Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Voies de Dieu jusqu'à la fondation de l'Assemblée évangélique des frères.

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Je t'instruirai et te montrerai la voie que tu dois suivre. Je te conseillerai, j'aurai le regard sur toi.
(Psaume 32 : 8.)


Souvent et tôt après ma conversion, j'ai rendu témoignage aux réunions de la Croix-Bleue au sujet de la délivrance et du bonheur que l'on a auprès de Jésus. Toutefois, mes auditeurs n'arrivaient que jusqu'à ce stade : signature de la tempérance et vie plus décente. Ils ne réalisaient pas la nouvelle naissance et le pardon de leurs péchés, et ne recevaient point d'assurance quant à leur salut ; moi-même, je ne l'avais pas encore à cette époque. Tous, nous restions sur ce terrain : « Nous sommes de pauvres pécheurs ! » En pensant à la mort, nous espérions recevoir une fois le pardon par Christ, mais cette assurance nous faisait complètement défaut ; il n'en existe précisément point dans une telle attitude ! Dès le jour de ma nouvelle naissance, Dieu bénit mon travail.

Je rendais témoignage selon Actes 13 : 38-39: « Sachez donc, hommes frères, que c'est par lui que le pardon des péchés vous est annoncé, et que quiconque croit est justifié par lui de toutes les choses dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse ! Mais celui qui croit en lui est juste ! »

Dans les assemblées, nos anciens parlaient de tribulations, de difficultés et de chagrins ; je parlais de bonheur, de paix et de joie. Bien des personnes pieuses se rendirent compte qu'elles ne possédaient pas ce bonheur, et une âme après l'autre réalisa la paix de Dieu.

Je fus ensuite nommé président de la Croix-Bleue de Dürrgraben. Le but de mon travail ne consistait pas à amener les gens à la suffisance et à la propre justice, mais je cherchais à leur faire réaliser le salut en Christ. D'autres sociétés de tempérance m'appelèrent à témoigner du salut mais, souvent, je me heurtais à une grande résistance. J'annonçais l'Évangile aux sociétés et aux buveurs, ne parlant pas uniquement de la misère de l'ivrognerie ou du bienfait de l'abstinence, mais je prouvais aux gens qu'on peut être heureux, et que la misère de l'ivrognerie ne disparaît que lorsqu'on a le pardon des péchés et la vie divine, assurance que l'on doit posséder.

Une fois, dans notre Société, je fis passer au vote la question de savoir si nous entendions introduire des réunions de prières tous les huit ou quinze jours. Cette proposition fut rejetée. Rentrant de cette assemblée et pensant à cette décision, je fus angoissé et rempli de crainte. Je me disais : « La prière est ordonnée par Dieu ; tu es donc un bien triste président d'avoir soumis cela à un vote ! » Convoquant alors une nouvelle assemblée des membres, je m'humiliai devant tous, reconnaissant que je n'avais pas bien agi, vu que la prière en commun est une chose ordonnée par Dieu. Je déclarai en outre que, dès à présent, personne n'avait le droit de faire valoir sa voix pour des questions divines sans avoir réalisé la nouvelle naissance, car nous ne voulions pas agir selon le conseil des méchants. Je craignis alors que certains membres quittent l'assemblée mais il n'en fut rien ; dès ce jour, la Société commença à prospérer et, au bout de quelques années, elle comptait cent quatre-vingts membres. Parmi ceux-ci se trouvaient non seulement beaucoup d'anciens buveurs délivrés de la boisson, mais encore beaucoup de personnes délivrées de tout péché, louant le salut et la grâce de Dieu ! Bon nombre de ces membres avaient pu reprendre leurs enfants qui avaient été placés ailleurs, et dans plusieurs familles régnait la joie au sujet de ce que Dieu avait fait par Jésus-Christ.

Dans l'Union chrétienne de jeunes gens de la localité, un frère et moi-même louions Jésus et son oeuvre, en condamnant le péché. Le président de cette société pensa que nous allions provoquer le départ de membres. Bien que leur nombre eût augmenté en peu de temps de vingt personnes, ce président nous fit sentir que nous étions indésirables. Peu de temps après, je fus invité à présider des réunions chez le plus riche paysan de notre commune. Avec un frère, nous eûmes des réunions régulières dans sa ferme. Elles avaient lieu le même jour que la réunion de l'Union chrétienne. Dès le début, et sans intervention de notre part, l'Union se réduisit à un petit nombre d'adhérents. Certains démissionnaires assistèrent dès lors à nos réunions à la ferme, tandis que d'autres renoncèrent aux choses religieuses.

En ce temps-là, le président d'une assemblée me pria de travailler pour elle, mais une certaine crainte s'empara de moi, car jamais encore, il ne m'avait entendu parler ou prier. Comme il voulait m'engager malgré cela, j'eus le pressentiment qu'il avait une arrière-pensée. Je ne possédais pas de joie intérieure pour donner mon assentiment ; j'avais l'impression que, dans ce cas particulier, il ne s'agissait pas de la volonté de Dieu.

Dans le même temps, on me pria de collaborer avec une autre assemblée. Cette fois, je soupçonnai qu'on voulait m'engager uniquement pour faire grossir les rangs de cette assemblée. En effet, les dirigeants me critiquaient beaucoup, ainsi que le témoignage que je rendais de la Parole de Dieu. Je ne pus donner suite à cet appel.

J'avais le sentiment d'être appelé à faire un travail au sein de l'oeuvre de la Croix-Bleue. Or il advint ensuite qu'un ancien et un évangéliste vinrent me demander d'accepter le poste d'agent de la Croix-Bleue du canton de Berne. C'est avec profonde conviction que j'acceptai leur proposition, mais en leur déclarant que je viendrais parmi eux avec la prédication de la croix. Lors de la nomination et en dépit de beaucoup d'hésitations et de contre-propositions, j'obtins la majorité des voix. Cinquante candidats s'étaient annoncés pour ce poste et, sur 96 voix, 92 s'étaient déclarées en ma faveur. Après le vote, le président déclara : « Dieu l'a nommé ! » et la salle fut traversée comme par un bruissement. Nous étions en l'an 1907.

C'est avec une grande joie que je travaillai au sein de la Croix-Bleue. Comme je l'ai déjà dit, je désirais que les buveurs soient délivrés, non seulement de l'abus de l'alcool, mais aussi de leurs péchés. Par la grâce de Dieu, des membres de la Croix-Bleue et d'autres personnes se convertirent à Dieu.

Vint alors la question du salaire. Je déclarai d'abord que je ne désirais pas de gage. Le président répondit : « Nous verrons ! » Un prédicateur, par son raisonnement, avait en effet réussi à me convaincre que les hommes qui acceptent un salaire pour l'oeuvre de Dieu sont des mercenaires, et c'est dans cette pensée que j'avais travaillé jusqu'alors. Plus tard, j'appris que ce prédicateur s'était fait une situation très aisée. Dans les assemblées, il relevait continuellement son attitude à l'égard de cette question de salaire, ce qui incitait les gens à lui glisser de l'argent dans la poche, supposant qu'il était très pauvre. Bien des fois, moi-même j'avais vidé mon petit porte-monnaie pour lui en rendre le contenu.

Après avoir mieux examiné la chose, je vis qu'il fallait une foi plus grande pour se contenter d'un petit gage. J'en informai les dirigeants de la Société. C'est ainsi que j'acceptai un salaire annuel de 1200 francs. On exigea alors que je contracte une assurance-vie. Un certificat médical était nécessaire. J'étais assuré contre les accidents, mais je ne voulais pas d'assurance sur la vie, déclarant que j'étais déjà assuré. On me demanda le motif de mon refus, et je renvoyai à la promesse donnée dans le Psaume 37 : 25. Mes interlocuteurs voulurent alors savoir ce qu'il y est dit. Je ne voulus pas donner ma Bible et ils durent en chercher une dans le voisinage pour lire le passage en question. Des pasteurs et des évangélistes étaient présents, mais aucun d'eux n'était porteur d'une Bible ! Le passage cité dit ceci : « J'ai été jeune, j'ai vieilli ; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa postérité mendiant son pain ».

Je dus quand même me rendre à Bienne pour une visite, avec d'autres membres, pour l'admission à l'assurance. Refusant de me rendre chez le médecin, j'attendis dans le cabinet de travail du pasteur L. Lorsque les autres personnes revinrent de la visite médicale, l'agent voulut m'obliger à la subir également. Je lui demandai s'il était né de Dieu. « Non ! répondit-il. Alors je lui dis : « Il est écrit : Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants ! Ainsi, tout est liquidé ! » et l'entretien fut clos.

Comme les autres agents touchaient un salaire beaucoup plus élevé, le comité, et particulièrement le secrétaire, ne me laissèrent pas de repos. Après une longue résistance, j'acceptai enfin 1700 fr. par an, mais cette fois encore, le comité ne fut pas satisfait, car la différence de salaire avec mes collègues était encore trop grande. Le deuxième agent déclara ensuite qu'il ne pouvait plus continuer ainsi, qu'il avait besoin de jours de congé. on m'en offrit également, mais je refusai. Alors le comité décida de donner mensuellement huit jours de congé à cet agent, tandis que je devais en avoir quinze. Peu de temps après, on déforma les faits ainsi : Berger est engagé à mi-temps et touche la moitié du salaire, soit 1700 fr. par an. Sur ces entrefaites, je commençai de présider des réunions d'évangélisation pendant mon temps de congé. En une année, cela fit vingt-sept semaines. Certains jours, je me faisais accompagner par des amis. Bien des auditeurs prirent un engagement d'abstinence, et un bon nombre d'entre eux se convertirent à Dieu. Les dirigeants du comité s'indignèrent et déclarèrent qu'il fallait cesser d'évangéliser ainsi, sinon la société de la Croix-Bleue perdrait le respect du monde en devenant une société de mômiers. C'est ainsi que je fus à nouveau engagé à plein temps, mais il m'était défendu d'évangéliser pendant plus de trois jours consécutifs au même endroit. Les personnes désirant avoir des semaines d'évangélisation complètes firent une pétition pour exiger que l'on me permette à nouveau de les présider. On accéda à ce désir, mais à la condition que je ne parle plus contre l'usage du tabac, ni de l'adultère, ni de la conversion, ni de la nouvelle naissance.

Je reçus alors une convocation. À cette entrevue étaient présents le pasteur H. et le président cantonal de la Croix-Bleue. H. me demanda : « Que penses-tu de la nouvelle naissance ? » - « Ce que tu en as dit toi-même à la conférence ! » répondis-je. Alors, il commença à parler du tabac et finit par dire qu'un frère qui avait cessé de fumer tomba dans l'orgueil. Plus tard, il se remit à fumer et fut libéré de l'orgueil. Je répondis : « Alors ce n'est pas la prédication de la croix qui est le moyen pour être délivré de l'orgueil, mais l'usagedu tabac ! » En même temps, je poussai du coude un fauteuil sculpté se trouvant là, antiquité rongée par les vers, et celui-ci se brisa. C'est sur cet incident que l'entretien fut clos.

Lors de ma nomination, comme agent de la Croix-Bleue j'avais déclaré de façon formelle que je l'acceptais à condition de pouvoir librement annoncer la prédication de la croix. Le comité unanime exigea que je renonce à cette condition. Je déclarai alors ouvertement qu'ils étaient, en conséquence, tous ennemis de la croix de Christ. Ils se levèrent avec emportement - quelques fauteuils furent renversés. Ils rédigèrent un nouveau contrat d'engagement stipulant notamment ceci : « Exécution sans condition de tous les mandats et ordonnances du comité ». Je ne voulus pas le signer, m'en tenant à cette parole : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes ». Ils me répondirent qu'en refusant de signer j'annulais moi-même mon engagement. Je ne désirais pas cela et je dis à Dieu : « Je signe le contrat mais je ne m'y soumets nullement ! Tu sais que je veux t'obéir et tu dois m'ouvrir un chemin ». À l'assemblée des délégués qui suivit, je fus congédié, obtenant tout de même le témoignage que j'avais prouvé être un chrétien. Il me fut reproché, par contre, de ne pas leur obéir.

Alors vingt-deux sections de la Croix-Bleue se réunirent, voulant donner leur démission et m'engager ensuite. Toutefois, je ne pus me déclarer d'accord avec cette manière de faire, avis partagé d'ailleurs par l'un des membres. Ces sections m'engagèrent tout de même par la suite, ce qui me permit de présider des réunions chez elles. Ainsi je pus continuer à travailler au salut des buveurs mais la Croix-Bleue ne voulut plus me remettre des cartes d'engagement d'abstinence. Là-dessus nous convoquâmes une assemblée de membres à Dürrgraben. Il en résulta la résolution suivante envoyée au comité cantonal de la Croix-Bleue bernoise :

« Dans son assemblée du 4 juillet 1909, la section de Dürrgraben de la Croix-Bleue a pris la résolution suivante : Aujourd'hui, 4 juillet, notre section donne sa démission de l'Association de la Croix-Bleue du canton de Berne et fonde une nouvelle société sous le nom : « Société de la Croix-Bleue libre du canton de Berne, section de Dürrgraben ».

« Cette démission et la fondation d'une nouvelle société ont été le sujet de longues réflexions devant Dieu qui connaît toute chose. Le motif principal de cette décision est le fait connu de tous les membres de la Croix-Bleue du canton de Berne que notre frère Berger, que Dieu a placé comme agent de la Croix-Bleue et qui, dans cette fonction, a été en bénédiction à beaucoup de personnes, n'a pas été réélu lors de la dernière assemblée des délégués de janvier 1909. »

« Les personnes qui ont été bénies par la prédication de frère Berger, et beaucoup d'amis de la Croix-Bleue auxquels le salut des buveurs tient vraiment à coeur, regrettent vivement que ce frère, sans aucun motif biblique, ait été renvoyé comme agent de la Croix-Bleue. »

Après cette démission, nous fîmes imprimer nous-mêmes des cartes de tempérance sous le nom officiel de : « Société libre de la Croix-Bleue ». La Croix-Bleue ne donna aucune suite à l'avis concernant notre nouveau nom. Quelques années plus tard, nous fîmes bâtir une maison de réunions et nous adoptâmes de nouveaux statuts qui furent légalisés. C'est alors que le comité de la Croix-Bleue éleva la voix pour s'opposer au nom de notre groupement trop semblable au leur. Il précisait que si aucune opposition n'avait été faite à la fondation, c'est parce que notre mouvement avait été jugé sans importance. Devant cette contestation il fut décidé que notre société aurait le nouveau nom suivant : « Assemblée évangélique des frères ». C'était le 9 octobre 1914.

Tôt après mon congédiement comme agent de la Croix-Bleue, la congrégation nommée Association évangélique en fit de même ; sans subir aucun interrogatoire, je fus simplement exclu. Lorsque ce fut chose faite, le pasteur Hugendubel, un homme croyant, déclara devant les gens pieux et le monde : « Maintenant, ils n'en ont plus aucun qui soit capable d'enseigner le chemin de la nouvelle naissance aux hommes ! » Ces paroles émanaient d'un homme qui était à la tête de ce mouvement !

Lorsque je porte mes regards vers le passé, je dois constater combien la joie était grande au début dans les communautés au sujet de l'oeuvre de Christ ; on la louait et on en parlait aux autres. Mais, malheureusement, on ne resta pas dans cette position. Des frères de condition modeste annonçaient l'Évangile et témoignaient de Jésus, et par ces témoignages, beaucoup de personnes se convertirent au Seigneur. Toujours, les gens réclamaient ces frères-là pour présider les semaines d'évangélisation, et l'on écrivait même des lettres munies de nombreuses signatures pour les obtenir. Les dirigeants de cette Association évangélique en furent probablement troublés, pensant qu'on les méprisait, car ils ne donnèrent pas suite aux désirs exprimés par ces lettres, envoyant des hommes choisis par eux-mêmes.
Dès lors, les frères de condition modeste n'osèrent plus parler et c'est ainsi que des hommes à la tête de l'Association contristèrent l'Esprit ! Lorsqu'ils parlaient, ils racontaient leurs expériences, puis, ils émettaient un « mais » épouvantable à l'encontre de certains versets bibliques ! « Mais, l'expérience nous a appris autre chose » disaient-ils au lieu de dire : « Il est écrit, ainsi dans la Bible ». Ils déclaraient par exemple : « L'expérience nous a démontré que le vieil homme vit encore ; l'expérience nous a enseigné que nous ne pouvons pas avoir un coeur pur ». Celui qui les écoutait et qui était dans la lumière devait en déduire : « L'expérience doit donc démontrer que nous n'avons pas de rédemption... » Ils parlaient bien d'un bonheur réalisé autrefois, mais ils en parlaient comme d'un feu de paille ! Je leur répondais parfois : « Dieu a assez de paille ! »

Après ma nouvelle naissance, un désir ardent m'incita à annoncer l'Évangile et je fus invité en maints endroits à présider des réunions. Je ne voulais cependant pas m'établir moi-même dans le ministère, pensant qu'il appartenait aux anciens de me nommer. Mais ensuite, Dieu me montra lui-même le chemin. Une année s'écoula, et le désir de témoigner était toujours vivant en moi. Des frères me contredisaient et s'opposaient à mon activité. Souvent cette tentation m'assaillait : « Va à tel endroit, là tu pourras parler sans être contredit ! » Je savais cependant qu'aucun homme ne pouvait faire obstacle à la volonté de Dieu, si Dieu voulait m'employer. Il sait très bien se servir de quiconque, il m'a également employé, mais souvent, j'ai du attendre. À cette époque je présidai à une série de réunions au cours desquelles une trentaine de personnes se convertirent et réalisèrent la paix de Dieu ; il me semblait que si j'avais pu continuer il s'en serait suivi un grand réveil. Mais les choses allèrent comme elles se passent toujours quand des gens se convertissent : le diable se lève avec son « équipe de pompiers » et cherche à éteindre le feu du réveil et à empêcher ainsi l'extension de l'oeuvre de Dieu. Des séparations en sont le résultat.

De telles désunions sont douloureuses, mais c'est ainsi que les choses se passent dans beaucoup de communautés. Durant un certain temps, la vie divine est présente et les gens sont heureux, louant et témoignant du salut ; ensuite tout devient superficiel. La chute est rapide si l'on commence à s'opposer à l'enseignement de la sanctification ; la communauté existe encore, mais le chandelier a été enlevé. Alors Dieu suscite un homme par lequel il apporte la vie et, la plupart du temps, il se forme une nouvelle communauté, parce que l'ancienne ne veut pas utiliser un tel homme ! Précédemment, je croyais que le grand nombre de communautés religieuses était plutôt nuisible. Aujourd'hui mon opinion a changé, bien que ma joie serait grande si toutes étaient unies. En lisant l'histoire de l'Eglise, on se rend compte de quelle manière les communautés ont vu le jour et comment, de cette façon, la vie divine a été maintenue et entretenue. Tout cela est un avertissement pour nous, afin que les choses ne se passent pas ainsi avec notre communauté.

Mais le fait qu'une communauté a beaucoup de membres n'est pas une preuve de vérité ; ce qui est de toute importance, c'est de suivre le chemin de l'Agneau et de rechercher les choses qui sont en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu. Un certain enthousiasme peut se manifester, mais il faut voir ensuite ce qu'il en reste dans les difficultés. Souvent j'ai dû constater à certains endroits qu'il n'y régnaient plus la joie et l'allégresse ! Combien il est important de ne pas tomber dans les plaintes et les lamentations, et de ne pas parler comme certains hommes âgés qui, durant les temps difficiles et de sécheresse, disaient : « Si les grandes tentations et les grandes difficultés surviennent, nous succomberons ! » Nous devons demeurer en tout temps des hommes dans la louange et dans la foi en Dieu, ne perdant jamais la joie en l'Éternel. La persévérance dans le besoin a plus de valeur qu'un enthousiasme de courte durée : « La joie en l'Éternel sera votre force ».


Les voies de Dieu dans la vie privée.

Ne devez rien à personne.
(Rom. 13 : 8.)

Donnez, et il vous sera donné.
(Luc 6 : 38.)


Durant ces années-là, je réalisai la grâce de Dieu d'une façon toute particulière dans les choses terrestres. J'étais bien pauvre lors de ma conversion ; par la suite, je lus dans la Bible qu'il n'y a pas lieu de se soucier du lendemain, mais qu'il faut se décharger sur Dieu de tous nos soucis. J'étais précisément assailli par des soucis qui me poussaient à croire que je serais bientôt sans travail. Certains clients déclarèrent même qu'ils ne voulaient plus rien avoir affaire avec un mômier et qu'ils n'auraient plus recours à mes services. Toutefois, je songeai « qu'il est préférable de mourir de faim plutôt que de ne pas obéir à Dieu ! ». Néanmoins je ne fus pas réduit à cela, car Dieu, selon sa promesse, pourvut à mes besoins. Mes dettes se montaient alors à 270 francs environ, somme qui, en ce temps-là, représentait beaucoup pour moi. En effet, je ne gagnais que 1 franc 50 par jour en travaillant depuis le matin à cinq heures jusqu'au soir à sept heures et demie ; ce gain devait me permettre de subvenir aux besoins de ma grande famille ! Sachant très bien qu'il était déshonorant pour un enfant de Dieu de faire des dettes, mon désir était de payer les miennes. Tous mes créanciers envoyaient des rappels, exigeant le paiement de mon dû ; certains sous menace de poursuites, voulaient être couverts dans les quatre semaines. Je montrai ces lettres à mon Père céleste, puis je me rendis chez les personnes en question pour leur déclarer qu'il m'était absolument impossible de m'acquitter immédiatement de ma dette, que je n'avais aucune certitude de pouvoir le faire bientôt, mais, dès que ma situation s'améliorerait, je ne manquerais pas alors de les payer. Faisant preuve de patience, ces créanciers voulurent bien surseoir à leurs menaces de poursuites.

Il arrivait que, durant un certain laps de temps, nous manquions de pain, mais par contre les pommes de terre, les légumes et le lait ne nous faisaient pas défaut. Dans les réunions, je disais parfois de quelle façon Jésus pourvoyait à mes besoins. Ces déclarations furent entendues par mon boulanger qui assistait aux réunions. Par conséquent, je n'osais lui demander du pain à crédit, car il aurait pu me dire : « Tu nous as pourtant annoncé comment Dieu pourvoyait à tes besoins ! » Alors, je pris la décision de donner, selon ce texte : « Donnez, et l'on vous donnera ! » Il faut agir de cette façon si l'on veut arriver à quelque chose et, ainsi, on commence à croire selon les Écritures.

Dans l'espoir que certains frères les aideront à payer leurs dettes, bon nombre de personnes commencent à suivre les assemblées, faisant même semblant de se convertir ! Dans de pareils cas, il ne faut pas aider à l'injustice ! Je visitais des gens pauvres, ainsi que des buveurs. Lorsque je le pouvais, je leur remettais un franc et c'est alors qu'il m'était permis de lire la Bible et de prier avec eux. En ce temps-là, la valeur d'un franc était estimée ! Cette méthode lorsqu'elle fut connue, fut désapprouvée, car on prétendit que je donnais tout mon argent et que j'avais encore des dettes. Cependant, je ne devais de l'argent à aucune personne se trouvant dans la gêne ! Le thème : « Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres ! » fut à cette époque traité à une conférence de l'Alliance. Le tout était dirigé précisément contre moi et, en commentant ce texte, ce n'est qu'à la question d'argent que l'on prêta de l'intérêt pour arriver à la conclusion que l'on ne devait rien donner aussi longtemps que nous avions des dettes. Parmi les personnes présentes se trouvaient beaucoup d'hommes endettés. Appelé à rendre témoignage à ce sujet, je déclarai : « Avant qu'un homme se permette de donner quelque chose à un malade, un pauvre ou un nécessiteux, vous avez posé la condition qu'il doit d'abord avoir payé la totalité de ses dettes. - Toutefois, la Bible dit ceci : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! »

Admettons donc qu'une pauvre famille souffrant de la faim soit ma voisine et que, de mon côté, je possède cinq francs ; selon votre conclusion, il ne m'est nullement permis d'acheter un morceau de pain pour mon prochain, puisque je dois préalablement payer toutes mes dettes. Si je veux me conformer ainsi à la parole me disant d'aimer mon prochain comme moi-même, je ne devrais alors rien acheter pour moi, n'ayant, par conséquent, d'autre alternative que celle de « crever » de faim - Il me souvient, avoir employé ce terme en cette circonstance. - Cela ne tomba pas dans l'oreille de sourds, mais cette conférence me fit grand bien. Quinze jours après, l'un des prédicateurs, - genre d'adjudant, qui aimait que les anciens aient une haute opinion de lui - vint me rendre visite, essayant encore de me convaincre et répétant que l'on doit payer ses dettes avant de donner quoi que ce soit à son prochain. Quant à moi, je pensais et voulais agir selon cette parole « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »

Après le départ de cet homme, je priai : « Père céleste ! Tu es mon père, tu possèdes de grandes richesses, et je suis ton enfant, mais un enfant ayant des dettes ! » poursuivant, en pensée : « Un garçon pareil n'est-il pas une honte pour toi ? » mais je n'osai certes pas déclarer cela à haute voix ! Huit ou quinze jours après, je reçus une lettre. Elle contenait un billet de cent francs. Tombant à genoux, je rendis grâces à Dieu en pleurant, songeant qu'il me serait possible, à présent, de rendre cette somme à un créancier pieux. Ouvrant complètement l'enveloppe j'y trouvai encore d'autres billets de banque, ainsi qu'une pièce de vingt francs ; la somme totale me permettait de payer exactement mes dettes, exception faite de l'intérêt dû pour un lit ; mais je reçus encore ce montant ! Je constatai ainsi que mon Père céleste m'avait fait don de tout ce qui m'était nécessaire, j'eus foi en lui. Au début, je me confiais en lui pour de petites choses, mais après cet exaucement, je m'enhardis de plus en plus à mettre ma confiance en Dieu. Aujourd'hui, je sais que ma confiance a augmenté, mais j'en suis encore à mes débuts.

Plus on est enfantin, plus est grande la joie du Père céleste ! Une fois, je lui dis que je désirerais posséder une bicyclette, mais que le courage m'avait manqué pour le lui dire, car cela me paressait être un vrai luxe. Peu de temps avant, j'avais fait des essais avec le vélo de mon frère, mais je dus renoncer à ce moyen de locomotion à cause de la faiblesse de mon coeur. Je ne sais donc pourquoi j'eus ensuite ce désir ! - Un matin, entrant à la cuisine, je vis une belle bicyclette neuve que l'on y avait placée pendant la nuit. Nous ne fermions jamais complètement notre maison durant la nuit ; son aspect modeste n'engageait personne à y entrer. Cette bicyclette portait mon adresse, elle m'était donc destinée ; sinon je ne me serais pas permis de l'utiliser. Je désirais monter à bicyclette sans tomber. Cela eût fait grand plaisir aux gens. C'est alors que se produisit le miracle : immédiatement je pus partir, et sans ressentir quoi que ce soit au coeur. Le soir, lorsque je rentrai à la maison après avoir présidé une réunion je remerciai et louai Dieu pour ce beau don.

Beaucoup croient que Dieu serait à même de leur faire don de certaines choses s'ils étaient meilleurs ; je dois dire que je ne me trouvais nullement être bon, mais bien plutôt polisson. Il est amour pour les polissons également ; c'est un père remarquable ! Bien que le courage de lui adresser une prière m'ait fait défaut en maintes occasions. Il m'a tout de même fait don de bien des choses. Immédiatement après ma conversion, je m'étais rendu compte que je ne devais pas demander des secours à des gens pieux, ni à des gens du monde. Bien que je fusse probablement le plus pauvre de la commune, je ne demandai pas l'assistance. Je reçus tout de même de l'aide dans deux cas. Mes enfants étaient du groupe des enfants pauvres qui recevaient gratuitement du lait et du pain, du Nouvel an aux examens de printemps. Lorsque je me convertis, en février, l'un des dirigeants de la commune se rendit chez nous pour me demander si je ne pourrais pas payer la moitié du lait donné à l'école à mes enfants, vu que l'argent ne suffisait pas. Il s'agissait d'une somme de sept francs environ, mais je ne la possédais pas. Pareille demande aurait d'ailleurs dû être adressée à mon voisin, qui ne se trouvait pas être dans ma situation, car il possédait deux vaches. Mais il n'en fut rien. Pensant que j'étais bien le plus pauvre, j'étais tenté d'en déduire que cette demande était due à la haine provoquée par ma conversion. Mais je me défendis à outrance contre cette pensée. Alors je pris la décision qu'à l'avenir mes enfants rentreraient pour le dîner. Malgré l'opposition des responsables, ils rentrèrent. C'était certes mieux que de faire des sottises à l'école durant le repos de midi.

Nous avions tout de même à manger et à boire, pour toute la famille, car nous avions des pommes de terre et nous possédions des chèvres. Plus tard, je compris que les choses avaient été dirigées par Dieu, qui ne voulait pas que son enfant soit à la charge de gens inconvertis, c'est-à-dire des gens du monde. C'est la raison pour laquelle il permit ce que je crus être un acte de haine. Je me rendis compte qu'il voulait ainsi m'éduquer, car il nous exhorte par ces paroles : « Travaillez de vos mains en sorte que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux du dehors et que vous n'ayez besoin de personne ». (I Thess. 4 : 11-12.) Quand au second cas d'assistance, j'en payai la contre-valeur. Si tout d'abord j'accusai les gens de mal agir à mon égard, je vis ensuite que les choses avaient été dirigées ainsi par la bonté de Dieu, car les enfants du Très-Haut ne doivent pas mendier auprès de ceux du monde.

Comme déjà dit, je fus aussi préservé de la mendicité auprès des frères et soeurs dans le Seigneur. À une certaine occasion, je participai à un cours biblique à Berne. J'émis alors le désir d'être reçu chez le pasteur Bovet, car je savais qu'il aidait beaucoup les pauvres. J'y fus reçu et à la demande de M. Bovet concernant ma situation, je répondis que tout allait « bien ». Mais ensuite je songeai que j'aurais quand même dû dire quelque chose au sujet de mes dettes. Le jour suivant, il renouvela sa demande et ma réponse fut identique ; Dieu me préserva, car il voulait payer mes dettes lui-même. Souvent, mes pensées se reportent à ce cours durant lequel j'eus le sentiment d'être transporté dans les lieux célestes. J'en oubliais d'où je venais et où je me trouvais. Pour m'en rendre compte je devais réfléchir un instant.

Souvent l'argent me faisait défaut lorsque je me rendais à une conférence à Berne ; je le demandais alors au Père céleste qui m'en faisait don. Une fois cependant, je priai à ce sujet, mais sans être exaucé. Je me dis alors que je n'avais nullement besoin d'argent de Dürrgraben à Ramsei, et je me mis en route, certain que l'argent me serait encore remis avant le départ du train.

Me voyant passer, les gens me demandaient : « Où vas-tu ? » et c'est d'une voix forte que je répondis d'abord : « À Berne ! » La seconde fois, la réponse se fit plus faible : « À Berne, Dieu voulant ! » Jamais, en une telle circonstance, je ne fus assailli de tant de questions et je pensai : « Que diront-ils, si je dois m'en retourner parce que je n'ai pas reçu l'argent nécessaire ? » et je fus tenté d'ores et déjà de choisir, pour le retour un autre chemin. - On dira peut-être que ce n'était vraiment pas un acte de foi. - Quoi qu'il en soit, j'arrivai à la station, puis j'entrai dans la salle d'attente. Au même moment un homme me remit un billet pour Berne et retour. Combien furent grandes ma joie et ma reconnaissance ! Je dois dire qu'il m'est arrivé aussi de ne pas me rendre à cette conférence, pensant qu'en étant à Berne je ne gagnais rien et que d'ailleurs je ne faisais qu'utiliser de l'argent pour le train et d'autres choses. C'est ainsi qu'il m'arriva de rester à la maison pour travailler. Mais Dieu fit en sorte que je tombai malade à deux reprises, m'empêchant ainsi de gagner quoi que ce soit pendant le temps de la conférence.


Quelques expériences.

Après ma conversion, je commençai de rendre témoignage dans les réunions lorsque l'occasion se présentait, et plus encore après ma nouvelle naissance, car j'éprouvais le besoin de répandre mon coeur au sujet de ce que Dieu avait fait pour moi. Mais à cette époque certains frères « éprouvés » préféraient témoigner personnellement. Un dimanche après-midi, le prédicateur devant présider l'assemblée ne vint pas ; il fallut alors décider qui s'occuperait de l'assemblée du soir prévue à Holz. Le remplaçant habituel ne pouvait s'y rendre. Il désigna un frère, mais ce dernier prétendit ne pas être en mesure de s'y rendre seul. Il lui dit alors : « Berger sera aussi là ! » J'avais écouté ce dialogue et, de plus j'étais mécontent parce que je n'avais pas pu témoigner au cours de l'après-midi. Cela me fit dire : « Je vais à Lützelflüh ! » Alors le dirigeant m'ordonna d'aider à présider la réunion du soir, disant qu'un ordre à ce sujet avait d'ailleurs été donné de Berne en son temps. « Quand a-t-on écrit ? » demandai-je. - « Il y a plus d'une année ! » - « Vous ne m'en avez jamais fait part ! » Sur ces entrefaites, je fus d'autant plus résolu à me rendre à Lützelflüh et non à Holz. C'est avec pareille « marchandise » que je rentrai chez moi et que je déclarai à ma femme : « Je n'irai pas à Holz, je vais à Lützelflüh ! » - « N'est-ce pas du diable ? » me répondit-elle. Alors je dus bien admettre, à voix basse : « Oui, c'est vrai ! Donc, je vais à Holz ! Mais je pensai en moi-même : « Je ne témoignerai pas ! » Je me mis en route. Pendant la moitié du chemin, j'eus à combattre cette tentation : « Je ne témoignerai pas ! » En fin de compte, j'eus honte de cette pensée devant Dieu et je lui dis : « Seigneur, je veux agir selon ta volonté ! » Et lorsque la pensée de ne pas témoigner m'assaillait à nouveau, je rétorquais continuellement : « Que la volonté du Seigneur soit faite, et non la mienne ! » C'est ainsi que je témoignai ce soir-là, et c'est avec une grande joie que j'assistai à la conversion d'une femme, une des plus misérables créatures. C'était une blasphématrice. Elle ne réalisa pas immédiatement la paix.

Le lendemain, dans son trouble et pour oublier son chagrin, elle se rendit chez un vieux mômier qui lui offrit du fromage très salé et du vin ; il lui adressa quelques paroles réconfortantes ; malgré cela, l'angoisse de cette femme augmenta. Elle vint chez moi ; et je lui montrai le chemin de Dieu, priant avec elle ; je dus la laisser partir sans qu'elle ait réalisé la paix de Dieu. Je manquais d'expérience. Après une heure, elle revint et me dit le regard plein de joie : « Lorsque je suis arrivée près du pont, j'ai vu que je suis morte avec Christ ; Jésus est venu habiter en moi et moi en lui ! » Elle louait Dieu, rendait grâces. Rempli d'épouvante, je pensai qu'elle était devenue folle, et je ne fus tranquillisé que lorsque je vis que le sens de ses paroles était conforme à la Parole de Dieu. Cette soeur confessa ensuite le Seigneur sans crainte et, par son moyen, beaucoup de ses semblables se convertirent et bien des demi-chrétiens reçurent la vie divine. Cette femme fut un instrument efficace dans la main de Dieu. Elle eut beaucoup à souffrir, car son mari et son beau-frère la maltraitèrent à tel point qu'elle n'avait presque plus de dents, mais elle ne se laissa pas fermer la bouche pour autant. En agissant ainsi, ces hommes réussirent non seulement à lui briser les dents, mais à faire pénétrer l'amour de Dieu chaque fois plus profondément en elle.

Une fois, je fus appelé à présider une semaine d'évangélisation chez un paysan habitant une ferme très isolée. Un soir, le pasteur de la commune vint également mais il dut chercher une place au fond du corridor ; toutes celles des chambres, de la cuisine et du corridor étaient occupées. Ainsi, nous ne nous vîmes pas, ce qui devait sans doute lui convenir. Il m'écrivit ensuite pour me dire que le témoignage que je rendais de la Parole de Dieu aurait convenu au Moyen Âge, mais que la science théologique d'aujourd'hui nous enseignait quelque chose de mieux. Il ajoutait que lors de cette assemblée, on avait senti la chaleur de l'enfer autour de soi. Il m'envoya un livre à étudier, me conseillant de commencer à la page 53, prétendant qu'ensuite je comprendrais mieux le commencement du livre.
Suivant son conseil, je commençai à la page 53, trouvant beaucoup d'enseignement de morale, mais rien de plus. Intéressé par ce qui pouvait bien se trouver au début du livre je m'y reportai, pour découvrir aussitôt, avec tremblement et terreur, que les puissances de l'enfer s'y manifestaient. Je jetai immédiatement ce livre au feu. J'écrivis au pasteur que je l'avais brûlé, et que lui-même enseignait le chemin de l'enfer à ses auditeurs, au lieu de les amener à Christ. Qu'il était en outre responsable, comme pasteur, de chaque âme de sa paroisse s'en allant à la perdition vu qu'il ne leur enseignait pas la vérité, et que Dieu lui en demanderait compte, tout en réclamant le sang de ses mains. Tout cela fit réfléchir ce pasteur ; il me fit venir pour des assemblées de Croix-Bleue dans son église qui, d'habitude, était peu fréquentée.

Comme j'étais persuadé - aujourd'hui encore - que la destruction des gens est causée, non seulement par l'absorption de l'alcool, mais par le péché en général, je parlai également de la transgression de la Parole de Dieu. Cela fit beaucoup de bruit. Nombreux furent ceux qui vinrent écouter la Parole de Dieu, mais il vint aussi des personnes décidées à troubler les assemblées, et même à me battre. Pour leur inspirer de la crainte s'ils cherchaient à entrer à l'église, la femme du pasteur se plaça près de la porte. Je réfutai tous les arguments du pasteur au moyen de la Parole de Dieu et, connaissant l'homme, je dus lui défendre de me contredire durant mon allocution, faute de quoi je quitterais immédiatement l'église. Sa femme avait été saisie par la Parole de Dieu. Lors d'une étude biblique tenue à la cure, des soeurs avaient prié et la femme du pasteur avait dû constater qu'elle ne pouvait faire de même, ce qui la fit beaucoup réfléchir. Elle se rendit compte de sa situation de pécheresse, et elle était sur le point de s'ouvrir au Seigneur. Alors le pasteur rentra chez lui et critiqua les prières des enfants de Dieu, disant entre autre : « Ils disent toujours : « Sauveur ! » Il ne pouvait supporter cela ; sa femme céda et l'Esprit de Dieu ne travailla plus en elle. Oh ! que le réveil sera terrible dans l'éternité pour de telles personnes ! Que Dieu nous préserve de contrister et d'éteindre le Saint-Esprit !

La haine atteignit son plus haut point ; le pasteur mit fin à tout, supprimant ainsi ce travail pour Dieu. En me rendant à la gare, je me sentais entouré de moqueurs qui me cherchaient dans la nuit, désirant m'avoir entre leurs mains. Lorsque nous arrivâmes au coin de la rue éclairé d'une lanterne, je pensai qu'ils me reconnaîtraient, mais je pus monter dans le train sans aucun mal. J'avais entendu ceux qui étaient à ma recherche dire ce qu'ils feraient de moi, mais le Seigneur leur avait fermé les yeux afin qu'ils ne me reconnaissent pas. Combien est vraie cette Parole : « Il ne se perdra pas un cheveu de votre tête sans la volonté de votre Père ! »

Durant ces jours auxquels ce pasteur mit si brusquement fin, l'église était bondée d'auditeurs, et les gens s'en étonnaient, disant que cette petite église n'avait jamais été si remplie. Par la suite, le vide se fit à nouveau, comme auparavant, bien que le pasteur avait prétendu qu'il enseignait comme moi ; les gens n'assistaient plus au culte. Je lui avais répondu qu'il n'enseignait précisément pas la même chose. J'avais supplié Dieu, désirant que ce pasteur puisse voir de quelle manière un homme réalise la paix de Dieu, et le Seigneur Jésus exauça mon voeu. Pendant une étude biblique, un homme se trouvant assis entre le pasteur et moi-même, réalisa le vrai bonheur. Il se leva, témoignant de ce que Dieu avait fait pour son âme à l'instant même ; mais malheureusement le pauvre pasteur en resta là. Il en est encore aujourd'hui comme il est écrit : « Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur coeur, de peur qu'ils ne voient des yeux, qu'ils ne comprennent du coeur, qu'ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse ! » Ma prière fervente consiste à demander à Dieu de nous donner des oreilles pour entendre et des yeux pour voir, afin de connaître les merveilles de sa Parole, afin que nos assemblées et leur fréquentation, ne soient point un jour un jugement contre nous.

Je présidais une fois une assemblée à E. Le pasteur me fit demander et me raconta qu'un buveur de sa paroisse, très lié par le péché, se trouvait dans une situation désespérée et probablement en face de la mort. Il ajouta que cet homme était si méchant que ses enfants ne pouvaient demeurer chez lui. Le tonneau d'eau-de-vie se trouvait dans sa chambre. De plus il était atteint de delirium tremens et il avait chassé et menacé le pasteur de mort lors des visites qu'il lui avait faites.

Lorsque ce buveur crut que sa dernière heure était arrivée, il fit tout de même appel au pasteur et c'est alors que celui-ci me fit chercher, désirant que nous nous rendions ensemble auprès de ce malade. Je lui dis que ma visite ne ferait certainement qu'augmenter encore sa colère, mais le pasteur persista. Lorsque nous entrâmes dans la chambre du pauvre moribond, le pasteur dit à haute voix, et avec quelque air de supériorité : « Il est réservé aux hommes de mourir une fois, après quoi vient... », mais il ne put continuer, car l'homme hurlait de telle façon que cela faisait mal à entendre « ... le jugement ! » Ensuite, le pasteur lui demanda s'il était un pécheur et s'il avait confessé ses péchés ; le malade répondit affirmativement. Puis il demanda encore s'il croyait en Jésus ? À nouveau le buveur répondit : « Oui », mais il criait, en proie à une grande détresse ; une vapeur chaude montait du lit ! Enfin le pasteur ne sut plus que faire et me pria de parler au malade.

Me rendant auprès du lit, je dis au buveur : « Tu as prétendu être un pécheur et croire en Jésus, ce n'est absolument pas exact ! Tu n'aurais pas une frayeur pareille si tu croyais que tu es un pécheur, et si tu croyais également en Jésus ! Confesse tes péchés ! » Remarquant qu'il désirait parler, je l'aidai à s'asseoir ; la chaleur de son corps me faisait une sensation de brûlure aux bras, et l'homme recommença à crier d'une voix épouvantable disant : « Voyez là ces trois femmes ! Les temps ne sont pas encore révolus ! » Je lui demandai : « Qu'y a-t-il avec ces trois femmes ? » Il cria : « Les balles, les balles, elles éclatent ! » La femme qui le soignait vint alors me dire que je devais me taire et ne pas encore l'exciter, vu qu'il avait le delirium tremens. « Tais-toi, à présent, je commande ici, on m'a appelé ! » Je questionnai encore ce pauvre homme : « Qu'y a-t-il avec ces balles ? » Alors il confessa une chose après l'autre puis, sortant du lit, il se mit à genoux au milieu de la chambre. Le pasteur était debout à nos côtés ; je me mis à genoux auprès du malade et priai avec lui. Le malin sortit de lui et le malade déclara qu'il l'avait vu s'élancer dans l'abîme. À cet instant même, Dieu lui pardonna tous ses péchés. Il réalisa en même temps la paix de Dieu et devint immédiatement un enfant de Dieu bienheureux. La joie se manifesta et il se mit à louer Dieu ; puis il guérit tout à fait.

Oh ! comme ce vieillard était reconnaissant ! Chaque fois que je me rendais à E. pour présider des réunions, il était déjà là, attendant mon arrivée. Environ une année après, il put entrer dans la gloire du Père avec la certitude : « Le Seigneur a ôté tous mes péchés ! » Son coeur était inondé d'une paix profonde ! Que beaucoup d'hommes liés par le péché et se trouvant sous la servitude de Satan puissent accepter cela ! « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité ! »

Sur le chemin du retour, le pasteur s'accusait, se lamentant parce qu'il ne pouvait aider les gens et se demandait ce qu'il en était de lui. Il raconta qu'il lui était arrivé de faire trente visites en un jour, mais que nul n'avait réalisé la paix de Dieu. Je lui répondis qu'il n'avait pas le Saint-Esprit et que c'est à cause de cela qu'il ne pouvait aider personne à obtenir la vie divine ; qu'avec l'enseignement de la morale et des bonnes moeurs, on empêche plutôt les gens à trouver le chemin du ciel. Au lieu de s'humilier et d'accepter Jésus comme son Sauveur personnel, ce pasteur continua à se lamenter.

Jean-Baptiste invitait les scribes et les pharisiens, leur disant : « Produisez donc des fruits dignes de la repentance ! » Cela concerne ceux qui ne possèdent pas encore l'assurance du salut, ceux qui ne peuvent amener des âmes à Jésus, mais qui n'ont qu'une piété extérieure, tout en recherchant l'honneur et la reconnaissance des hommes ! Notre Sauveur dit : « Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ! »

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