Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

LA COMMUNAUTÉ

suite

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31

Les hommes sont doués d'une grande force, ils peuvent faire beaucoup physiquement et intellectuellement ; aussi mènent-ils grand bruit dans le monde. Mais il n'est pas en leur pouvoir de devenir véritablement des hommes ; cela doit venir d'ailleurs. C'est à cette tâche que doit s'employer la communauté de Jésus-Christ. Car elle se compose d'hommes en qui la force de Dieu peut se manifester ; ces hommes renoncent à toute puissance purement humaine ; ils sont affligés d'épreuves, mais la force de Dieu empêche qu'ils soient écrasés ; ils ont les mêmes angoisses que les autres hommes, mais ils ne perdent pas courage. Ils portent sur eux l'empreinte divine du Christ, afin qu'ils soient des témoins vivants de la résurrection. Ils souffrent, mais seulement pour qu'une force inépuisable se répande dans le monde. C'est par eux que la Résurrection de Jésus-Christ peut se perpétuer.


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Nous devons être ceux qui ouvrent les portes ; en quelque sorte, la clef du monde. Les Chrétiens ne sont que des précurseurs.


33

Nous devons être sur cette terre une communauté dans l'attente, une communauté qui sait que sa tâche est de veiller toujours à ce que les forces célestes pénètrent le monde ; une communauté qui languit de son Sauveur dans le Ciel. Étant ceux qui attendent, le Sauveur nous a désignés pour veiller aux portes. Nous ne sommes pas appelés à de grandes tâches, mais à rendre de modestes services à notre Maître ; nous devons nous tenir aux portes comme des valets et des servantes, et nous remplissons notre simple et modeste devoir en acceptant d'être des gardiens aux portes. Déjà aujourd'hui, il y a des portes ouvertes pour ceux qui font le guet ; le Sauveur est déjà en chemin, il répand dans nos coeurs et nos âmes beaucoup de choses bonnes et douces afin que, dans les épreuves et les douleurs de cette vie, nous puissions entrevoir une clarté céleste. Comme gardiens aux portes, nous sommes déjà d'heureuses gens, même si nous devons encore attendre : nous attendons volontiers, et avec patience, car nous savons que le Seigneur approche. Veiller fait paraître le temps court et béni.

Et comme nous veillons, nous devons de même prier. On n'a pas le droit de nous interdire de prier pour que le Seigneur Jésus vienne. Beaucoup pensent qu'il est insensé de prier pour la venue du Sauveur et qu'il viendra à son heure, qui est inscrite dans le ciel, et à laquelle nous ne pouvons rien changer. Eh bien ! qu'on nous laisse être insensés. Comme gardiens des portes nous ne pouvons nous lasser de prier : Seigneur Jésus, viens ! Ce n'est pas la tâche de tous les chrétiens d'être gardiens des portes. Mais celui que le Sauveur a placé à ce poste, doit prier jusqu'à ce que le Maître arrive.


34

L'Évangile n'est pas autre chose qu'une annonciation du Royaume de Dieu, c'est-à-dire de la pénétration de Dieu dans l'humanité. Cette pénétration de Dieu, qui commence aujourd'hui par, l'annonciation de l'Évangile, n'est pas encore une chose terminée, elle prédit l'achèvement. Mais cette nouvelle ère doit déjà commencer chez ceux qui portent l'Évangile dans leurs coeurs, et qui savent pertinemment que Dieu justifiera l'annonce de l'Évangile par l'apparition véritable du Royaume de Dieu, et non seulement en paroles, mais en actions ; l'Évangile doit être une annonciation des temps nouveaux. Il faut que nous ayons la preuve déjà aujourd'hui que des péchés peuvent être pardonnés et qu'aujourd'hui déjà des secours de toute espèce viennent aux hommes. Le présent dans les annonciateurs de l'Évangile doit représenter ce qui sera dans l'avenir et s'harmoniser avec lui. Les croyants et les compagnons de Jésus-Christ, sont ceux qui portent effectivement en eux l'avenir du Royaume de Dieu, ceux qui savent s'en porter garants par toute leur personne, ceux qui ne regardent plus ni en arrière, ni de côté, mais uniquement en avant, ceux qui ont toujours au coeur cette certitude : quand même nous ne savons pas du tout comment cela doit se faire, nous savons une chose : Jésus est le Maître.


35

Par rapport au but proprement dit de notre vie, nous sommes pauvres. Beaucoup d'hommes ne se préoccupent que de ce qui est à leur portée immédiate : mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! Dans la Bible cela s'appelle « être riches ». Ces gens sont en réalité aussi de pauvres hères ; mais on les nomme à première vue les riches, bien qu'en fait, ils soient les plus pauvres d'entre les pauvres.

Or, ils s'adonnent à toutes les choses possibles et périssables qui sont à portée de leurs mains ; et voici, quand Dieu se présente avec sa nourriture divine, ils sont déjà repus. Les autres, eux, sont dits pauvres. Ils ont en vue quelque chose de meilleur, de plus haut, et dans leur effort, dans leur aspiration, ils finissent par en conclure que les hommes ne peuvent être aidés que par Dieu seulement. Heureux sont ces pauvres, ces pauvres en esprit, car le Royaume de Dieu est à eux.

Dieu n'oublie pas le cri de ces Pauvres. Ils sont en réalité ses gens à lui sur terre. Il n'est pas facile de nos jours de se mettre du côté des pauvres ; mais Dieu veille à ce qu'il y ait toujours à nouveau des pauvres, et c'est là un bonheur pour l'avenir du Royaume de Dieu. Quand Dieu aperçoit une âme noble, il lui prépare sa route pour qu'elle ne devienne pas riche ; il lui donne de faire partie des pauvres, dont le cri est nécessaire afin qu'une liaison puisse s'établir entre Dieu et les hommes. Il faut qu'il y ait chaque jour un appel à Dieu. Il y a des chrétiens légers qui ne veulent que planer sur la hauteur ; mais ils n'y réussissent qu'un temps. L'homme peut s'exalter, même par la lecture de la Bible et avec des pratiques religieuses mais cela ne dure pas.

Remercie Dieu si tu n'appartiens pas au monde des riches. Seuls tes soupirs dans la foi te rendront riche. Tes soupirs font ta richesse. Il est nécessaire qu'il y ait des gens qui crient comme s'il n'y avait aucun Dieu de par le monde.

Un christianisme gai n'est pas à sa place dans un monde où des millions de nos frères et de nos soeurs vivent et meurent de misère, dans le meurtre et l'assassinat, la fausseté et la cruauté, où l'avarice et l'envie corrompent toute chose, où les peuples s'entre-tuent et se ruinent. C'est alors que notre cri doit être puissant ; nous devons être de pauvres gens qui ont soif de la venue de Dieu et de l'apparition du Sauveur, et faim du Saint-Esprit qui doit nous enseigner et nous guider. Le Sauveur lui-même s'est fait le compagnon de ces pauvres, lui pourtant comblé des dons de Dieu. Il a été le plus pauvre d'entre les pauvres, jusqu'à pousser ce cri : mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

C'est dans ce cri que se trouve notre chemin vers Dieu et le chemin de Dieu vers nous. Car tant que nous avons encore des attaches capables de nous satisfaire selon les circonstances, la force du Royaume des cieux qui est nécessaire pour soumettre le monde ne vient pas. Rien qu'un petit morceau du Royaume du ciel ne suffit pas ; seulement une providence générale au-dessus des hommes ne l'emporte pas : il faut que le gouvernement immédiat de Dieu soit amené tout entier par « les pauvres ». Une parcelle du christianisme ne suffira pas non plus ; trop d'à-côtés ont pris de l'importance. Un enseignement dogmatique de Dieu peut diriger pendant un certain temps, mais ce n'est pas Dieu ; une institution religieuse peut dominer, mais ce n'est pas Jésus ; la science peut grandir et donner un soi-disant esprit, mais ce n'est pas le Saint-Esprit. Pour surmonter le monde, il faut la pauvreté absolue, le cri : Dieu seulement !

Beaucoup de gens aujourd'hui veulent instaurer un ordre tout autre dans la société ; ils s'y emploient corps et âme et s'adonnent aux plus grands espoirs. Mais quand même toutes les conditions actuelles seraient écartées qu'adviendrait-il ? Est-ce que d'autres lois nous aideront ? Non, notre progrès doit être : Dieu toujours plus, et de plus en plus une direction qui vienne d'en haut ici-bas !

Nous devons donc, pour ainsi dire, faire concurrence aux hommes de progrès du monde et prendre l'avantage sur eux, de telle façon qu'à la fin le cri du monde impie serve aussi la cause de Dieu. Car le cri d'appel des pauvres doit être un cri pour le monde entier. Nous devons attirer la direction de Dieu si fort à nous que finalement le monde entier ne puisse plus bouger sans qu'il en résulte un bénéfice quelconque pour le Royaume de Dieu. L'influence de ces pauvres dans le monde doit être finalement plus grande que celle des plus puissants du jour, parce que ces Pauvres attirent sur terre le gouvernement de Dieu.


36

Pour surmonter l'orgueil et la haine des Juifs, Dieu s'est servi de Paul. Dieu emploie un homme spécial, pour chaque tâche spéciale dans le Royaume de Dieu. Un païen ne pouvait pas remplir cette tâche, un juif authentique non plus, il fallait qu'elle échut à un juif brisé, non à une urne d'Israël, mais à un vase ébréché. Et c'est dans ce réceptacle brisé que Dieu a répandu son esprit.


37

Tout vrai serviteur de Dieu est issu de la misère des hommes. Tous les prophètes sont issus de la misère des hommes et représentent les malheureux. Mais c'est d'une façon toute spéciale, avec force et non pas seulement avec des paroles, que Jésus vient en chair parmi les hommes, pour habiter dans cette chair et pousser du fond de la misère le cri : mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? C'est pourquoi le renoncement commence pour nous aussi lorsque nous nous tournons vers les misérables, et que nous suivons la voie du Sauveur qui, du sein de l'humanité la plus humble, soupire vers son Dieu afin que sa domination arrive aux âmes les plus basses et leur vienne en aide.


38

C'est dans la misère de ceux qui croient en Jésus-Christ que l'on doit s'apercevoir que Jésus vit. Paul sert le Seigneur qui surmonte la mort, avec ses liens. Les guérisons opérées par Jésus sont des « signes » qui peuvent exister, mais qui peuvent aussi ne pas exister, ils sont les conséquences d'une nouvelle vie spirituelle mais ils ne se produisent pas nécessairement ; celui qui possède la nouvelle vie spirituelle peut aussi souffrir, et mourir. Jésus a autre chose en vue que de rappeler seulement à la vie un corps déjà promis à la tombe. Il vise au « jour à venir », au jour idéal, à l'époque idéale. Mais au lieu de croire au Seigneur de ce jour, les gens veulent seulement être guéris. Or, si les miracles accomplis par Dieu sur nos corps ne sont point comme des flèches indiquant la venue du Royaume de Dieu, ils n'ont aucune valeur. Nous ne devons pas demander à Dieu des secours seulement pour la vie terrestre, car alors on n'a en vue que le jour présent, et non pas « le jour à venir ».


39

Souvent on ne voit sur terre aucune justice, c'est alors que nous avons faim et soif de justice. Mais avoir faim fait mal. On ne peut supporter longtemps la faim et la soif ; l'homme affamé qui n'a aucune perspective de nourriture, retourne parfois à la bête. Quand la justice fait défaut, l'homme voit son esprit se paralyser, et il abandonne Dieu. Souvent c'est là la cause de ce qu'on appelle l'incrédulité : les malheureux ne peuvent plus supporter la faim. Les incroyants ne sont pas toujours les moins nobles, mais souvent les plus nobles. On doit, comme chrétien, avoir pitié de ces incroyants ; ils se perdent par manque de justice. Beaucoup ne voient que religion ou piété, mais pas de justice. Alors ils doutent de Dieu.

Or les gens pieux ne veulent souvent pas voir qu'eux aussi devraient avoir faim de justice ; ils le considèrent comme acquis, et pensent que les gens doivent être satisfaits d'eux, même s'ils ne sont pas justes. Ils donnent ainsi l'impression de la satiété, alors qu'ils sont des affamés ; et cela choque les autres hommes. Nous devons être des affamés, aussi longtemps que chez nous les choses ne vont pas tout à fait droit ; nous devons le voir et le reconnaître en toute simplicité, alors les gens ne pourront plus nous mépriser. L'Eglise elle-même devrait dire : venez dans le temple, nous voulons pleurer ensemble, avoir faim ensemble, implorer ensemble.

Le seul être qui puisse nous rassasier est Jésus. Mais il vient comme le Puissant, et c'est pour cela que nous devons également accepter son jugement. Qui veut la justice doit accepter le jugement. Jésus-Christ est aujourd'hui déjà le juge des vivants et des morts ; si je vis pour lui, je dois accepter son châtiment, mais c'est un châtiment bienfaisant.

Quand Jésus paraît, je deviens encore plus pauvre, car c'est alors que mon péché vient au jour. Il est la lumière du monde ; avant son apparition ce sont les ténèbres ; mais quand il apparaît, on voit le mal. Quand nous entrons en contact avec Jésus, le mal apparaît d'abord. Avant on pouvait se faire des illusions sur bien des choses ; maintenant plus. Face à face avec ce qui est la vraie vérité, nous devenons pauvres et non riches. Le jugement accompagne la parole de Dieu ; mais dans ce jugement, il y a de l'amour.

Dieu soit loué que l'impureté sorte ! Viens, ô Seigneur Jésus et fais la lumière, afin qu'aucune impureté ne puisse plus demeurer cachée ! Car c'est seulement quand le mal sort que le secours peut venir. Dans toutes les situations l'aide peut venir, Jésus ne considère personne comme perdu. Mais d'abord, il faut que nous soyons affamés, car on ne peut rassasier que les affamés. Aussi réjouissez-vous, vous qui êtes affamés, car vous pouvez être secourus !

Or, celui qui veut être rassasié, doit manger ; il doit ouvrir la bouche et broyer les aliments. Tu dois donc aussi faire un effort pour cela. Il est vrai que tout ici est grâce c'est aussi une grâce que j'aie une bouche et des dents mais pourtant il faut que j'ouvre la bouche, et que mes dents mordent les choses dures. Si nous n'avons aucune énergie à vouloir être rassasiés et à venir à Dieu en surmontant l'iniquité, si nous sommes des lâches, nous retombons vite de nouveau dans le sommeil des injustes. Car les injustes sont paresseux ; ils s'étendent et dorment sur leurs coussins. Ceux qui cherchent la justice, eux, ne dorment pas ! jour et nuit il faut qu'ils se défendent, en eux se meut une énergie pour le bien, l'énergie de la foi. Le Sauveur veut nous avoir à ses côtés en collaborateurs énergiques. Il s'agit de travailler, si l'on veut être rassasié ; c'est là une loi qui régit toute la création. Ayez de l'énergie dans la faim, et vous verrez bientôt ce qui est possible aux côtés du Sauveur ; car derrière cette énergie se tient le Dieu Tout-Puissant. Et par lui et par sa communauté, Jésus veut rassasier le monde.


40

Les petits sont souvent nos bons anges, ceux que l'on méprise doivent nous aider ; souvent ceux qui n'ont pas beaucoup à dire dans le monde, doivent dire aux enfants de Dieu ce qui importe le plus. Le bon Dieu m'a souvent envoyé des hommes que l'on méprisait, et qui avaient quelque chose à me dire, par un simple petit mot, sans le savoir eux-mêmes. Si en pareil cas je pense : qu'est-ce que celui-là a à me dire ? je néglige d'écouter la voix de Dieu qui me parle par lui. Parfois, Dieu met des gens sur notre route afin d'éviter un malheur, ou aussi pour amener un progrès en nous-mêmes. Il est déjà arrivé que les maîtres ont été mis dans le plus grand embarras parce que leurs serviteurs n'osaient pas se faire entendre ; ces maîtres étaient trop fiers et ne laissaient pas arriver jusqu'à eux la parole dite à propos. Nous devons toujours être attentifs, et aucun orgueil humain ne doit nous empêcher d'écouter aussi les petits de ce monde.


41

Un jour, le Royaume de Dieu sera achevé par de petites gens, par des gens de peu d'apparence ou qu'on tient pour n'avoir pas voix au chapitre. Les puissants et les grands de ce monde viendront seulement après, comme un butin dans la main de Dieu, alors que tout sera accompli. Ceux-là ouvriront alors de grands yeux, quand l'oeuvre aura été achevée par de pauvres petites gens, qui ne faisaient aucun cas d'eux-mêmes, mais s'en tenaient à l'amour de Dieu en Jésus-Christ et à la révélation de Dieu telle qu'elle se manifeste directement dans les coeurs !


42

Même comme chrétien tu ne peux rien ; c'est Jésus qui agit. Tu dois seulement avoir la foi, et annoncer l'Évangile. Le Sauveur veillera au reste.


43

La Communauté de Jésus-Christ est le temple de Dieu sur la terre. Dans ce temple tout doit être sanctifié. Les hommes qui y vivent ne peuvent pas tous être parfaits, mais ils peuvent garder fidèlement dans leurs coeurs la vérité de Dieu et le droit de Dieu sur la terre.

À défaut de ce temple le Royaume de Dieu ne viendra pas sur terre. C'est pourquoi les prophètes et les apôtres font preuve d'un tel zèle pour la pureté de ce temple. Surtout il ne faut pas prendre place dans ce temple avec un coeur impur ! Surtout, il ne faut pas vouloir enlever en secret l'acuité de la volonté de Dieu (c'est-à-dire ce qu'elle a de pénétrant) ! (1). Le peuple auquel il est réservé de faire triompher la cause de Dieu, doit avoir. du mordant en lui-même, pour lui-même et contre lui-même. Il doit aimer le monde dans l'amour de Dieu ; mais ne pas se laisser influencer par le monde. Les apôtres luttent à la vie et à la mort pour cette pureté du Christ, pour qu'aucune autre direction ne pénètre dans le cercle des représentants de Dieu sur terre, afin que Sa pointe ne soit pas émoussée. Que pouvons-nous faire avec une communauté de Jésus-Christ qui ne soit pas pure ?


44

La Communauté de Jésus-Christ ne doit se laisser pénétrer par aucune influence étrangère. Tant de choses veulent se faire valoir même sur le plan spirituel et pèsent sur nous : la science, l'art, l'habileté dans la vie de tous les jours, les usages, les coutumes, tout veut se faire valoir. Ces choses ne sont d'ailleurs pas mauvaises en elles-mêmes ; nous ne voulons pas nier l'utilité passagère de ce que sont les hommes sur la terre et de ce qu'ils ont acquis par leur travail. Mais, dans ces choses, l'esprit qui veut dominer doit être extirpé chez nous.


45

Ceux qui reconnaissent Jésus pour Maître, doivent accepter d'être mis dans une position analogue à celle où le Seigneur a placé ses disciples. Ils doivent pénétrer dans le monde de Dieu, dans le monde de la vérité. Et cette vérité est autre que celle des hommes ; même ce qui est humainement bon n'aboutit pas, cela empoisonne. C'est pourquoi les disciples de Jésus doivent tout dépouiller, pour pénétrer dans le monde de Dieu. Jésus a besoin d'hommes qui soient entièrement consacrés à Dieu, entièrement immergés dans la volonté divine.

Et pourtant ces hommes, tout en étant intérieurement complètement libérés du monde, doivent se tenir entièrement dans le monde. Ils ne doivent pas se séparer du monde ; ils doivent, en tant qu'hommes de Dieu, pénétrer précisément là où tout est plein de contradictions. L'amour de Dieu embrasse le monde d'une sainte étreinte ; et c'est pour cela que le monde doit aller au jugement dans l'étreinte des disciples de Jésus, afin que ce qui est faux devienne manifeste. Mais ceux-ci ne doivent pas délaisser le monde, au contraire, ils doivent l'aimer de l'amour de Dieu, de cet amour qui veut que le monde abandonne ses mensonges et meure, afin de devenir un monde nouveau.


46

L'intérêt qu'un peuple porte au roi et à la patrie en fait son peuple. Des conceptions communes sur la Bible, sur Dieu et le Christ, de communes idées sur cet enseignement ne suffisent pas à faire de nous un peuple de Dieu. Nous ne deviendrons un peuple de Dieu que si nous portons intérêt à Dieu, non à nous. Or, nous autres chrétiens, nous n'avons le plus souvent d'intérêt que pour nous, et non pas pour Dieu ; nous voulons que Dieu prenne intérêt à nous. Or Dieu ne cherche pas seulement des hommes à qui pardonner leurs péchés pour en faire des bienheureux, mais Dieu recherche pour lui-même une troupe solide capable de combattre.

De nos jours il y a dans l'air quelque chose comme la formation d'un peuple de Dieu, mais il se mêle facilement en des temps pareils quelque chose de faux dans cette vérité qui flotte dans l'air. De là vient que se forment tant de sectes diverses. Aussi, ceux qui le comprennent doivent s'en tenir d'autant plus entièrement à Dieu, afin d'être un peuple fidèle, capable de conquérir le monde pour Dieu.


47

Il y a de bien braves chrétiens qui auront sûrement un jour une bonne petite place au ciel ; mais il ne leur reste pas un moment de libre pour le travail. Que de désirs de toutes sortes ne nourrissent-ils pas dans leur coeur ! On veut être bien portant, devenir riche, heureux, rester auprès de père et mère ; on lutte contre ses propres péchés, et on en cherche le pardon. Mais on n'arrive pas à une claire conception du Royaume de Dieu. C'est un amalgame de vie périssable et de vie éternelle ; un jour on suit Dieu, une autre fois ses propres chemins ; mais si nous voulons être vraiment des disciples de Jésus, notre vie en est l'enjeu !


48

Le mal absolu n'est pas à craindre, il inspire le dégoût, et ainsi nous le rejetons. Mais quand une parcelle de vérité se cache dans quelque chose qui n'est pas droit, cela devient dangereux. Le serpent du jardin d'Eden parle comme s'il venait de Dieu. Un esprit à craindre est celui qui se présente sous l'habit d'un ange de lumière.

Les esprits les plus dangereux sont ceux qui ne s'intéressent pas en fait aux oeuvres de Dieu, mais veulent faire leurs propres oeuvres. Un pareil esprit devient un séducteur, un Satan ; et si je l'écoute, j'appartiens moi-même à Satan. Satan et les démons ne sont rien en réalité, mais ils renaissent toujours et sont engendrés par une force de création continue dont le fond est une masse spirituelle, qui, à vrai dire, fait partie de ce même esprit, issu originellement de Dieu, mais qui s'est dévoyé depuis. De cette source peut provenir toute une culture, qui apparaît très acceptable ; mais c'est précisément par une culture de cette sorte que les yeux se ferment à la création véritable de Dieu et que les oreilles se bouchent aux véritables paroles de Dieu. Cette culture fleurit précisément aujourd'hui chez beaucoup d'hommes, si bien que des gens d'esprit noble et droit disent : je ne puis comprendre Dieu, je ne sais ce que tu veux dire. Beaucoup sont affamés de religion, mais ils ne la comprennent pas ; aussi préfèrent-ils s'en abstenir tout à fait.
Aussi devons-nous, nous, demander d'autant plus à Dieu qu'il nous ouvre les yeux et les oreilles, afin que nous recevions à nouveau la véritable parole de Dieu, pour que nous apprenions à distinguer le principal du secondaire, et qu'avec cette véritable parole de Dieu nous apportions quelque chose à ceux qui en sont affamés.


49

Il nous faut une certaine fierté, non pas la fierté qui méprise autrui. Mais un maintien sacré, une réserve sacrée, qui fait que l'on reste ce que l'on est, et qu'on ne se mêle pas à toutes sortes de choses futiles et basses.


50

Quand nous comprenons ce que Jésus demande de nous, notre coeur se dit souvent : « Cela ne se peut pourtant pas ; aucun homme n'est capable de cela ! » Certes, nul homme ne fait cela. Mais si vous voulez être comme les autres vous n'arriverez jamais au Royaume de Dieu. C'est pourquoi appliquons-nous au Royaume de Dieu, afin d'être totalement différents des autres hommes.


51

Dès l'origine, un combat a pris naissance au sein de la Communauté de Jésus-Christ. jusqu'à nos jours, il n'y a aucune Communauté de Jésus-Christ dont les intentions aient été entièrement pures. Ainsi le combat pour le Royaume de Dieu s'est transporté et enfermé au sein de la Communauté de Jésus-Christ. Le combat contre le monde, contre l'erreur et les ténèbres est arrêté et retardé ; il ne peut être question d'arriver à une vraie victoire, jusqu'à ce que la décision soit intervenue au sein de la Communauté de Jésus-Christ. C'est là que doit venir la décision : qui est le Maître ? Jésus, ou le monde ?

Ce combat se déroule en chacun de nous. C'est comme si dans chacun de nous il y avait deux hommes, l'homme qui aspire à Dieu, et celui qui aspire à ce qui est terrestre, temporel, Remercions Dieu quand ce combat commence dans un homme, quand il ne peut trouver aucun repos dans son coeur ! Heureux l'homme qui a à combattre ainsi !

Heureux l'homme en qui le jugement de Dieu s'appesantit dans sa chair, afin que sa chair ne connaisse plus de repos jusqu'à ce que le combat soit mené à bonne fin et que Jésus-Christ ait remporté en lui la victoire ! Si Jésus l'a remportée en lui en particulier, il l'aura aussi dans sa communauté, et s'il l'a dans sa communauté, il l'aura aussi dans le monde, parmi les peuples. Alors la lumière se lèvera dans le monde visible et dans le monde invisible, sur les morts et sur les vivants.


52

Il est dans l'ordre divin que le suprême combat prenne naissance précisément au sein du peuple de Dieu et que les éléments impurs s'efforcent d'y pénétrer ; ceux-là doivent alors être repoussés par le petit noyau du peuple fidèle. Il ne faut pas s'imaginer que la tranquillité doive régner au sein de la Communauté de Jésus-Christ avant que le but soit atteint.


53

Judas avait reçu un petit emploi dans l'entourage du Sauveur, celui de caissier. Vraisemblablement il avait étendu la main vers ce poste. Et c'est toujours une chose dangereuse quand quelqu'un reçoit un petit emploi, cela monte facilement à la tête des gens. Aussi Judas s'installe-t-il fermement dans son poste, et voici qu'au sein de la Communauté de Jésus-Christ naît un gouvernement à côté. Que pouvait faire maintenant le Sauveur ? Pourquoi ne lui a-t-il pas arraché la bourse des mains ? Judas doit se l'arracher lui-même de la main ; le Sauveur ne force personne ; il ne peut forcer personne ! Il faut que le mal se rende. Frapper des gens, destituer, jeter dehors, tout autre roi le peut. Le Sauveur ne le peut pas. Judas doit se retirer de lui-même.

Remercions et louons Dieu que le Sauveur n'écarte pas ces obstacles par la violence ; autrement il ne serait plus un Sauveur pour aucun pécheur. Ainsi, au contraire, il reste encore le roi, même pour ce Judas. Il ne le repousse pas loin de lui, il ne laisse pas le fil se rompre. Même après sa trahison, Judas est resté dans la main de Jésus. S'il eût été perdu à jamais, comme les gens le croient, Jésus l'eût rejeté loin de lui. Mais Jésus reste son roi et son Sauveur.


54

Il est si difficile d'instituer l'unité parmi les hommes, même dans la chrétienté. Le peuple de Jésus-Christ doit être un peuple uni sous un seul roi. Mais il est si rarement possible que les hommes réunis servent Dieu ensemble. Un tout seul servirait bien son Dieu, et l'autre seul aussi ; mais dès qu'ils sont plusieurs, ils jettent les yeux l'un sur l'autre, et dans l'envie et la jalousie tournent leurs pensées autour d'eux-mêmes et de leurs frères, et ils détournent leurs regards du maître. Il en est malheureusement de même aussi dans les Églises. Elles s'occupent trop d'elles-mêmes, et de leurs différentes controverses. Une fois la division introduite, elle devient toujours plus accentuée. Des coutumes différentes s'établissent, et finalement on transforme les coutumes en religion, on se sépare encore plus et l'on oublie le Maître commun. Quel poids de jalousie hypocrite alourdit la vie même de nos institutions chrétiennes ! Il faut avoir tant d'égards et faire tant de révérences, ne fût-ce que pour éviter de choquer ici et là.

En présence de cet état de choses c'est un véritable bienfait quand Dieu pousse de nouveau le Sauveur au premier plan, comme l'unique Souverain. Alors chacun doit apprendre à dire : je sers le Roi, et à penser de son voisin qu'il sert aussi le Roi. Alors toutes les différences qui existent dans nos coutumes religieuses, deviennent choses accessoires ; chacun peut conserver ses habitudes, pourvu que le roi seul lui tienne à coeur et qu'il soit prêt à le servir. Dieu veut que nous, chrétiens, nous ayons maintenant la paix entre nous, la paix confessionnelle aussi. Ouvrez les grilles qui vous séparent, arrachez les barrières, faites la paix et servez le Dieu unique et le seul Seigneur !

C'est seulement parce que Jésus est si haut au-dessus de nous, qu'il y a une unité dans Jésus. Aucun homme, aucun parti ne peut dire : il est à moi. On ne peut pas non plus faire l'unité, en sorte que tous pensent, sentent et croient la même chose. Nous devenons unis parce que nous sommes soumis à un seul Maître. Ce maître unique appartient à tous ; il appartient à toutes les classes, à toutes les professions, à toutes les races, et ainsi il est le plus proche de chacun en particulier. Un peuple est uni parce qu'il reconnaît un maître qui gouverne et une loi ; tous ne peuvent pas avoir les mêmes pensées et les mêmes sentiments. De même nous ne pouvons devenir un peuple de Dieu, qu'à la condition que tous reconnaissent un seul Chef, qui est bien haut au-dessus de nous tous.


56

Ce n'est que dans une adhésion totale à Jésus en tout ce qu'il est, dans une soumission totale à ce Jésus qui enseigne l'amour de Dieu sur terre et Le représente en personne, que nous pouvons être des collaborateurs. Nous sommes des serviteurs inutiles : Jésus, seul, est l'exécuteur suprême.


(1) Traduction littérale : émousser la pointe de la volonté de Dieu. 
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