Si nous voulons gagner le monde à la cause de Dieu, nous devons user de douceur avec les autres. Tout esprit religieux qui tempête, provoque Dieu, l'homme et le diable, est sans effet. Nous devons être comme des chasseurs qui vont à la chasse aux lièvres et aux chevreuils ; ils s'en vont doucement par la forêt, sans quoi le gibier s'enfuit et leur échappe.
Jésus est le serviteur de Dieu. Car en
lui le bien, le vrai et le juste sont
personnifiés. Le bien, c'est de ne pas briser le
roseau
froissé ; c'est de ne pas rejeter et
condamner à jamais les pauvres et les
réprouvés ; de ne pas vouloir
non plus les transformer de force, mais avec la
lumière que Dieu nous donne, afin que ce qui
subsiste encore de bon chez les
méprisés et les corrompus puisse se
faire jour. Jésus est l'homme silencieux qui
attire le Dieu tout-puissant sur terre et l'y fait
demeurer, qui repousse les ténèbres
et fait sortir le bien. De même il ne court
pas après les Pharisiens ; ce sont eux
qui doivent venir à lui. Il doit se garder
libre, et repousser loin de lui ce qui voudrait
s'attacher à lui de façon inopportune
et se garer de toute hostilité qui le
presse, afin de rester l'homme du silence avec
Dieu.
Qui veut être avec lui dans le
Royaume de Dieu, doit se taire et renoncer à
lui-même. Si nous sommes silencieux, alors la
lumière peut nous être donnée
pour le bien des hommes. Les différents
liens qui pèsent sur les hommes, les
entraves de leur vie, les chaînes de la mort,
peuvent être arrachés ; et les
hommes peuvent devenir des hommes nouveaux, s'il y
a là des serviteurs qui se groupent autour
de Jésus-Christ.
Surtout ne pas tant parler des misères de la vie ! On disserte là-dessus, et on s'y enfonce toujours davantage par ses discours. Celui qui se met en quête d'un ami, auprès de qui il veut « s'épancher », ne fait souvent que s'enfoncer jusqu'au fond de l'enfer par ses discours. Celui qui se tait et regarde vers le Père qui est dans le ciel, et auquel il appartient malgré toutes les adversités, celui-là ouvre une porte dans le ciel.
Je me suis fait cette règle : quand quelque chose ne va pas facilement, je cesse de prier. J'en ai toujours fait l'expérience : lorsque Dieu veut que quelque chose se fasse par moi il suffit d'un mot. Si cela ne se fait pas facilement, je garde le silence, et je me dis : Dieu ne veut pas encore le faire par moi ; et je me garde bien de dire : je veux pourtant le faire avec l'aide de Dieu. Tout zèle excessif ou toute tentative de forcer les choses en disant : « je le ferai pourtant », est une erreur. Nous devons attendre le moment où Dieu veut agir par nous.
Christ garde la patience jusqu'à la croix. Nous savons combien il est difficile d'être patient, surtout jusqu'à la mort. Tous les disciples de Jésus sont exposés à la tentation de se laisser aigrir devant l'adversité. C'est à peine si une communauté chrétienne a déjà réalisé la patience du Christ jusque dans la mort ; ce sont justement des chrétiens d'élite qui ont toujours perdu patience. Et c'est là la raison qui fait que nous n'arrivons pas jusqu'à la résurrection. Car la patience du Christ mène jusqu'au point où le monde croit que tout est fini ! alors vient la Résurrection. Or, c'est seulement dans la Résurrection que le Royaume de Dieu sur terre peut être obtenu.
Jésus n'a pas honte de nous appeler ses frères. Un homme cultivé a honte de se trouver avec des gens incultes ; un juste a honte de se mêler à des injustes ; un homme de bien a honte d'être parmi les méchants, Aucun d'eux n'a compris l'enseignement de Jésus. Un véritable saint n'a pas besoin de se séparer des réprouvés ; il surmonte les impies. Mais si nous ne sommes pas entièrement saintsnotre sainteté fond comme du beurre à la chaleur. Le Sauveur n'a pas honte de nous appeler ses frères, et nous, nous condamnons et nous jetons dans l'enfer ! Nous sommes devenus incapables d'entretenir les uns avec les autres des rapports véritablement humains. Il faut que des rayons de soleil apparaissent, pour que les hommes changent. Une force divine doit faire apparaître ce qu'il y a de divin dans l'homme. C'est par la force de Dieu que le monde doit être converti.
Quand le Sauveur est venu dans le monde, avec l'amour de Dieu, il est toujours resté saint ; il ne se mélangeait pas au monde. Quand il allait vers les péagers et les pécheurs, il ne se faisait pas lui-même un péager et un pécheur. Quand il rencontrait des prostituées et des adultères, il n'excusait rien de ce qui était mal. Au contraire, l'amour de Dieu redresse. Chaque fois que Jésus s'approcha des pécheurs, ceux-ci furent remplis d'effroi ; ils se sentaient atteints dans leur conscience et étaient obligés de devenir d'autres hommes, comme dans le cas de Zachée.
Nous devons comprendre, l'amour d'une façon nouvelle. Mais ne réfléchissez pas trop là-dessus, soyez seulement comme des enfants et prenez la chose tout simplement ! Laissez cet amour, par lequel Dieu a aimé le monde, pénétrer dans vos coeurs comme l'esprit saint ! L'esprit de Dieu déborde d'amour ; en lui il n'y a pas de condamnation. L'esprit de Dieu est amour ; c'est le même esprit, qui a dit au sein des ténèbres : « Que la lumière soit ! », et le monde était là, nouveau. De même un monde nouveau doit naître en Jésus-Christ. Seul l'amour de Dieu doit tout pénétrer ; il faut que la haine, qui est entrée en nous, hommes, soit extirpée. Crois en Jésus-Christ, et n'aie point de haine ! Croire en Jésus, c'est aimer. Prenez l'amour de Dieu dans vos coeurs, et vous serez vous-mêmes séparés de vos péchés vous deviendrez de nouvelles créatures.
L'amour de Dieu nous affranchit. Celui qui aime son prochain est libre ; celui que le hait est un esclave. Celui qui est en paix avec les hommes est affranchi ; celui qui vit en guerre est un esclave.
Nul homme ne peut chercher le Royaume de Dieu
s'il n'est pas absolument libre. Il faut avoir un
esprit élevé, libre,
supérieur, noble, sinon on ne peut
être un serviteur de Dieu.
En particulier, il faut être
affranchi de l'esprit de séparatisme. Il
faut avoir la grande vue d'ensemble du Royaume de
Dieu : Tous peuvent servir ! Le principe
de séparation a toujours nui à la
cause de Dieu. Qui veut servir le Seigneur
Jésus, le roi des rois, le Seigneur des
seigneurs, doit comprendre que le monde appartient
à Dieu, et que Dieu n'abandonne rien de ce
qu'il a créé ; il doit mettre la
main au nom de Dieu sur toutes choses, grandes et
petites, bonnes et mauvaises : personne n'a un
droit spécial ; tout ce qui vit est
à Dieu ! Et cette vérité,
il ne faut pas seulement l'avoir en tête,
mais elle doit s'infiltrer dans notre sang, elle
doit devenir notre respiration.
Ainsi, comme serviteurs de
Jésus-Christ, n'abandonnez personne,
même le plus méchant. Nous devons
croire, de nous-mêmes et
des autres, que nous appartenons à Dieu. Que
je sois encore stupide ou maladroit, si même
il m'arrive de retomber dans le
péché, ce que je suis, en tant
qu'homme, appartient à Dieu. Aucun
péché, aucune mort ne peut abolir ce
fait.
Laissez-moi les pécheurs et les dévoyés ! Ne les rejetez pas hors de ma demeure, ne les rejetez pas hors de mon coeur ! Laissez-moi rechercher la société de ceux qui sont perdus, de ceux que vous appelez des pécheurs ; laissez-moi rechercher l'affranchissement de ceux qui l'ont dans des liens. Je ne veux pas être de ceux qui se tiennent comme des justes dans le désert.
Tu ne dois jamais désespérer de
toi-même en aucune circonstance. Tu dois
croire en toi-même, au nom de la
volonté divine. Ce n'est pas là de
l'égoïsme, mais un juste respect de ce
qu'il y a de divin en toi. Comme je ne dois rien
rejeter, d'autant moins puis-je me rejeter
moi-même. Dans son noyau, personne n'est
vulgaire ; il l'est seulement dans son
enveloppe. Dès que je me rends compte que je
ne vaux rien, ce qu'il y a de noble en moi est
lié ; un être ne voit pas du tout
la vulgarité. Le centenier de Capernaüm
dit à Jésus : je ne suis pas
digne que tu pénètres sous mon toit
(Mat. VIII, 8.) ; mais il ajoute
aussitôt : mais toi, dis un mot
seulement ; envoie, toi, une parole. sous mon
toit !
Une fois que tu as trouvé le
chemin qui mène à Dieu et que tu sais
que, malgré le péché et les
fautes, tu appartiens à Dieu, alors
t'échoit une mission vis-à-vis des
autres hommes et le monde entier peut t'être
mis à coeur.
De même que le centenier de
Capernaüm prie pour le serviteur qui est sous
son toit, ainsi le monde entier peut être
sous ton toit et tu dois prier pour lui. Abraham
pense à toutes les nations de la
terre ; Anne, Marie, dans leurs cantiques de
louanges, portent tous les peuples dans leurs
coeurs. Un enfant de Dieu a la mission de
s'intéresser au monde entier. Nous ne devons
pas tolérer l'enfer dans lequel les hommes
sont plongés. Dieu nous a faits rois et
sacrificateurs.
Les élus prient pour leur salut
(Luc
XVIII, 1-8). Parabole de la
Veuve et du juge), et le Sauveur leur promet qu'ils
seront sauvés dans « un peu de
temps ». Mais leur salut n'est pas la
délivrance de leurs propres peines, leur
salut est le salut de Jésus-Christ, la
glorification du Seigneur, qui consiste en
ceci : que Dieu lui confère la
souveraineté, que son pouvoir soit reconnu,
et que sa majesté et son droit contre
« l'Adversaire »
éclatent au grand jour.
Les élus ne peuvent
eux-mêmes élever Christ à la
royauté. Dieu doit établir leur droit
d'avoir un roi. Il est au pouvoir de Dieu seul de
donner la suprématie à son fils
Jésus-Christ, afin qu'il soit reconnu sur
terre. C'est pour cela que les élus doivent
prier. C'est pour cela que nous sommes
élus ; notre bonheur viendra, quand
nous verrons Jésus-Christ puissant et que
nous pourrons dire : nous l'avons aidé,
nous avons regardé uniquement à Dieu,
et prié Dieu afin qu'il le couronne Roi.
Si nous sommes des messagers de Dieu au nom de
Jésus-Christ, nous devons annoncer le salut,
prêcher la paix, apporter
la bonne parole, et cela à tous les hommes,
grands et petits, riches et pauvres, juste et
injustes. Celui à qui est confiée
cette tâche ne connaît plus la
prédication de la misère, de la
perversité et de l'impiété.
Tout cela a déjà été
prêché ; c'est ce que
prêche le monde entier et la vie de chacun en
particulier.
Celui qui soupire sur son imperfection
et son péché, sur
l'impossibilité de faire le bien, le
prêche dans son coeur. Jésus
pénètre dans cette prédication
qui laisse les hommes souffrir indiciblement, et
lui, Fils de Dieu, au nom du Père annonce
l'Évangile : tes péchés
te sont pardonnés, sois
consolé ; l'impiété, le
mal qui rôdent autour de toi et qui ont
déjà jeté leurs racines en toi
et troublé ta vie, ne peuvent finalement
nuire en rien tout doit être effacé,
pardonné ! Vous appartenez à
Dieu, au Père qui est au ciel, et vous
deviendrez bons, vous deviendrez justes, vous devez
trouver le salut. Ce qui provient du
péché et de la mort, et qui
pèse sur vous intérieurement, la
maladie et la souffrance qui vous torturent
extérieurement, tout cela sera
balayé ; le salut
approche !
Nous devons donc prêcher, nous
aussi, le bien ; annoncer le salut. Mais. si
nous prêchons le bien, nous devons aussi
supposer le bien chez les hommes. Nous devons
donner aux hommes l'impression que nous avons
confiance en eux, qu'ils sont les enfants de Dieu
et que, comme tels, ils ont aussi un sens pour le
Bien. Celui qui va avec de la méfiance
au-devant d'autrui, n'est pas un prédicateur
de l'Évangile ; jamais il ne pourra
trouver le chemin du coeur des pécheurs.
Où que tu ailles ou que tu séjournes,
suppose le bien chez les hommes au nom du
Sauveur !
L'apôtre nous dit :
« Laissez toutes choses s'accomplir dans
l'amour. »
Mais il
n'est pas facile de demeurer en toutes
choses, dans l'amour. Ah ! oui, dans
l'Eglise et dans les heures de méditation,
cela est facile ! Mais dans les choses
fastidieuses de la vie quotidienne, c'est un
travail que de garder fermement l'intelligence de
l'amour. Car nos occupations journalières
nous font perdre l'élévation
d'esprit, et à cause de ces choses qui nous
entourent nous ne sommes plus en état de
comprendre ni d'aimer les hommes. C'est comme s'il
y avait dans les choses elles-mêmes une
puissance de domination qui nous aigrit
constamment ; ce sont autant de piqûres
et de désagréments de toutes sortes,
d'actes ou de mots blessants qui troublent notre
coeur.
Même dans ces choses nous devons
rester sur le plan supérieur et garder la
compréhension de l'amour. L'amour doit
être pour nous la suprême raison, et
non pas seulement une sorte de doux murmure de
l'âme qui nous transporte au paradis. C'est
sot de ne pas trouver l'amour dans ces choses, et
de se laisser bannir de la sphère divine et
supérieure de l'amour comme il vient
à nous en Jésus. L'amour qui n'est
que flatterie fond comme neige au soleil ;
à la première occasion, il
s'écroule. Notre amour doit demeurer sur la
hauteur, dans la force de Dieu et de l'Esprit de
Jésus-Christ. Celui qui ne trouve pas en lui
l'intelligence de l'amour sera incapable de rien
surmonter.
Si tu n'appartiens pas à Dieu, tu ne peux
avoir l'amour. Mais si tu t'appuies sur l'amour de
Dieu, tu es comme transporté sur une haute
montagne. Quiconque hait, doit descendre dans les
bas-fonds. Celui qui a de mauvais sentiments, qui a
été méchant, combien il est
descendu bas ! Quand tu hais, quand tu es
avare, irritable et susceptible, combien bas tu
dois
descendre. Au
contraire, plus tu arrives haut et plus
s'élargit l'horizon de ton amour. Quand nous
gravissons la montagne du Seigneur, nous sommes
émerveillés ; et plus haut nous
arrivons, plus s'élargit notre amour. Mais
il faut monter toujours plus haut, jusqu'à
ce que nous puissions aimer tous les hommes, de
l'amour dont Dieu a aimé le monde. Sur les
sommets de l'amour de Dieu, nous commençons
à redevenir des créatures à
son image, et nous pouvons être à
nouveau comme lui. Là nous apprenons
à comprendre les hautes pensées de
Dieu à l'égard de toute la
création. Il faut de la patience et de la
foi pour arriver à ce sommet. Mais aussi
quels résultats s'il y a au moins quelques,
hommes qui parviennent au sommet. Oh ! quelle
lumière se répand
alors !
Place-toi donc sur la montagne du
Père, et deviens saint comme Dieu l'est.
Aime comme Dieu ! Il te donne une
mentalité plus haute que celle du reste des
hommes, la mentalité royale de
Jésus-Christ. Les querelles des serviteurs
portent atteinte à la dignité du Roi.
Jésus est le seul jusqu'à
présent qui ait aimé les hommes d'un
amour désintéressé. Combien
vite avons-nous l'idée d'écarter
autrui ! Parce que notre amour est terrestre,
nous en arrivons à nous trouver heureux,
tout en sachant qu'il y en a d'autres qui sont sans
espoir. Mais Jésus, lui, regarde au
delà de toutes les frontières. Il
nous aime par avance, avant même que nous
soyons « dignes de son
amour » ; il nous aime même
avant la venue du Royaume ; il nous aime
pendant que nous sommes pécheurs. Car son
amour émane de l'éternité. Et
c'est précisément pour cela que le
jugement est lié aussi à son
amour ; cet amour n'est pas mesquin, il
n'excuse pas nos
fautes ;
il doit nous façonner, afin que nous soyons
purifiés. Notre félicité
réside en cet amour de Jésus-Christ.
« Vous êtes
aimés » : voilà
l'Évangile.
Mais si nous voulons être des
disciples de Jésus, nous devons aussi aimer
les hommes dans l'amour de Jésus-Christ. Et
cela n'est pas chose facile. Trop souvent les
formes humaines nous apparaissent
enveloppées de ténèbres et
décevantes. Il s'est créé une
résistance toute nouvelle contre
Jésus : les hommes ne veulent pas
être aimés, ils veulent s'aider
eux-mêmes. C'est alors qu'il faut que nous
les aimions dans l'esprit de Jésus-Christ,
non pas dans la chair, ni à la façon
terrestre, mais en esprit ; en
espérance nous ne devons plus permettre
qu'aucune barrière s'élève
entre nous et les hommes.
Aimez aussi ceux qui sont laids et
taciturnes, aimez aussi vos ennemis, aimez
également dans les épreuves et jusque
dans l'enfer ! Haïssez le mal, mais ne
haïssez plus les hommes qui font le mal !
Nous devons apprendre à faire la distinction
entre les fautes, les vices et les besoins
corporels des hommes, - qui sont
hélas ! si souvent les abris du
péché - et l'homme lui-même.
Nous devons, avec le Sauveur, regarder jusqu'au
fond des coeurs par-dessus les barrières de
la laideur. Avez-vous jamais sondé un coeur
d'homme, qui ne soit pas digne d'être
aimé ?
J'ai une grande confiance dans cet amour
du Christ. Il porte en lui une force énorme.
Il est la puissance qui convertit les hommes. Nous
pouvons, dans cet amour du Christ, vaincre des
nations et des sociétés
entières, sans qu'elles s'en doutent. Car
derrière elles marchera le Dieu puissant, et
il agira au plus profond d'elles-mêmes, parce
qu'elles sont désormais aimées, Qui
sait si la venue du Royaume de Dieu n'a pas
été retardée parce que l'on a
toujours rétabli des barrières, et
parce que les disciples de Jésus n'ont pas
tout à fait compris leur mission qui
était de regarder tous les
hommes comme de futurs membres dans le Royaume de
Dieu ? Pensez-vous donc que les hommes
puissent se convertir en dehors du Royaume de
Dieu ? jamais, non, jamais. Nous devons les
transporter par notre amour, dans le Royaume de
Dieu. C'est seulement lorsqu'un homme a
pénétré par l'amour du Sauveur
dans le Royaume de Dieu, que les chaînes qui
le tiennent encore attaché peuvent tomber.
Le Royaume s'étendra sur tous les peuples,
avant qu'ils en aient conscience ; lentement
alors, ils se transformeront ils recevront un coeur
nouveau et de nouvelles pensées et alors
pourra aussi venir le temps où leurs
aspirations supérieures seront
réalisées.
Attachons-nous à ce Sauveur, et
croyons fermement ceci : quelque chose du
Royaume a commencé, qui n'a pas de cloisons,
car c'est le Royaume de Dieu!
Même dans une piété extérieure, comme par exemple celle qui florissait chez le peuple d'Israël, le péché peut exister. Le péché capital c'est le manque d'égards des hommes les uns envers les autres. C'est le péché capital parce que c'est le signe du manque d'égards vis-à-vis de Dieu. Celui qui a Dieu dans son coeur ne peut tourmenter son prochain ; il doit le prendre en considération et avoir à coeur d'aplanir pour lui les fardeaux les plus pénibles de la vie.
Il faut remarquer que le Sauveur déclare
dans le Sermon sur la Montagne : il a
été dit aux anciens : Tu aimeras
ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Il ne
dit pas : Dieu a dit aux
anciens. C'était devenu une tradition chez
les anciens mais Dieu n'a pas dit cela. Et le
Sauveur dit maintenant ; mais moi je vous dis,
je vous dis ce que Dieu seul dit et a dit de toute
éternité : Aimez vos ennemis et
priez pour ceux qui vous persécutent, afin
que vous soyez les enfants du Père qui est
dans les cieux et que vous soyez parfaits comme il
est parfait.
Si je veux être parfait, comme mon
Père qui est dans les cieux, si je veux
arriver à la perfection de Dieu - que je
puis atteindre - en sorte que je puisse vraiment
être appelé un enfant de Dieu, alors
je dois considérer l'homme en tant qu'homme,
et écarter tout ce qui me choque en
lui ; le reste ne me regarde pas.
Dieu ne se résout jamais à
traiter les pécheurs autrement que les
justes. Si le sort d'un pécheur est
différent de celui d'un juste, la faute n'en
est qu'à lui-même. Si quelqu'un
s'écarte de la bonté et de la
protection de Dieu, il lui arrive ce qui arrive
à quelqu'un dans le monde qui se mettrait en
dehors de la protection divine. Mais le soleil luit
pourtant encore pour lui ; nul homme ne peut
échapper entièrement à l'amour
de Dieu. Mais dans cet amour tu dois être
pratiquement un enfant de Dieu.
Il ne faut pas croire qu'on s'amollisse
dans cet amour au contraire, on s'ennoblit. L'amour
de Dieu est noble ; l'amour qui provient
seulement de source humaine est commun. L'amour de
Dieu est, saint, noble, fier comme le soleil ;
il aurait honte de repousser quelqu'un ; il
repousse le péché, le malheur, mais
non pas l'homme. Grâce au Sauveur le
péché est devenu branlant, tel un
clou qui branle dans une planche, de sorte qu'on
peut l'arracher ; si je condamne maintenant le
pécheur, je renfonce au contraire le clou,
je le recourbe même encore pour qu'il ne
sorte plus du tout. Notre devoir
est au contraire de l'arracher, afin de
séparer le péché du
pécheur. Nous devons être pour les
hommes comme le soleil qui réchauffe dans
l'amour de Dieu.
La Communauté de Jésus-Christ doit
faire resplendir la face de Dieu dans le
monde ; l'amour, la bonté, la
bienveillance de Dieu, en toute
vérité et en toute justice, en toute
sévérité et en toute douceur.
Elle devrait être l'image même de Dieu,
pour laquelle on oublie toutes les autres
images.
Ainsi en Israël, on a vu un visage
de Dieu, et à la vérité
différents visages, parfois même un
visage courroucé, comme par exemple chez
Elie, ou un visage sombre comme chez
Jérémie. Cela a donné son
cachet à toute l'histoire
d'Israël ; quand vous la lisez, vous y
étudiez les traits du visage de Dieu comme
ils se présentaient alors au peuple
d'Israël. Dieu était pour ainsi dire
humanisé ; on regardait autour de soi
et l'on cherchait Dieu non pas au loin, mais tout
près. Cela donnait à la
piété d'Israël un
caractère puissant. On disait alors de
Dieu : il était, il est et il sera,
mais on ne l'entendait pas au sens philosophique,
comme nous.
Ainsi la croix de Jésus-Christ
est également une face de Dieu. Mais ;
cette face on ne peut la graver dans le bois ou sur
la pierre. Quiconque a une fois
pénétré du regard la face de
Dieu, ne peut plus accepter l'idole de bois ou de
pierre pour adorer Dieu ; mais il cherche
cette face de Dieu dans la vie, là où
elle a mis son empreinte dans les hommes qui ont la
loi de Dieu inscrite dans leur coeur.
Comment devons-nous donc voir le bon
Dieu ? Si le matin nous prions :
« Bénis-nous, Seigneur, et laisse
ta face luire sur nous ! » et
qu'ensuite nous faisons une figure méchante,
sans nous saluer les uns les autres, ou en pensant du
mal les uns des autres,
où sera la bénédiction ?
Dieu bénit la création par le moyen
des hommes.
Il peut arriver qu'un village entier
représente un jour l'image de Dieu. Je me
souviens qu'aux temps de mon enfance, à
Möttlingen, l'action du Saint-Esprit se
manifestait à tel point dans les coeurs, que
les étrangers qui arrivaient là-bas
disaient : on croit pénétrer
dans une demeure de Dieu. On pouvait entrer dans
chaque maison, et ou y était reçu
avec hospitalité.
Dieu veuille que nous soyons des reflets
de son visage, et que sa face se mire, pour ainsi
dire, dans le visage des hommes.
Au commencement il sembla, au temps des
apôtres, que l'Évangile pourrait avec
sa puissance vaincre le monde sans plus
tarder ; les apôtres purent croire ainsi
qu'ils vivraient encore la venue du Seigneur. Mais
ils durent apprendre la patience, car ils firent
l'expérience qu'il y avait encore beaucoup
de choses qui n'étaient pas
surmontées, des
« Éléments » non
vaincus, comme il est dit dans la Ile
Épître de Pierre :
« Princes, et Puissances et Esprits, qui
dominent dans l'air », selon l'expression
de Paul. Les éléments sont les
fondements sur lesquels le monde est bâti. Et
ces fondements ne sont pas vaincus encore
aujourd'hui. L'aversion et la haine, mais
principalement la légèreté et
l'insouciance s'emparent des hommes, et c'est dans
cette indifférence que l'amour du monde
puise sa force contre Dieu. Parmi les milliers
d'hommes il en est à peine un de libre pour
l'Évangile.
C'est pourquoi l'Évangile
n'intéresse d'abord que peu d'hommes, qui
doivent représenter déjà
aujourd'hui un nouveau ciel et une nouvelle terre,
une « nouvelle création » comme
dit Paul. Ceux-là doivent attendre la venue
du Seigneur. Et leur attente se transforme en un
combat, en un travail pour que le ciel et la terre
périssent, comme il est prédit.
Le nouvel élément, qui par
l'Évangile a pénétré en
eux, est comme un feu ; il a consumé en
eux-mêmes la vie fausse ; et maintenant
ils brûlent d'une ardeur sacrée contre
toutes les fausses assises de la vie des hommes.
Chez ceux-là doit en quelque sorte se
réaliser d'avance la parole de
l'Évangile : « que le ciel
passe avec un grand fracas et les
éléments fondent par le
feu », afin qu'il ne puisse régner
en eux aucun vestige même de la puissance des
ténèbres. Ils doivent demander
à Dieu dans leurs prières ; ne
nous épargne pas, que le feu
pénètre en nous, et montre autour de
nous que ce qui est faux ne peut plus subsister
là où règne
Jésus-Christ !
Nous devrions, par pitié pour
l'humanité, prier que ce feu vienne. Car
nous n'avançons pas avec notre
prédication ; tout reste comme par le
passé. Nous devons être des hommes
remplis du feu sacré, des hommes qui soient
si intimement liés en Jésus-Christ
avec le véritable ciel, que les
ténèbres se séparent d'eux
très nettement, et que ce qui vit dans les
ténèbres sorte distinctement comme
ténèbres et soit passé au feu
jusqu'à totale purification.
Il faut à Jésus-Christ une
Communauté brûlant de ce feu afin de
maintenir sur terre le lien avec le Père
dans les cieux. Si nous ne brûlons pas pour
lui et pour l'avènement de son jour, alors
il n'a pour ainsi dire pas de bois pour commencer
l'incendie du monde. Et c'est là ce qui fait
défaut : personne ne brûle du feu
sacré. On s'enflamme, il est vrai, pour
telle ou telle confession ; on se dispute sur
des dogmes ; cela a été le
triomphe de Satan que de faire naître
dès le début la dispute au sein de la
Communauté chrétienne. Car pendant
qu'ils se disputent, la convoitise du monde croît
à nouveau en eux. Aussi devons-nous de nos
jours abandonner toute querelle religieuse. Nous
attendons de nouveaux cieux et une nouvelle
terre ! Tourne le dos au monde entier, et sois
un brasier devant Dieu, ton Père, afin que
tu puisses être le brandon enflammé
lancé à travers le
monde !
C'est ainsi que nous pouvons devenir les
brasiers du monde. Mais nous devons rester tout
à fait hauts. Il nous faut
« être adroits et nous conduire
saintement, en natures divines ». Nous
devons nous tenir sur un plan aussi
élevé que Jésus, quand il
était dans le monde et que les
pécheurs ne pouvaient avoir aucune prise sur
lui.
Ce fut toujours le danger que l'on
réussisse à attacher par un fil, si
menu soit-il, les combattants de Dieu et qu'on les
attire lentement en bas, jusqu'à ce qu'ils
gisent eux-mêmes dans les bas-fonds avec tous
les hommes ; et c'est ainsi qu'ils se sont
laissé aller en suivant leurs propres
désirs, à agir à leur guise
dans le monde, selon leurs dons personnels et leurs
capacités, et finalement ils ont
passé, sans que le moindre résultat
ait été atteint ; même
chez eux, la lumière s'éteignit.
Il nous en arrive de même à
tous, si nous ne nous tenons pas sur un plan assez
haut, pour que le monde entier puisse périr
dans les flammes au-dessous de nous. Mais si nous
avons la patience de notre Maître nous
pouvons demeurer au-dessus de tout, et supporter
les douleurs de cette époque avec la
même patience avec laquelle Jésus
supporta ses douleurs, patience qui était
chez lui une force de résurrection et qui
doit devenir aussi en nous une force de
résurrection. Mais c'est un dur combat,
jusqu'à ce qu'au moins quelques-uns soient
entièrement libres, afin que le feu puisse
être allumé en eux, le feu qui
mène au jour de Jésus-Christ.
Seigneur notre Dieu, nous regardons vers ton Royaume avec des cris d'allégresse et vers le gouvernement dans ton Royaume où tu fais Jésus-Christ Maître et Seigneur, afin qu'il ait la victoire non seulement dans le ciel, mais aussi dans tous les hommes sur la terre, pour qu'ils deviennent bons, aussi les uns envers les autres, qu'ils trouvent la paix et que tout aille selon Ta volonté. Car il faut pourtant que cela soit, et que comme au Ciel Ta volonté transperce la terre.
Sois avec nous avec Ton esprit, afin que nous demeurions fermes comme tes enfants jusqu'au moment où nous pourrons jeter le cri de joie : Sortis de toutes tribulations, sauvés du mal et de la mort, enfin libres avec Toi, notre Père au ciel !
Loué soit Ton Nom déjà aujourd'hui, pendant que nous soupirons encore ! Célébrons Ton Règne ! Glorifié soit Jésus-Christ, notre Sauveur, que Tu nous as donné ! Amen.
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