Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

RÈGLES DE VIE

suite

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81

Si nous voulons gagner le monde à la cause de Dieu, nous devons user de douceur avec les autres. Tout esprit religieux qui tempête, provoque Dieu, l'homme et le diable, est sans effet. Nous devons être comme des chasseurs qui vont à la chasse aux lièvres et aux chevreuils ; ils s'en vont doucement par la forêt, sans quoi le gibier s'enfuit et leur échappe.


82

Jésus est le serviteur de Dieu. Car en lui le bien, le vrai et le juste sont personnifiés. Le bien, c'est de ne pas briser le roseau froissé ; c'est de ne pas rejeter et condamner à jamais les pauvres et les réprouvés ; de ne pas vouloir non plus les transformer de force, mais avec la lumière que Dieu nous donne, afin que ce qui subsiste encore de bon chez les méprisés et les corrompus puisse se faire jour. Jésus est l'homme silencieux qui attire le Dieu tout-puissant sur terre et l'y fait demeurer, qui repousse les ténèbres et fait sortir le bien. De même il ne court pas après les Pharisiens ; ce sont eux qui doivent venir à lui. Il doit se garder libre, et repousser loin de lui ce qui voudrait s'attacher à lui de façon inopportune et se garer de toute hostilité qui le presse, afin de rester l'homme du silence avec Dieu.

Qui veut être avec lui dans le Royaume de Dieu, doit se taire et renoncer à lui-même. Si nous sommes silencieux, alors la lumière peut nous être donnée pour le bien des hommes. Les différents liens qui pèsent sur les hommes, les entraves de leur vie, les chaînes de la mort, peuvent être arrachés ; et les hommes peuvent devenir des hommes nouveaux, s'il y a là des serviteurs qui se groupent autour de Jésus-Christ.


83

Surtout ne pas tant parler des misères de la vie ! On disserte là-dessus, et on s'y enfonce toujours davantage par ses discours. Celui qui se met en quête d'un ami, auprès de qui il veut « s'épancher », ne fait souvent que s'enfoncer jusqu'au fond de l'enfer par ses discours. Celui qui se tait et regarde vers le Père qui est dans le ciel, et auquel il appartient malgré toutes les adversités, celui-là ouvre une porte dans le ciel.


84

Je me suis fait cette règle : quand quelque chose ne va pas facilement, je cesse de prier. J'en ai toujours fait l'expérience : lorsque Dieu veut que quelque chose se fasse par moi il suffit d'un mot. Si cela ne se fait pas facilement, je garde le silence, et je me dis : Dieu ne veut pas encore le faire par moi ; et je me garde bien de dire : je veux pourtant le faire avec l'aide de Dieu. Tout zèle excessif ou toute tentative de forcer les choses en disant : « je le ferai pourtant », est une erreur. Nous devons attendre le moment où Dieu veut agir par nous.


85

Christ garde la patience jusqu'à la croix. Nous savons combien il est difficile d'être patient, surtout jusqu'à la mort. Tous les disciples de Jésus sont exposés à la tentation de se laisser aigrir devant l'adversité. C'est à peine si une communauté chrétienne a déjà réalisé la patience du Christ jusque dans la mort ; ce sont justement des chrétiens d'élite qui ont toujours perdu patience. Et c'est là la raison qui fait que nous n'arrivons pas jusqu'à la résurrection. Car la patience du Christ mène jusqu'au point où le monde croit que tout est fini ! alors vient la Résurrection. Or, c'est seulement dans la Résurrection que le Royaume de Dieu sur terre peut être obtenu.


86

Jésus n'a pas honte de nous appeler ses frères. Un homme cultivé a honte de se trouver avec des gens incultes ; un juste a honte de se mêler à des injustes ; un homme de bien a honte d'être parmi les méchants, Aucun d'eux n'a compris l'enseignement de Jésus. Un véritable saint n'a pas besoin de se séparer des réprouvés ; il surmonte les impies. Mais si nous ne sommes pas entièrement saintsnotre sainteté fond comme du beurre à la chaleur. Le Sauveur n'a pas honte de nous appeler ses frères, et nous, nous condamnons et nous jetons dans l'enfer ! Nous sommes devenus incapables d'entretenir les uns avec les autres des rapports véritablement humains. Il faut que des rayons de soleil apparaissent, pour que les hommes changent. Une force divine doit faire apparaître ce qu'il y a de divin dans l'homme. C'est par la force de Dieu que le monde doit être converti.


87

Quand le Sauveur est venu dans le monde, avec l'amour de Dieu, il est toujours resté saint ; il ne se mélangeait pas au monde. Quand il allait vers les péagers et les pécheurs, il ne se faisait pas lui-même un péager et un pécheur. Quand il rencontrait des prostituées et des adultères, il n'excusait rien de ce qui était mal. Au contraire, l'amour de Dieu redresse. Chaque fois que Jésus s'approcha des pécheurs, ceux-ci furent remplis d'effroi ; ils se sentaient atteints dans leur conscience et étaient obligés de devenir d'autres hommes, comme dans le cas de Zachée.


88

Nous devons comprendre, l'amour d'une façon nouvelle. Mais ne réfléchissez pas trop là-dessus, soyez seulement comme des enfants et prenez la chose tout simplement ! Laissez cet amour, par lequel Dieu a aimé le monde, pénétrer dans vos coeurs comme l'esprit saint ! L'esprit de Dieu déborde d'amour ; en lui il n'y a pas de condamnation. L'esprit de Dieu est amour ; c'est le même esprit, qui a dit au sein des ténèbres : « Que la lumière soit ! », et le monde était là, nouveau. De même un monde nouveau doit naître en Jésus-Christ. Seul l'amour de Dieu doit tout pénétrer ; il faut que la haine, qui est entrée en nous, hommes, soit extirpée. Crois en Jésus-Christ, et n'aie point de haine ! Croire en Jésus, c'est aimer. Prenez l'amour de Dieu dans vos coeurs, et vous serez vous-mêmes séparés de vos péchés vous deviendrez de nouvelles créatures.


89

L'amour de Dieu nous affranchit. Celui qui aime son prochain est libre ; celui que le hait est un esclave. Celui qui est en paix avec les hommes est affranchi ; celui qui vit en guerre est un esclave.


90

Nul homme ne peut chercher le Royaume de Dieu s'il n'est pas absolument libre. Il faut avoir un esprit élevé, libre, supérieur, noble, sinon on ne peut être un serviteur de Dieu.

En particulier, il faut être affranchi de l'esprit de séparatisme. Il faut avoir la grande vue d'ensemble du Royaume de Dieu : Tous peuvent servir ! Le principe de séparation a toujours nui à la cause de Dieu. Qui veut servir le Seigneur Jésus, le roi des rois, le Seigneur des seigneurs, doit comprendre que le monde appartient à Dieu, et que Dieu n'abandonne rien de ce qu'il a créé ; il doit mettre la main au nom de Dieu sur toutes choses, grandes et petites, bonnes et mauvaises : personne n'a un droit spécial ; tout ce qui vit est à Dieu ! Et cette vérité, il ne faut pas seulement l'avoir en tête, mais elle doit s'infiltrer dans notre sang, elle doit devenir notre respiration.

Ainsi, comme serviteurs de Jésus-Christ, n'abandonnez personne, même le plus méchant. Nous devons croire, de nous-mêmes et des autres, que nous appartenons à Dieu. Que je sois encore stupide ou maladroit, si même il m'arrive de retomber dans le péché, ce que je suis, en tant qu'homme, appartient à Dieu. Aucun péché, aucune mort ne peut abolir ce fait.


91

Laissez-moi les pécheurs et les dévoyés ! Ne les rejetez pas hors de ma demeure, ne les rejetez pas hors de mon coeur ! Laissez-moi rechercher la société de ceux qui sont perdus, de ceux que vous appelez des pécheurs ; laissez-moi rechercher l'affranchissement de ceux qui l'ont dans des liens. Je ne veux pas être de ceux qui se tiennent comme des justes dans le désert.


92

Tu ne dois jamais désespérer de toi-même en aucune circonstance. Tu dois croire en toi-même, au nom de la volonté divine. Ce n'est pas là de l'égoïsme, mais un juste respect de ce qu'il y a de divin en toi. Comme je ne dois rien rejeter, d'autant moins puis-je me rejeter moi-même. Dans son noyau, personne n'est vulgaire ; il l'est seulement dans son enveloppe. Dès que je me rends compte que je ne vaux rien, ce qu'il y a de noble en moi est lié ; un être ne voit pas du tout la vulgarité. Le centenier de Capernaüm dit à Jésus : je ne suis pas digne que tu pénètres sous mon toit (Mat. VIII, 8.) ; mais il ajoute aussitôt : mais toi, dis un mot seulement ; envoie, toi, une parole. sous mon toit !

Une fois que tu as trouvé le chemin qui mène à Dieu et que tu sais que, malgré le péché et les fautes, tu appartiens à Dieu, alors t'échoit une mission vis-à-vis des autres hommes et le monde entier peut t'être mis à coeur.

De même que le centenier de Capernaüm prie pour le serviteur qui est sous son toit, ainsi le monde entier peut être sous ton toit et tu dois prier pour lui. Abraham pense à toutes les nations de la terre ; Anne, Marie, dans leurs cantiques de louanges, portent tous les peuples dans leurs coeurs. Un enfant de Dieu a la mission de s'intéresser au monde entier. Nous ne devons pas tolérer l'enfer dans lequel les hommes sont plongés. Dieu nous a faits rois et sacrificateurs.


93

Les élus prient pour leur salut (Luc XVIII, 1-8). Parabole de la Veuve et du juge), et le Sauveur leur promet qu'ils seront sauvés dans « un peu de temps ». Mais leur salut n'est pas la délivrance de leurs propres peines, leur salut est le salut de Jésus-Christ, la glorification du Seigneur, qui consiste en ceci : que Dieu lui confère la souveraineté, que son pouvoir soit reconnu, et que sa majesté et son droit contre « l'Adversaire » éclatent au grand jour.

Les élus ne peuvent eux-mêmes élever Christ à la royauté. Dieu doit établir leur droit d'avoir un roi. Il est au pouvoir de Dieu seul de donner la suprématie à son fils Jésus-Christ, afin qu'il soit reconnu sur terre. C'est pour cela que les élus doivent prier. C'est pour cela que nous sommes élus ; notre bonheur viendra, quand nous verrons Jésus-Christ puissant et que nous pourrons dire : nous l'avons aidé, nous avons regardé uniquement à Dieu, et prié Dieu afin qu'il le couronne Roi.


94

Si nous sommes des messagers de Dieu au nom de Jésus-Christ, nous devons annoncer le salut, prêcher la paix, apporter la bonne parole, et cela à tous les hommes, grands et petits, riches et pauvres, juste et injustes. Celui à qui est confiée cette tâche ne connaît plus la prédication de la misère, de la perversité et de l'impiété. Tout cela a déjà été prêché ; c'est ce que prêche le monde entier et la vie de chacun en particulier.

Celui qui soupire sur son imperfection et son péché, sur l'impossibilité de faire le bien, le prêche dans son coeur. Jésus pénètre dans cette prédication qui laisse les hommes souffrir indiciblement, et lui, Fils de Dieu, au nom du Père annonce l'Évangile : tes péchés te sont pardonnés, sois consolé ; l'impiété, le mal qui rôdent autour de toi et qui ont déjà jeté leurs racines en toi et troublé ta vie, ne peuvent finalement nuire en rien tout doit être effacé, pardonné ! Vous appartenez à Dieu, au Père qui est au ciel, et vous deviendrez bons, vous deviendrez justes, vous devez trouver le salut. Ce qui provient du péché et de la mort, et qui pèse sur vous intérieurement, la maladie et la souffrance qui vous torturent extérieurement, tout cela sera balayé ; le salut approche !

Nous devons donc prêcher, nous aussi, le bien ; annoncer le salut. Mais. si nous prêchons le bien, nous devons aussi supposer le bien chez les hommes. Nous devons donner aux hommes l'impression que nous avons confiance en eux, qu'ils sont les enfants de Dieu et que, comme tels, ils ont aussi un sens pour le Bien. Celui qui va avec de la méfiance au-devant d'autrui, n'est pas un prédicateur de l'Évangile ; jamais il ne pourra trouver le chemin du coeur des pécheurs. Où que tu ailles ou que tu séjournes, suppose le bien chez les hommes au nom du Sauveur !


95

L'apôtre nous dit : « Laissez toutes choses s'accomplir dans l'amour. » Mais il n'est pas facile de demeurer en toutes choses, dans l'amour. Ah ! oui, dans l'Eglise et dans les heures de méditation, cela est facile ! Mais dans les choses fastidieuses de la vie quotidienne, c'est un travail que de garder fermement l'intelligence de l'amour. Car nos occupations journalières nous font perdre l'élévation d'esprit, et à cause de ces choses qui nous entourent nous ne sommes plus en état de comprendre ni d'aimer les hommes. C'est comme s'il y avait dans les choses elles-mêmes une puissance de domination qui nous aigrit constamment ; ce sont autant de piqûres et de désagréments de toutes sortes, d'actes ou de mots blessants qui troublent notre coeur.

Même dans ces choses nous devons rester sur le plan supérieur et garder la compréhension de l'amour. L'amour doit être pour nous la suprême raison, et non pas seulement une sorte de doux murmure de l'âme qui nous transporte au paradis. C'est sot de ne pas trouver l'amour dans ces choses, et de se laisser bannir de la sphère divine et supérieure de l'amour comme il vient à nous en Jésus. L'amour qui n'est que flatterie fond comme neige au soleil ; à la première occasion, il s'écroule. Notre amour doit demeurer sur la hauteur, dans la force de Dieu et de l'Esprit de Jésus-Christ. Celui qui ne trouve pas en lui l'intelligence de l'amour sera incapable de rien surmonter.


96

Si tu n'appartiens pas à Dieu, tu ne peux avoir l'amour. Mais si tu t'appuies sur l'amour de Dieu, tu es comme transporté sur une haute montagne. Quiconque hait, doit descendre dans les bas-fonds. Celui qui a de mauvais sentiments, qui a été méchant, combien il est descendu bas ! Quand tu hais, quand tu es avare, irritable et susceptible, combien bas tu dois descendre. Au contraire, plus tu arrives haut et plus s'élargit l'horizon de ton amour. Quand nous gravissons la montagne du Seigneur, nous sommes émerveillés ; et plus haut nous arrivons, plus s'élargit notre amour. Mais il faut monter toujours plus haut, jusqu'à ce que nous puissions aimer tous les hommes, de l'amour dont Dieu a aimé le monde. Sur les sommets de l'amour de Dieu, nous commençons à redevenir des créatures à son image, et nous pouvons être à nouveau comme lui. Là nous apprenons à comprendre les hautes pensées de Dieu à l'égard de toute la création. Il faut de la patience et de la foi pour arriver à ce sommet. Mais aussi quels résultats s'il y a au moins quelques, hommes qui parviennent au sommet. Oh ! quelle lumière se répand alors !

Place-toi donc sur la montagne du Père, et deviens saint comme Dieu l'est. Aime comme Dieu ! Il te donne une mentalité plus haute que celle du reste des hommes, la mentalité royale de Jésus-Christ. Les querelles des serviteurs portent atteinte à la dignité du Roi.


97

Jésus est le seul jusqu'à présent qui ait aimé les hommes d'un amour désintéressé. Combien vite avons-nous l'idée d'écarter autrui ! Parce que notre amour est terrestre, nous en arrivons à nous trouver heureux, tout en sachant qu'il y en a d'autres qui sont sans espoir. Mais Jésus, lui, regarde au delà de toutes les frontières. Il nous aime par avance, avant même que nous soyons « dignes de son amour » ; il nous aime même avant la venue du Royaume ; il nous aime pendant que nous sommes pécheurs. Car son amour émane de l'éternité. Et c'est précisément pour cela que le jugement est lié aussi à son amour ; cet amour n'est pas mesquin, il n'excuse pas nos fautes ; il doit nous façonner, afin que nous soyons purifiés. Notre félicité réside en cet amour de Jésus-Christ. « Vous êtes aimés » : voilà l'Évangile.

Mais si nous voulons être des disciples de Jésus, nous devons aussi aimer les hommes dans l'amour de Jésus-Christ. Et cela n'est pas chose facile. Trop souvent les formes humaines nous apparaissent enveloppées de ténèbres et décevantes. Il s'est créé une résistance toute nouvelle contre Jésus : les hommes ne veulent pas être aimés, ils veulent s'aider eux-mêmes. C'est alors qu'il faut que nous les aimions dans l'esprit de Jésus-Christ, non pas dans la chair, ni à la façon terrestre, mais en esprit ; en espérance nous ne devons plus permettre qu'aucune barrière s'élève entre nous et les hommes.

Aimez aussi ceux qui sont laids et taciturnes, aimez aussi vos ennemis, aimez également dans les épreuves et jusque dans l'enfer ! Haïssez le mal, mais ne haïssez plus les hommes qui font le mal ! Nous devons apprendre à faire la distinction entre les fautes, les vices et les besoins corporels des hommes, - qui sont hélas ! si souvent les abris du péché - et l'homme lui-même. Nous devons, avec le Sauveur, regarder jusqu'au fond des coeurs par-dessus les barrières de la laideur. Avez-vous jamais sondé un coeur d'homme, qui ne soit pas digne d'être aimé ?

J'ai une grande confiance dans cet amour du Christ. Il porte en lui une force énorme. Il est la puissance qui convertit les hommes. Nous pouvons, dans cet amour du Christ, vaincre des nations et des sociétés entières, sans qu'elles s'en doutent. Car derrière elles marchera le Dieu puissant, et il agira au plus profond d'elles-mêmes, parce qu'elles sont désormais aimées, Qui sait si la venue du Royaume de Dieu n'a pas été retardée parce que l'on a toujours rétabli des barrières, et parce que les disciples de Jésus n'ont pas tout à fait compris leur mission qui était de regarder tous les hommes comme de futurs membres dans le Royaume de Dieu ? Pensez-vous donc que les hommes puissent se convertir en dehors du Royaume de Dieu ? jamais, non, jamais. Nous devons les transporter par notre amour, dans le Royaume de Dieu. C'est seulement lorsqu'un homme a pénétré par l'amour du Sauveur dans le Royaume de Dieu, que les chaînes qui le tiennent encore attaché peuvent tomber. Le Royaume s'étendra sur tous les peuples, avant qu'ils en aient conscience ; lentement alors, ils se transformeront ils recevront un coeur nouveau et de nouvelles pensées et alors pourra aussi venir le temps où leurs aspirations supérieures seront réalisées.

Attachons-nous à ce Sauveur, et croyons fermement ceci : quelque chose du Royaume a commencé, qui n'a pas de cloisons, car c'est le Royaume de Dieu!


98

Même dans une piété extérieure, comme par exemple celle qui florissait chez le peuple d'Israël, le péché peut exister. Le péché capital c'est le manque d'égards des hommes les uns envers les autres. C'est le péché capital parce que c'est le signe du manque d'égards vis-à-vis de Dieu. Celui qui a Dieu dans son coeur ne peut tourmenter son prochain ; il doit le prendre en considération et avoir à coeur d'aplanir pour lui les fardeaux les plus pénibles de la vie.


99

Il faut remarquer que le Sauveur déclare dans le Sermon sur la Montagne : il a été dit aux anciens : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Il ne dit pas : Dieu a dit aux anciens. C'était devenu une tradition chez les anciens mais Dieu n'a pas dit cela. Et le Sauveur dit maintenant ; mais moi je vous dis, je vous dis ce que Dieu seul dit et a dit de toute éternité : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez les enfants du Père qui est dans les cieux et que vous soyez parfaits comme il est parfait.

Si je veux être parfait, comme mon Père qui est dans les cieux, si je veux arriver à la perfection de Dieu - que je puis atteindre - en sorte que je puisse vraiment être appelé un enfant de Dieu, alors je dois considérer l'homme en tant qu'homme, et écarter tout ce qui me choque en lui ; le reste ne me regarde pas.

Dieu ne se résout jamais à traiter les pécheurs autrement que les justes. Si le sort d'un pécheur est différent de celui d'un juste, la faute n'en est qu'à lui-même. Si quelqu'un s'écarte de la bonté et de la protection de Dieu, il lui arrive ce qui arrive à quelqu'un dans le monde qui se mettrait en dehors de la protection divine. Mais le soleil luit pourtant encore pour lui ; nul homme ne peut échapper entièrement à l'amour de Dieu. Mais dans cet amour tu dois être pratiquement un enfant de Dieu.

Il ne faut pas croire qu'on s'amollisse dans cet amour au contraire, on s'ennoblit. L'amour de Dieu est noble ; l'amour qui provient seulement de source humaine est commun. L'amour de Dieu est, saint, noble, fier comme le soleil ; il aurait honte de repousser quelqu'un ; il repousse le péché, le malheur, mais non pas l'homme. Grâce au Sauveur le péché est devenu branlant, tel un clou qui branle dans une planche, de sorte qu'on peut l'arracher ; si je condamne maintenant le pécheur, je renfonce au contraire le clou, je le recourbe même encore pour qu'il ne sorte plus du tout. Notre devoir est au contraire de l'arracher, afin de séparer le péché du pécheur. Nous devons être pour les hommes comme le soleil qui réchauffe dans l'amour de Dieu.


100

La Communauté de Jésus-Christ doit faire resplendir la face de Dieu dans le monde ; l'amour, la bonté, la bienveillance de Dieu, en toute vérité et en toute justice, en toute sévérité et en toute douceur. Elle devrait être l'image même de Dieu, pour laquelle on oublie toutes les autres images.

Ainsi en Israël, on a vu un visage de Dieu, et à la vérité différents visages, parfois même un visage courroucé, comme par exemple chez Elie, ou un visage sombre comme chez Jérémie. Cela a donné son cachet à toute l'histoire d'Israël ; quand vous la lisez, vous y étudiez les traits du visage de Dieu comme ils se présentaient alors au peuple d'Israël. Dieu était pour ainsi dire humanisé ; on regardait autour de soi et l'on cherchait Dieu non pas au loin, mais tout près. Cela donnait à la piété d'Israël un caractère puissant. On disait alors de Dieu : il était, il est et il sera, mais on ne l'entendait pas au sens philosophique, comme nous.

Ainsi la croix de Jésus-Christ est également une face de Dieu. Mais ; cette face on ne peut la graver dans le bois ou sur la pierre. Quiconque a une fois pénétré du regard la face de Dieu, ne peut plus accepter l'idole de bois ou de pierre pour adorer Dieu ; mais il cherche cette face de Dieu dans la vie, là où elle a mis son empreinte dans les hommes qui ont la loi de Dieu inscrite dans leur coeur.

Comment devons-nous donc voir le bon Dieu ? Si le matin nous prions : « Bénis-nous, Seigneur, et laisse ta face luire sur nous ! » et qu'ensuite nous faisons une figure méchante, sans nous saluer les uns les autres, ou en pensant du mal les uns des autres, où sera la bénédiction ? Dieu bénit la création par le moyen des hommes.

Il peut arriver qu'un village entier représente un jour l'image de Dieu. Je me souviens qu'aux temps de mon enfance, à Möttlingen, l'action du Saint-Esprit se manifestait à tel point dans les coeurs, que les étrangers qui arrivaient là-bas disaient : on croit pénétrer dans une demeure de Dieu. On pouvait entrer dans chaque maison, et ou y était reçu avec hospitalité.

Dieu veuille que nous soyons des reflets de son visage, et que sa face se mire, pour ainsi dire, dans le visage des hommes.


101

Au commencement il sembla, au temps des apôtres, que l'Évangile pourrait avec sa puissance vaincre le monde sans plus tarder ; les apôtres purent croire ainsi qu'ils vivraient encore la venue du Seigneur. Mais ils durent apprendre la patience, car ils firent l'expérience qu'il y avait encore beaucoup de choses qui n'étaient pas surmontées, des « Éléments » non vaincus, comme il est dit dans la Ile Épître de Pierre : « Princes, et Puissances et Esprits, qui dominent dans l'air », selon l'expression de Paul. Les éléments sont les fondements sur lesquels le monde est bâti. Et ces fondements ne sont pas vaincus encore aujourd'hui. L'aversion et la haine, mais principalement la légèreté et l'insouciance s'emparent des hommes, et c'est dans cette indifférence que l'amour du monde puise sa force contre Dieu. Parmi les milliers d'hommes il en est à peine un de libre pour l'Évangile.

C'est pourquoi l'Évangile n'intéresse d'abord que peu d'hommes, qui doivent représenter déjà aujourd'hui un nouveau ciel et une nouvelle terre, une « nouvelle création » comme dit Paul. Ceux-là doivent attendre la venue du Seigneur. Et leur attente se transforme en un combat, en un travail pour que le ciel et la terre périssent, comme il est prédit.

Le nouvel élément, qui par l'Évangile a pénétré en eux, est comme un feu ; il a consumé en eux-mêmes la vie fausse ; et maintenant ils brûlent d'une ardeur sacrée contre toutes les fausses assises de la vie des hommes. Chez ceux-là doit en quelque sorte se réaliser d'avance la parole de l'Évangile : « que le ciel passe avec un grand fracas et les éléments fondent par le feu », afin qu'il ne puisse régner en eux aucun vestige même de la puissance des ténèbres. Ils doivent demander à Dieu dans leurs prières ; ne nous épargne pas, que le feu pénètre en nous, et montre autour de nous que ce qui est faux ne peut plus subsister là où règne Jésus-Christ !

Nous devrions, par pitié pour l'humanité, prier que ce feu vienne. Car nous n'avançons pas avec notre prédication ; tout reste comme par le passé. Nous devons être des hommes remplis du feu sacré, des hommes qui soient si intimement liés en Jésus-Christ avec le véritable ciel, que les ténèbres se séparent d'eux très nettement, et que ce qui vit dans les ténèbres sorte distinctement comme ténèbres et soit passé au feu jusqu'à totale purification.

Il faut à Jésus-Christ une Communauté brûlant de ce feu afin de maintenir sur terre le lien avec le Père dans les cieux. Si nous ne brûlons pas pour lui et pour l'avènement de son jour, alors il n'a pour ainsi dire pas de bois pour commencer l'incendie du monde. Et c'est là ce qui fait défaut : personne ne brûle du feu sacré. On s'enflamme, il est vrai, pour telle ou telle confession ; on se dispute sur des dogmes ; cela a été le triomphe de Satan que de faire naître dès le début la dispute au sein de la Communauté chrétienne. Car pendant qu'ils se disputent, la convoitise du monde croît à nouveau en eux. Aussi devons-nous de nos jours abandonner toute querelle religieuse. Nous attendons de nouveaux cieux et une nouvelle terre ! Tourne le dos au monde entier, et sois un brasier devant Dieu, ton Père, afin que tu puisses être le brandon enflammé lancé à travers le monde !

C'est ainsi que nous pouvons devenir les brasiers du monde. Mais nous devons rester tout à fait hauts. Il nous faut « être adroits et nous conduire saintement, en natures divines ». Nous devons nous tenir sur un plan aussi élevé que Jésus, quand il était dans le monde et que les pécheurs ne pouvaient avoir aucune prise sur lui.

Ce fut toujours le danger que l'on réussisse à attacher par un fil, si menu soit-il, les combattants de Dieu et qu'on les attire lentement en bas, jusqu'à ce qu'ils gisent eux-mêmes dans les bas-fonds avec tous les hommes ; et c'est ainsi qu'ils se sont laissé aller en suivant leurs propres désirs, à agir à leur guise dans le monde, selon leurs dons personnels et leurs capacités, et finalement ils ont passé, sans que le moindre résultat ait été atteint ; même chez eux, la lumière s'éteignit.

Il nous en arrive de même à tous, si nous ne nous tenons pas sur un plan assez haut, pour que le monde entier puisse périr dans les flammes au-dessous de nous. Mais si nous avons la patience de notre Maître nous pouvons demeurer au-dessus de tout, et supporter les douleurs de cette époque avec la même patience avec laquelle Jésus supporta ses douleurs, patience qui était chez lui une force de résurrection et qui doit devenir aussi en nous une force de résurrection. Mais c'est un dur combat, jusqu'à ce qu'au moins quelques-uns soient entièrement libres, afin que le feu puisse être allumé en eux, le feu qui mène au jour de Jésus-Christ.


102

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu, nous regardons vers ton Royaume avec des cris d'allégresse et vers le gouvernement dans ton Royaume où tu fais Jésus-Christ Maître et Seigneur, afin qu'il ait la victoire non seulement dans le ciel, mais aussi dans tous les hommes sur la terre, pour qu'ils deviennent bons, aussi les uns envers les autres, qu'ils trouvent la paix et que tout aille selon Ta volonté. Car il faut pourtant que cela soit, et que comme au Ciel Ta volonté transperce la terre.

Sois avec nous avec Ton esprit, afin que nous demeurions fermes comme tes enfants jusqu'au moment où nous pourrons jeter le cri de joie : Sortis de toutes tribulations, sauvés du mal et de la mort, enfin libres avec Toi, notre Père au ciel !

Loué soit Ton Nom déjà aujourd'hui, pendant que nous soupirons encore ! Célébrons Ton Règne ! Glorifié soit Jésus-Christ, notre Sauveur, que Tu nous as donné ! Amen.

FIN
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