Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS XIV.

La piété dans la jeunesse.


Josias étant encore jeune commença à rechercher le Dieu de David, son père.  2. Chron., XXXIV, 3.


Pour le jour de la distribution des Prix aux Enfans de l'École.

ELLE revient donc, mes Frères, cette fête de la jeunesse que nous célébrons chaque année avec un plaisir nouveau. Nous la devons aux principaux d'entre nous. Vous le savez; peu contens de nous donner dans ces parvis l'exemple de la piété, ils saisissent tous les moyens de la faire fleurir dans nos campagnes; et voyant dans nos enfans l'espoir de cette Église, ils désirent d'exciter en eux une heureuse émulation. Elle revient cette fête; elle réveille dans nos âmes ces émotions vives et douces qu'elle nous fit toujours éprouver.

Pour répondre à ce que vous attendez de nous, à ce qu'exige la sainteté de ce lieu et le devoir de notre ministère, pour entrer enfin dans l'esprit de cette journée, nous nous efforcerons de graver dans le coeur de nos jeunes gens une importante leçon. Nous nous efforcerons de les conduire, de les attacher à Dieu, source de toute vertu, de tout bonheur, comme de toute vérité. Dans ce but, nous venons leur proposer un grand exemple, celui d'un illustre enfant, le plus cher espoir de sa patrie, dont il fut ensuite les délices et la ressource en des jours malheureux. Puissent-ils apprendre, comme Josias, à chercher leur Créateur dès l'aurore de la vie! Puissent-ils, comme lui, devenir l'amour de leurs concitoyens, et ramener sur le lieu qui les a vus naître les regards propices du Maître du monde! Ainsi soit-il. 

Que dès nos premières années nous devions chercher Dieu, c'est-à-dire, penser à lui, étudier ses perfections pour les adorer, ses desseins sur nous pour les remplir, ses lois pour y conformer notre conduite, pour travailler à lui plaire, à mériter sa faveur, c'est ce que votre coeur vous dit déjà sans doute, c'est ce que vous sentirez encore plus vivement si vous suivez les réflexions que je vais vous présenter.

I. Remarquez d'abord que c'est là le seul but réel, le seul but raisonnable de l'éducation de la jeunesse. Chez tous les peuples qui conservèrent des moeurs, les idées religieuses tinrent le premier rang dans cette éducation. Il le fallait ainsi, mes Frères: si, comme les animaux qui respirent avec lui sur la terre, l'homme n'était qu'un être capable de plaisir et de douleur; s'il suffisait de développer ses forces et ses organes, de lui apprendre à rechercher des jouissances passagères, l'instinct tout seul de la nature le ferait sans nous et beaucoup mieux que nous.
Mais puisqu'il reçut une tâche du Maître qui l'a place sur ce globe, puisque cette vie, qui serait si courte pour le plaisir, lui fut donnée pour mériter un bonheur sans fin, puisqu'en lui rendant, au prix de son sang, le droit de prétendre à ce bonheur, Jésus a mis au salut des conditions indispensables, il est clair que le premier but de l'éducation doit être d'enseigner à s'acquitter de cette tâche, à remplir ces conditions, à s'assurer ce bonheur. Il est clair que l'idée de son Créateur, de son Rédempteur, de son Roi, de son Juge, doit être présentée à l'homme dès qu'il peut la saisir. Il est clair enfin que des instructions qu'il recevra sur ce point, des sentimens qu'on gravera dans son âme, peut dépendre son salut éternel.

Et voilà l'idée qui fait palpiter d'une religieuse émotion le coeur d'un père vertueux. Avec quelle anxiété, quand il la médite, il lève vers le Ciel ses mains et ses yeux! avec quelle ardeur, quelle sollicitude, avec quel sentiment inexprimable il implore la bénédiction du Seigneur sur ses efforts!
Ont-ils jamais réfléchi sur un tel sujet, ces parens, insensés qui négligent de faire connaître à leurs enfans le Dieu qui les a faits, le Sauveur qui les a rachetés, et ne voient dans le soin d'élever leur famille qu'un moyen de lui procurer les jouissances de la fortune ou les succès de la vanité? Hélas! peu dignes de porter le nom de père, ils lancent leurs fils sans gouvernail sur une mer orageuse au milieu des vents, et des tempêtes. Il vaudrait mieux, oui, sans doute, il vaudrait mieux qu'arrachés de leurs bras, ces. enfans malheureux fussent nourris chez les peuples sauvages, au milieu des animaux qui peuplent les forêts: ils ne s'élèveraient pas au dernier jour contre les auteurs de leur vie: ils ne leur reprocheraient pas d'avoir ajouté les vices de la société aux penchans d'une nature dégradée, et d'avoir allumé dans leur sein des passions fatales qu'ils auraient pu ne pas connaître.

Peut-être leur donnent-ils quelques règles de conduite, quelques préceptes d'une morale toute humaine; mais ils réprouveront l'insuffisance de ces préceptes qui ne sont pas sanctionnés par t une autorité divine; ils éprouveront pour leur malheur, ils reconnaîtront trop tard qu'elle n'est pas faite pour l'homme cette morale qui prétend se passer de l'idée de Dieu si nécessaire au coeur de l'homme, qu'elle n'est pas la morale de la nature cette morale qui méconnaît Celui que la nature annonce, et dont elle nous dit toute seule que l'amour doit faire notre félicité, et la volonté notre loi.

2.° Mais si le but de toute éducation raisonnable est de conduire l'homme à Dieu, tel est surtout le but de l'éducation qu'on reçoit dans nos campagnes.

La parole de Dieu, voilà, mes chers Enfans, ce qu'on vous apprend à lire; sa loi, voilà ce qu'on s'efforce de graver dans votre mémoire,la science du salut, voilà ce qu'on vous enseigne. Le peu de temps que vous laissent les occupations de la vie, vous met pour la plupart dans l'heureuse nécessité de vous borner à cette étude la plus nécessaire de toutes, même pour cette vie, la seule qui forme à la fois le coeur et le jugement, éclaire l'homme et le sanctifie.
Ah! ne regrettez point ces connaissances plus brillantes que votre situation vous interdit. Croyez-moi, leurs avantages ne balanceraient point leurs dangers: ils font le petit nombre, ceux qui réunissent l'application, l'ardeur, la persévérance, au loisir nécessaire pour acquérir des connaissances approfondies, et l'ignorance est mille fois préférable au demi-savoir.
La vraie science humilie l'homme en l'éclairant; elle le rend religieux et modeste aussi bien que savant; mais elle est au fond d'un abîme: peu de gens pénètrent jusque-là, la plupart s'arrêtent vers l'entrée: là se trouvent le doute, les idées vagues et fausses, l'orgueil,dont la vapeur empoisonnée nous enivre, nous égare. Ceux qui l'ont respirée s'éloignent bientôt de la vérité: l'étude devient pour eux une prétention; ils ne cherchent plus ce qui est, mais ce qui brille; ils ne désirent plus de s'instruire, mais de se distinguer, leur esprit reçoit une direction fausse et mensongère; ils dédaignent les vérités les plus certaines, parce qu'elles sont les plus communes; ils se plaisent à les obscurcir; quelquefois même dans leur délire ils vont jusqu'à refuser leur hommage au Dieu de leurs pères.

Ainsi ces connaissances, qui, telles qu'un flambeau, devaient éclairer leurs pas, ne sont plus qu'une lueur trompeuse qui les perd. Plus heureux, vous êtes à l'abri de ces dangers. La simplicité de votre vie s'accorde avec la vérité; elle conserve naturellement chez vous cette droiture de sens, cette justesse d'esprit qu'on peut regarder comme la pierre de touche du vrai. Ici vous ne connaissez ni les abus de l'étude, ni ses périls; vous ne connaissez que son véritable usage, son véritable but, la piété, la vertu.
Ici le plus instruit de tous est celui qui connaît le mieux la Religion, ses devoirs envers son Dieu, envers ses semblables, envers lui-même, qui voit sous leur véritable aspect cette vie passagère et celle qui doit la suivre; en un mot, c'est le plus savant dans la science des moeurs et de la foi. Son esprit ne connaît que Dieu: la Religion seule en fait la richesse et l'ornement. Tel un beau champ nous présente une seule production, la plus nécessaire de toutes, et nos regards s'y reposent avec plus de plaisir que sur ces terrains chargés d'une foule de plantes confuses, étouffées par le nombre, et presque toujours infectés de quelque herbe vénéneuse.

5.° Commencez dès votre enfance à chercher le Seigneur, vous dirai-je encore, parce que c'est à votre âge qu'on peut mieux s'approcher de lui, et qu'on ne s'en approchera jamais, si l'on ne commence pas alors. C'est dans la première saison de l'année que la terre a toute sa force productive, que la végétation est puissante et rapide.
C'est aussi dans la première jeunesse que se développe chez l'homme le germe des lumières et des vertus: les connaissances nouvelles ont alors un vif attrait pour lui; son esprit conçoit plus aisément; sa mémoire reçoit des impressions profondes, qui ne s'effacent pas même dans un âge avancé; ses penchans vicieux ne sont point encore fortifiés par une longue répétition d'actions criminelles; il est libre de suivre le chemin de la vertu; son coeur est une offrande pure digne d'être présentée à son Auteur: plein de chaleur et de sensibilité, il se porte de lui-même vers l'objet le plus propre à l'émouvoir; le joug du Seigneur lui paraît doux, son fardeau léger, sa loi agréable et parfaite.
Le royaume du Ciel, dit le Sauveur, appartient à ceux qui lui ressemblent (Luc XVIII, 16.).

Ah! profitez de cet âge heureux.
Souvenez-vous de votre Créateur, suivant le conseil du Sage, dès votre jeunesse, avant que les jours mauvais viennent (Ecclés., XII, 1). N'attendez pas ce temps où les soucis, les embarras de la vie vous en ôteraient le loisir et le goût; où, semblable à la terre endurcie, qui ne peut plus s'ouvrir à la semence, votre esprit se fermerait aux pensées de la foi; où l'ivraie, semée par l'ennemi, ne permettrait plus au bon grain d'y germer; où votre âme, dont l'ardeur serait éteinte ou les affections captivées, n'aurait plus rien à offrir au Seigneur qui fût digne de lui. N'attendez pas ce temps où vous ne trouveriez plus en vous-mêmes cette énergie qui rend capable d'efforts généreux. Peut-être serait-ce en vain alors que vous sentiriez votre misère et votre avilissement: vous en rougiriez sans avoir la force de vous en tirer, ou, s'il vous restait le courage de l'entreprendre, vous auriez à livrer des combats douloureux, toujours renaissans, et qui ne vous laisseraient jamais assurés de la victoire.

4.° Enfin, mes chers Enfans, vous devez chercher le Seigneur dès vos premières années, pour assurer le bonheur de ces années et de toutes celles qui doivent les suivre. Quand je vous dis,  consacrez-vous à Dieu dès votre jeunesse, c'est comme si je vous disais, soyez heureux dès le commencement de votre vie, soyez heureux toute votre vie.
Peut-être chercherez-vous le bonheur dans les plaisirs des sens, dans les jouissances de l'amour-propre ou de la fortune, dans quelque autre avantage temporel qui fera naître vos désirs; mais, ces biens terrestres, vous n'êtes point sûrs de les acquérir; vous l'êtes moins encore de les conserver: ils échappent à la main qui veut les saisir; ils percent le bras qui s'en faisait un appui; ils sont plus inconstans que l'onde, plus fragiles que le verre.
La bénédiction de l'Éternel, le bonheur que donnent la piété, la vertu, voilà des biens à votre portée; voilà les seuls biens durables, les seuls qui ne peuvent ni tromper vos recherches, ni vous être enlevés. Et quand il dépendrait de vous de donner aux biens de la terre cette solidité qu'ils n'ont pas, en seriez-vous plus heureux? Savez-vous quel effet ils produiraient dans votre âme? un vide insupportable, ou des désirs dévorans. Ce sont
des citernes crevassées qui ne contiennent point d'eau (Jérém. III, 13), ou bien des ruisseaux empoisonnés qui ne font qu'altérer davantage l'insensé qui s'en approche pour étancher sa soif.

Je voudrais vous épargner une si triste expérience: et lors même que, désabusés par elle, vous reviendriez ensuite au Seigneur, les conséquences fatales de votre infidélité ne cesseraient pas aussitôt; peut-être en souffririez-vous long-temps encore. Une réputation perdue, une fortune détruite, une santé ruinée par l'intempérance et le libertinage, voilà des plaies qui ne peuvent se fermer en peu de temps. Le public se souviendrait de vos torts peut-être long-temps après que vous les auriez expiés. Plusieurs années d'économie, de travaux, ne suffisent pas toujours pour réparer les dissipations de quelques mois; et l'on a vu des hommes, après une longue suite d'actions vertueuses, être tourmentés par le souvenir d'une faute grave qui jetait le trouble dans leur conscience, et leur faisait douter qu'elle pût leur être pardonnée.

Mais, en vous consacrant de bonne heure au Seigneur, mes chers Enfans, aucune époque de votre vie ne sera troublée par les passions, souillée par les crimes et la honte, obscurcie par les regrets et les remords. Vous en écarterez toutes les ombres; vous remplirez votre tâche tout entière, et le petit nombre de vrais biens qu'il nous est donné de goûter ici-bas sera naturellement votre partage. Ainsi quand le ciel est pur dès l'aurore, et que le soleil brille dans les premières heures du jour, il embellit la terre et la féconde, il fait éclore et mûrir les fruits; mais si, précédé par la tempête, il ne se montre que sur le soir, ses rayons faibles et languissans ne peuvent ranimer la nature, ils ne peuvent effacer les traces de l'orage. J'ajouterai qu'il est un sentiment pur, délicieux, qui paraît être le privilège particulier de ceux qui se dévouent au Seigneur dès leur jeunesse. Oui, c'est alors, je le crois, que Dieu les marque de son sceau comme ses élus. C'est alors qu'il leur donne ce sentiment intérieur par lequel il les assure qu'il est leur Père et le sera toujours, ce sentiment dont l'Écriture dit que c'est
l'Esprit de Dieu qui parle à notre esprit, et nous certifie que nous sommes ses enfans (Rom. VIII, 16). C'est ce sentiment qui, lorsqu'ils forment une juste entreprise leur donne l'espoir du succès, et les dispose en même temps à se résigner noblement au revers.

C'est ce sentiment qui, lorsque la Providence se cache, éloigne le trouble de leur âme, et fait qu'ils ne cessent point de croire qu'elle veille sur leurs destinées. C'est ce sentiment qui les garantit de l'ivresse de la prospérité, et dans l'adversité leur fait goûter des consolations d'une douceur inexprimable, leur fait éprouver, suivant l'expression de l'Écriture (
Rom. VIII, 28), que toutes choses tournent au bien de ceux qui aiment Dieu.
C'est ce sentiment qui fait qu'au printemps même de la vie, au milieu de tout ce qu'elle peut offrir de jouissances, ils voient, comme Josias, approcher la mort sans trouble, sans regrets, qu'ils ne sont point agités ni renversés par les orages de la vie, dont les mondains sont le triste jouet. J'aime à penser, mes chers Enfans, que ces réflexions ont fait quelque impression sur vos âmes. J'aime à penser que vous êtes disposés à imiter le beau modèle qui vient de vous être offert, que vous êtes disposés a chercher l'Éternel dès le commencement de votre vie.

Chérissez donc les instructions qu'on vous donne: elles sont destinées à vous conduire à lui. Qu'un but si noble et si beau redouble votre application, qu'il anime votre ardeur. Profitez de cet âge heureux, de ce premier âge dont rien ne répare la perte, et dont l'influence s'étendra sur toute votre vie. C'est pour apprendre à connaître mon Créateur, mon Sauveur; c'est pour apprendre à faire sa volonté que je m'instruis; c'est pour apprendre tout ce qu'il a fait pour moi, tout ce qu'il me permet d'espérer, tout ce que je lui dois d'amour et de reconnaissance; voilà ce qu'il faut vous dire à vous-mêmes, et lorsqu'avec vos jeunes compagnons vous vous rendez auprès de vos maîtres, et lorsque vous, venez dans ce temple écouter nos leçons, lorsque vous vous y préparez dans l'intérieur de vos demeures. Cette grande idée triomphera de la langueur qui se mêle quelquefois à l'étude, et des distractions, des légèretés de votre âge.

Qu'une noble émulation vous enflamme sans aucun mélange de jalousie. Que chacun de vous regarde ses concurrens comme des amis, et désire le prix sans porter envie à ceux qui seront jugés plus dignes que lui de l'obtenir. Que les plus distingués par leurs progrès sentent que ces progrès leur imposent l'obligation pressante de se distinguer aussi par leurs vertus. Que l'amour pour le travail, l'obéissance à leurs parens, le respect pour leurs supérieurs, la piété surtout, soient le fruit des lumières qu'ils ont acquises. S'il n'en était pas ainsi, eux-mêmes déshonoreraient leurs succès.
Ces prix glorieux qu'ils vont recevoir déposeraient contre eux, et leur reprocheraient sans cesse de négliger des devoirs qu'ils connaissent. Que ceux qui n'ont pas reçu de la nature ces dispositions heureuses de l'esprit, cette facilité à concevoir, à retenir, qu'elle distribue d'une main inégale, s'efforcent de compenser ce désavantage par leur docilité, leur application à l'étude, et le fassent oublier parleur douceur, leur attention à remplir tous leurs devoirs. Si malgré leurs efforts, ils ne peuvent égaler leurs amis ou leurs frères, qu'ils se consolent en pensant que, toutes flatteuses que soient les distinctions dont ils sont privés, la plus douce récompense d'un enfant, c'est l'estime du public, l'approbation de ses supérieurs, la joie, l'amour de ceux qui lui ont donné la vie, la protection du Très-Haut, la ravissante pensée qu'il est du nombre de ces enfans que bénit le Sauveur du monde.

Et vous, Maîtres, de qui la génération naissante reçoit les premières instructions, pénétrez-vous de l'importance, de la grandeur de votre tâche. Dites-vous sans cesse à vous-mêmes: nous formons des hommes, nous formons des Chrétiens; nous les formons pour Dieu, pour Jésus, pour le monde à venir.
Que cette pensée vous soutienne dans vos pénibles soins. Ne perdez aucune occasion de graver dans ces âmes flexibles qui tiennent de vous leur première forme, l'idée du Dieu qui les créa, du Dieu qui les a rachetés. Cette idée si grande, si sublime, est si simple en même temps: elle s'applique à tout; elle explique tout; elle existe déjà dans le coeur de l'homme, où l'Auteur de la nature en a placé le germe; il ne faut que l'y développer; il est bien plus aisé qu'on ne pense de la faire concevoir et goûter au jeune enfant. Parlez-lui souvent d'un Maître, d'un Père de qui vient tout ce qu'il contemple, tout ce qu'il reçoit, tout ce qu'il possède, tout ce qu'il est, et qui peut de mille manières le récompenser ou le punir. Parlez-lui d'un Rédempteur mort pour le sauver, et dont il doit suivre les lois. Choisissez dans nos Saints Livres, les premiers qu'on met dans les mains de vos élèves, les histoires les plus intéressantes, les plus propres à faire impression sur eux.
Faites-leur connaître, par exemple, ce trait si touchant de la vie de Jésus, lorsqu'il reçut avec bonté les petits enfans, et censura ceux qui retenaient loin de lui leurs pas timides. Dites- leur que s'ils furent aimés du Sauveur du monde, c'est qu'ils avaient la sincérité, la modestie, la candeur, la soumission, qui doivent caractériser leur âge; et faites- en pour eux un puissant motif de conserver ses qualités précieuses. Ainsi vous aurez des droits sacrés sur leur reconnaissance et sur la nôtre. Ainsi vous attirerez la bénédiction de Dieu sur vos personnes et sur vos travaux.

Pères et Mères, c'est à vous à seconder les maîtres de vos enfans. Vous seuls pouvez assurer le succès de leurs efforts. J'aime à reconnaître que cette paroisse se distingue par le prix qu'elle attache à l'instruction de la jeunesse: mais ne l'oubliez jamais, le but, le véritable but, le grand but de l'éducation, c'est de conduire l'homme à son Dieu, de le conduire à Jésus, au Dieu-Sauveur; et c'est vous qui pouvez le mieux faire atteindre ce but à vos enfans: vous le pouvez, sans effort, par une influence douce et naturelle.

Si vous êtes pénétrés de la vérité de notre Religion sainte, si vous la révérez, si vous la chérissez, n'en doutez pas, vos enfans la respecteront, la chériront comme vous. Leur âme, dans ce premier âge de la vie, se modèle sur la vôtre: alors il dépend de vous de lui faire recevoir pour toujours l'empreinte de vos opinions morales et religieuses: il dépend de vous de les attacher pour toujours au Seigneur. Ce fut peut-être à Jédida, sa mère, que Josias dut cette piété vive et fervente qui le fit briller comme un astre en Israël après une longue suite de princes infidèles: cette supposition peut seule expliquer comment, né dans un siècle corrompu, au milieu d'une cour, centre de cette corruption, fils d'un père idolâtre, il put à l'âge de l'adolescence, concevoir, exécuter cette généreuse résolution d'extirper le culte des faux Dieux;  mais je ne m'en étonne plus, si dès que son esprit put comprendre et que son coeur put sentir, une tendre mère imprima dans ce coeur la crainte de l'Éternel, et fortifia ce sentiment de tout l'amour qu'il avait pour elle.

Le Dieu de nos pères, c'est ainsi que les Patriarches se plaisaient à nommer l'Éternel: c'est en lui donnant ce titre qu'ils exprimaient combien son culte leur était cher et sacré, et faisaient voir en même temps quelle vénération ils avaient pour la mémoire des Abraham, des Isaac, des Jacob, des David, de ces hommes illustres dont le nom seul réveille l'idée de la piété. C'est ainsi qu'un chef de famille religieux vit encore pour les siens après plusieurs générations écoulées, et, suivant l'énergique expression de l'Écriture, leur
commande encore de servir l'Éternel (Genèse XVIII, 19) C'est ainsi que la crainte du Seigneur et l'amour filial se confondent et s'échauffent mutuellement dans l'âme de celui qui apprit de ses parens ce qu'il doit à son Dieu. Le sentiment qu'il a pour ses parens prend un caractère religieux: le zèle qu'il a pour son Dieu semble avoir l'énergie des sentimens de la nature.

Pères et Mères, je vous en conjure donc par votre plus pressant intérêt, par l'intérêt de vos enfans, par votre ambition la plus chère, celle d'en être aimés, révérés; gravez de bonne heure dans leur âme la crainte de l'Éternel. Cette crainte sera leur préservatif contre la contagion de ce monde, où ils doivent entrer. C'est elle encore qui, s'ils avaient le malheur de s'égarer, demeurerait en eux malgré eux, les rappellerait de leurs désordres, et, dès qu'ils seraient rendus à eux-mêmes, les rendrait au Seigneur.

Ah! s'il était quelqu'un parmi nous qui négligeât d'inspirer à ses fils ce sentiment, principe unique de tout bonheur et de toute vertu, quels mots pourraient exprimer son supplice, lorsque, forcé de s'accuser lui-même de leurs fautes, peut- être de leurs crimes et de leur ignominie, souffrant à la fois de leur perte et de ses remords, loin de pouvoir chercher quelque adoucissement pour ses angoisses dans la perspective d'une autre vie, il n'y trouverait pour eux et pour lui qu'un tribunal dressé, des livres ouverts, un Juge irrité, et de terribles sujets d'effroi. Vous tous, mes chers Frères, concourez à former à la piété cette génération qui s'élève. Eh! qui de nous ne désire pas de voir la piété, la félicité régner dans nos campagnes? Qui de nous n'a pas senti son coeur s'émouvoir à l'aspect de ces enfans rassemblés dans le Sanctuaire, et sur le visage desquels se peint l'innocence? Aidons-leur à réaliser ces espérances que leur seule vue élève dans notre âme.

Exerçons sur eux cette influence de l'opinion si puissante sur l'homme, et plus encore sur l'enfant. Que nos égards pour les maîtres qui les instruisent, les disposent à leur obéir, à les respecter. Nourrissons leur émulation; encourageons leurs progrès, applaudissons aux talens et surtout aux vertus.
Que chacun de nous, en qualité de citoyen, de Chrétien, se regarde comme le censeur de ces enfans qui sont la propriété de l'Église et de la Patrie. Qu'aucun de nous ne soit témoin muet de leurs fautes. Que personne ne les voie errer dans les chemins ou dans les places publiques à l'heure fixée pour l'étude ou pour le service divin, sans les en faire rougir.
Surtout, mes Frères, respectez leur innocence. Ne vous permettez jamais en leur présence aucune action déshonnête, aucune parole impie ou licencieuse. Ah! qu'il est coupable celui qui souille la pureté de l'âme d'un enfant! Il l'est plus qu'un meurtrier, plus qu'un empoisonneur: c'est l'âme qu'il blessé et qu'il tue. Il est l'imitateur de ce cruel, de ce premier ennemi de l'homme, de cet ange de ténèbres qui vint introduire le péché dans cet Éden, terre de l'innocence. C'est de lui que le Sauveur a dit:
II vaudrait mieux, pour cet homme, qu'on lui mît au col une meule de moulin, et qu'on le jetât dans la mer (Luc., XVII, 2).

Ne l'oubliez jamais, Chrétiens, car c'est là un de vos devoirs les plus sacrés envers ce Jésus, Roi de l'Église rachetée au prix de son sang, comme envers la société; ne l'oubliez jamais, il faut que toutes vos actions, tous vos discours, en présence de ces enfans, soient propres à faire sur eux une impression de vertu, de salut,à faire naître, à nourrir la piété dans leur âme. Prenez-en l'engagement dans ce lieu saint, sous les regards du Dieu-Sauveur que vous êtes venus adorer, et qui vous le commande par ma voix.

Pères et Mères, Maîtres, Magistrats, Pasteurs, Parens, Amis, Voisins, réunissons-nous tous pour un si grand, pour un si cher intérêt. Et, comme tous nos soins réunis ne seraient rien encore sans le secours du Ciel, implorons tous ensemble sa grâce et son appui.

O Dieu de bonté, qui jettes sans doute sur ces enfans un regard propice, daigne présider toi-même aux enseignemens qu'ils reçoivent! Ouvre leurs esprits; ouvre surtout leurs coeurs: graves-y pour toujours ton amour et ta loi; qu'ils entrent dans le bercail de ton Fils! qu'ils marchent sur ses traces! O Dieu, vers qui nous cherchons à diriger leur sensibilité naissante, après avoir été le premier objet dont on occupa leur enfance, sois à jamais leur guide et leur protecteur! O Dieu, que nous puissions nous réjouir dans nos enfans en les voyant marcher en ta présence, marcher à ta lumière, et, lorsqu'il faudra les quitter, que nous puissions nous réjouir encore dans la ferme espérance qu'après nous ils chercheront
le Dieu de leurs pères, et formeront une société sainte, un peuple chrétien, sur lequel ta bénédiction reposera! Amen. Amen.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant