Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS XVI.

La prière d'Ézéchias.


Que l'Éternel qui est bon tienne pour faite la propitiation de tous ceux qui ont disposé leur coeur pour rechercher le Seigneur, le Dieu de leurs pères, bien qu'ils ne se soient pas purifiés selon la règle du Sanctuaire. 2 Chron. XXX, 18, 19.


Pour la première Communion de Pâque.

MES Frères; Vous venez d'entendre la prière que faisait un Roi pieux en faveur de ses sujets, rassemblés pour célébrer la Pâque. A peine monté sur le trône, Ézéchias fit rouvrir le temple de l'Éternel, que l'impie Achaz avait fermé; il y rétablit le service divin, depuis long-temps interrompu: et pour que la Pâque y fut célébrée avec la plus grande solennité, non seulement on l'annonça dans tout le royaume de Juda, mais ceux des Israélites des dix tribus, qui n'avaient pas été transportés hors de leur patrie, furent invités à se réunir à leurs frères dans cette intéressante occasion.
Plusieurs s'humilièrent et se rendirent avec joie à cet appel.
La main de l'Éternel fut aussi sur ceux de Juda, dit l'Auteur sacré, pour leur donner un même coeur, afin qu'ils exécutassent le commandement du Roi. Ils vinrent donc en foule à Jérusalem; mais la plupart d'entr'eux ne s'étaient pas purifiés avec les cérémonies prescrites, qui peut-être avaient été mises en oubli. On pouvait donc craindre que Dieu n'eût point pour agréable le culte qu'ils venaient lui rendre: c'est pour prévenir ce malheur qu'Ézéchias suppléa, selon que le temps le permettent, à leur purification, et que, les admettant ensuite à manger l'agneau pascal, il pria Dieu de supporter cette imperfection légale en considération de leurs dispositions intérieures, et de tenir pour faite la propitiation de tous ceux qui auraient tourné leur coeur vers l'Éternel, le Dieu de leurs pères.

C'est donc ici, je le répète, la prière d'un Roi pieux en faveur de ses sujets; et, dans cette Pâque chrétienne, ce sera la prière du Pasteur pour lui-même et pour son troupeau. Elle nous rappelle de grandes vérités cette prière: méditons-la, Chrétiens; pénétrons-nous de son importance, de son absolue nécessité. Comprenons en même temps pour qui elle peut être faite avec succès: livrons-nous ensuite au sentiment de nos coeurs. Réunissant nos voeux, nos soupirs, implorons les miséricordes du Seigneur, et puissions-nous en obtenir
cette grâce, qui vaut mieux que la vie!

I. Vous comparaissez aujourd'hui devant l'Éternel, disait autrefois Moïse au peuple d'Israël, assemblé pour traiter alliance avec Dieu,
vous comparaissez aujourd'hui devant l'Éternel, que, d'un côté, il vous accepte pour son peuple, et que de l'autre, il soit votre Dieu (Deutéronome 29, 10-13). Nous pouvons dans ce jour vous tenir le même langage, mes chers Frères.
Dieu est présent dans ce temple: c'est devant lui que vous comparaissez maintenant. Il vous admet à renouveler l'alliance qu'il a daigné traiter avec nous par son Fils. Il veut lui-même être témoin du serment de fidélité que vous allez lui prêter sur les symboles augustes du corps et du sang du Rédempteur des hommes.

Quel recueillement, quel respect, quelle humilité, quelle  pureté de coeur ne faudrait-il pas apporter à une action si grave et si solennelle! Jugez-en par les dispositions des Esprits célestes que l'Écriture nous représente
se couvrant de leurs ailes (Ésaïe VI, 2)), comme éblouis de la Majesté divine, et craignant de n'être pas trouvés purs. Jugez-en par les dispositions que les Saints hommes ont cru devoir revêtir, lorsque Dieu les honorait de sa présence. Écoutez Jacob: Que ce lieu est respectable! C'est ici la maison de Dieu; c'est ici la porte des cieux (Genèse XXVIII, 17). Écoutez Dieu lui-même, lorsqu'il apparut à Moïse dans le buisson: Déchausse les souliers de les pieds, car le lieu où tu es est une terre sainte (Exode III, 5). Écoutez les ordres qui furent donnés à ce Législateur, quand Dieu voulut publier sa loi sur Sinaï: Va vers le peuple et sanctifie-les aujourd'hui et demain, qu'ils soient prêts pour le troisième jour; car ce jour-là l'Éternel descendra sur la montagne à la vue de tout le peuple; et que les sacrificateursqui s'approchent de l'Éternel se sanctifient de peur que l'Éternel ne les rejette (Exode XIX, 10-11). Écoutez David se préparant à recevoir chez lui l'arche du Seigneur:Éternel! quand tu viendras à moi, je serai attentif à mes voies, je marcherai dans l'intégrité de mon coeur au milieu de ma maison (Psaume CI, 2). Et pour ne pas multiplier ces exemples, écoutez Ézéchias dans notre texte. Après avoir pris toutes les précautions possibles pour célébrer dignement la Pâque, se trouvant encore indigne de paraître devant Dieu, il s'écrie: Que l'Éternel, qui est bon, tienne pour faite la propitiation de tous ceux qui, etc.

Et nous, Chrétiens, que Dieu appelle à une cérémonie si sainte dans ce jour solennel, nous à qui il donne des signes si frappans de sa présence, nous à qui il veut s'unir d'une manière si tendre et si étroite, nous ne serions pas saisis d'une crainte religieuse! nous ne nous anéantirions pas dans le sentiment de notre indignité! nous ne nous écrierions pas à notre tour,
que l'Éternel, qui est bon, tienne notre propitiation pour faite!

D'autant plus, mes Frères, que, dans l'état de relâchement et de tiédeur où est aujourd'hui l'Église, la plupart de ses membres ne se préparent pas, ou ne se préparent qu'imparfaitement à ses plus saintes solennités. Dans des temps plus heureux, les jours, les semaines qui précédaient la célébration de la Sainte Cène, étaient consacrés à l'examen de soi-même, à la retraite, à des lectures, à des méditations pieuses, à des prières plus ferventes, à des réconciliations, à des restitutions, à un redoublement de bonnes oeuvres. Mais aujourd'hui sont-ils en grand nombre ceux qui se rendent attentifs à la voix de l'Église, lorsqu'elle annonce le retour de nos fêtes; ceux qui réfléchissent, qui sondent leurs voies, qui se jugent eux-mêmes pour n'être pas jugés; ceux, en un mot, qui se préparent à la rencontre du Seigneur, de l'Éternel?

Hélas! nous venons peut-être à la Table Sacrée le coeur encore rempli de nos affaires, de nos soucis, de nos soins domestiques, de notre fortune, de notre politique, des plans de notre ambition, que sais-je? peut-être du désir de rentrer bientôt dans le tourbillon du monde, peut-être même avec le regret d'en être sortis.
Ah! comment ne pas craindre que le Seigneur ne se lasse de notre inconcevable légèreté, de notre insensibilité, de nos profanations? Qui ne craindrait que, pour avoir négligé ce précepte de l'Apôtre:
Que chacun s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe (1 Corinthiens XI, 28-29), plusieurs n'aient à attendre ce funeste arrêt: Celui qui mange de ce pain et bois de cette coupe indignement, mange, et boit sa condamnation! Qui ne s'écrierait dans la plus vive émotion de son âme: Que l'Éternel, qui est bon, tienne notre propitiation pour faite, quoique nous ne nous soyons pas préparés selon la règle du Sanctuaire!

Mais qu'est-il besoin d'insister sur la nécessité d'une telle prière? S'il est quelqu'un qui n'en soit pas convaincu, ce ne peut être qu'un de ces hommes qui ne se connaissent point eux-mêmes et que l'orgueil aveugle, un de ces Pharisiens superbes qui se croient justes et au-dessus de nos exhortations, un de ces pécheurs endurcis dont Dieu seul peut réveiller la conscience, à qui lui seul peut rendre le sentiment de leur misère et du besoin qu'ils ont d'un Sauveur.

Les meilleurs Chrétiens, au contraire, ceux qui sentent le plus vivement la force de l'engagement qu'ils forment aujourd'hui, ceux qui s'en sont le plus occupés, ceux, en un mot, qui semblent n'avoir rien négligé pour se purifier selon la règle du Sanctuaire, ce sont eux précisément qui baissent ici la tête et gardent un humble silence; ce sont eux qui reconnaissent tout ce qu'il y a d'imparfait dans leur préparation; ce sont eux qui sont prêts à s'écrier avec un illustre pénitent:
si tu prends garde aux iniquités, qui pourra subsister devant toi? sur mille articles nous ne pourrions répondre à un seul (Psaume CXXX, 3; Job IX, 3), Que l'Éternel, qui est bon, tienne notre propitiation pour faite!

Ainsi, mes Frères, soit que nous examinions les dispositions où il faudrait être pour s'approcher de Dieu, soit que nous pensions aux défauts de notre préparation, soit que nous écoutions les aveux des justes, tout nous dit que le communiant le plus recueilli, le plus zélé, le plus fidèle, doit encore demander grâce, et se réjouir qu'on adresse à  Dieu pour lui cette prière:
Que l'Éternel, qui est bon, etc.


II. Mais sera-ce indistinctement pour tous les membres de l*Église que nous oserons l'adresser au Seigneur, que nous pourrons la lui adresser avec quelque! espérance de succès? Et d'abord, mes frères, sera-ce pour ceux qui, se tenant volontairement éloignés du Sanctuaire, ne viennent pas se joindre à nous pour célébrer la fête auguste qui nous rassemble? Nous les portons sans doute dans notre coeur; nous les embrassons dans l'ardeur de nos voeux; nous prions Dieu qu il ouvre leurs yeux et leur coeur, qu'il les dispose à écouter les sommations de sa grâce et à se tourner vers lui; mais nous ne pouvons lui demander de tenir pour faite leur propitiation, tandis que, sourds à ses invitations les plus tendres, ils ne daignent pas même s'approcher de lui.

La lui adresserons-nous cette prière pour ceux qui ne se rendent dans ces temples, qui ne participent à la Cène que par habitude ou par bienséance, sans y être conduits par aucun mouvement du coeur, sans y être préparés par aucune méditation, par aucun examen réfléchi, par aucune résolution vertueuse? Ah! nous demanderons au Seigneur de réchauffer ces âmes froides et languissantes, de rompre ce mur de glace qui se trouve entre eux et lui, entre nos exhortations et leurs coeurs: nous demanderons à ce Dieu puissant qui souffla dans le premier homme un esprit de vie, d'animer ces statues de quelque étincelle de son feu divin; mais nous n'oserions demander au Dieu d'amour, au Dieu saint et jaloux, de tenir pour faite la propitiation de ceux qui ne sentent rien pour lui.

Ne vous y trompez donc point, mes Frères; les prières des Ministres du Seigneur ne peuvent suppléer tout ce qui manque à la préparation du troupeau, nous sommes bien toujours prêts à élever pour vous vers le Ciel des mains suppliantes, à nous prosterner aux pieds de Dieu, à solliciter sa clémence, à chercher des excuses à vos erreurs, et à nous efforcer d'émouvoir ses miséricordes; mais tout cela demeure inutile si vous ne vous joignez à nos prières; si vous ne nous secondez par les dispositions de vos coeurs.
Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, dit Dieu lui-même en parlant d'Israël corrompu, quand ils intercéderaient en faveur de ce peuple, ils ne me fléchiront point (Jérémie XV, 1). Il en est de même sous l'alliance de grâce: pour être rendus participans de ses privilèges, il est des conditions que vous seuls pouvez remplir: il est en particulier une disposition dont le sang de Jésus-Christ et ses mérites, qui font toute notre confiance, ne peuvent pas eux-mêmes nous dispenser; c'est un retour de sentiment pour toutes les grâces que Dieu vous offre; c'est, selon l'expression de mon texte, un coeur qui se tourne vers lui.

Pour qui pouvons-nous donc prier en ce moment? C'est d'abord pour vous. Fidèles, qui êtes l'ornement de ce troupeau, le soutien de cette Église, la consolation de votre Pasteur; pour vous qui, marchant toujours en présence de l'Éternel, pénétrés d'amour et de reconnaissance pour le Sauveur qui vous a rachetés, désirez en ce jour de vous approcher plus particulièrement de lui; pour vous qui, après vous être préparés avec soin à venir à sa table, sentez tout ce qui vous manque encore, et combien vous, êtes loin de la ferveur, de la fidélité des membres de la première Église: c'est pour vous dont l'imagination s'étonne, à l'idée de la grandeur de l'engagement que vous allez renouveler et dont le coeur s'abat en pensant à vos imperfections, à vos faiblesses: c'est pour vous, que nous formerons, ce voeu:
Que l'Éternel tienne pour faite votre propitiation, puisque vous avez, tourné vers lui, votre coeur!

Ce sera pour vous encore, Pécheurs; car le Dieu que nous adorons, le Dieu que Jésus nous a fait connaître, daigne assurer au repentir les mêmes droits qu'à l'innocence; ce sera pour vous, Pécheurs, qui avez ouvert les yeux sur vos égaremens, qui avez frémi à la vue de la destinée que vous vous prépariez, de l'abîme qui s'ouvrait sous vos pas, qui avez donné des larmes sincères au regret d'avoir offensé le plus généreux des Bienfaiteurs, le meilleur des Amis, le plus tendre des Pères; pour vous qui êtes venus dans ce temple, conduits par la crainte, le respect, l'amour et la foi, par tous les mouvemens qui s'élèvent dans une âme qu'agite le souvenir de ses fautes, qu'émeut la pensée des miséricordes du Seigneur, le désir sincère d'y avoir part en allant à Jésus; c'est pour vous aussi que nous dirons:
Que l'Éternel, qui est bon, tienne pour faite votre propitiation, puisque vous, avez tourné vers lui votre coeur!

Nous lui adresserons encore cette prière pour ceux qui, sans s'être préparés comme le juste, sans avoir gémi comme le pécheur, sentent dans cet instant leur coeur s'émouvoir et se tourner vers le Dieu des miséricordes, vers le Sauveur des hommes.

Oui, Seigneur, tu daignas accorder à l'ouvrier qui se mit à l'oeuvre seulement à la dernière heure du jour, le même salaire qu'à ceux qui l'avaient précédé, tu daignas promettre ton paradis à cet infortuné qui, expirant auprès de toi sur la croix, ne te connut et ne crut en toi qu'à l'instant où la vie s'exhalait de ses lèvres. Oui, Seigneur, ta bonté est infime; j'ose te supplier de ne point rejeter ces voeux tardifs qu'élèvent vers toi des coeurs jusqu'ici peut-être étrangers à ton amour, insensibles à ta grâce. Daigne tenir leur propitiation pour faite, puisqu'ils se tournent vers toi. Fais plus encore; achève en eux ton ouvrage: augmente la puissance et le charme de cette voix secrète qui, dans cet instant, leur parle de tes bienfaits et du bonheur de s'unira toi: marque-les de ce sceau dont tes élus reçoivent l'empreinte. Que ce jour, Grand Dieu, que ce jour soit pour eux l'époque d'une nouvelle naissance; qu'ils sortent du tombeau de leurs vices, qu'ils ressuscitent avec leur Sauveur en nouveauté de vie!

Mais je reviens à ceux qui, pour me servir de l'expression de mon texte, ont disposé leur coeur, ont apporté dans le Sanctuaire des projets de dévouement, de sacrifice pour les offrir au Seigneur; à ceux en particulier qui, venant s'unir à lui dans cette solennité, lui promettent de respecter son culte et de sanctifier le jour qu'il s'est choisi. Eh! quelle disposition plus naturelle, plus juste à cette époque qui ouvre pour nous la scène des travaux champêtres; dans ce moment où les peuples, sortis d'un profond sommeil, ou plutôt d'un délire funeste, reviennent à la Religion comme à la seule protectrice des sociétés! Sans doute il eût fallu ne la perdre jamais cette précieuse disposition, non pas même au sein de la dépravation générale, au milieu d'une génération qui faisait la guerre à l'Éternel, et dans ces temps affreux où les lois humaines osaient s'élever contre les lois divines.
C'est alors, sans doute, qu'il eût été beau de se montrer inspiré, non par des vues basses et terrestres, mais par un principe de conscience: c'est alors qu'il eût été beau de montrer qu'on craignait Dieu plus que les hommes, et qu'on ne voulait pas suivre la multitude pour faire le mal: mais enfin, puisqu'il est peu de personnes qui aient su se préserver de la contagion de cet esprit de vertige qui s'était répandu sur la terre, aujourd'hui du moins que la Religion reprend son empire, aujourd'hui que les Chefs de l'État, de concert avec les Chefs de l'Église, nous rappellent au respect qu'on lui doit, il est temps de revenir à elle, de revenir à elle de tout notre coeur.

Un respect extérieur, forcé, loin de plaire au Dieu qui lit dans les coeurs, l'outragerait: ce qu'il veut de nous, c'est ce sentiment vif et profond qu'inspire à l'homme droit et sensible le souvenir du passé, de cet abîme que nous avons vu s'ouvrir sous nos pas; c'est la pensée de cette grande vérité, dont nous avons vu la démonstration, qu'il n'est point de société sans morale, point de morale sans Religion, point de Religion sans respect pour le culte; c'est ce retour d'un coeur religieux qui se tourne vers le Dieu de ses pères, qui s'engage à le servir avec un nouveau zèle, à s'opposer aux profanations et aux scandales, à faire régner dans sa maison cette crainte de l'Éternel qui fit une partie essentielle des antiques moeurs. Oui, Seigneur, j'ose l'espérer, tu tiendras pour faite la propitiation de ceux qui forment cet heureux projet; et, en faveur de ce zèle pour ta gloire et pour ton service, auquel tu te montras si sensible sous l'ancienne loi, tu leur pardonneras leurs fautes et leurs faiblesses. malgré ce qui peut manquer encore à leur préparation: ta grâce triomphera de leurs infirmités; elle achèvera de les purifier.

Qu'il me serait doux de vous ranger tous dans cette classe, mes chers Frères, de vous croire tous animés des sentiments dont je viens de parler! Qu'il me serait doux de supposer que ce temple, consacré à la piété, ne renferme aucun profanateur, aucun homme qui ose désormais braver le Souverain à la vue des Cieux où il règne, et de la terre qu'il couvre de ses richesses; aucun homme qui veuille irriter de nouveau Celui qui dispense les saisons fertiles, et attirer sur nos campagnes cette malédiction dont il menace ceux qui violeront ses Sabbats!

Mais encore, oublierais-je de présenter la prière d'Ézéchias pour une portion intéressante de l'Église, et qui nous est la plus chère, pour ces jeunes Catéchumènes que nous avons admis tout récemment dans son sein, et qui viennent aujourd'hui pour la première fois, tremblans d'amour et de crainte, s'unir au Dieu que nous leur avons fait connaître, au Sauveur que nous leur avons fait aimer? Quelle époque dans leur vie! Que l'Église, dont ils deviennent membres, doit leur paraître imposante et respectable! Elle est composée non-seulement de ces Chrétiens tièdes ou fragiles, quoique sincères, qui font la génération présente, mais des fidèles de tous les âges, de ces patriarches révérés à qui Dieu lui-même daigna promettre le grand Libérateur, et qui l'adorèrent de loin; de ces Prophètes qui l'annoncèrent, de ces Apôtres qui prêchèrent son Évangile et scellèrent de leur sang la vérité de leur témoignage; enfin de ces justes, parvenus à la perfection, qui environnent le trône de l'Agneau, et s'écrient avec transport:
A celui qui fut immolé soit la louange et la gloire (Apoc. V, 12)

Que la Religion doit leur sembler noble et touchante! Quels objets elle leur offre! Quels mystères elle leur révèle! Le Fils de Dieu descendant sur la terre pour sauver le genre humain, enseignant la vertu, prêchant l'immortalité, souffrant pour les coupables, mourant pour eux, entrant dans le tombeau pour triompher de la mort, s'élevant vers les Cieux qui s'ouvrent pour le recevoir, où il attend ses disciples et leur prépare une place, envoyant sur eux son Esprit, les conduisant à travers les périls, les consolant dans leurs peines, ne cessant de les protéger, de les soutenir, de les défendre!
Oh, comme le coeur de ces jeunes Chrétiens doit s'ouvrir avec ravissement à ces idées sublimes dont l'impression nouvelle pour eux n'a rien encore perdu de sa force et de sa vivacité! Que ces objets si grands sont relevés pour eux encore par le touchant contraste de cet humble Sanctuaire où ils leur sont retracés, de ce temple rustique où tout favorise le recueillement, où le monde ne vient point nous poursuivre de ses frivolités, où rien ne nous arrache à ces saintes et douces méditations! Qu'elles doivent avoir de charme pour de jeunes coeurs!

Plus heureux que nous, ils n'ont pas encore perdu l'innocence du baptême; leurs défauts du moins ne sont pas enracinés; leurs penchans blâmables ne sont pas encore des passions; leur âme, plus pure, peut mieux goûter la beauté de la Religion et les délices de s'unir à l'Être tout-parfait. Il manque peu de choses a leur préparation; cependant, hélas! aux yeux du Saint des Saints, devant qui les Anges ne sont point purs, ils ont besoin comme nous de clémence et de grâce; mais ils peuvent l'attendre avec confiance et nous adressons au Ciel pour eux avec espoir, avec attendrissement, la requête de mon texte:
Que l'Éternel, qui est bon, tienne, etc.
Oui, qu'elle soit faite pour toujours cette propitiation! o mon Dieu, que l'union qu'ils formeront avec toi ne soit jamais rompue, et, s'il se peut y jamais altérée!

Enfin, mes chers Frères, je me plais à dire que j'offre avec une confiance toute particulière la prière d'Ézéchias pour ceux d'entre vous qui, tournant aujourd'hui leur coeur vers l'Éternel, pénétrés de son amour, touchés de ses bienfaits, brûlant du désir d'y répondre, saisiront avec empressement l'occasion de lui présenter le sacrifice auquel il prend plaisir, dans la collecte pour l'Hôpital, que nous sommes chargés de vous annoncer.

Heureuse circonstance! Il semble que le Seigneur, en nous appelant à sa table, veuille dans sa bonté nous fournir un moyen de lui donner une preuve de notre reconnaissance, le moyen de suppléer ce qui manque à notre préparation.
Heureux ceux qui offriront avec joie ou l'abondante aumône du riche, ou la pite de l'indigent!

Heureux ceux qui, pour avoir de quoi donner, sauront s'imposer d'honorables privations; ceux pour qui la rigueur des temps, loin d'être un prétexte de refus, ne sera qu'un motif de plus à s'élargir davantage, chez qui le sentiment de leurs propres besoins excitera une généreuse compassion pour des hommes qui souffrent bien plus encore! Heureux ceux qui, instruits par l'instabilité des choses humaines, chercheront dans les débris de leur fortune de quoi placer sur un meilleur fonds; ceux qui auront la prudence, la noble ambition de prêter à Dieu lui-même, de faire inscrire leurs noms dans les registres du Ciel aussi bien que dans ceux de nos maisons de charité!

Heureux ceux qui, au dernier jour, entendront le Juge des hommes leur adresser ces ravissantes paroles (
Matt. XXV, 34-40): Venez les bénis de mon Père; possédez l'héritage qui vous a été préparé.... J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; car, ce que vous avez fait pour le plus petit de ceux qui croient en moi, vous me L'avez fait à moi-même!

Chrétiens, j'aime à penser que personne de vous ne voudra s'exclure de cette bénédiction: j'aime à penser que les dispositions de vos coeurs nous donnent le droit d'espérer que nos prières monteront jusqu'au trône du Dieu des miséricordes, et qu'elles attireront sur nous ses grâces. Si l'Éternel exauça jadis sous une loi de rigueur la requête du Roi des Juifs, Disciples de Jésus, n'oserions-nous pas attendre un pareil succès sous une loi d'amour, et dans un jour où nous célébrons la mémoire de l'étonnant sacrifice d'un Sauveur
mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification (Rom., IV, 25)?

Ainsi, mes Frères, au lieu de porter la terreur dans vos âmes, comme notre ministère nous y appelle quelquefois, nous vous dirons:
Approchez-vous avec confiance du trône de grâce (Hébr. IV, 16) et, en vous donnant les symboles sacrés du corps de votre Sauveur, nous aurons la douce espérance de vous donner les gages du pardon et de l'immortalité.
Ainsi soit-il.

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