélisation complètes
firent une pétition pour exiger que l'on me
permette à nouveau de les présider.
On accéda à ce désir, mais
à la condition que je ne parle plus contre
l'usage du tabac, ni de l'adultère, ni de la
conversion, ni de la nouvelle naissance.
Je reçus alors une convocation.
À cette entrevue étaient
présents le pasteur H. et le
président cantonal de la Croix-Bleue. H. me
demanda : « Que penses-tu de la
nouvelle naissance ? » -
« Ce que tu en as dit toi-même
à la conférence ! »
répondis-je. Alors, il commença
à parler du tabac et finit par dire qu'un
frère qui avait cessé de fumer tomba
dans l'orgueil. Plus tard, il se remit à
fumer et fut libéré de l'orgueil. Je
répondis : « Alors ce n'est
pas la prédication de la croix qui est le
moyen pour être délivré de
l'orgueil, mais l'usagedu
tabac ! » En même temps, je
poussai du coude un fauteuil sculpté se
trouvant là, antiquité rongée
par les vers, et celui-ci se brisa. C'est sur cet
incident que l'entretien fut clos.
Lors de ma nomination, comme agent de la
Croix-Bleue j'avais déclaré de
façon formelle que je l'acceptais à
condition de pouvoir librement annoncer la
prédication de la croix. Le comité
unanime exigea que je renonce à cette
condition. Je déclarai alors ouvertement
qu'ils étaient, en conséquence, tous
ennemis de la croix de Christ. Ils se
levèrent avec emportement - quelques
fauteuils furent renversés. Ils
rédigèrent un nouveau contrat
d'engagement stipulant notamment ceci :
« Exécution sans condition de tous
les mandats et ordonnances du
comité ». Je ne voulus pas le
signer, m'en tenant à cette parole :
« Il faut obéir à Dieu
plutôt qu'aux hommes ». Ils me
répondirent qu'en refusant de signer
j'annulais moi-même mon engagement. Je ne
désirais pas cela et je dis à
Dieu : « Je signe le contrat mais je
ne m'y soumets nullement ! Tu sais que je veux
t'obéir et tu dois m'ouvrir un
chemin ». À l'assemblée des
délégués qui suivit, je fus
congédié, obtenant tout de même
le témoignage que j'avais prouvé
être un chrétien. Il me fut
reproché, par contre, de ne pas leur
obéir.
Alors vingt-deux sections de la Croix-Bleue
se réunirent, voulant donner leur
démission et m'engager ensuite. Toutefois,
je ne pus me déclarer d'accord avec cette
manière de faire, avis partagé
d'ailleurs par l'un des membres. Ces sections m'engagèrent
tout de
même par la suite, ce qui me permit de
présider des réunions chez elles.
Ainsi je pus continuer à travailler au salut
des buveurs mais la Croix-Bleue ne voulut plus me
remettre des cartes d'engagement d'abstinence.
Là-dessus nous convoquâmes une
assemblée de membres à
Dürrgraben. Il en résulta la
résolution suivante envoyée au
comité cantonal de la Croix-Bleue
bernoise :
« Dans son assemblée du 4
juillet 1909, la section de Dürrgraben de la
Croix-Bleue a pris la résolution
suivante : Aujourd'hui, 4 juillet, notre
section donne sa démission de l'Association
de la Croix-Bleue du canton de Berne et fonde une
nouvelle société sous le nom :
« Société de la Croix-Bleue
libre du canton de Berne, section de
Dürrgraben ».
« Cette démission et la
fondation d'une nouvelle société ont
été le sujet de longues
réflexions devant Dieu qui connaît
toute chose. Le motif principal de cette
décision est le fait connu de tous les
membres de la Croix-Bleue du canton de Berne que
notre frère Berger, que Dieu a placé
comme agent de la Croix-Bleue et qui, dans cette
fonction, a été en
bénédiction à beaucoup de
personnes, n'a pas été
réélu lors de la dernière
assemblée des délégués
de janvier 1909. »
« Les personnes qui ont
été bénies par la
prédication de frère Berger, et
beaucoup d'amis de la Croix-Bleue auxquels le salut
des buveurs tient vraiment à coeur,
regrettent vivement que ce frère, sans aucun
motif biblique, ait été
renvoyé comme agent de la
Croix-Bleue. »
Après cette démission, nous
fîmes imprimer nous-mêmes des cartes de
tempérance sous le nom officiel de :
« Société libre de la
Croix-Bleue ». La Croix-Bleue ne donna
aucune suite à l'avis concernant notre
nouveau nom. Quelques années plus tard, nous
fîmes bâtir une maison de
réunions et nous adoptâmes de nouveaux
statuts qui furent légalisés. C'est
alors que le comité de la Croix-Bleue
éleva la voix pour s'opposer au nom de notre
groupement trop semblable au leur. Il
précisait que si aucune opposition n'avait
été faite à la fondation,
c'est parce que notre mouvement avait
été jugé sans importance.
Devant cette contestation il fut
décidé que notre
société aurait le nouveau nom
suivant : « Assemblée
évangélique des
frères ». C'était le 9
octobre 1914.
Tôt après mon
congédiement comme agent de la Croix-Bleue,
la congrégation nommée Association
évangélique en fit de
même ; sans subir aucun interrogatoire,
je fus simplement exclu. Lorsque ce fut chose
faite, le pasteur Hugendubel, un homme croyant,
déclara devant les gens pieux et le
monde : « Maintenant, ils n'en ont
plus aucun qui soit capable d'enseigner le chemin
de la nouvelle naissance aux
hommes ! » Ces paroles
émanaient d'un homme qui était
à la tête de ce mouvement !
Lorsque je porte mes regards vers le
passé, je dois constater combien la joie
était grande au début dans les
communautés au sujet de l'oeuvre de
Christ ; on la louait et on en parlait aux
autres. Mais, malheureusement, on ne resta pas dans
cette position. Des frères de condition
modeste annonçaient
l'Évangile et témoignaient de
Jésus, et par ces témoignages,
beaucoup de personnes se convertirent au Seigneur.
Toujours, les gens réclamaient ces
frères-là pour présider les
semaines d'évangélisation, et l'on
écrivait même des lettres munies de
nombreuses signatures pour les obtenir. Les
dirigeants de cette Association
évangélique en furent probablement
troublés, pensant qu'on les
méprisait, car ils ne donnèrent pas
suite aux désirs exprimés par ces
lettres, envoyant des hommes choisis par
eux-mêmes.
Dès lors, les frères de
condition modeste n'osèrent plus parler et
c'est ainsi que des hommes à la tête
de l'Association contristèrent
l'Esprit ! Lorsqu'ils parlaient, ils
racontaient leurs expériences, puis, ils
émettaient un « mais »
épouvantable à l'encontre de certains
versets bibliques ! « Mais,
l'expérience nous a appris autre
chose » disaient-ils au lieu de
dire : « Il est écrit, ainsi
dans la Bible ». Ils déclaraient
par exemple : « L'expérience
nous a démontré que le vieil homme
vit encore ; l'expérience nous a
enseigné que nous ne pouvons pas avoir un
coeur pur ». Celui qui les
écoutait et qui était dans la
lumière devait en déduire :
« L'expérience doit donc
démontrer que nous n'avons pas de
rédemption... » Ils parlaient bien
d'un bonheur réalisé autrefois, mais
ils en parlaient comme d'un feu de paille ! Je
leur répondais parfois :
« Dieu a assez de
paille ! »
Après ma nouvelle naissance, un
désir ardent m'incita à annoncer
l'Évangile et je fus invité en maints
endroits à présider des
réunions. Je ne voulais cependant pas
m'établir moi-même dans le ministère, pensant
qu'il appartenait aux anciens de me nommer. Mais
ensuite, Dieu me montra lui-même le chemin.
Une année s'écoula, et le
désir de témoigner était
toujours vivant en moi. Des frères me
contredisaient et s'opposaient à mon
activité. Souvent cette tentation
m'assaillait : « Va à tel
endroit, là tu pourras parler sans
être contredit ! » Je savais
cependant qu'aucun homme ne pouvait faire obstacle
à la volonté de Dieu, si Dieu voulait
m'employer. Il sait très bien se servir de
quiconque, il m'a également employé,
mais souvent, j'ai du attendre. À cette
époque je présidai à une
série de réunions au cours desquelles
une trentaine de personnes se convertirent et
réalisèrent la paix de Dieu ; il
me semblait que si j'avais pu continuer il s'en
serait suivi un grand réveil. Mais les
choses allèrent comme elles se passent
toujours quand des gens se convertissent : le
diable se lève avec son
« équipe de pompiers »
et cherche à éteindre le feu du
réveil et à empêcher ainsi
l'extension de l'oeuvre de Dieu. Des
séparations en sont le résultat.
De telles désunions sont
douloureuses, mais c'est ainsi que les choses se
passent dans beaucoup de communautés. Durant
un certain temps, la vie divine est présente
et les gens sont heureux, louant et
témoignant du salut ; ensuite tout
devient superficiel. La chute est rapide si l'on
commence à s'opposer à l'enseignement
de la sanctification ; la communauté
existe encore, mais le chandelier a
été enlevé. Alors Dieu suscite
un homme par lequel il apporte la vie et, la
plupart du temps, il se forme une
nouvelle communauté, parce que l'ancienne ne
veut pas utiliser un tel homme !
Précédemment, je croyais que le grand
nombre de communautés religieuses
était plutôt nuisible. Aujourd'hui mon
opinion a changé, bien que ma joie serait
grande si toutes étaient unies. En lisant
l'histoire de l'Eglise, on se rend compte de quelle
manière les communautés ont vu le
jour et comment, de cette façon, la vie
divine a été maintenue et entretenue.
Tout cela est un avertissement pour nous, afin que
les choses ne se passent pas ainsi avec notre
communauté.
Mais le fait qu'une communauté a
beaucoup de membres n'est pas une preuve de
vérité ; ce qui est de toute
importance, c'est de suivre le chemin de l'Agneau
et de rechercher les choses qui sont en haut,
où Christ est assis à la droite de
Dieu. Un certain enthousiasme peut se manifester,
mais il faut voir ensuite ce qu'il en reste dans
les difficultés. Souvent j'ai dû
constater à certains endroits qu'il n'y
régnaient plus la joie et
l'allégresse ! Combien il est important
de ne pas tomber dans les plaintes et les
lamentations, et de ne pas parler comme certains
hommes âgés qui, durant les temps
difficiles et de sécheresse, disaient :
« Si les grandes tentations et les
grandes difficultés surviennent, nous
succomberons ! » Nous devons
demeurer en tout temps des hommes dans la louange
et dans la foi en Dieu, ne perdant jamais la joie
en l'Éternel. La persévérance
dans le besoin a plus de valeur qu'un enthousiasme
de courte durée : « La joie
en l'Éternel sera votre force ».
Ne devez rien à personne.
(Rom. 13 : 8.)Donnez, et il vous sera donné.
(Luc 6 : 38.)
Durant ces années-là, je
réalisai la grâce de Dieu d'une
façon toute particulière dans les
choses terrestres. J'étais bien pauvre lors
de ma conversion ; par la suite, je lus dans
la Bible qu'il n'y a pas lieu de se soucier du
lendemain, mais qu'il faut se décharger sur
Dieu de tous nos soucis. J'étais
précisément assailli par des soucis
qui me poussaient à croire que je serais
bientôt sans travail. Certains clients
déclarèrent même qu'ils ne
voulaient plus rien avoir affaire avec un
mômier et qu'ils n'auraient plus recours
à mes services. Toutefois, je songeai
« qu'il est préférable de
mourir de faim plutôt que de ne pas
obéir à Dieu ! ».
Néanmoins je ne fus pas réduit
à cela, car Dieu, selon sa promesse, pourvut
à mes besoins. Mes dettes se montaient alors
à 270 francs environ, somme qui, en ce
temps-là, représentait beaucoup pour
moi. En effet, je ne gagnais que 1 franc 50 par
jour en travaillant depuis le matin à cinq
heures jusqu'au soir à sept heures et
demie ; ce gain devait me permettre de
subvenir aux besoins de ma grande famille !
Sachant très bien qu'il était
déshonorant pour un enfant de Dieu de faire
des dettes, mon désir était de payer
les miennes. Tous mes créanciers envoyaient
des rappels, exigeant le paiement de mon
dû ; certains sous menace de poursuites,
voulaient être couverts dans les quatre semaines.
Je montrai ces
lettres
à mon Père céleste, puis je me
rendis chez les personnes en question pour leur
déclarer qu'il m'était absolument
impossible de m'acquitter immédiatement de
ma dette, que je n'avais aucune certitude de
pouvoir le faire bientôt, mais, dès
que ma situation s'améliorerait, je ne
manquerais pas alors de les payer. Faisant preuve
de patience, ces créanciers voulurent bien
surseoir à leurs menaces de poursuites.
Il arrivait que, durant un certain laps de
temps, nous manquions de pain, mais par contre les
pommes de terre, les légumes et le lait ne
nous faisaient pas défaut. Dans les
réunions, je disais parfois de quelle
façon Jésus pourvoyait à mes
besoins. Ces déclarations furent entendues
par mon boulanger qui assistait aux
réunions. Par conséquent, je n'osais
lui demander du pain à crédit, car il
aurait pu me dire : « Tu nous as
pourtant annoncé comment Dieu pourvoyait
à tes besoins ! » Alors, je
pris la décision de donner, selon ce
texte : « Donnez, et l'on vous
donnera ! » Il faut agir de cette
façon si l'on veut arriver à quelque
chose et, ainsi, on commence à croire selon
les Écritures.
Dans l'espoir que certains frères les
aideront à payer leurs dettes, bon nombre de
personnes commencent à suivre les
assemblées, faisant même semblant de
se convertir ! Dans de pareils cas, il ne faut
pas aider à l'injustice ! Je visitais
des gens pauvres, ainsi que des buveurs. Lorsque je
le pouvais, je leur remettais un franc et c'est
alors qu'il m'était permis de lire la Bible
et de prier avec eux. En ce
temps-là, la valeur d'un franc était
estimée ! Cette méthode
lorsqu'elle fut connue, fut
désapprouvée, car on prétendit
que je donnais tout mon argent et que j'avais
encore des dettes. Cependant, je ne devais de
l'argent à aucune personne se trouvant dans
la gêne ! Le thème :
« Ne devez rien à personne, si ce
n'est de vous aimer les uns les
autres ! » fut à cette
époque traité à une
conférence de l'Alliance. Le tout
était dirigé
précisément contre moi et, en
commentant ce texte, ce n'est qu'à la
question d'argent que l'on prêta de
l'intérêt pour arriver à la
conclusion que l'on ne devait rien donner aussi
longtemps que nous avions des dettes. Parmi les
personnes présentes se trouvaient beaucoup
d'hommes endettés. Appelé à
rendre témoignage à ce sujet, je
déclarai : « Avant qu'un
homme se permette de donner quelque chose à
un malade, un pauvre ou un nécessiteux, vous
avez posé la condition qu'il doit d'abord
avoir payé la totalité de ses dettes.
- Toutefois, la Bible dit ceci :
« Tu aimeras ton prochain comme
toi-même ! »
Admettons donc qu'une pauvre famille
souffrant de la faim soit ma voisine et que, de mon
côté, je possède cinq
francs ; selon votre conclusion, il ne m'est
nullement permis d'acheter un morceau de pain pour
mon prochain, puisque je dois préalablement
payer toutes mes dettes. Si je veux me conformer
ainsi à la parole me disant d'aimer mon
prochain comme moi-même, je ne devrais alors
rien acheter pour moi, n'ayant, par
conséquent, d'autre alternative que celle de
« crever » de faim - Il me
souvient, avoir employé ce
terme en cette circonstance. - Cela ne tomba pas
dans l'oreille de sourds, mais cette
conférence me fit grand bien. Quinze jours
après, l'un des prédicateurs, - genre
d'adjudant, qui aimait que les anciens aient une
haute opinion de lui - vint me rendre visite,
essayant encore de me convaincre et
répétant que l'on doit payer ses
dettes avant de donner quoi que ce soit à
son prochain. Quant à moi, je pensais et
voulais agir selon cette parole « Tu
aimeras ton prochain comme
toi-même »
Après le départ de cet homme,
je priai : « Père
céleste ! Tu es mon père, tu
possèdes de grandes richesses, et je suis
ton enfant, mais un enfant ayant des
dettes ! » poursuivant, en
pensée : « Un garçon
pareil n'est-il pas une honte pour
toi ? » mais je n'osai certes pas
déclarer cela à haute voix !
Huit ou quinze jours après, je reçus
une lettre. Elle contenait un billet de cent
francs. Tombant à genoux, je rendis
grâces à Dieu en pleurant, songeant
qu'il me serait possible, à présent,
de rendre cette somme à un créancier
pieux. Ouvrant complètement l'enveloppe j'y
trouvai encore d'autres billets de banque, ainsi
qu'une pièce de vingt francs ; la somme
totale me permettait de payer exactement mes
dettes, exception faite de l'intérêt
dû pour un lit ; mais je reçus
encore ce montant ! Je constatai ainsi que mon Père céleste
m'avait fait don
de tout ce qui m'était
nécessaire, j'eus foi en lui. Au
début, je me confiais en lui pour de petites
choses, mais après cet exaucement, je
m'enhardis de plus en plus à mettre ma confiance en
Dieu.
Aujourd'hui,
je sais que ma confiance a augmenté, mais
j'en suis encore à mes débuts.
Plus on est enfantin, plus est grande la
joie du Père céleste ! Une
fois, je lui dis que je désirerais
posséder une bicyclette, mais que le courage
m'avait manqué pour le lui dire, car cela me
paressait être un vrai luxe. Peu de temps
avant, j'avais fait des essais avec le vélo
de mon frère, mais je dus renoncer à
ce moyen de locomotion à cause de la
faiblesse de mon coeur. Je ne sais donc pourquoi
j'eus ensuite ce désir ! - Un matin,
entrant à la cuisine, je vis une belle
bicyclette neuve que l'on y avait placée
pendant la nuit. Nous ne fermions jamais
complètement notre maison durant la
nuit ; son aspect modeste n'engageait personne
à y entrer. Cette bicyclette portait mon
adresse, elle m'était donc
destinée ; sinon je ne me serais pas
permis de l'utiliser. Je désirais monter
à bicyclette sans tomber. Cela eût
fait grand plaisir aux gens. C'est alors que se
produisit le miracle : immédiatement je
pus partir, et sans ressentir quoi que ce soit au
coeur. Le soir, lorsque je rentrai à la
maison après avoir présidé une
réunion je remerciai et louai Dieu pour ce
beau don.
Beaucoup croient que Dieu serait à
même de leur faire don de certaines choses
s'ils étaient meilleurs ; je dois dire
que je ne me trouvais nullement être bon,
mais bien plutôt polisson. Il est amour pour
les polissons également ; c'est un
père remarquable ! Bien que le courage
de lui adresser une prière m'ait fait
défaut en maintes occasions. Il m'a tout de
même fait don de bien des
choses. Immédiatement après ma
conversion, je m'étais rendu compte que je
ne devais pas demander des secours à des
gens pieux, ni à des gens du monde. Bien que
je fusse probablement le plus pauvre de la commune,
je ne demandai pas l'assistance. Je reçus
tout de même de l'aide dans deux cas. Mes
enfants étaient du groupe des enfants
pauvres qui recevaient gratuitement du lait et du
pain, du Nouvel an aux examens de printemps.
Lorsque je me convertis, en février, l'un
des dirigeants de la commune se rendit chez nous
pour me demander si je ne pourrais pas payer la
moitié du lait donné à
l'école à mes enfants, vu que
l'argent ne suffisait pas. Il s'agissait d'une
somme de sept francs environ, mais je ne la
possédais pas. Pareille demande aurait
d'ailleurs dû être adressée
à mon voisin, qui ne se trouvait pas
être dans ma situation, car il
possédait deux vaches. Mais il n'en fut
rien. Pensant que j'étais bien le plus
pauvre, j'étais tenté d'en
déduire que cette demande était due
à la haine provoquée par ma
conversion. Mais je me défendis à
outrance contre cette pensée. Alors je pris
la décision qu'à l'avenir mes enfants
rentreraient pour le dîner. Malgré
l'opposition des responsables, ils
rentrèrent. C'était certes mieux que
de faire des sottises à l'école
durant le repos de midi.
Nous avions tout de même à
manger et à boire, pour toute la famille,
car nous avions des pommes de terre et nous
possédions des chèvres. Plus tard, je
compris que les choses avaient été
dirigées par Dieu, qui ne voulait pas que
son enfant soit à la
charge de gens inconvertis, c'est-à-dire des
gens du monde. C'est la raison pour laquelle il
permit ce que je crus être un acte de haine.
Je me rendis compte qu'il voulait ainsi
m'éduquer, car il nous exhorte par ces
paroles : « Travaillez de vos mains
en sorte que vous vous conduisiez honnêtement
envers ceux du dehors et que vous n'ayez besoin de
personne ».
(I
Thess. 4 : 11-12.) Quand au
second cas d'assistance, j'en payai la
contre-valeur. Si tout d'abord j'accusai les gens
de mal agir à mon égard, je vis
ensuite que les choses avaient été
dirigées ainsi par la bonté de Dieu,
car les enfants du Très-Haut ne doivent pas
mendier auprès de ceux du monde.
Comme déjà dit, je fus aussi
préservé de la mendicité
auprès des frères et soeurs dans le
Seigneur. À une certaine occasion, je
participai à un cours biblique à
Berne. J'émis alors le désir
d'être reçu chez le pasteur Bovet, car
je savais qu'il aidait beaucoup les pauvres. J'y
fus reçu et à la demande de M. Bovet
concernant ma situation, je répondis que
tout allait « bien ». Mais
ensuite je songeai que j'aurais quand même
dû dire quelque chose au sujet de mes dettes.
Le jour suivant, il renouvela sa demande et ma
réponse fut identique ; Dieu me
préserva, car il voulait payer mes dettes
lui-même. Souvent, mes pensées se
reportent à ce cours durant lequel j'eus le
sentiment d'être transporté dans les
lieux célestes. J'en oubliais d'où je
venais et où je me trouvais. Pour m'en
rendre compte je devais réfléchir un
instant.
Souvent l'argent me faisait défaut
lorsque je me rendais à
une conférence à Berne ; je le
demandais alors au Père céleste qui
m'en faisait don. Une fois cependant, je priai
à ce sujet, mais sans être
exaucé. Je me dis alors que je n'avais
nullement besoin d'argent de Dürrgraben
à Ramsei, et je me mis en route, certain que
l'argent me serait encore remis avant le
départ du train.
Me voyant passer, les gens me
demandaient : « Où
vas-tu ? » et c'est d'une voix forte
que je répondis d'abord :
« À Berne ! » La
seconde fois, la réponse se fit plus
faible : « À Berne, Dieu
voulant ! » Jamais, en une telle
circonstance, je ne fus assailli de tant de
questions et je pensai : « Que
diront-ils, si je dois m'en retourner parce que je
n'ai pas reçu l'argent
nécessaire ? » et je fus
tenté d'ores et déjà de
choisir, pour le retour un autre chemin. - On dira
peut-être que ce n'était vraiment pas
un acte de foi. - Quoi qu'il en soit, j'arrivai
à la station, puis j'entrai dans la salle
d'attente. Au même moment un homme me remit
un billet pour Berne et retour. Combien furent
grandes ma joie et ma reconnaissance ! Je dois
dire qu'il m'est arrivé aussi de ne pas me
rendre à cette conférence, pensant
qu'en étant à Berne je ne gagnais
rien et que d'ailleurs je ne faisais qu'utiliser de
l'argent pour le train et d'autres choses. C'est
ainsi qu'il m'arriva de rester à la maison
pour travailler. Mais Dieu fit en sorte que je
tombai malade à deux reprises,
m'empêchant ainsi de gagner quoi que ce soit
pendant le temps de la conférence.
Après ma conversion, je commençai
de rendre témoignage dans les
réunions lorsque l'occasion se
présentait, et plus encore après ma
nouvelle naissance, car j'éprouvais le
besoin de répandre mon coeur au sujet de ce
que Dieu avait fait pour moi. Mais à cette
époque certains frères
« éprouvés »
préféraient témoigner
personnellement. Un dimanche après-midi, le
prédicateur devant présider
l'assemblée ne vint pas ; il fallut
alors décider qui s'occuperait de
l'assemblée du soir prévue à
Holz. Le remplaçant habituel ne pouvait s'y
rendre. Il désigna un frère, mais ce
dernier prétendit ne pas être en
mesure de s'y rendre seul. Il lui dit alors :
« Berger sera aussi
là ! » J'avais
écouté ce dialogue et, de plus
j'étais mécontent parce que je
n'avais pas pu témoigner au cours de
l'après-midi. Cela me fit dire :
« Je vais à
Lützelflüh ! » Alors le
dirigeant m'ordonna d'aider à
présider la réunion du soir, disant
qu'un ordre à ce sujet avait d'ailleurs
été donné de Berne en son
temps. « Quand a-t-on
écrit ? » demandai-je. -
« Il y a plus d'une
année ! » - « Vous
ne m'en avez jamais fait part ! »
Sur ces entrefaites, je fus d'autant plus
résolu à me rendre à
Lützelflüh et non à Holz. C'est
avec pareille « marchandise »
que je rentrai chez moi et que je déclarai
à ma femme : « Je n'irai pas
à Holz, je vais à
Lützelflüh ! » -
« N'est-ce pas du
diable ? » me répondit-elle.
Alors je dus bien admettre, à voix
basse : « Oui, c'est vrai ! Donc, je
vais
à Holz ! Mais je pensai en
moi-même : « Je ne
témoignerai pas ! » Je me mis
en route. Pendant la moitié du chemin, j'eus
à combattre cette tentation :
« Je ne témoignerai
pas ! » En fin de compte, j'eus
honte de cette pensée devant Dieu et je lui
dis : « Seigneur, je veux agir selon
ta volonté ! » Et lorsque la
pensée de ne pas témoigner
m'assaillait à nouveau, je rétorquais
continuellement : « Que la
volonté du Seigneur soit faite, et non la
mienne ! » C'est ainsi que je
témoignai ce soir-là, et c'est avec
une grande joie que j'assistai à la
conversion d'une femme, une des plus
misérables créatures. C'était
une blasphématrice. Elle ne réalisa
pas immédiatement la paix.
Le lendemain, dans son trouble et pour
oublier son chagrin, elle se rendit chez un vieux
mômier qui lui offrit du fromage très
salé et du vin ; il lui adressa
quelques paroles réconfortantes ;
malgré cela, l'angoisse de cette femme
augmenta. Elle vint chez moi ; et je lui
montrai le chemin de Dieu, priant avec elle ;
je dus la laisser partir sans qu'elle ait
réalisé la paix de Dieu. Je manquais
d'expérience. Après une heure, elle
revint et me dit le regard plein de joie :
« Lorsque je suis arrivée
près du pont, j'ai vu que je suis morte avec
Christ ; Jésus est venu habiter en moi
et moi en lui ! » Elle louait Dieu,
rendait grâces. Rempli d'épouvante, je
pensai qu'elle était devenue folle, et je ne
fus tranquillisé que lorsque je vis que le
sens de ses paroles était conforme à
la Parole de Dieu. Cette soeur confessa ensuite le
Seigneur sans crainte et, par son moyen, beaucoup
de ses semblables se convertirent
et bien des demi-chrétiens reçurent
la vie divine. Cette femme fut un instrument
efficace dans la main de Dieu. Elle eut beaucoup
à souffrir, car son mari et son
beau-frère la maltraitèrent à
tel point qu'elle n'avait presque plus de dents,
mais elle ne se laissa pas fermer la bouche pour
autant. En agissant ainsi, ces hommes
réussirent non seulement à lui briser
les dents, mais à faire
pénétrer l'amour de Dieu chaque fois
plus profondément en elle.
Une fois, je fus appelé à
présider une semaine
d'évangélisation chez un paysan
habitant une ferme très isolée. Un
soir, le pasteur de la commune vint
également mais il dut chercher une place au
fond du corridor ; toutes celles des chambres,
de la cuisine et du corridor étaient
occupées. Ainsi, nous ne nous vîmes
pas, ce qui devait sans doute lui convenir. Il
m'écrivit ensuite pour me dire que le
témoignage que je rendais de la Parole de
Dieu aurait convenu au Moyen Âge, mais que la
science théologique d'aujourd'hui nous
enseignait quelque chose de mieux. Il ajoutait que
lors de cette assemblée, on avait senti la
chaleur de l'enfer autour de soi. Il m'envoya un
livre à étudier, me conseillant de
commencer à la page 53, prétendant
qu'ensuite je comprendrais mieux le commencement du
livre.
Suivant son conseil, je commençai
à la page 53, trouvant beaucoup
d'enseignement de morale, mais rien de plus.
Intéressé par ce qui pouvait bien se
trouver au début du livre je m'y reportai,
pour découvrir aussitôt, avec
tremblement et terreur, que les puissances de l'enfer
s'y manifestaient.
Je
jetai immédiatement ce livre au feu.
J'écrivis au pasteur que je l'avais
brûlé, et que lui-même
enseignait le chemin de l'enfer à ses
auditeurs, au lieu de les amener à Christ.
Qu'il était en outre responsable, comme
pasteur, de chaque âme de sa paroisse s'en
allant à la perdition vu qu'il ne leur
enseignait pas la vérité, et que Dieu
lui en demanderait compte, tout en réclamant
le sang de ses mains. Tout cela fit
réfléchir ce pasteur ; il me fit
venir pour des assemblées de Croix-Bleue
dans son église qui, d'habitude,
était peu fréquentée.
Comme j'étais persuadé -
aujourd'hui encore - que la destruction des gens
est causée, non seulement par l'absorption
de l'alcool, mais par le péché en
général, je parlai également
de la transgression de la Parole de Dieu. Cela fit
beaucoup de bruit. Nombreux furent ceux qui vinrent
écouter la Parole de Dieu, mais il vint
aussi des personnes décidées à
troubler les assemblées, et même
à me battre. Pour leur inspirer de la
crainte s'ils cherchaient à entrer à
l'église, la femme du pasteur se
plaça près de la porte. Je
réfutai tous les arguments du pasteur au
moyen de la Parole de Dieu et, connaissant l'homme,
je dus lui défendre de me contredire durant
mon allocution, faute de quoi je quitterais
immédiatement l'église. Sa femme
avait été saisie par la Parole de
Dieu. Lors d'une étude biblique tenue
à la cure, des soeurs avaient prié et
la femme du pasteur avait dû constater
qu'elle ne pouvait faire de même, ce qui la
fit beaucoup réfléchir. Elle se
rendit compte de sa situation de pécheresse,
et elle était sur le point
de s'ouvrir au Seigneur. Alors le pasteur rentra
chez lui et critiqua les prières des enfants
de Dieu, disant entre autre : « Ils
disent toujours :
« Sauveur ! » Il ne
pouvait supporter cela ; sa femme céda
et l'Esprit de Dieu ne travailla plus en elle.
Oh ! que le réveil sera terrible dans
l'éternité pour de telles
personnes ! Que Dieu nous préserve de
contrister et d'éteindre le
Saint-Esprit !
La haine atteignit son plus haut
point ; le pasteur mit fin à tout,
supprimant ainsi ce travail pour Dieu. En me
rendant à la gare, je me sentais
entouré de moqueurs qui me cherchaient dans
la nuit, désirant m'avoir entre leurs mains.
Lorsque nous arrivâmes au coin de la rue
éclairé d'une lanterne, je pensai
qu'ils me reconnaîtraient, mais je pus monter
dans le train sans aucun mal. J'avais entendu ceux
qui étaient à ma recherche dire ce
qu'ils feraient de moi, mais le Seigneur leur avait
fermé les yeux afin qu'ils ne me
reconnaissent pas. Combien est vraie cette
Parole : « Il ne se perdra pas un
cheveu de votre tête sans la volonté
de votre Père ! »
Durant ces jours auxquels ce pasteur mit si
brusquement fin, l'église était
bondée d'auditeurs, et les gens s'en
étonnaient, disant que cette petite
église n'avait jamais été si
remplie. Par la suite, le vide se fit à
nouveau, comme auparavant, bien que le pasteur
avait prétendu qu'il enseignait comme
moi ; les gens n'assistaient plus au culte. Je
lui avais répondu qu'il n'enseignait
précisément pas la même chose.
J'avais supplié Dieu, désirant que ce
pasteur puisse voir de quelle manière un homme
réalise la paix de
Dieu, et le Seigneur Jésus exauça mon
voeu. Pendant une étude biblique, un homme
se trouvant assis entre le pasteur et
moi-même, réalisa le vrai bonheur. Il
se leva, témoignant de ce que Dieu avait
fait pour son âme à l'instant
même ; mais malheureusement le pauvre
pasteur en resta là. Il en est encore
aujourd'hui comme il est écrit :
« Il a aveuglé leurs yeux, et il a
endurci leur coeur, de peur qu'ils ne voient des
yeux, qu'ils ne comprennent du coeur, qu'ils ne se
convertissent, et que je ne les
guérisse ! » Ma prière
fervente consiste à demander à Dieu
de nous donner des oreilles pour entendre et des
yeux pour voir, afin de connaître les
merveilles de sa Parole, afin que nos
assemblées et leur fréquentation, ne
soient point un jour un jugement contre nous.
Je présidais une fois une
assemblée à E. Le pasteur me fit
demander et me raconta qu'un buveur de sa paroisse,
très lié par le péché,
se trouvait dans une situation
désespérée et probablement en
face de la mort. Il ajouta que cet homme
était si méchant que ses enfants ne
pouvaient demeurer chez lui. Le tonneau
d'eau-de-vie se trouvait dans sa chambre. De plus
il était atteint de delirium tremens et il
avait chassé et menacé le pasteur de
mort lors des visites qu'il lui avait faites.
Lorsque ce buveur crut que sa
dernière heure était arrivée,
il fit tout de même appel au pasteur et c'est
alors que celui-ci me fit chercher, désirant
que nous nous rendions ensemble auprès de ce
malade. Je lui dis que ma
visite ne ferait certainement qu'augmenter encore
sa colère, mais le pasteur persista. Lorsque
nous entrâmes dans la chambre du pauvre
moribond, le pasteur dit à haute voix, et
avec quelque air de
supériorité : « Il est
réservé aux hommes de mourir une
fois, après quoi vient... », mais
il ne put continuer, car l'homme hurlait de telle
façon que cela faisait mal à entendre
« ... le jugement ! »
Ensuite, le pasteur lui demanda s'il était
un pécheur et s'il avait confessé ses
péchés ; le malade
répondit affirmativement. Puis il demanda
encore s'il croyait en Jésus ? À
nouveau le buveur répondit :
« Oui », mais il criait, en
proie à une grande détresse ;
une vapeur chaude montait du lit ! Enfin le
pasteur ne sut plus que faire et me pria de parler
au malade.
Me rendant auprès du lit, je dis au
buveur : « Tu as prétendu
être un pécheur et croire en
Jésus, ce n'est absolument pas exact !
Tu n'aurais pas une frayeur pareille si tu croyais
que tu es un pécheur, et si tu croyais
également en Jésus ! Confesse
tes péchés ! »
Remarquant qu'il désirait parler, je l'aidai
à s'asseoir ; la chaleur de son corps
me faisait une sensation de brûlure aux bras,
et l'homme recommença à crier d'une
voix épouvantable disant :
« Voyez là ces trois femmes !
Les temps ne sont pas encore
révolus ! » Je lui
demandai : « Qu'y a-t-il avec ces
trois femmes ? » Il cria :
« Les balles, les balles, elles
éclatent ! » La femme qui le
soignait vint alors me dire que je devais me taire
et ne pas encore l'exciter, vu qu'il avait le
delirium tremens. « Tais-toi, à
présent, je commande ici,
on m'a appelé ! » Je
questionnai encore ce pauvre homme :
« Qu'y a-t-il avec ces
balles ? » Alors il confessa une
chose après l'autre puis, sortant du lit, il
se mit à genoux au milieu de la chambre. Le
pasteur était debout à nos
côtés ; je me mis à genoux
auprès du malade et priai avec lui. Le malin
sortit de lui et le malade déclara qu'il
l'avait vu s'élancer dans l'abîme.
À cet instant même, Dieu lui pardonna
tous ses péchés. Il réalisa en
même temps la paix de Dieu et devint
immédiatement un enfant de Dieu bienheureux.
La joie se manifesta et il se mit à louer
Dieu ; puis il guérit tout à
fait.
Oh ! comme ce vieillard était
reconnaissant ! Chaque fois que je me rendais
à E. pour présider des
réunions, il était déjà
là, attendant mon arrivée. Environ
une année après, il put entrer dans
la gloire du Père avec la certitude :
« Le Seigneur a ôté tous mes
péchés ! » Son coeur
était inondé d'une paix
profonde ! Que beaucoup d'hommes liés
par le péché et se trouvant sous la
servitude de Satan puissent accepter cela !
« Si nous confessons nos
péchés, il est fidèle et juste
pour nous les pardonner, et pour nous purifier de
toute iniquité ! »
Sur le chemin du retour, le pasteur
s'accusait, se lamentant parce qu'il ne pouvait
aider les gens et se demandait ce qu'il en
était de lui. Il raconta qu'il lui
était arrivé de faire trente visites
en un jour, mais que nul n'avait
réalisé la paix de Dieu. Je lui
répondis qu'il n'avait pas le Saint-Esprit
et que c'est à cause de cela qu'il ne
pouvait aider personne à obtenir la vie
divine ; qu'avec l'enseignement de la morale
et
des bonnes moeurs, on empêche plutôt
les gens à trouver le chemin du ciel. Au
lieu de s'humilier et d'accepter Jésus comme
son Sauveur personnel, ce pasteur continua à
se lamenter.
Jean-Baptiste invitait les scribes et les
pharisiens, leur disant :
« Produisez donc des fruits dignes de la
repentance ! » Cela concerne ceux
qui ne possèdent pas encore l'assurance du
salut, ceux qui ne peuvent amener des âmes
à Jésus, mais qui n'ont qu'une
piété extérieure, tout en
recherchant l'honneur et la reconnaissance des
hommes ! Notre Sauveur dit :
« Comment pouvez-vous croire, vous qui
tirez votre gloire les uns des autres, et ne
cherchez point la gloire qui vient de Dieu
seul ! »
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