Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS XVIII.

L'Eglise renouvelant ses promesses.


Choisissez qui vous voulez servir. Pour moi et ma maison, nous servirons l'Eternel. Le Peuple répondit : A Dieu ne plaise que nous abandonnions l'Éternel pour servir d'autres Dieux ! ... Nous servirons l'Éternel, car il est notre Dieu... Josué dit donc au Peuple : Vous êtes témoins contre vous-mêmes que vous avez choisi l'Éternel pour le servir. Et ils répondirent : Nous en sommes témoins. Jos., XXIV, 15 et suivans.


En écoulant ces paroles, mes chers Frères, votre coeur ne s'est-il pas ému du rapport qu'elles offrent avec ce qui s'est passé au milieu de nous, avec les sentimens que nous avons fait paraître, les résolutions que nous avons prises, les engagemens par lesquels nous nous sommes liés?
A la vue du relâchement qui gagnait dans nos campagnes, et du jour du Seigneur qui tombait dans le mépris, les Chefs de notre petite société, les Principaux du pays, les Anciens de l'Eglise ont partagé l'effroi de leur Pasteur. Persuadés que la Religion tout entière tient à l'observation du Sabbat, comme la Morale à la Religion, et le bonheur des Peuples à la Morale, ils se sont hâtés de fermer l'abîme sous nos pas, de faire une sainte ligue des amis de la piété, des disciples de Jésus ; d'élever un tribunal de l'opinion devant lequel eussent à rougir les profanateurs. Ils ont rassemblé les enfans de l'Église, tous les membres de la Communauté ; et, mettant sous leurs yeux le mal et le remède, montrant avec énergie les sentimens dont ils étaient pénétrés, ils les ont pressés de s'unir à eux en se liant des mêmes promesses; ou plutôt, se fiant à la justice de leur cause, au pouvoir de l'exemple, au coeur de leurs frères, ils se sont écriés :
Pour moi et ma maison, nous servirons l'Eternel. Alors, animé du même esprit, tout le peuple a répondu, (o mon Dieu ! sois à jamais béni de cette résolution fortunée ! ) tout le Peuple a répondu : C'est l'Eternel que nous voulons servir, car il est notre Dieu.

Avant de me livrer aux douces et profondes émotions qu'élève ce souvenir dans mon âme, je dois rappeler deux grandes idées qui naissent de mon sujet.

1.° L'influence de la piété chez les Principaux.
2.° La Sagesse d'un Peuple qui suit l'exemple salutaire qu'il en reçoit.

Dieu veuille bénir cette méditation, et fortifier par sa grâce les sentimens qu'il a mis lui-même dans nos coeurs ! Ainsi soit-il.

I. De tous les moyens de porter les âmes à la vertu, la voix, l'exemple du Juste est le plus efficace comme le plus doux.

L'autorité sans doute est un moyen puissant de contenir les hommes. Que de maux elle peut prévenir ! Que de biens elle peut opérer! Avouons-le cependant, elle se borne à régler les dehors ; elle n'agit point sur l'âme, ne l'échauffe point, n'en fit jamais sortir une résolution généreuse.

De sages conseils peuvent rappeler celui qui s'égare, encourager le jeune homme à marcher dans les sentiers de la justice ; mais ils n'ont pas le même effet dans toutes les occasions, chez tous les caractères ; ils ne peuvent se passer de l'exemple: démentis par la conduite de celui qui les donne, ils excitent l'indignation ou le sourire du mépris.

L'exemple est d'un effet plus général, d'un effet presque irrésistible. Il fait rougir le pécheur sans révolter ses passions, sans offenser son amour- propre; il persuade l'esprit, touche le coeur, frappe l'imagination, se grave dans la mémoire, présente sous des traits sensibles ces vertus qui, pour être adorées, n'ont qu'à se montrer à nos yeux. Il agit par une influence constante, tantôt douce et secrète, tantôt forte et pénétrante. II entraîne les hommes à la fois par cet instinct d'imitation auquel ils cèdent malgré eux, sans le savoir, sans pouvoir s'en défendre, et par cet invincible ascendant que les âmes nobles, ardentes, exercent sur les autres âmes.

Combien l'exemple a plus de pouvoir encore, d'éclat, d'attrait, d'autorité, quand il est donné par ceux qui ont quelque supériorité sur leurs semblables, ceux qu'on regarde, qu'on écoute, qu'on admire, à qui l'on s'honore de ressembler, les Pères, les Maîtres, les Magistrats, les Principaux ! C'est alors qu'où peut tout en attendre. Un saint Roi détruit les idoles, Israël est régénéré. Sur un grand théâtre, sans doute, les effets de l'exemple sont plus étendus, plus frappans; mais ils ne sont pas moins réels, pas moins précieux dans une petite société dont tous les membres sont placés les uns auprès des autres.

Heureux ceux qui font servir au bien des hommes, à l'avancement du règne du Seigneur, les dons qu'ils tiennent de sa bonté, la situation où les a mis sa Providence !
Ce sont des flambeaux, dit l'Écriture, ce sont des flambeaux placés sur un lieu élevé, pour éclairer ceux qui les entourent (Matth. V, 15). C'est à eux que s'adressent, dans un sens plus particulier, plus pressant, ces belles paroles du Sauveur : Que votre lumière luise devant les hommes, afin que voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père qui est au Ciel (Matth. V, 16)
Qu'ils seraient coupables s'ils faisaient tourner au malheur de la société, à la perte de leurs frères, ces moyens puissans d'influence qui sont entre leurs mains ; s'ils méconnaissaient, s'ils trahissaient la noble et touchante vocation qu'ils ont reçue du Ciel ! Mais qu'il est beau de les voir la remplir avec fidélité !

Que j'aime à voir un homme distingué par son rang, sa fortune, ses lumières, donner un nouveau lustre aux vertus chrétiennes, employer au maintien du bon ordre son crédit, son autorité ; faire respecter en sa présence et autour de lui la pudeur, l'équité, la foi !

Que j'aime à voir un chef de famille, un maître, chéri de ses enfans, révéré de ses serviteurs, changer sa demeure en un sanctuaire où l'oeil ne peut rien voir et l'oreille rien entendre qui ne soit propre à rendre meilleur; faire observer dans sa maison, dans ses domaines, la loi de l'Éternel, le repos du Sabbat, et soumettre au joug du Seigneur tous ceux qui lui sont soumis à lui-même !

Que j'aime à voir un Ancien du troupeau, considéré par sa sagesse, son intégrité, son expérience, réprimer le scandale, arrêter le profanateur, intimider le vice, non-seulement par la chaleur de son zèle et les droits de sa place, mais par sa constante fidélité, par l'autorité de sa vie, par sa seule présence !

Que j'aime à voir une Épouse, une Mère, objet d'amour et de respect dans sa maison, bénie de ses voisins qu'elle oblige et du pauvre qu'elle soulage, joindre la piété à la bonté, élever au Seigneur, par son aimable exemple, les coeurs qui se portent vers elle, qui s'ouvrent à sa voix et s'émeuvent à son aspect !

Qu'il est beau de voir toutes ces personnes distinguées par les dons de la nature ou de la fortune, les relations qu'elles soutiennent, la place qu'elles occupent, se rendre dans les parvis sacrés avec ceux qui sont sous leur garde, et mettre leur gloire à s'humilier devant le Très-Haut! Qu'il est beau de les voir défendre avec force, avec chaleur les droits de la piété, et se montrer les appuis de la Religion, de la Morale, qui sont elles-mêmes les grands appuis de la Société !

Tel était Josué, ce digne successeur de Moïse, cet illustre chef des Hébreux. Pressé du désir de les attacher à Dieu pour jamais, il les rassemble; il leur retrace avec force les bienfaits et les droits du Souverain; il déploie en leur présence la douleur d'une âme religieuse qu'afflige profondément l'infidélité du grand nombre, mais qui n'eu chérit que davantage le culte abandonné de son Dieu, et fût-elle seule à lui rendre hommage, n'en serait que plus ardente à l'adorer.
Pour moi et et ma maison, leur dit-il, nous servirons l'Eternel. Que cette voix d'un Chef respecté était propre à remuer Israël, à ranimer en lui la fidélité,  l'amour qu'il devait au Dieu de ses pères! Heureux les enfans de Jacob, de posséder un Josué; plus heureux de ne point résister au noble mouvement qu'ils reçoivent de lui! Ils s'écrient d'une voix unanime ! A Dieu ne plaise que nous abandonnions l'Eternel...! Nous servirons l'Eternel, car il est notre Dieu.

II. Et Vous aussi M. C. F.,  en voyant vos Chefs et les principaux d'entre vous se déclarer pour Dieu comme Josué, vous avez tenu le même langage qu'Israël; vous n'avez point fermé votre coeur à l'heureuse impression d'un exemple généreux; vous avez promis de servir l'Éternel, d'obéir à l'Éternel; vous avez senti que rien n'est plus juste, plus sage, plus avantageux que cette obéissance.

Eh! ne faut-il pas le servir, ce Dieu qui nous a formés, dont la présence remplit l'Univers? L'homme qui trouve partout autour de lui et en lui-même l'image du grand Être, résisterait-il à cette impulsion délicieuse et puissante qui le porte à tomber à ses pieds.

Servir Dieu, c'est servir le Maître auquel nous appartenons, de qui nous dépendons, qui peut nous conserver ou nous réduire en poudre,
nous sauver ou nous perdre (Jaq., IV, 12), qui a sur nous tous les droits que donnent le suprême pouvoir et la suprême bonté, auquel nous tenons par les liens les plus forts, les plus pressans, par tout ce qui remue le coeur et l'imagination, les bienfaits passés, présens, à venir, la crainte et l'espérance.

Servir Dieu, c'est prendre pour guide cet Évangile, le plus beau présent que le Ciel ait fait à la terre; cet Évangile, qui nous présente un système de morale et de doctrine achevé, parfait, dont toutes les méditations des Savans, les codes des Législateurs, les préceptes des philosophes n'ont jamais approché.

C'est dans le coeur de l'homme qu'il met le principe de ses devoirs, et le mobile de ses vertus; il retrace en lui deux sentimens gravés par son Auteur, mais effacés par les passions; deux sentimens applicables à tous les cas, et suffisant pour régler la vie : amour de Dieu, amour des hommes, voilà l'Evangile.
Zèle pour le Très-Haut, dévouement pour ses frères, indulgence pour autrui, sévérité pour soi-même, désintéressement, élévation d'âme, humilité, résignation, espérance, voilà la vertu du Chrétien. - Servir Dieu c'est pratiquer cette vertu, c'est suivre des lois dictées par la Sagesse éternelle, des lois qui ont pour but de nous rendre heureux. - Je vous le demande, M. F., entre les commandemens du Seigneur, quel est celui que vous pourriez retrancher sans faire une plaie à la Société?

Je n'entrerai point dans un champ si vaste, mais j'en prends un qui semble particulièrement relatif à Dieu lui-même et à sa gloire;
Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. C'est pour nous, c'est pour l'intérêt de notre bonheur qu'il ut dicté. Est il un devoir, plus noble et plus doux que ce culte, - ces hommages qui nous unissant à notre Dieu, nous unissent les uns aux autres?
Est-il un devoir plus noble et plus doux que d'adorer ensemble notre Père céleste, de venir, confondus dans cette enceinte, mêler ensemble nos émotions, nos sentimens, nos voeux, nos accens, nos prières? Et quel bienfait, Chrétiens, quel bienfait que cette instruction publique, distribuée dans nos temples par les Ministres de Jésus, tantôt comme un lait pur, tantôt comme une viande solide!

Qui peut dire l'influence de cette Institution unique en son genre, qui met à la portée des hommes les plus simples toutes les vérités de la morale, jadis imparfaitement connues des Sages eux-mêmes, et les rend aussi communes que l'air qu'on respire!
Qui peut dire l'influence de cette institution qui, nous arrachant aux soucis, aux passions de la terre, nous force d'entendre la voix solennelle de notre conscience, de notre Dieu, place devant nous les grands objets de la foi, le jugement, l'éternité! 

Tu ne feras aucune oeuvre ce jour là. Mais ce repos, ordonné par le Souverain, c'est encore pour notre avantage, pour l'avantage de notre âme et de notre corps qu'il nous est imposé. La nature le réclame ; ceux qui refuseraient de le goûter au septième jour épuiseraient leurs forces, avanceraient pour eux les infirmités et la mort, ou plutôt (car cet excès meurtrier ne sera jamais celui du grand nombre) pressés par le besoin de repos, ils s'y livreraient dans un autre temps. Et qu'en arriverait-il? Ce ne serait plus un loisir heureux, bienfaisant, sanctifié par la Religion, limité par elle, donné aux pensées du salut, et aux soins du Ciel, mais un intervalle dangereux, funeste, abandonné tout entier au plaisir, réglé par la passion toute seule, qui ne dit jamais c'est assez, qui épuise la coupe jusqu'à la lie.
Ainsi, par une suite naturelle, naîtraient d'un travail défendu, le libertinage, la débauche, le dégoût, l'abandon du travail lui-même. Ce n'est point là une vaine conjecture: j'en appelle à l'expérience. De tout temps les hommes de moeurs irrégulières firent peu de cas du Sabbat, tandis que les plus laborieux, les plus sages en furent les religieux observateurs. - II y a plus : la cessation du travail est absolument liée au devoir du culte. Si nous étions jamais assez infortunés pour que le jour du Seigneur fût confondu avec les autres jours, ces temples seraient déserts.

Et que deviendraient des hommes absorbés par les soins de la vie, des hommes qui ont peu de temps à donner à la réflexion, au développement des facultés de l'esprit? que deviendraient-ils, quand ils n'entendraient plus la voix touchante, les leçons simples et sublimes de la Religion? Nous ne saurions nous le figurer, nous qu'elle a formés dès nos premières années: le souvenir de ses instructions répandrait long-temps des clartés dans notre âme, comme le crépuscule éclaire nos pas après le coucher du soleil. Mais quel avenir, quelle nuit profonde, effrayante, le mépris du jour du Seigneur amènerait pour nos malheureux enfans! Quelle société où régneraient les passions farouches, grossières, la barbarie des nations sauvages, jointes à la corruption des peuples civilisés ! Ah! sans doute, ils sont bien insensés ou bien coupables, ceux qui ne craignent pas d'affaiblir le respect des jours sacrés, ceux qui ne voient pas les conséquences désastreuses des profanations, ou qui osent les braver!

Que n'aurais-je pas à dire encore? Je n'ai parlé jusqu'ici que des conséquences premières et directes; je ne vous ai pas montré le Tout-Puissant vengeur de son culte et de sa loi ; je ne vous ai pas fait voir son bras redoutable étendu sur les nations criminelles, et ses fléaux volant pour les punir. Toute l'histoire d'Israël n'est qu'une alternative d'infidélités et de châtimens. Aussi l'image douloureuse, des maux qu'ils ont soufferts ajoute une force puissante à la voix de Josué, et les presse de revenir à leur Dieu. Ils savent
combien c'est une chose amère, d'abandonner l'Eternel (Jérémie II, 19).

Et nous, M. F., ne l'avons-nous pas éprouvé ? Hélas ! qu'avons-nous gagné à offenser le Seigneur, à provoquer son courroux? Combien de fois le souvenir des jours de nos pères, la comparaison de leur sort au nôtre n'est-elle pas venue attrister notre imagination, Verser l'amertume dans notre âme! Combien de fois n'avons-nous pas pensé, n'avons-nous pas dit qu'ils étaient plus heureux, comme ils étaient plus fidèles!
Oui, Seigneur, il n'est pour nous de repos, de félicité que sous ton empire, sous ton joug heureux.
Oui, Seigneur, c'est avec un sentiment profond de tes droits, de tes bienfaits, de notre ingratitude, c'est avec un sentiment profond de nos malheurs passés, du besoin de réparer nos pertes ; c'est avec émotion, avec espérance, avec transport, que nous revenons à Toi, que nous jurons encore d'observer ta loi sainte.

Qu'il est intéressant, M. C. F., ce jour où, pour la première fois depuis que vous avez fait cette heureuse promesse, je viens dans ce temple vous adresser la parole! - Dès long-temps,
je l'avouerai, je travaillais en gémissant (Hébr., XIII, 17).

Peut-être l'inquiétude, inséparable d'une vive affection, m'exagérait les progrès du mal. Oui, j'aime à me pénétrer de cette idée: il restait parmi nous plus de foi, plus d'amour pour la Religion, que je n'osais le penser. Mais quel n'est point l'état d'un pasteur qui croit voir l'esprit de la piété s'affaiblir chez un troupeau auquel son âme est liée? L'angoisse d'un père qui craint pour ses enfans, en est peut-être une faible image. Dans son anxiété, il s'accuse lui-même de leurs fautes; il pense avec trouble, avec mélancolie qu'un autre à sa place opposerait plus de zèle au désordre, mettrait en oeuvre, pour faire le bien, des moyens plus efficaces. Une responsabilité terrible pèse sur sa tête; il entend le Juge Souverain lui demander compte des âmes qui lui furent confiées .... Et quand il pourrait s'absoudre et se rassurer sur son propre sort, un intérêt pressant, invincible l'attache à ces âmes en péril.

Plus de paix, plus de joie, tant que durent ses inquiétudes : des nuits sans sommeil, des jours sans douceur, un avenir sans espérance, voilà son partage. L'impuissance de ses voeux, de ses efforts, ajoute à son supplice; cette tendresse active qu'il ne peut rendre utile à ceux qu'il aime, se tourne contre lui pour le. consumer: il ne peut les voir courir à leur perte, et il ne sait comment les en empêcher: il ne saurait ni les quitter, ni demeurer avec eux. Mille sentiments contraires partagent et déchirent son

Telle étoit trop souvent ma situation, Chrétiens, je montais dans cette chaire pour adresser des remontrances qui peut-être (car le reproche aigrit quand il ne corrige pas), peut-être auroient fini par séparer les brebis de leur pasteur, les enfans de leur père. Et que ne ressentis- je point, lorsque parcourant nos campagnes, faible encore et languissant, au lieu du silence qui, le jour du Sabbat, doit régner dans les champs, ou n'être interrompu que par l'hymne de la reconnaissance, au lieu du calme religieux qui doit mettre la nature en accord avec les adorations de l'homme, je vis de tous côtes.....
Mais ne retraçons point ce douloureux tableau. Percé d'un trait que je ne pouvais arracher, je m'agitais, je me roulais dans mes pensées. « Après 26 ans passés auprès d'eux, (répétais-je avec amertume) après 26 ans passés auprès d'eux, verrai-je donc périr entre mes mains ce troupeau que j'ai tant aimé ?»... Au milieu de mon trouble, je conçus pourtant un espoir: j'espérai dans les amis du bien : cet espoir ne m'a ps trompé. J'allai, vous le savez, j'allai confier ma détresse à nos dignes Magistrats, aux Principaux du pays; j'allai leur demander du secours : le reste est leur ouvrage (
1) . L'heureux changement qui s'est opéré est le fruit de leur zèle, le fruit des dispositions favorables qu'ils ont trouvées dans vos coeurs. Ah! si la preuve de sa réalité n'était pas en mes mains, je croirais qu'un songe fortuné m'abuse. Oh, quel rayon d'une joie pure et céleste, quel rayon d'une joie plus douce que toutes celles que peuvent donner les objets du monde, a pénétré mon âme, quand j'ai vu, signé de votre main, l'engagement d'être fidèles au Seigneur! Jamais, non jamais je n'ai mieux senti la force des liens qui m'unissent à vous, et de quel prix est pour moi l'espoir de faire quelque bien dans cette petite portion du champ de l'Eglise. Vous ne le savez pas, M. F.; non, vous ne pouvez le savoir, ce qu'est pour votre pasteur une joie qui lui vientde vous, et comment elle touche la partie la plus sensible de son coeur!......

Béni soit ce Dieu qui tire le bien du mal, ce Dieu qui a fait sortir pour moi l'espérance de l'abattement le plus profond!
Béni soit le Père des miséricordes, qui nous a consolés dans nos afflictions, afin que nous puissions consoler nos frères (2 Cor. I, 3, 4)! Béni soit Dieu, l'auteur des bonnes pensées, des saintes résolutions, des mouvemens vertueux ! C'est à lui que doivent s'adresser nos premières bénédictions.

Nous vous bénissons ensuite, vous, dont la noble chaleur a réveillé les âmes, a mis en mouvement tous ces élémens du bien, ces sentimens de la piété cachés au fond des coeurs ; vous qui les premiers avez dit:
Pour moi et ma maison, nous servirons l'Eternel!

Nous vous bénissons aussi, vous tous, M. C. F.,  qui avez suivi ce touchant exemple, qui avez voulu répandre la joie dans l'âme de votre pasteur, qui avez voulu surtout revenir au Dieu de vos pères; car, je dois le penser, c'est le désir qui vous anime, Oui, quelque ému que je sois des sentimens que vous m'avez témoignés, c'est à Dieu qu'il faut les reporter; c'est lui seul qu'il faut voir, c'est pour lui qu'il faut agir.

L'Église de Genève vous bénit par ma voix. Le consistoire a entendu avec intérêt, avec attendrissement, le récit que j'ai dû lui faire: il m'autorise à vous dire q
u'il rend à Dieu des actions de grâce pour la joie que vous lui faites éprouver, et qu'il le prit d'ajouter à votre foi ce qui peut manquer à sa perfection (1 Thes; III, 9, ).Il m'a été doux d'avoir à lui rendre un tel compte de mes enfans, de pouvoir m'honorer de leurs sentimens et de leur conduite. Il m'est doux de penser que leur exemple édifiera les gens de bien, sera proposé pour modèle à d'autres Églises, en sera peut-être imité. Eh! pourquoi ne s'y trouverait-il pas des âmes généreuses animées du beau feu de la piété ? Pourquoi n'aurions-nous pas la douceur de voir se propager le bien qui a pris naissance au milieu de nous?

Songez seulement, M. C. F., à tout ce qu'emporte la déclaration que vous avez faite : songez à remplir religieusement les devoirs qu'elle vous impose. Je puis vous dire comme Josué :
Vous êtes témoins contre vous-mêmes que vous avez choisi l'Eternel, pour le servir. Vous avez promis, non-seulement devant les Anges, mais devant les hommes : vous avez non-seulement promis, mais signé vos promesses : vous, êtes liés non-seulement par la religion, mais par l'honneur, par un engagement d'honneur, dont l'infraction, moins criminelle sans doute, est plus déshonorante aux yeux du monde. Plus vous avez mérité d'éloges par votre conduite en cette occasion, plus vous seriez couverts d'opprobre si l'on vous voyait la démentir ; mais, je ne dois pas le craindre ; je vous dirai comme St. Paul à ses chers Philippiens : Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la perfectionnera de plus en plus (Philipp., I, 6).

Nos Magistrats, qui ont montre tant de zèle pour rétablir l'ordre et le respect du Sabbat, comprendront sans doute qu'ils doivent user avec une extrême réserve du droit de permettre des travaux d'urgence en ce jour sacré. Ils sentiront qu'il est en leur pouvoir d'établir une règle dans cette Paroisse ; qu'elle est disposée à s'y soumettre, et leur en saura gré. Ils sentiront qu'il dépend d'eux, et d'eux seuls, de consolider le bien dont ils sont les premiers auteurs.

Les Principaux d'entre nous, accoutumés à nous donner l'exemple de la piété, et toujours plus attachés au bien par celui qu'ils nous ont déjà fait, redoubleront de zèle et de scrupule : à l'exemple de St. Paul, ils ne se permettront pas même tout ce qui leur serait permis, de peur (car l'homme exagère toujours ce qu'il imite, quand il s'agit des passions et de l'intérêt), de peur qu'en prétendant suivre leurs traces, on n'en vienne à faire ce qui est défendu. Ils veilleront sur ceux qui les servent, qui les approchent, qui travaillent pour eux. Ils seront eux-mêmes des Pasteurs dans leur demeures et leurs domaines. Ils daigneront s'unir à nous pour maintenir la règle, encourager au bien, prévenir ou réprimer le désordre.

Tous les membres du troupeau sentiront que l'engagement de ne point profaner le Dimanche comprend celui de le sanctifier. Ils ne se permettront rien dans le jour du Seigneur qui ne soit en harmonie avec sa destination, rien qui puisse offenser le Tout-Puissant. Et que gagneraient-ils à suspendre les travaux du corps et de la vie présente s'ils n'employaient pas ce jour aux soins du salut, aux travaux de l'éternité ?
Mais ils l'ont promis, et ils tiendront leur promesse; ils viendront dans le sanctuaire rendre hommage tous ensemble à leur Père, à leur Créateur,
Ah ! si vous en prenez l'heureuse habitude, M. C. F., que ce devoir bientôt vous semblera doux ! Croyez en ceux qui viennent assidûment dans ces parvis. Ils vous diront quel charme ils trouvent dans la parole sainte, dans les prières de l'Eglise et les méditations religieuses; quel malaise ils éprouvent, quand retenus loin de ce temple, ils sont forcés de se priver de l'aliment céleste qui nourrit l'âme et la console.

Enfin, M. F., vous inspirerez à vos enfans l'heureux sentiment de la piété
dans les saintes lettres (2 Tim, III, 15). Vous les préparerez à nos instructions, par ces leçons, ces impressions premières que rien ne remplace, et qu'ils ne peuvent recevoir que de vous. C'est encore une de vos promesses. Et que cette tâche est douce et facile pour le cultivateur ! Qu'il lui est aisé d'élever à Dieu des âmes tendres et naïves, au milieu des merveilles de la création, du grand spectacle de la nature, a la vue des cieux qui racontent la gloire de leur Auteur (Ps., XIX, 2)!
Combien dans les soirées d'hiver, il est heureux auprès de ses foyers, entouré de sa jeune famille, qui s'exerce à lire dans nos Écritures, encouragée par son sourire, animée par son approbation ! Combien ses plaisirs sont plus vrais que ceux qu'il goûterait dans ces lieux funestes, où retentit la joie brutale de l'intempérance et de la débauche!
En formant vos enfans pour Dieu, M. F., vous les formerez pour vous-mêmes : ils seront un jour le soutien, la consolation, la gloire de votre vieillesse ; ils rappelleront parmi nous les moeurs des anciens jours.

Ainsi, Seigneur, en reverdissant dans nos campagnes, l'arbre, auguste de la foi, verra fleurir autour de lui les antiques vertus de nos pères, la charité, la simplicité des moeurs, la divine espérance,
cette espérance qui ne confond point (Rom. V, 5),qui fait supporter, oublier tous les maux de la vie! - Et quel spectacle intéressant pour le Ciel et la terre, qu'une petite société régénérée par la piété, pratiquant les vertus qu'elle inspire, et goûtant la paix, le bonheur qu'elle seule peut donner ! Telle on vit l'Église primitive se conserver pure dans un âge corrompu, et convertir les nations par l'irrésistible attrait de son exemple, - Ah ! s'il nous est donné de réaliser au moins quelques traits de ce touchant tableau, M. F., qu'il sera délicieux pour votre Pasteur d'être, auprès du Seigneur, l'organe de vos voeux, et auprès de vous, celui de ses miséricordes!

Quoi donc, après tant d'alarmes et de perplexités, je pourrais tenir ce langage ravissant!
Pour mol et mon troupeau nous servirons l'Eternel!
O mon Dieu ! quelques années, quelques mois d'une telle félicité.....
Que je voie la piété renaître et s'affermir dans ces campagnes. Alors j'aurai assez vécu; alors je t'adresserai cette prière :
Laisse maintenant aller en paix ton serviteur. Et dans ce grand jour des rétributions, dans ce jour formidable pour le méchant, mais consolant pour les disciples de Jésus, je me placerai à leur tête, je m'avancerai avec eux vers le trône des miséricordes, et je dirai au Rédempteur des hommes : Me voici, Seigneur, avec ceux que tu m'as donnés.
Amen. Amen.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant