Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS XI.

Le soulagement de l'homme, ou les soins de la Providence.


Déchargez-vous sur Dieu de tout ce qui pourrait vous inquiéter, car lui-même prend soin de vous, I Pierre, V, 7.


QU'il nous est doux, mes Frères; de vous adresser cette exhortation! Que la Religion, qui la met dans notre bouche, qui nous charge de vous la répéter, doit vous paraître aimable! Dans ces jours sacrés où elle vous rassemble et vous invite à goûter le repos que demande la nature, elle ne s'occupe pas moins, que dis-je? elle s'occupe surtout de l'intérêt de vos âmes: elle veut les soutenir, les fortifier, les nourrir des plus sublimes et des plus salutaires vérités. Ce n'est pas assez pour elle d'assurer quelque relâche à vos corps en suspendant le cours de vos occupations et de travaux souvent pénibles, elle veut soulager vos coeurs du fardeau plus pesant des inquiétudes. Semblable à la mère tendre qui ne néglige aucun soin relatif au bonheur de ses enfans, cette Religion divine veille sur tous nos intérêts: elle les embrasse tous dans sa sollicitude, elle nous fait du bien sous tous les rapports.

Hâtons-nous de prêter l'oreille à sa voix consolante:
Déchargez-vous sur Dieu de tout ce qui peut vous inquiéter. Venez apprendre, mes Frères, à vous faire une juste idée de ce devoir; venez en sentir la justice; venez en apprécier l'influence sur votre bonheur. Et puissent les soins bienfaisans du Dieu qui vous parle ainsi, n'être aujourd'hui perdus pour aucun de vous! Ainsi soit-il.

I. Pour comprendre le sens des paroles de mon texte, observons d'abord qu'elles ne peuvent s'appliquer aux inquiétudes que causent les passions, à ces inquiétudes toujours criminelles par leur nature ou leur excès.
L'avare est tourmenté par la crainte de perdre ce qu'il possède; l'envieux par la perspective des succès d'autrui; l'ambitieux, l'homme vain, par le désir de supplanter un concurrent, d'effacer un rival; le libertin par l'incertitude de réussir dans ses honteux desseins.
Ce n'est point à de tels hommes, sans doute, qu'on peut dire:
Déchargez-vous sur Dieu, etc. Cette invitation suppose quelque rapport entre Celui qui la fait et ceux à qui elle s'adresse. Loin que la sainteté, la justice de Dieu lui permettent d'accomplir de pareils souhaits, de calmer de telles alarmes, il détourne de ceux qui s'y livrent ses regards indignés. Réprimez, leur dit-il, ces désirs insensés et vicieux, mettez un frein à ces passions désordonnées; arrachez-en de votre coeur jusqu'à la racine; abstenez-vous des passions de la chair, qui font la guerre à l'âme (1 Pierre II, 11). II n'est pour vous de repos qu'à ce prix.

Il n'est pas non plus question dans notre texte de ces inquiétudes qui naissent d'une conscience coupable. L'homme souillé de quelque crime, ou dont le coeur est la proie d'une plaie mortelle, craint sans cesse de voir son fatal secret découvert: il redoute ou le mépris de ses semblables, ou le châtiment qu'infligent les lois, ou cette justice plus formidable dont le bras est levé sur lui. De telles inquiétudes ne sont que trop fondées; ce n'est pas à cet homme qu'on peut dire:
Déchargez-vous sur Dieu, etc. Il faut, dit l'Écriture (Jérémie II, 19.), qu'il connaisse et qu'il voie quels maux, quelles amertumes on se prépare en abandonnant l'Éternel. Il faut qu'il apprenne, par ses terreurs, à respecter le Dieu Saint qu'il offensa et les lois éternelles qu'il a violées. Il faut qu'il sente profondément les peines attachées à leur violation: le comble du malheur pour lui seroit d'y devenir insensible. Le tourment qu'il éprouve est le feu qui purifie, le fer enfoncé dans la partie malade pour en extraire les chairs corrompues: le succès du remède est la proportion de la douleur qu'il ressent, c'est le seul moyen d'être amené au Sauveur des hommes, à Celui qui peut le justifier et changer son coeur; c'est la seule ressource, le seul espoir de salut qui lui reste.

À quel genre de craintes peut donc s'appliquer l'exhortation de l'Apôtre? Elle s'applique, mes Frères, à ces inquiétudes naturelles, innocentes jusqu'à certain degré, qui ne sont, hélas! que trop variées et trop communes ici bas.

Vous, mon cher Frère, vous n'avez pu, malgré vos efforts et votre économie, vous tirer de la misère, ou bien vous avez perdu par des revers imprévus le fruit d'un travail légitime, assidu, peut-être l'héritage de vos pères. L'épuisement de vos forces et le déclin de votre santé ne vous permettent plus d'améliorer votre condition ou de changer vos habitudes. Vous craignez pour la fin de votre vie la dépendance, l'abandon, la détresse; mais la sensualité, l'orgueil, l'avarice n'entrent pour rien dans vos peines. C'est à vous que Dieu dit par ma bouche:
Déchargez-vous sur moi de tout ce qui peut vous inquiéter.

Vous, vous êtes affecté profondément des bruits injurieux que la calomnie sème contre vous, et qu'un hasard cruel, des circonstances malheureuses peuvent accréditer. Vous craignez de perdre la confiance, la considération publique; vous craignez que les coeurs même qui vous sont le plus attachés, n'en reçoivent quelque atteinte. L'avenir se rembrunit pour vous, il se présente à vos yeux que l'abandon, l'humiliation; mais des penchans coupables, l'aigreur, le ressentiment, l'amour du monde n'entrent pour rien dans vos alarmes. C'est à vous que Dieu dit:
Déchargez-vous sur moi, etc.

Vous vous affligez d'un malheur public ou particulier; vous déplorez un événement dont les conséquences peuvent être funestes; vous craignez pour votre famille, pour votre patrie, pour l'Église dont vous êtes membres; mais les passions humaines, l'esprit de parti n'entrent pour rien dans vos craintes. C'est à vous que Dieu dit:
Déchargez- vous sur moi, etc.

Vous voudriez laisser à vos enfans un sort assuré: vous craignez de ne pouvoir faire assez pour leur éducation; la faiblesse de votre santé vous fait redouter de les abandonner jeunes et sans guide dans un monde corrompu; vous frémissez à l'idée des périls auxquels ils seront exposés: vous craignez peut-être de les voir éloignés de vous par de fâcheuses circonstances, arrachés à votre amour, à vos soins bienfaisans. Toutes les fois que vos regards s'arrêtent sur eux, mille terreurs assiègent votre imagination et bouleversent votre âme; mais c'est le désir de leur vrai bonheur, la piété, la foi qui vous animent, et non l'amour-propre ou l'ambition. C'est encore à vous que Dieu dit:
Déchargez-vous sur moi, etc.

Ainsi, mes Frères, celui pour qui Dieu fait entendre cette voix, c'est le juste qui n'est ni le jouet des penchans vicieux, ni la proie du remords: c'est celui du moins qui s'efforce de marcher dans les voies de la vertu chrétienne, et dont le coeur est sincèrement tourné vers le Seigneur: c'est le fidèle battu par les orages de la vie, exposé à mille dangers par sa nature et sa condition ici-bas, soumis à la crainte par sa sensibilité, par sa faiblesse. Dieu lui tend sa main secourable; il craint qu'il ne succombe sous le fardeau qui l'accable; il l'aide à soutenir, à porter ce fardeau; il lui fait ouïr ces douces paroles:
Déchargez-vous sur moi, etc.

Chrétiens! j'aime à supposer que je puis les adresser ces paroles à tous les membres de cette assemblée. J'aime à vous considérer tous comme les enfans du Dieu que vous venez adorer. J'aime à supposer qu'après avoir suspendu vos travaux et vous être distingués de ces enfans du monde qui profanent le jour du Seigneur, de ces spéculateurs insensés qui pensent élever leur fortune sur le mépris des lois du Souverain Arbitre de nos destinées, vous êtes venus chercher ici le repos de vos âmes, qui s'ouvrent d'elles-mêmes au devoir consolant que je prêche aujourd'hui.

Mais il ne suffit pas de savoir a qui s'adresse cette exhortation, il faut comprendre encore ce que Dieu nous demande et ce qu'il nous offre.

II. Et d'abord, il ne nous invite pas, sans doute, à compter qu'il fournira seul à nos besoins, tandis que nous-mêmes resterons oisifs. S'il nous a donné l'industrie et l'intelligence, c'est afin que nous soyons les artisans de notre bonheur, que nous agissions du moins avec lui. Il ne prétend pas autoriser la paresse et l'imprudence: le fidèle travaille comme si tout dépendait de lui, et il attend sans inquiétude l'événement parce que tout dépend de Dieu.

Ce serait se tromper encore grossièrement, que d'espérer que le Maître du monde agira d'une manière sensible, extraordinaire, pour écarter les maux qui nous menacent, ou faire réussir nos projets. Il se plaît quelquefois à frapper ses coups où l'on ne peut méconnaître sa main, et qui disent à notre coeur, saisi d'une religieuse émotion:
Certainement, l'Éternel est ici (Genèse, XXVIII, 16.); mais quand il le fait, le Seigneur a moins égard à sa force qu'à notre faiblesse. S'il emploie des signes extérieurs, c'est à cause de l'impression que font sur nous les objets sensibles. Eh! qu'a-t-il besoin de changer la face des événemens, lui qui peut toujours en tirer l'accomplissement de ses desseins? Lui qui peut changer leur effet pour nous! lui qui peut agir sur notre coeur et lui faire goûter des jouissances dans les situations les plus redoutées!

Aussi, mes Frères, dans le cours ordinaire de sa Providence, il aime éprouver notre foi, notre confiance. Il nous traite presque toujours comme il nous traite pour notre subsistance, qui dépend du fruit incertain des moissons, d'une plante fragile, sans cesse battue par les vents, exposée aux déprédations des insectes et des oiseaux. Il aime à voir le fidèle, les yeux attachés sur le Ciel, découvrir à travers les nuages qui l'obscurcissent, les rayons du Soleil suprême qui féconde et vivifie la nature, compter sur un Dieu qui voile sa face, adorer ses desseins sans les comprendre. Ainsi, Chrétiens, ce que vous pouvezattendre du Seigneur, ce n'est pas qu'il dissipera vos alarmes par des coups éclatans, ni même qu'il les dissipera toujours, mais qu'il en adoucira l'impression, qu'il la surmontera par le sentiment de sa grâce. Ce n'est pas qu'il changera toujours votre condition, mais qu'il vous rendra capable de la supporter, qu'il fera tout concourir au bonheur général et même à votre avantage particulier.

Se décharger sur Dieu de tout ce qui pourrait nous inquiéter, c'est donc remettre en ses mains, avec une entière confiance, nos intérêts et notre sort: c'est ne pas nous servir de la faculté de prévoir pour entasser dans l'avenir tous les maux possibles, ne pas même porter des regards inquiets sur cet avenir que lui-même arrange pour nous: c'est voir approcher l'événement sans trouble et sans impatience.

L'homme qui peut se reconnaître à ces traits, fût-il dans la situation la plus périlleuse, ne sera jamais tenté de faire des démarches qu'interdisent la foi et la piété: il craindrait trop d'irriter Celui qui règne sur l'univers, ou de se soustraire à ses vues bienfaisantes. Lors même que tout paraît désespéré, que tout appui lui manque, qu'il est abandonné de la nature entière, il ne cesse pas de compter sur son Dieu; et si ce Dieu ne vient pas toujours à son aide, comme il l'aurait souhaité, s'il ne le délivre pas toujours du danger, le trouble cependant n'approche pas de son coeur. Les vues de mon Dieu, se dit-il à lui-même, sont supérieures aux miennes; il sait mieux que moi ce qui me convient;
que sa volonté soit faite, et non pas la mienne (Matt., XXVI, 39.). Ainsi, par confiance, par résignation, par amour, il accepte même les souffrances, si Dieu juge à propos de les lui dispenser.

III. Toute sublime, tout élevée au-dessus de la nature que paraisse une telle conduite, elle n'est cependant que la conséquence nécessaire de nos relations avec Dieu. Nous y sommes appelés également par la raison et par la toi. Pourquoi devons-nous nous décharger sur Dieu de ce qui pourrait nous inquiéter? C'est parce que Lui-même prend soin de nous.

Oui, grand Dieu! tu prends soin de nous. C'est là une vérité gravée dans les Cieux, sur la terre et dans le coeur de l'homme. C'est par toi que roulent les astres: c'est toi qui revêts le printemps de sa parure: c'est toi qui conserves les espèces des plantes et des animaux; négligerais-tu ton plus bel ouvrage sur la terre, ton ouvrage le plus chéri?
Tu fais croître les lis des champs, tu nourris les oiseaux de l'air; abandonnerais-tu l'homme qui vaut beaucoup plus qu'eux? (Matt., VI, 26-30.) Mais c'est pour lui que tu commandes à la terre de donner son fruit dans son temps, que tu commandes aux saisons de se succéder. Ne craignez donc point, mes Frères, au milieu de cette foule d'êtres qui nous environnent; je vous le déclare en son nom, nous sommes les premiers que distinguent ses regards, nous sommes le principal objet des soins de sa Providence,

Eh! pourquoi ces lois qu'il nous donne, cette Révélation dont il nous enrichit, ce Fils qu'il nous envoie,
cette Parole éternelle faite chair (Jean, I, 14.), ce grand Rédempteur immolé pour nous, s'il ne voulait pas nous donner toutes choses avec lui (Rom., VIII, 32.), s'il n'avait qu'indifférence pour notre sort? Pourquoi cette activité qu'il a mise dans notre âme, ce plaisir qu'il nous fait trouver dans l'exercice de nos facultés, cet intérêt si pressant qu'il nous fait prendre au bonheur de nos enfans, au sort de ceux pour qui nous avons fait quelque chose, qui dépendent de nous par quelque endroit, à la conservation même des ouvrages sortis de nos mains? Ces dispositions ne nous annoncent-elles pas que Celui de qui nous les tenons agit sans cesse (Jean, V, 17.), déploie sans cesse ses perfections divines, qu'il conserve, protège toutes les créatures, et veille particulièrement sur celles qu'il a douées des plus belles facultés?

Et n'est-ce pas encore ce que nous dit l'expérience? Si l'histoire des peuples nous offre les grands traits d'une Providence qui dirige tout, se joue des passions des hommes, les fait servir au succès, de ses desseins, notre propre histoire ne nous offre-t-elle pas des traits plus particuliers et plus touchans qui portent dans notre coeur la persuasion de cette vérité ravissante:
Dieu prend soin de nous? En repassant votre vie, mes chers Frères, depuis votre naissance, ne croyez-vous pas avoir été conduits par une invisible main qui vous éloignait des écueils que vous n'aperceviez même pas, et par des chemins souvent détournés vous faisait arriver au but?

Combien de fois une petite circonstance, qui d'abord ne paraissait rien,à décidé notre sort, amené notre bonheur! Combien d'événemens, qui, de loin, semblaient funestes, sont devenus pour nous une source d'instructions, souvent de jouissances! Combien de fois ce Dieu qui nous dirige ne s'est-il pas joué de nos conjectures inquiètes, de nos murmures téméraires! Et, sans sortir de la vie champêtre, des objets qui nous entourent, combien de preuves remarquables et touchantes n'avons-nous pas de cette bonté, de cette puissance divine, si supérieures à nos pensées!
Tantôt des saisons contraires nous faisaient craindre de ne pouvoir semer ou recueillir ce grain précieux qui nourrit l'homme; tout semblait perdu. Dieu commandait au soleil de paraître; quelques beaux jours changeaient la face de la terre et faisaient succéder l'espoir à nos alarmes.
Tantôt une sécheresse cruelle menaçait de tout faire périr de langueur. L'Éternel faisait tomber une pluie bienfaisante, qui ranimait la nature comme par enchantement:
elle détrempait la terre, suivant l'expression du Psalmiste (Ps. CIV, 14.), l'arrosait avec abondance, reverdissait les prairies et préparait le blé.
Tantôt le fruit de nos champs, dont nous attendions beaucoup, se trouvant réduit soudain à peu de chose, notre imagination se troublait; nous disions avec anxiété:
Où trouverons-nous du pain pour tout ce peuple? (Jean, VI, 5.) Et l'Éternel, ému de pitié, bénissait, multipliait au centuple une seconde moisson; il lui commandait de pourvoir, de suffire à nos besoins. Quelquefois un fléau destructeur étendait tellement ses ravages, que nos campagnes semblaient devoir s'en ressentir long-temps; et bientôt, reconnaissant la vanité de nos inquiétudes, nous disions, en bénissant Dieu: nous sommes trompés en bien.

Ce n'est pas toujours, il est vrai, par des délivrances pareilles, ni par des délivrances proprement dites, que le Seigneur montre qu'il prend soin de nous; mais les maux même, oui, ces maux publics et particuliers que des esprits audacieux, des esprits téméraires, dans leur aveuglement, présentent comme une objection contre la Providence, sont une preuve nouvelle de ses tendres soins.
Les uns sont destinés à régénérer les nations, à retremper les âmes, à ranimer en elles les germes de la piété, de la foi. Ce sont ces orages qui couvrent l'horizon de ténèbres, bouleversent la nature, nous offrent l'aspect affreux de la confusion et du combat des élémens, mais qui, par une secrète influence, fécondent le sol et purifient l'atmosphère.
Les autres ont pour mission d'éclairer le pécheur ou d'éprouver le juste, de le rendre plus digne d'une immortelle récompense. On peut les comparer à ces opérations douloureuses, mais salutaires, qu'exécute un médecin ferme et courageux, malgré les cris du malade, ou bien au procédé de l'artiste habile qui met son or dans l'ardent creuset pour l'en retirer plus pur et plus brillant.

Ainsi, loin de nous annoncer que Dieu voit notre sort avec indifférence, ces maux nous disent
qu'Il nous aime, qu'il nous aime bien mieux que nous ne saurions nous aimer, qu'il regarde à nos vrais intérêts plus qu'à notre faiblesse, qu'il envisage l'âme plus que le corps, l'éternité plus que l'instant passager qui s'enfuit.

Ainsi, lors-même qu'il nous afflige, il prend un soin tout particulier de nous: alors aussi ses consolations se répandent dans l'âme soumise; elles la relèvent, la fortifient: enveloppés encore des nuages de l'infortune, nous voyons percer les rayons d'une divine espérance. Il ne suffisait pas cependant que la raison pût nous conduire à cette grande idée que Dieu prend soin de nous; il ne suffisait pas que cette vérité découlât de sa nature et de la nôtre. Pour prévenir toutes nos craintes, pour dissiper toutes nos incertitudes, il a daigné nous en faire dans sa parole les déclarations les plus formelles. Il dit à chacun de nous, comme autrefois à Josué;
(Chap., I, 9.) Je ne te laisserai point, je ne t'abandonnerai point. Fortifie- toi et prends courage; que rien ne te trouble et ne t'épouvante, car je serai avec toi partout où tu iras.
Et pour nous convaincre qu'il ne dédaignera pas de pourvoir même à nos plus légers intérêts, il va jusqu'à nous assurer que
tous les cheveux de notre tête sont comptés (Luc, XII, 7.). Il se plaît à prendre l'engagement de veiller sur nous, de nous protéger dans tous les instans, comme s'il voulait subvenir à notre faiblesse, et nous armer pour ces momens d'angoisse où le trouble de l'imagination obscurcit le jugement. Il nous invite lui- même a nous décharger sur lui de tout ce qui pourrait nous inquiéter, et c'est assez nous dire qu'il veut obtenir notre confiance pour prix de ses soins.

Ne sentez-vous pas à présent, mes Frères, combien il est raisonnable, naturel et juste de nous reposer sur Dieu. Il gouverne le monde; il prend soin de nous, et nous ne serions pas tranquilles! Insensés! nous confions nos jours à un médecin, notre fortune à un négociant, notre sort à un protecteur: nous confions notre existence tout entière à des hommes faibles, impuissans, sujets à l'erreur comme nous; et lorsque Celui chez qui la sagesse, la puissance, la bonté résident dans leur plénitude, nous offre de veiller sur nos intérêts, nous refuserions de nous abandonner à sa conduite! L'enfant porté dans les bras de sa mère, traverse les plus grands périls avec le doux sourire de la sécurité; et nous, appuyés sur ce bras qui soutient les mondes, nous éprouverions l'inquiétude et la crainte!nous refuserions au Très-Haut l'hommage de notre confiance!

Ah! nous lui devons cet hommage; il l'attend de nous; c'est le seul dont il puisse être flatté. Les astres suivent la marche qu'il leur trace; les animaux sont conduits par l'instinct qu'il leur a donné; mais ces créatures inanimées ou privées d'intelligence cèdent à sa volonté, sans avoir la connaissance de ses perfections et le sentiment de son amour. L'homme, l'homme seul peut honorer son Créateur, parce qu'il peut seul, en se confiant en lui, en se reposant sur lui, en s'abandonnant à ses soins sans réserve, lui offrir l'hommage du coeur, dont il est jaloux.

Et c'est aussi là, mes Frères, c'est aussi le moyen de l'intéresser à notre sort. J'en appelle à vous-mêmes. Ne regardez-vous pas comme sacrés les intérêts qu'on vous confie? Il n'y a que l'homme absolument dépravé chez qui ce sentiment soit détruit. Que dis-je? on a vu des malheureux enfoncés dans le bourbier du crime se montrer encore sensibles à la confiance; on les a vus servir avec fidélité, avec dévouement ceux qui s'étaient remis en leurs mains. Quel blasphème donc, quel blasphème ne serait-ce pas de penser que l'Être tout-parfait puisse trahir ou négliger les intérêts de l'homme dont le coeur se rend à ses invitations et compte sur ses promesses!

Mais si celui qui refuse de se confier en Dieu, de se décharger sur lui de ses soucis et de ses peines, est coupable, infiniment coupable envers son Créateur, son Père, il est bien plus à plaindre encore.
Malheur, dit l'Écriture, (Jérém., XVII, 5.) à celui qui se confie en l'homme et qui de la chair fait son bras.
Malheur à celui qui ne se confie pas en Dieu, et que Dieu, pour cette raison, ne protège pas! C'est un voyageur épuisé, haletant sous le fardeau dont il est chargé: il le traîne en gémissant, et rejette les secours de Celui qui seul pourrait le décharger. Au poids des malheurs présens, sous lequel il est près de succomber, il ajoute le poids de ceux qui n'existent pas encore. Plus infortuné que la brute, qui ne souffre qu'au moment où elle sent l'atteinte de la douleur, son imagination, cette faculté céleste qui, s'élançant dans l'avenir, peint tous les objets du plus vif coloris, et nous fut donnée pour adoucir, pour effacer les maux présens par la ravissante perspective des biens éternels, cette imagination fait son supplice; elle l'entoure de fantômes effrayans, qu'il ne peut ni fuir ni repousser.

Opposez à ce tableau celui du fidèle qui se repose sur son Dieu. Mais comment peindre une telle situation? Pour l'apprécier, il faut l'avoir goûtée: dès que je veux en offrir quelques traits, le sentiment de sa douceur inonde mon âme, et je ne trouve plus d'expression.

O vous qui, dans une circonstance critique, avez vu l'horizon s'éclaircir pour vous, lorsque l'ami en qui vous avez mis votre confiance s'est chargé du soin de vous guider.Vous qui, dans un péril éminent, étiez éperdu, troublé jusqu'au moment où un père, un époux s'est approché de vous, a pris votre main tremblante, et vous a dit par ses regards: Je suis la pour te défendre! Vous qui, dans un lit de maladie, environné
des cordages de la mort (Ps, CXVI, 3.), sentiez votre courage renaître au seul aspect du médecin! essayez du moins, essayez de comprendre quelle doit être la félicité de l'homme qui se décharge sur son Dieu, sur son Dieu de tout ce qui peut l'inquiéter. Il goûte ce calme délicieux, ce calme parfait de l'esprit et du coeur, qui fut la chimère des anciens philosophes et le but qu'ils poursuivaient. Mais s'il fut honorable pour l'humanité de concevoir une telle situation et d'y aspirer, hélas! on n'en vit approcher qu'un petit nombre d'hommes rares; et même, pour émousser les traits de l'inquiétude, ne connaissant d'autre secret que d'éteindre la sensibilité, ils ne goûtèrent le repos qu'aux dépens du bonheur.

Religion divine! Religion de mon Sauveur! toi seule peux nous conduite dans les sentiers de la paix et de la sagesse. Au lieu de ces maximes pompeuses dont retentissent les écoles de la philosophie humaine, de ces maximes si difficiles à saisir, à pratiquer, tu nous dis:
Déchargez-vous sur Dieu, etc. Ainsi tu mets ce que la raison a de plus sublime à la portée de l'esprit le plus simple et du coeur le plus faible, et loin que l'élévation où tu nous places refroidisse la douce chaleur du sentiment, c'est par l'amour que tu nous y fais monter.

Voulez-vous, mes chers Frères, faire l'heureuse expérience de cette félicité? En voici le moyen. Observez ce grand précepte de Jésus, auquel toute la loi se rapporte:
Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ton âme (Matth., XXII, 37.). Pénétrez-vous de sa toute présence, et de ses soins paternels. Environnez-vous de l'image de ce bon, de cet adorable Sauveur qui vous appelle, qui vous dit: Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai. Matt. XI, 28.
Alors un sentiment de repos et de calme se joindra pour vous à l'idée de ce Dieu Sauveur. Penser à lui, parler de lui, servira de baume à vos plaies. En toute circonstance, en tout lieu, et surtout quand vous entrerez dans ce sanctuaire,
quand vous vous approcherez de Celui qui l'habite, il s'approchera de vous (Jacq. IV, 8.); ses consolations restaureront, rafraîchiront votre âme. Ainsi soit-il.

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