Voici le premier commandement : je suis le Seigneur, ton Dieu, tu n'auras pas d'autre maître !
Croire, c'est considérer Dieu comme présent.
Croire, au sens propre du mot, ce n'est pas réciter nos professions de foi ; mais croire, au sens où Jésus l'entend, signifie : croire que quelque chose viendra, croire que Jésus veut quelque chose, croire que Jésus peut quelque chose.
Nous ne devons jamais dire de quelque chose : « On ne pourra jamais le changer. » Celui qui dit cela n'est pas du Royaume de Dieu. Ceux qui se contentent de tout ce qui a cours dans le monde, ceux qui vont répétant : « Il n'y a rien à faire », sont ceux qui empêchent le Royaume de Dieu de venir. Cette parole est le plus grand ennemi du Royaume de Dieu ; elle frappe de paralysie ce qui doit devenir vivant sur terre.
Quand le Royaume de Dieu approche, nous chrétiens devons être les hommes du progrès.
Nous devons nous taire devant Dieu, et
L'attendre. Élever la voix n'a jamais
marché de pair avec le nom du Seigneur.
Celui qui parle haut est bientôt forcé
de baisser pavillon. Depuis Noé tous ont
dû se taire. Ils prophétisaient :
« je viens de la part du
Seigneur », mais le monde les ignora.
Quand le Sauveur dit à ses disciples :
« Allez dans le monde entier »,
son dernier mot est : « je suis
auprès de vous tous les jours »,
soit, en d'autres termes : « Faites
attention, cela n'a pas été remis
entre vos mains, c'est moi qui dois le
faire. »
Ne fais point de bruit ! Si tu
veux
fonder une secte, alors mène tapage ;
si tu veux de la gloire pour toi, alors fais du
bruit. Mais si tu cherches le Royaume de Dieu,
garde le silence. Le Royaume de Dieu n'arrive pas
par nous, mais par Dieu. Nous n'attendons pas
l'avènement d'une société
améliorée. Le suprême divin qui
se manifeste dans l'homme, et le pur humain, que
Dieu ennoblit, ce n'est là que l'oeuvre des
forces de Dieu lui-même.
On doit aussi être silencieux dans
sa propre vie chrétienne. Il faut se garder
des exagérations. Il ne faut pas non plus
tant parler à tort et à travers sur
la morale et la religion. Il ne faut pas non plus
trop réfléchir sur soi-même. Si
nous nous occupons toujours en pensée de
nous-mêmes, nous ne sommes pas
silencieux ; nous prenons alors soin
nous-mêmes de notre propre salut. Il faut
qu'il y ait aussi des gens qui sachent qu'ils
appartiennent à Dieu, et
qui restent néanmoins parfaitement naturels.
On ne gagne rien à trop
réfléchir ; les choses divines
viennent dans le coeur sans qu'on le remarque. Dieu
les met dans ton coeur par son esprit, et leur
donne la vie ; ensuite elles se
répandent d'elles-mêmes hors de toi,
comme la respiration.
Un ouvrier du Royaume de Dieu n'a pas la
tâche plus facile que d'autres hommes. Toute
la misère du monde atteint aussi la
Communauté de Jésus-Christ.
Jésus se charge de nos douleurs ; cette
loi du support (portez les fardeaux les uns des
autres) vaut également pour sa
Communauté. Ce qu'il y a de douleurs dans le
monde atteint aussi d'une façon quelconque
les disciples de Jésus. Mais ceux-ci ne
doivent pas succomber sous le poids comme d'autres
hommes ; en le supportant en silence ils
doivent surmonter peu à peu le fardeau des
épreuves ; alors la clarté
augmentera dans le monde. les hommes se sentiront
allégés : et finalement les
disciples de Jésus eux aussi seront
soulagés.
C'est pourquoi les disciples de
Jésus ne doivent jamais dire : mon
Dieu ! préserve-moi, de ceci et de
cela, je ne puis comprendre qu'il me faille
supporter cela, j'ai toujours été un
homme juste, j'ai toujours prié, et voici
que ce qui atteint le monde m'atteint
également ! Nous devons nous charger
des maux de ce monde ; nous pouvons les
supporter, car Jésus est vainqueur en nous
et triomphe du mal qui pèse sur les hommes.
Ainsi la Communauté de Jésus peut
être une communauté qui libère
le monde de son fardeau ; elle est ainsi le
petit troupeau auquel est promis le Royaume. Un
petit troupeau qui se sépare du monde et ne
veut plus prendre part à sa vie et à
sa souffrance, est pareil à une branche
arrachée à l'arbre qui verdit encore
un temps et ensuite se
dessèche. Nous devons rester attachés
à l'arbre de la vie des hommes, si
gangrené qu'il soit. Le terme sera la fin de
tout mal, provisoirement tu ne seras pas
épargné, mais tu dois avoir en toi ce
qui est éternel pour surmonter le
mal.
Les disciples de Jésus
connaissent encore une autre douleur, que les
hommes n'ont pas, c'est qu'ils sont honnis à
cause de Jésus. Ils doivent partager la
douleur du Sauveur quand il voit que les hommes ne
comprennent pas Dieu, la douleur qu'il souffre sur
la croix, quand il est là cloué et
abandonné de tous, méconnu de tous.
Voilà la seule véritable douleur
qu'ont les disciples de Jésus. Mais ils
doivent prendre aussi sur eux cette croix, et
dire : heureux sommes-nous d'être ainsi
honnis et persécutés des hommes
à cause de Jésus. Il faut que le
combat soit enfin livré maintenant. Nous
tous, qui cherchons le Royaume de Dieu, nous devons
pouvoir être appelés les
abandonnés, et pourtant rester heureux. Rien
de nouveau ne se crée sans lutte, et cette
lutte va jusqu'au sang. Mais
précisément ce que nous souffrons
pour l'amour de Jésus doit avoir une suite
heureuse. Dans cette croix et dans cette souffrance
vient le Royaume de Dieu. Malheur à nous
s'il nous arrivait d'en vouloir à ceux qui
nous injurient et nous persécutent !
Ils ne peuvent faire autrement et ne comprennent
pas mieux. Nous devons pardonner au monde et
supporter avec patience ce qui nous est
imposé.
Parce que Christ est avec nous, nous ne pouvons
mépriser aucun homme ; nous devons
même pouvoir pleurer toujours sur les
pécheurs, et ne pas condamner en juges, ni
avec colère ou dureté. Si Christ est
en nous, nous devons traverser l'épreuve
dans l'esprit de Celui qui n'a pas
d'armepour se défendre, ni
de bouche pour injurier. Il ne nous reste
qu'à souffrir au milieu de la foule des
pécheurs et à nous
écrier : Père, pardonne-leur,
car ils ne savent ce qu'ils font.
D'année en année cela
m'apparaît plus clairement :
« Christ dans la chair » n'a ni
dents ni défense, il ne peut que se taire
comme l'agneau devant celui qui le tond, et tout
remettre à Dieu. C'est là le joug
dont le Sauveur a dit qu'il est léger. Mais
si nous nous défendons, si nous
désespérons des hommes et nous
irritons contre leurs péchés, le
christianisme devient terriblement lourd à
porter. Par contre, c'est une tâche facile
que de suivre l'Agneau de Dieu, qui porte sur lui
les péchés du monde ;
tâche légère devant Dieu ;
car en l'accomplissant on est un avec Dieu et l'on
a toujours une bonne conscience.
La tâche est lourde
assurément pour les hommes, on succombe
presque sous le poids. Il faut porter la croix.
Mais cette croix de Jésus-Christ nous
devient légère devant Dieu. Si l'on
crie, se lamente, se défend ; si l'on
devient méchant, parce qu'il faut tant
souffrir, alors la pleine lumière de Dieu
s'évanouit à nos yeux, et l'on ne
peut, comme Jésus, demeurer joyeux et
l'âme forte dans les plus amères
douleurs ; on devient sombre. Rien ne rend
plus sombre que l'amertume devant le sort. Mais si
Christ est en nous, lui, l'Agneau de Dieu, alors
nous pouvons surmonter beaucoup.
Il y a sur terre une souffrance qui agit comme une délivrance. Si l'on souffre étant innocent, alors il y a victoire sur le mal. Christ nous en a laissé un exemple : sachez souffrir en bravant la souffrance, dans la certitude victorieuse que vous êtes plus grands que la souffrance. La souffrance passe, vous ne passez pas ; triomphez de la souffrance, surtout quand elle vous frappe innocents.
De même que le Sauveur a sa croix, de même nous devons avoir la nôtre. Cela prouve combien nous lui tenons de près. Sa croix, c'est sa participation au péché du monde (1). Le monde devient sa croix. S'il appelle à lui un disciple, il l'attire dans sa souffrance. Tout d'abord, il le délivre et lui dit : « Tu es un enfant de Dieu, tes péchés te sont pardonnés. » Mais ensuite, il est dit : « Celui qui ne se charge pas de sa croix, ne peut être mon disciple. »
C'est le commencement de la participation
à la misère du monde. Cette
participation pénètre
profondément et nous entraîne dans une
sorte de collision avec le monde ; et du fait
de ce choc, la croix tombe sur nous. La croix c'est
ce que le monde jette sur nous. Nous voulons nous
charger du monde, il nous rejette, en partie par
folie, en partie par malentendu, en partie par
désespoir.
C'est aussi beaucoup par la faute du
monde que les chrétiens sont devenus si
extraordinaires ! Ainsi par exemple, les
débuts du piétisme étaient une
chose délicate et belle ; dans l'Eglise
rigide, une vie cordiale et chaude s'est fait
jour ; il y avait là un courant
réchauffant, quelque chose qui venait du
Sauveur. On voulait se charger du monde et on l'a
fait. Combien d'oeuvres d'amour, auxquelles on
n'avait pas pensé auparavant, ne doit-on pas
au piétisme ! Mais ensuite le monde a
frappé ces hommes au visage, et a
amoncelé les injures sur eux. Ce fut sur eux
la croix.
Quand une croix semblable s'appesantit
sur l'un de nous, prenons garde de ne pas nous
laisser aigrir. Le Sauveur ne
s'aigrit jamais. Il voit la folie des hommes et
pardonne. Là croix de Jésus n'est
efficace que parce qu'il reste dans l'amour de
Dieu. Dès qu'un homme a en lui cet esprit,
la croix agit.
Une croix en soi, et pour soi, ne sert
à rien ; il faut y joindre l'amour de
Dieu ; et on ne l'a jamais
épuisé. Il y a tant de disputes,
même parmi les chrétiens ; on
s'aigrit, on frappe autour de soi. Mais que celui
qui veut prendre sur lui sa croix, imprime d'abord
ceci dans son coeur : l'amour doit
demeurer ! Si tu ne le peux pas, abandonne la
croix.
Si quelqu'un a reçu une offense
et ne peut pas l'oublier, qu'il reste
éloigné de la croix du Christ. La
croix du Christ ne devient lourde que si l'on
prétend la porter en se laissant aigrir en
même temps. Nous devons être de ceux
dans l'âme desquels brille toujours l'amour
de Dieu. C'est la force la plus sublime qu'il y ait
au monde ; c'est par cette force que le Christ
est vainqueur. Mais il doit avoir des disciples qui
sachent aimer, comme il aime. Le zèle et la
foi ne mènent pas à grand chose dans
le Royaume de Dieu ; l'amour seul a le
jugement droit, sait délier et construire.
Cet amour réconcilie le ciel et la terre. et
ramène à Dieu.
La souffrance du Christ ne signifie pas :
voici un homme qui traverse toutes les
épreuves en héros, et reste
cloué en croix comme si cela n'avait aucune
importance ; mais bien : Christ est venu,
s'unissant dans l'amour de Dieu aux afflictions du
monde pour que celles-ci soient
dénouées en lui. Et voici maintenant
la définition de la vie des disciples du
Christ : ce qui t'arrive ne t'est pas
infligé pour faire de toi un héros,
mais pour être dénoué et
réconcilié en toi. C'est ainsi que le
Christ « a porté dans sa chair sur
la croix » les péchés et la
mort ; il ne les a pas rejetés loin de lui,
mais il s'en est
emparé d'une main ferme et ne les a pas
laissé échapper. Par là il se
lie intimement avec les pécheurs et les
prend dans l'obéissance avec lui sur la
croix. Il s'est soumis afin de les lier tous
à lui et de les porter jusqu'à ce
sommet où le feu de l'amour de Dieu
sépare le pécheur du
péché.
C'est ce but que doit dorénavant
poursuivre sa Communauté sur terre. Le
Seigneur dans le ciel, et sa Communauté sur
terre doivent se charger de l'iniquité et la
dissoudre. Les péchés
eux-mêmes, s'ils sont portés au
Christ, peuvent être rachetés. Ce
n'est pas pour rien que l'homme qui aspire Dieu
doit lutter encore avec ses péchés.
Par toi le péché doit expirer et la
justice apparaître ; la mort doit
exhaler son dernier soupir et devenir vie. Comment
arriver à dénouer quelque chose si le
Christ n'a personne sur terre ? Si aucun homme
sur terre lie se donne à cette tâche,
alors il y a des larmes dans le ciel.
Il nous faut être fidèles
et ne pas prêter l'oreille aux voix
séductrices qui s'élèvent
toujours ainsi : « Dieu a-t-il
jamais dit que tu doives tant
souffrir ? » Toutes vos souffrances,
même les plus infimes, portez-les en
regardant en haut, à Dieu, et laissez-les de
votre coeur monter à Jésus ; il
les dénouera.
Qu'ont fait les prophètes, comment tout
spécialement Jésus a-t-il fait, pour
faire comprendre au peuple ses
péchés ? Si on les reproche aux
gens en face, cela n'a point d'écho, car le
péché bouche les oreilles et le
coeur. Et si j'assemble beaucoup d'hommes, je n'ai
pourtant pas le peuple ; et je suis loin
d'atteindre en réalité les nombreuses
individualités que j'ai là devant
moi. Une partie d'eux-mêmes vient au-devant
de moi, mais le plus profond de leur être, le
plus intime, m'échappe.
C'est du subconscient des hommes que provient leur
folie, et c'est de là aussi que leur vient
la claire intelligence pour la vérité
et la justice.
Il n'y a qu'une manière
d'enseigner aux hommes le chemin que le Sauveur
nous a montré. Il est comme un agneau muet
devant celui qui le tond ; il souffre sous le
poids des péchés du peuple ; il
les reconnaît. par son sang et par sa mort.
Nous devons être ceux qui portent
les péchés, à la suite du
Christ ; nous devons confesser sans
ménagement les péchés du monde
devant Dieu, savoir nous taire et souffrir, et
porter en notre coeur les péchés
devant Dieu, dire sans détour : ceci
est un péché ; notre
façon d'agir n'est pas bonne. Alors,
où que nous allions ou soyons, il y a un
témoignage vivant et muet contre le
péché, et les gens le sentent. Ne
frappons donc pas les gens au visage ! Cela ne
sert à rien ! Avec la
prédication extérieure on n'arrive
pas à grand chose. Nous devons prêcher
intérieurement. Nous avons une mission
beaucoup plus haute que celle de juger les
gens ; notre manière de prêcher
est d'aider Jésus à porter sa croix,
et d'être ceux qui souffrent devant Dieu.
C'est ainsi qu'un père de famille doit
porter les péchés de sa maison comme
s'il était le coupable, et attendre le jour
où par le jugement de Dieu les hommes le
remarqueront et iront au devant de lui. Quand on
souffre au milieu de la foule, pour l'amour de
Dieu, on ne peut que porter sa douleur devant Dieu
et soupirer : quand donc les yeux de ce peuple
s'ouvriront-ils ? C'est là une
prédication directe, qui va là
où se trouve réellement le
peuple.
Lorsqu'un homme, sans franchir les
bornes de sa résidence, prêche ainsi
intérieurement à son peuple, cherche
la vérité de Dieu et s'y tient,
implore la pitié et le pardon, et le
jugement qui mettra à jour les
péchés, son action s'étend au
loin dans le monde entier.
C'est par une semblable
prédication qu'arrive finalement le jugement
dernier, celui dont il est dit : toutes les
créatures de la terre se lamenteront. Je ne
puis les forcer à se lamenter, aucun homme
ne le peut. Mais ce que l'on prêche en esprit
devant Dieu, agit dans le subconscient, dans ces
régions invisibles d'où tout
provient, le bien comme le mal. C'est là que
nous devons prêcher, c'est là que nous
devons attirer Dieu, là que nous devons
dire : nous ne tolérerons plus
cela ! Au nom de Jésus, nous ne
souffrirons plus que de pareils courants de
péchés cachés entraînent
les hommes.
En agissant ainsi, nous ne devons pas
condamner le pécheur ; mais nous devons
condamner le péché, qui est la
tentation de toutes les nations. Et nous
deviendrons peu à peu, nous-mêmes des
hommes qui demeurent en dehors de la tentation.
Nous devons échapper à la grande
contrainte qui pèse sur tous les peuples et
devenir d'autres hommes, des hommes qui ne risquent
pas d'être entraînés par les
courants populaires tels que ceux qui nous
entourent. C'est pourquoi il y a un tel scandale
lorsque Jésus et ses disciples
interviennent. Gardons-nous purs. Si nous avons en
nous des tendances malsaines, alors
qu'adviendra-t-il du monde ? Même ce
qu'il y a de meilleur se changera en
ténèbres. Mais si nous restons libres
des courants du monde, nous pouvons annoncer aux
foules leurs transgressions. Et cet avertissement
est fait d'amour pur, de pur Évangile.
Jésus ne répond pas au mal par le
mal ; il reste auprès du Père,
dans le ciel. Là, on ne frappe pas à
tort et à travers ; là on ne
médit ni ne méprise ; là
on aime seulement du grand amour. Même la
critique doit s'incliner devant
l'amour, de sorte qu'aucun blâme ne peut
venir écraser le pécheur, au
contraire, il est délivré,
libéré. Une parole de Jésus ne
fait jamais mal, même quand Il dit :
« Toi, hypocrite », ou :
« Vous êtes des enfants de votre
père le diable, de Satan. » Ce
sont là des paroles qui sauvent, car elles
sont toutes dites dans l'esprit de Dieu, qui ne
méprise aucune de ses créatures. Il
arrive qu'un jardinier doive attacher une plante,
en émonder une autre, peut-être la
couper jusqu'à la racine, mais il cherche
à conserver ses plantes et non à les
détruire. C'est ainsi que Dieu a aimé
le monde jusqu'à donner son fils unique,
afin que toutes créatures sortent du
désarroi et soient sauvées.
C'est ainsi que Jésus devient le
compagnon des péagers et des
pécheurs ; il fréquente ceux
qui, il est vrai, portent encore du mal en eux,
mais qui pourtant lui ouvrent leur coeur d'une
façon quelconque. Ceux-là lui
paraissent propres à quelque chose. Il
communie avec leur foi, il prend patience avec eux
jusqu'au moment où ce qu'il y a de mauvais
en eux disparaît.
C'est ce Jésus que nous devons
suivre. Là où tous se
répandent en invectives nous ne voulons pas
injurier, là où tous condamnent nous
ne voulons pas condamner ; là où
tous tournent le dos, nous voulons prendre garde
qu'il ne s'y trouve pas un pauvre enfant des hommes
à qui nous puissions venir en aide. Il ne
faut pas que l'on puisse dire de nous : ils
ont répondu au mal par le mal, mais
bien : ils ont répandu autour d'eux le
pardon des péchés et se sont ainsi
montrés de vrais disciples de
Jésus-Christ.
Avez-vous déjà remarqué
combien nous sentons nos coeurs s'élever
quand, partout où nous allons et où
nous séjournons, nous
apportons la force qui pardonne les
péchés ? Il n'est rien de plus
grand, rien qui rende plus heureux, qui
élève plus notre personnalité
humaine, que cette puissance du pardon des
péchés. À la
vérité, si nous ne savions pas qu'il
y a derrière nous la personnalité de
Jésus-Christ lui-même, nous n'aurions
pas le courage d'aller, avec le pardon des
péchés, au-devant des hommes qui sont
si souvent plongés dans les
ténèbres. Mais si Jésus se
tient derrière nous, nous avons le plein
pouvoir du pardon.
Chacun est capable de juger et de
condamner, c'est ce que fait surabondamment le
monde. Mais ce pouvoir qui nous est accordé
est le pardon des péchés, sans
jugement et sans condamnation. Dans ce pardon des
péchés réside la puissance
divine de l'esprit, qui crée de nouveaux
hommes. Pour qu'un homme devienne une nouvelle
créature, nous devons aller à lui
dans l'esprit de pardon : Tu appartiens
à Dieu, c'est pourquoi tout, chez toi, peut
être transformé, même si
l'instinct du péché est encore en toi
et quand bien même tu surprendrais encore en
toi des rechutes. Si ta vie a été
placée sous le pouvoir du pardon des
péchés, sois consolé ; ta
personnalité en émerge, elle est
à Dieu. Mais maintenant, abandonne, toi
aussi, quelque peu de ton entêtement ;
ouvre la main, laisse tout tomber ; le
principal est que ta vie intérieure se
développe et croisse comme une
personnalité qui vient de Dieu : son
Esprit prend soin de toi afin que tu puisses
arriver à la perfection.
Il faut que nous apprenions à prendre sur
nous devant Dieu notre faute. On entend toujours
encore dire partout : « Mais je suis
innocent ; que Dieu détourne sa
colère de moi ; je n'ai pas
péché. » Personne ne veut
avoir péché quand
arrivent les épreuves ; ce sont les
générations futures qui discernent
les fautes du passé ; la
génération présente fait
rarement pénitence.
C'est pourquoi il faut que les
chrétiens apprennent d'autant plus à
prier, comme Daniel l'a fait (Chap. 9). Il se range
lui-même parmi les coupables, et prend
également sur lui la faute de ses
pères, dont les péchés ont
amené le malheur. Il se
pénètre entièrement de cette
conviction : ce qui nous arrive est juste, et
si une grande miséricorde ne vient pas
à notre aide, il n'y aura pas de secours
possible, car Dieu est juste. Cette prière
de Daniel pénètre à travers
tout ; c'est une telle prière qui doit
aussi l'emporter finalement par nous.
Beaucoup murmurent à demi quand
ils sont dans la peine, et n'arrivent pas à
dire : « C'est bien fait pour
moi » ; leur façon de prier
ne porte pas de fruits, cette prière ne va
pas à Dieu. C'est justement quand quelqu'un,
comme Daniel, - qui pourrait jusqu'à un
certain point se croire juste, murmure, que cet
esprit de révolte déplaît le
plus à Dieu. Ce sont
précisément les meilleurs qui doivent
s'humilier le plus profondément en
reconnaissant leurs fautes, et penser à tout
ce que le passé aussi a déjà
apporté de calamités et de
misères ; car les péchés
de nos pères pèsent également
sur nous, et nous devons être humbles sous ce
fardeau. Si nous voulons obtenir quelque chose,
tout autre disposition d'esprit que celle de la
prière de Daniel, est une erreur et une
faute ; tandis que tout rapprochement vers
cette mentalité portera ses fruits devant
Dieu et peut aider à ce que nous recevions
quelque chose du Ciel.
La haine des hommes s'acharne contre toute vérité quand elle apparaît pour la première fois, non pas que les hommes ne veuillent pas comprendre la vérité, mais ils ne le peuvent pas ; ils ont peur de la vérité. Cette haine des hommes risque toujours de détruire à nouveau ce qui a été une fois manifesté comme vrai dans le monde. C'est pourquoi cela coûte une peine infinie de faire pénétrer une vérité dans le monde. Cette rage satanique des hommes a cloué Jésus sur la croix ; elle poursuit bien des hommes de sa haine et de ses calomnies aussitôt qu'ils ont une vérité quelconque à introduire dans le monde ; et il en sera toujours ainsi jusqu'à ce que les hommes aient été arrachés aux ténèbres.
Si nous sommes des disciples de Jésus, aucun homme ne nous flatte plus. Le monde nous hait, quoi que nous fassions. Dieu, en nous, ne sera jamais compris, avant que le jour de Jésus-Christ ne vienne. En aucun temps le monde, n'a compris le Sauveur ; de même il ne comprend pas non plus les témoins en qui l'esprit de Dieu habite ; plus fortement Dieu se manifeste en quelqu'un, et plus on le hait. On peut se sacrifier corps et âme pour les gens - et c'est ce qu'on fait pourtant toujours, malgré l'abîme que l'on sent entre Dieu et les hommes - malgré tout, on ne sera pas compris. Tout disciple de Jésus doit s'y attendre, aussi devons-nous marcher de l'avant, sans nous en inquiéter.. N'ayez nulle crainte du monde, le plus qu'il peut, c'est de nous tuer !
Celui qui se sent offensé par la haine
des hommes, et froissé et qui rend coup pour
coup quand il est frappé pour l'amour de la
vérité, n'est pas un combattant. Tout
le combat consiste en ceci : faire jaillir de
la vie pour autrui.
Même ceux qui nous haïssent
doivent recevoir la vie. La lumière de la
vie de Jésus-Christ me permet d'être
fidèle jusqu'à la mort, si bien que
je préfère encore mourir,
plutôt que de me laisser arracher du coeur
mon amour pour le monde.
À cet égard, les disciples
de Jésus font souvent des fautes : ils
bataillent trop avec autrui. Nous devons seulement
être les témoins de la vie, dans
l'amitié, dans la bonté, dans la
fidélité de Dieu envers tous les
hommes ; supporter dans nos coeurs toute
contradiction et, même envers notre ennemi le
plus acharné, tenir ferme à cette
vérité : Tu appartiens à
Dieu, je lutte pour cela sur cette terre, il faut
que tu deviennes enfin un homme de bien.
On ne peut éternellement
calomnier et haïr. Plus nous sommes
fidèles, plus la haine se consume devant
nous. La haine n'a qu'un temps, l'amour est
éternel et dure éternellement.
Nos droits humains se dressent contre le droit
de Dieu. Nous nous imaginons avoir toutes sortes de
droits. Comme pères nous croyons avoir un
droit sur nos enfants, comme maris un droit sur nos
épouses, comme maîtres un droit sur
nos serviteurs. Si Dieu appelle l'un de nous comme
prêtre, évêque, homme de science
ou bienfaiteur, celui-ci s'en forge un droit. Et
avec ces droits-là, nous opprimons les
autres hommes. C'est pourquoi Jésus appelle
tous ceux qui l'ont précédé,
voleurs et assassins.
Où voyez-vous Jésus se
targuer de son droit ? Il ne regarde pas comme
une usurpation pour lui d'être égal
à Dieu
(Philip.
II, 6 et 7) ; il ne se
prévaut pas d'être d'une naissance
supérieure, ni d'être
élevé au-dessus de tous les autres
hommes. Il se fait le serviteur de tous ; il
ne se laisse pas introniser comme
roi, il renonce à ses droits. Et ceci il le
réclame aussi de ses disciples : qui
veut me suivre, qu'il renonce à
soi-même, qu'il renonce à ses droits.
En nous targuant de nos droits nous perdons notre
qualité d'hommes ; en renonçant
à nos droits, nous devenons des hommes
véritables. Où sont les disciples de
Jésus qui renoncent à leurs droits et
deviennent des hommes véritables ?
Où sont ceux qui en appellent à Dieu
et au droit de Dieu ? Le secours ne viendra
aux hommes que si, comme serviteurs de Dieu, nous
représentons son droit sur terre ; car
c'est alors que Dieu vient comme juste protecteur
de l'honneur de tous les hommes.
Entre Dieu et les hommes il n'y a pas place pour
des lois, car toute loi fait abstraction de
l'individualité. Le but suprême de la
communion avec Dieu est de mûrir et d'achever
la personnalité, la valeur individuelle d'un
homme.
Mais parce que dans nos rapports avec
Dieu, il peut ne pas y avoir de lois, il ne faut
pas s'imaginer qu'il peut en être de
même dans nos rapports avec les hommes.
L'absence de lois dans mes rapports avec Dieu me
rend capable de supporter toutes les lois humaines.
La liberté avec Dieu m'aide, quand cela est
nécessaire, à être esclave sur
terre ; je suis cependant toujours
libre ; je surmonte le mal par le bien,
l'esclavage par ma liberté en Dieu.
Voilà pourquoi ce n'est pas bien de vouloir
faire servir cette liberté du
chrétien à des fins
révolutionnaires. Ce n'est pas par la force
du poing ou du bras ou de l'épée que
nous pouvons faire triompher le bien dans le monde.
Nous devons, dans cette liberté avec Dieu,
surmonter intérieurement l'esclavage du
monde ; nous devons pénétrer
avec notre liberté au sein de l'esclavage du
monde, afin que la volonté de Dieu soit manifestée
parce que
nous sommes là, c'est-à-dire parce
que Christ est en nous. Nous transmettons la
délivrance au monde, mais ce n'est pas nous
qui le délivrons. Nous abandonnons ce qui
est humain à la mort, afin que ce qui est
divin vive.
Il est très important d'être « positif ». De plus en plus la critique doit cesser ; elle n'obtient pas grand chose. Il s'agit aujourd'hui de bâtir. Et l'on ne bâtit qu'en permettant, à chacun d'avoir sa valeur propre, en reconnaissant à chacun le droit de servir Dieu et de rechercher le bien à sa façon.
Des institutions, des usages, des coutumes s'incrustent, et l'on redoute avec raison d'abandonner d'anciens chemins. Il faut se garder de détruire des routes existantes, avant d'avoir de nouveaux chemins sur lesquels l'humanité puisse continuer sa route.
Le gouvernement de Dieu réclame des
hommes libres ; mais il ne veut pas des
démolisseurs. On peut être libre sans
rien renverser. On peut demeurer libre en toutes
circonstances, libre sous le gouvernement de Dieu,
avec cette certitude : Dieu le Père, et
Jésus le Roi transformeront ce qui doit
être changé. Il a le monde dans sa
main ; le gouvernement du monde ne nous a pas
été donné à nous. Ceux
qui sont libres en Dieu, même s'ils sont les
sujets des hommes, deviennent infiniment forts et
réalisent de véritables
progrès, précisément parce
qu'ils sont libres et ne se querellent avec
personne, parce qu'ils abandonnent entre les mains
de
Dieu tout ce qui vient à eux comme les
choses se présentent, et n'agissent que
là où elles leur tombent tout
naturellement dans les mains.
Ce qui nous rend faibles, c'est de nous
imaginer, dans la dépendance où nous
sommes, que les circonstances doivent être de
telle ou de telle façon, et qu'autrement
nous ne pouvons pas être des
chrétiens. Or nous n'avons rien à
changer. Le grand cancer rongeur, qui s'est
installé au cours des siècles dans
les cercles chrétiens, provient de ce que
l'on s'est imaginé devoir faire des choses
pour lesquelles nous n'étions nullement
créés. Or nous sommes uniquement
créés pour être des enfants.
Nous sommes des enfants, aujourd'hui ainsi, demain
autrement.
Parfois notre Père se retire,
nous nous retirons alors avec lui ; si notre
Père se tait, nous nous taisons aussi ;
quand il se révèle de façon
retentissante, nous parlons aussi. Parfois notre
Père nous disperse ; alors nous nous
séparons les uns des autres ; puis il
nous rassemble à nouveau, alors nous nous
réunissons de nouveau. Dans la soumission,
nous sommes de fidèles sujets qui ne pensons
que : « Mon Seigneur et mon Dieu,
c'est toi qui agis ! »
Comme disciples de Jésus, nous devons
être des brebis parmi les loups. C'est
à peu près le contraire de ce qui est
de règle dans l'histoire de
l'humanité. Dans l'humanité
règne ce qu'on appelle la lutte pour la vie,
comme dans la nature. Or, à la loi qui veut
que les faibles soient sacrifiés,
Jésus oppose celle-ci : non, les forts
périssent, les faibles vivent ; ce qui
est grossier, inhumain, mordant et cruel n'a pas
d'avenir sur terre ! Abandonnez donc la lutte
pour la vie ! Jésus l'a
abandonnée sur la croix ; il remet sa
cause au Père dans le ciel, et meurt. Faites
donc, vous aussi, la paix avec
tous les hommes, et confiez-vous en l'Esprit de
Dieu ; soyez des brebis parmi les loups. Que
celui qui le peut s'arrache les dents. Ne mordez
plus, ne cognez plus, ne frappez plus ! Ne
t'expose pas toujours à des querelles
inutiles. Quand tu estimes avoir raison, ne te
jette pas sur ton prochain comme un loup ou un
tigre ; sois un petit agneau ; et si le
loup furieux gronde et hurle, alors,
éloigne-toi, tu n'as pas le devoir. de tuer
le loup, laisse-le hurler et va-t-en. Le petit
agneau ne se met pas devant le loup hurlant ;
le serpent ne s'expose pas au pied de
l'homme.
Mais si tu dois t'en aller, que cela
soit avec joie, dans l'amour de Dieu :
Jésus vit, voilà ma vie !
À la fin tes ennemis en seront aussi
impressionnés. Pourtant soyez prudents quand
vous confessez Dieu ; beaucoup le font de
manière qui blesse les autres, et cette
confession n'est souvent qu'une nouvelle
manière de mordre les autres. Que celui qui
veut confesser sa foi le fasse dans l'amour de Dieu
qui nous rend doux et dignes. Nous devons
être nobles et pleins de tact de sorte que
l'on reconnaisse en nous l'amour que Dieu a pour
les hommes.
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