Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS IV.

Le Printemps, et l'indignité de l'homme.


Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui? Qu'est ce que le fils de l'homme, pour qu'il soit l'objet de tes soins ? Ps. VIII, 5.


C'EST en considérant l'étendue des Cieux déployés sur nos têtes que David tenait ce langage. En effet, mes Frères, lorsque dans les heures tranquilles de la nuit nous contemplons ces feux, ces astres divers, ces mondes innombrables que la main du Créateur a semés dans le firmament, et qui nous donnent de sa puissance une idée si haute qu'elle est presque effrayante pour notre faiblesse; lorsqu'ensuite, portant nos regards sur nous-mêmes, retombant sur notre néant, nous voyant perdus au milieu de cette immensité, nous songeons aux soins bienfaisans de la Providence, nous pensons que cet Être si grand dont les Cieux annoncent la gloire, est le même Dieu qui nous prévient tous les jours par mille et mille bienfaits de détail, qui nous soutient, nous supporte, nous pardonne, use à notre égard de tant de patience, de tant d'indulgence, comment ne pas être étonnés, confondus de cette bonté infinie dont nous sommes l'objet ? comment ne pas sentir notre coeur pressé du sentiment de son indignité? 

O mon Créateur! je me prosterne à tes pieds, et je te bénis. Dans cette foule d'êtres que ta puissance a tirés du néant, ton amour distingue l'homme. Faible vermisseau, enfant de la poussière, abject à tes yeux par tant de péchés, tant d'erreurs, tant de souillures, il n'est cependant pas oublié de ta Providence: tes gratuités l'environnent, tu lui prodigues tes faveurs, tu le destines à des biens infinis. 
O Sagesse! ô Pouvoir! ô Miséricorde incompréhensible!
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui ?

Quelque propre que soit le spectacle des Cieux à faire sur nous cette impression, il en est un autre moins imposant sans doute, mais plus touchant encore: c'est celui qui frappe nos regards à cette époque, c'est la renaissance de la nature. Il me semble que c'est le moment où l'idée des bienfaits de Dieu et de l'ingratitude de l'homme doit se présenter à nous sous des traits plus vifs et plus pénétrans. Il me semble que c'est le moment où plus que jamais nous devons sentir le besoin de mettre nos campagnes sous la protection du Ciel, d'attirer sur elles sa bénédiction; où nous devons, en les parcourant, nous élever a Lui, où, réunis dans le sanctuaire, nous devons tous ensemble présenter au Seigneur des coeurs touchés de ses bienfaits et pénétrés de notre indignité, implorer tous ensemble son secours et nous dévouer à son service. Dieu veuille que ce soit le fruit de ce discours; Dieu veuille que le sentiment qui s'élèvera dans nos coeurs soit pour l'avenir le gage d'une reconnaissance sans bornes et d'une entière fidélité! Ainsi soit-il.

S'il est un tableau fait pour exciter, notre admiration, notre reconnaissance, c'est sans doute le retour de ce printemps qui vient nous annoncer  les richesses de l'année: c'est alors qu'un beau jour suffit pour exciser le sentiment du bonheur.
D'abord aux âpres frimas succède un air plus doux et délicieux à respirer. Les oiseaux, par leurs concerts, Annoncent le changement qui se prépare; ils invitent l'homme à la joie. La nature semble étaler à nos yeux les présens qu'elle nous destine pour les saisons suivantes. Nos prairies se couvrent d'une herbe épaisse et verdoyante; nos champs élèvent avec fierté ces tiges précieuses que l'été doit jaunir; les rameaux tortueux de la vigne s'émeuvent pour annoncer le sentiment de vie qui les pénètre; les arbres se couvrent de boutons qui bientôt s'ouvrent, se développent et produisent la plus brillante décoration. 

Ainsi, remarquez- le, ce n'est pas seulement de l'espoir des biens à venir que nous jouissons: cet espoir est excité dans nos âmes par des signes enchanteurs. Ce sont des fleurs charmantes dont les couleurs et les parfums se varient à l'infini, qui nous présagent les fruits de l'automne. Ainsi le Tout- Puissant daigna s'occuper non-seulement de nos besoins, mais encore de nos plaisirs. Comment pourrions-nous y penser sans attendrissement? Il traite l'homme comme un hôte chéri, dont il s'empresse à parer la demeure. Chaque plante, chaque arbuste est chargé de lui payer un tribut d'agrément, et de s'embellir pour cette fête dont il est l'objet. Cette terre, toujours froide, sombre, triste et rembrunie dans son intérieur, se décore à l'extérieur par l'ordre du Souverain.

Et ce qui rend plus touchante et plus sensible cette scène d'enchantement, c'est l'époque de froidure et de mort qui l'a précédée. Il semble que la nature, après nous avoir offert dans le cours des saisons l'image de notre accroissement, de nos progrès, de notre décadence, veuille réveiller en nous un espoir divin, et nous offrir dans sa renaissance l'image de cette résurrection de l'homme, promise par Jésus. Il semble que, pour nous offrir l'emblème du prodige dont nous serons un jour l'objet, elle multiplie autour de nous les prodiges. 

Cette terre, parée de fleurs et brillante de jeunesse, était naguère inféconde et flétrie; ces rameaux, pleins d'une sève active qui les couvre de feuilles et de guirlandes, n'étaient qu'un bois mort, semblable à celui qui pétille dans nos foyers; ce soleil, dont la chaleur ranime et fertilise nos campagnes, paraissait un astre sans chaleur et sans vie, dont les rayons ne portaient qu'une froide clarté; ces insectes dont nous entendons le bourdonnement, ces oiseaux dont les chants nous ravissent, étaient languissans et endormis dans leurs retraites.

O homme! compte, si tu le peux, ces miracles qui s'opèrent autour de toi et pour toi. Qui es-tu, pour que le Très- Haut se souvienne de toi ? Qui es-tu, pour que le Tout-Puissant fasse de toi l'objet de soins si tendres, si attentifs, si ingénieux? Hélas! nous n'occupons qu'un point dans l'espace; nos forces sont débiles, notre intelligence bornée: parmi les objets qui nous environnent, il n'en est aucun qui ne la surpasse; notre durée est courte, incertaine. L'homme ne paraît revêtu de quelque dignité que lorsque, prosterné devant son Dieu, il s'unit à lui par les élans de son âme: il n'est rien en lui de grand que la faculté de sentir sa petitesse, de s'anéantir devant l'infini.
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui ?

Mais, Seigneur, ce n'est point le sentiment de notre petitesse qui oppresse notre coeur quand nous songeons à tes bienfaits. Non, non, en relevant davantage ton amour, elle serait douce à ressentir. Si nous n'étions que petits, si nous n'étions que cendre et poussière nous pourrions jouir du sentiment de notre indépendance et du bonheur de t'abandonner notre sort; nous trouverions de la douceur à nous perdre dans ton immensité; nous trouverions de la douceur à nous sentir accablés de ta grandeur, accablés de tes gratuités.
C'est parce que nous sommes coupables, c'est parce que nous sommes pécheurs, que nous ne pouvons répéter sans un mélange de honte et de douleur ces paroles du Roi-Prophète:
Qu'est- ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui?

Ah! sans doute, il faudrait des créatures innocentes pour être l'objet de tes bontés, pour être en harmonie avec cette nature parée de tes mains. Pour l'homme, avant sa chute, tu avais préparé des campagnes encore p lus riantes: le péché l'en bannit; mais cette terre que tu lui donnes à cultiver est encore trop belle et trop fertile pour un coupable; elle est encore couverte de tes présens, embellie par tes soins, remplie de tes richesses. C'est autant de reproches de son ingratitude qui lui sont adressés. Si du moins il existait quelque petite société, quelque peuplade qui, par des moeurs plus pures, se montrât plus digne des faveurs du Ciel! si dans les champs, où l'homme est en quelque sorte séparé d'un monde corrompu, où il vit entouré de la gloire et des bontés du Créateur, il était plus reconnaissant, plus sensible!
Mais, hélas! dans un siècle de dégradation, quel asile est assez reculé contre la contagion des vices? Elle pénètre un peu plus tard dans les hameaux; mais enfin elle y pénètre. Au bout d'un certain espace de temps, l'irréligion, l'égoïsme, le libertinage y répandent leur poison comme dans les cités.

Nous sont-ils inconnus ces hommes qui, au milieu même des merveilles de la Providence, osent censurer ses dispensations, osent, dans leur ignorante audace, dans leur folie sacrilège, nier son existence; osent, qui le croirait ? lui ôter le gouvernement du monde pour le donner au hasard, aux astres dont ils connaissent à peine le nom? Que parmi les citoyens des villes, on en voie dont l'esprit, gâté par de mauvaises lectures ou par l'orgueil des demi- connaissances, tombe dans cet égarement, ils sont dignes de pitié. La trempe de leur jugement ne s'est point trouvée assez forte, assez sûre contre ces dangers.
Mais que l'habitant des campagnes, destiné par la Providence à conserver dans leur intégrité la droiture du sens et la simplicité de l'esprit, se prenne dans un piège qui n'était pas dressé sur ses pas, aille périr sur un écueil qui ne se trouvait point sur sa route, quoi de plus étrange et de plus révoltant!

Ah! si le cultivateur religieux et sensible, dont l'âme s'élève à Dieu au milieu des belles scènes de la nature, est un être non moins intéressant que respectable, celui qui, recevant tout du Seigneur sans intermédiaire, refuse de lui rendre hommage, celui qui le méconnaît au milieu de ses oeuvres et de ses bienfaits, le cultivateur impie est un monstre moral. De tels hommes sont rares, très-rares sans doute; mais n'en est-il pas plusieurs qui semblent regarder les dons du Ciel comme leur propriété, comme le fruit de leur industrie, qui ne pensent pas avoir à payer aucune redevance au Souverain-

Dispensateur, avoir a solliciter son secours, à mériter en quelque sorte qu'il déploie en leur faveur sa puissance ? 
En les voyant tout occupés du soin de cultiver leurs domaines, et ne songeant point à faire descendre sur eux la bénédiction du Ciel, on croirait que ce sont eux qui font lever le soleil sur leurs champs, qui amassent les nuages dans les airs, les font distiller en pluies bienfaisantes, et font circuler la sève dans les rameaux. 

Insensés! ils oublient ce qu'au raient pu leur apprendre ces fléaux du Ciel, qui, plus d'une fois, ont confondu leurs espérances, ce que répètent de mille manières nos Écritures:
Paul plante, Apollos arrose, mais c'est Dieu qui donne l'accroissement (I Cor., III, 6.). C'est en vain que vous vous levez matin, que vous vous couchez tard et que vous mangez le pain de douleur, Dieu seul donne du repos à celui qu'il aime (Ps. CXXVII, 2).

N'est -il pas des hommes qui vont plus loin? Ces mêmes travaux de la terre, qui leur rappellent sans cesse la Providence et le besoin qu'ils ont de son secours, sont pour eux une occasion de l'offenser, une occasion de s'éloigner de nos temples et de violer nos sabbats!
Quel spectacle, grand Dieu! des profanateurs troublent avec audace le silence de la nature, ce silence de nos jours sacrés, si auguste et si touchant! On les voit se livrer à un travail défendu avec une ardeur criminelle à la vue des Cieux, à la vue de ce temple où les fidèles réunis invoquent l'Éternel, comme s'ils voulaient insulter à leur dévotion et braver le Tout-Puissant sous ses regards!

N'est-il pas des hommes qui, loin de devenir bons et généreux, à l'exemple du Dieu qui ne cesse de les bénir, se montrent durs et sans entrailles, ne pensent qu'à eux-mêmes, à leurs convenances, à leurs besoins, et même, en recueillant les biens de la terre, négligent de faire la part de l'indigent et du malheureux?

N'est-il pas des hommes qui, malgré la douceur de ces tableaux champêtres, au milieu de cette harmonie qui nous invite à la paix et à l'amour, nourrissent des sentimens de jalousie, de haine, d'envie, se livrent à des querelles, à des rapines, et ne songent qu'à donner cours à la malignité de leurs passions?

N'en est-il pas enfin qui tournent en dissolution les grâces du Ciel, qui ne voient dans les années fertiles qu'une occasion de se livrer à l'intempérance, et que les années de disette ne peuvent rendre plus sages? Hélas! mes Frères, nous avons été mis à ces deux épreuves, et dans l'une et l'autre le Dieu qui nous pesait à sa balance, nous a trouvés légers. Ses châtimens n'ont laissé en nous aucune trace profonde; ils n'ont fait qu'une impression passagère; ils n'ont point produit de véritable réforme, la réforme du coeur; et lorsque l'Éternel a ouvert de nouveau sa main, peu d'hommes ont ressenti cette joie noble et religieuse qui devait nous animer: pour le grand nombre cette abondance est devenue une occasion de chute. 

Je le sais, mes chers Frères, et c'est là ma consolation, il est parmi nous des âmes pures, charitables, des hommes éclairés et religieux, qui savent se résigner à la volonté du Très- Haut, lui rapporter leurs succès, se faire un devoir sacré, un plaisir, un besoin de lui rendre leurs hommages: ce sont eux qui composent habituellement nos assemblées. Mais, dans ce nombre même en est-il beaucoup à qui la conscience n'ait rien à reprocher, qui, pensant aux grâces du Seigneur, n'aient pas à s'humilier dans le sentiment de leur indignité? Et, d'ailleurs, font ils le grand nombre? Hélas! les personnes qui  viennent dans le sanctuaire avec joie avec assiduité, forment la moindre partie de ce troupeau; et lorsque mes pensées se portent sur ceux qui en demeurent éloignés, sur ceux que la tiédeur, le relâchement, les passions terrestres retiennent loin de leur Dieu, sur ceux qui ne s'approchent de lui que des lèvres; lorsque je réfléchis à tant. de péchés de tout genre que les années précédentes ont vus dans leur coeurs et que celle-ci verra peut-être encore, l'aspect riant de la nature s'obscurcit à mes yeux, la verdure du printemps se flétrit, je crois voir le Très-Haut se préparer à nous punir.

Et c'est ainsi, mes Frères, que le péché empoisonne tout; c'est ainsi que l'indignité de l'homme est un poids qu'il ne peut secouer, et qui retombe sans cesse sur son coeur. Il semble, dans ces jours de relâchement et d'impiété, que le douloureux contraste des bienfaits du Ciel et de l'ingratitude des hommes élève dans l'âme un pressentiment sinistre, une terreur secrète.

Fidèles! qui m'écoutez, n'avez-vous pas reçu mille fois ces impressions? Si, malgré notre tiédeur, nos infidélités, le Seigneur daigne répandre sur nous ses grâces, s'il nous accorde des saisons fertiles, s'il fait mûrir les fruits que le printemps nous annonce, nous n'en jouirons qu'avec crainte, avec tremblement, nous penserons qu'il se prépare à nous retirer ses faveurs. 

S'il nous envoie des signes menaçans, notre coeur nous dira que nous avons mérité d'être frappés de ses coups; nous croirons le voir tenir en réserve dans sa main des fléaux plus cruels.
Peut-être ces pensées, ces sentimens ne sont-ils connus que des âmes sensibles et religieuses. Qu'ils nous disent cependant, ces hommes terrestres, qu'ils nous disent quels troubles les agitent et les privent quelquefois des douceurs du sommeil à l'approche du péril, que dis-je? à la simple apparence d'une calamité qui peut les priver du fruit de leurs travaux?

Lorsqu'après les premières chaleurs du printemps ils voient cette froidure, si redoutable pour les tendres jets de la saison, se répandre dans l'atmosphère, blanchir de nouveau le sommet des monts et nous menacer d'une gelée fatale; lorsque l'aquilon furieux tourmente la nature et secoue avec fureur les rameaux des arbres, comme pour les dépouiller des fleurs qui font notre espérance, avant qu'elles aient pu se changer en fruits; lorsqu'un soleil brûlant dessèche les plantes, durcit la terre, arrête toute végétation, ou que des pluies trop abondantes semblent devoir inonder nos champs et corrompre la semence qui leur fut confiée; lorsque de sombres nuages, précurseurs de la grêle, poussés par les vents, parcourent l'horizon et s'avancent rapidement sur nos têtes, la conscience n'entre-t-elle pour rien dans leurs terreurs? le bras de la justice divine, armé du glaive, ne s'offre-t-il jamais à leurs yeux?
O Dieu! écarte loin de nous ces tristes présages; o Dieu! bénis nos espérances, répands la sérénité dans les airs, et ramène la piété dans le coeur de l'homme.

O mes chers Frères! nous tous qui avons offensé le Seigneur par notre ingratitude, nos désordres ou notre tiédeur; jeunes gens! chefs de famille! vieillards! revenons tous à notre Dieu avec un nouveau zèle. Que la reconnaissance, le repentir, la crainte, l'espérance, que tous les sentimens réunis nous fassent tomber à ses pieds, nous ramènent dans son sein!

A cette époque, la nature, la Providence, la Religion concourent ensemble pour disposer notre coeur et nous unir à notre Dieu. La douceur de l'air qu'on respire, tous ces objets rians qui frappent nos regards, semblent nous dire: Si votre âme est tranquille et bien réglée, vous serez heureux. Nos campagnes paraissent un Éden, où il ne manque que l'innocence: tout flatte notre espoir, tout doit animer notre reconnaissance. Et, je le répète, c'est en vain que nous remarquerions, que nous admirerions toutes les merveilles dont nous sommes témoins: nous n'aurons que des jouissances imparfaites, ou plutôt nous ne jouirons de rien, si nous considérons la magnificence de la terre sans nous élever avec amour à Celui qui en est l'auteur, si nous ne le bénissons pas en voyant partout les traces de sa parfaite sagesse, de son ineffable bonté. 

La Providence ajoute de nouvelles faveurs à celles dont nous sommes comblés dans la nature. Elle ne se lasse point de veiller à notre conservation, de pourvoir à nos besoins, de nous instruire par les événemens qu'elle dispense, de
faire tourner toutes choses au bien de ceux qui aiment Dieu (Rom. VIII, 28.)
Si elle a permis que nous fussions atteints par ces calamités dont elle se sert pour visiter cette terre coupable, pour éprouver et purifier l'Église, du moins elle ne nous a pas fait boire jusqu'à la lie dans la coupe du malheur. Vous le savez, vous l'avez dit plus d'une fois, nous avons été privilégiés jusque dans nos peines: elle nous a ménagé des consolations et des ressources. Maintenant elle a fait arriver l'heure de la délivrance. Nous sommes appelés à la bénir pour ses gratuités éclatantes, pour les grandes choses qu'elle a faites. Non-seulement elle nous épargne la douleur de l'entendre blasphémer par les mondains, comme cela fût arrivé si l'issue des événemens eût été différente, mais elle nous accorde l'inappréciable faveur d'assister à l'accomplissement de ses desseins; elle dévoile tellement sa marche, elle se rend tellement visible à nos yeux, que l'homme le plus aveugle et le plus insensible est forcé de la reconnaître et de l'adorer.

La Religion nous parle d'une voix plus forte encore et plus touchante: deux de ces plus grandes solennités se rencontrent avec les magnifiques scènes du printemps. Cette fête de Pâque que nous venons de célébrer, cette fête où tous les prodiges de l'amour divin ont été mis sous nos yeux, où, en approchant de la table sainte, nous avons dû nous sentir écrasés du poids de notre indignité et des miséricordes du Seigneur, où du fond de notre coeur, s'il est encore sensible, a dû sortir cette voix:
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui? cette fête de Pâque, célébrée au moment où tout renaît sur la terre, en mémoire d'un Sauveur ressuscité, comme elle nous presse de marcher en nouveauté de vie (Rom. VI, 4), comme elle nous appelle à ressusciter avec lu i!

Nous l'avons promis sur les symboles augustes de son corps et de son sang. Puissions-nous être fidèles à cet heureux engagement! Puissent nos coeurs s'ouvrir aux douces influences de la Religion, comme nos champs aux rosées du Ciel! Puissions-nous, dans les jours qui s'approchent, dans cette Pentecôte chrétienne où les trésors de la grâce nous seront ouverts, puissions-nous recevoir une abondante mesure de cet Esprit sans lequel nous ne pouvons rien, de cet Esprit qui nous sanctifie et nous console, qui
nous scelle pour le jour de la Rédemption (Ephés.,IV, 30).

Alors, par la pureté de nos moeurs et la ferveur de notre dévotion, nous ferons descendre sur nous toutes les bénédictions du Seigneur; alors, en voyant renaître la nature, en admirant les bienfaits de la Providence et les merveilles de la grâce, nous dirons encore:
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui? mais nous le dirons avec ce doux sentiment qu'éprouvent les bienheureux lorsque, dans l'exaltation, dans l'ivresse de leur âme, ils s'entretiennent des gratuités du Dieu Sauveur, lorsqu'ils se perdent avec délices dans le sentiment de l'infinie miséricorde et de l'amour infini. Amen.

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