Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

LA COMMUNAUTÉ

-------


14

À l'époque de Jésus-Christ le monde se trouvait mûr pour la récolte parce qu'il y avait, dans le pays, des gens qui attendaient le Royaume de Dieu.


15

Jamais nous ne forcerons la venue du Royaume par des livres ou par des discours, ou par un enseignement quelconque. Nous devons être des individus placés dans la lumière de Jésus-Christ et dans sa force ; alors le monde s'éclairera. C'est pourquoi le mot d'ordre est : lève-toi, et deviens une lumière ! et non pas : écris tels ou tels livres sur telle ou telle prétendue vérité, mais deviens toi-même une lumière !


16

Quand la lumière de Dieu pénètre dans notre monde, c'est par des personnes. Aujourd'hui nous ne sommes que des rats de bibliothèque et nous cherchons la lumière dans les livres ; nous la cherchons dans les opinions, dans les enseignements, dans les « vues » des hommes. Et nous oublions pendant ce temps que quelqu'un peut avoir une vue très intéressante et être un homme mauvais, que quelqu'un peut avoir le parler délicat et aimable, et pourtant être grossier intérieurement. Or nous devons apprendre à être à nouveau attentifs à la lumière de Dieu qui se manifeste dans les personnes.

Mais, du fait que la lumière se manifeste dans des personnes, le danger d'être induit en erreur est aussi très grand. Car Satan s'empare, lui aussi, des personnes. C'est donc que les hommes jouent un rôle, dans le domaine chrétien aussi. Satan sait parfaitement qu'il faut que tout vienne par les hommes. Alors on entend crier sur tous les tons : c'est moi ! et des multitudes répètent en choeur : c'est lui ! Il est souvent très difficile de distinguer les véritables lumières des fausses ; car les fausses se présentent également au nom de Jésus-Christ.

Mais voici une pierre de touche : si quelqu'un commande comme on le fait dans le monde, cela ne produit pas de vraie lumière. La vraie lumière éclaire autrui, comme fait le soleil. La lumière de Jésus fait resplendir autrui, alors que soi-même on se fait oublier. Là où l'on doit se gêner, où l'on doit avoir peur, où, tremblant et hésitant, on ne trouve pas le repos, là est la fausse lumière. Mais là où les hommes renaissent à la vie, là où ils se sentent à l'aise, où ils supportent l'épreuve pleins de vie et avec courage, là où ils envisagent leur ruine pleins d'espérance et où ils s'élèvent d'un vol comme l'aigle malgré toutes leurs misères, là est la véritable lumière. Là où il n'y a aucune violence, aucune pression par la force, où règne la liberté et l'amour de Dieu, cet amour qui aime les pécheurs, qui ne méprise personne, qui prend souci même de l'ennemi, là est la vraie lumière de Jésus-Christ. C'est pourquoi soyez fidèles à l'Évangile, devenez lumière !


17

Dieu place son serviteur comme « alliance avec le peuple » (1) afin « qu'il relève le pays » (Esaïe, 49-8). Mais ce serviteur peut penser qu'il travaille en vain et se fatigue inutilement pour Dieu. Aussi a-t-il besoin de la consolation de Dieu qui lui dit : « je t'ai protégé. »
D'aucuns contemplent avec orgueil les fruits de leur travail ; ils font parade des oeuvres de leurs mains, de leur esprit, de leur talent d'organisateurs ! Mais il n'en résulte en réalité rien pour le relèvement du genre humain.

Or le serviteur de Dieu ne travaille pas avec ses propres forces, il remet toutes choses à Dieu, il ne peut pas s'en rapporter à ses oeuvres personnelles ; mais précisément il sera protégé et placé pour traiter alliance avec le peuple. Il est la preuve que Dieu n'abandonne pas les hommes ; il est véritablement la force, l'amour, la compassion de Dieu pour son peuple ; sans lui une alliance pour le redressement serait à peine possible. Car ce que Dieu peut être en général pour les hommes, et ce que les hommes peuvent, généralement parlant, avoir au coeur d'aspiration et de désir d'une aide divine, cela ne suffit pas pour le relèvement. C'est seulement. quand Dieu est représenté par un serviteur qu'il peut, par lui, répandre sur terre une force toute puissante capable d'accomplir ce redressement.

Ce serviteur c'est Jésus. Il n'a, à proprement parler, rien « fait » sur terre, il n'a institué aucune organisation, il n'a rien fondé politiquement, socialement, ecclésiastiquement ; il n'a pas fondé d'institutions. Mais il a vécu, il était Là. et a agi en esprit pour le peuple. Il n'a pas remué un doigt, il n'a pas fait un pas pour changer quelque chose, même contre les Romains, et pas même contre le Temple. Et pourtant il a été l'Homme, le seul protégé, et de lui déborde l'expérience que le monde pourra encore être relevé.

Or, depuis qu'il est devenu invisible sur la terre, il doit se perpétuer dans le visible, dans ses apôtres, dans ses serviteurs. Ainsi il y a, depuis Jésus-Christ, une sérieininterrompus de serviteurs qui semblent également travailler en vain. Ceux qui fondent des églises ou de puissantes organisations, qui se haussent au premier plan, politiquement ou socialement, ceux-là proclament naturellement : nous ne travaillons pas inutilement ; voyez nos établissements, nos églises et notre merveilleuse organisation : dans chaque village une église, un pasteur, une école ! mais le serviteur, qui ne voit, dans tout cela, rien qui le relève, se demande : ai-je donc travaillé en vain ? Un tel serviteur doit être là, qui à la place de Jésus-Christ représente l'invisible afin que lorsque le temps sera venu, la force de Dieu puisse se manifester en un homme visible, en un peuple visible, afin que Dieu, à travers le visible, puisse « relever » le genre humain.

Car il faut quelque chose qui nous relève ! Nous sommes tombés et corrompus. Mais toujours, au sein de l'humanité se lève à nouveau le cri : il faut que cela devienne meilleur. Dans cet « à nouveau » s'exprime un souvenir de notre patrie ; nous descendons, en effet, de Dieu ; cela, nous ne pouvons le nier. La hantise du paradis nous poursuit la hantise de l'éternité d'où nous sommes issus. C'est là notre source originelle. Nous devons revenir à cette source qui est la nôtre, alors nous serons relevés. Quand nous obéissons au péché, à l'erreur, c'est quelque chose d'étranger qui pèse sur notre âme et notre corps, et obscurcit notre esprit. C'est cette chose étrangère qui nous rend malheureux, et non le moi personnel. Il doit y avoir une raison pour que nous ayons glissé dans ce domaine étranger ; nous devons surmonter cet élément étranger, et nous y arrivons quand nous tenons ferme à ce qui nous est propre, originellement. Or le serviteur de Dieu qui, sous l'influence étrangère tient ferme à ce qui lui est propre, c'est lui qui nous conduit à la victoire ; c'est sa foi qui surmonte le monde.


18

Il faut qu'il y ait toujours des hommes pour Sion. Sion n'est pas un lieu terrestre, c'est la cité royale spirituelle, Et Sion ne porte pas de fruits, aussi longtemps qu'il n'y a pas d'hommes pour cette tâche. Car c'est par Sion que Dieu veut secourir l'humanité. La terre, il pouvait la créer à lui seul, mais il ne veut pas secourir les hommes sans leur participation ; les hommes sont d'un rang trop haut pour que Dieu ait voulu leur venir en aide sans leur coopération.

Le nombre est chose accessoire en ce qui concerne les serviteurs de Sion. Il s'agit de « qualité ». Ils doivent être une phalange sacerdotale, à l'âme assez forte pour que le monde entier puisse se suspendre à eux. Ils doivent être des hommes que la pensée n'accapare pas, qui ne se forgent pas des idées sur toutes choses, mais qui simplement, dans une confiance bienheureuse, ne s'en remettent qu'à leur Père au ciel. Ils ne doivent pas être des philosophes : ils ne sont point des sages et des savants, mais bien ceux qui, munis de nerfs forts et d'une âme inébranlable, traversent toutes les épreuves du monde, et toujours à nouveau tressaillent d'allégresse en leur Dieu, et tous les jours poursuivent leur tâche dans cette Sion.

Ne voulez-vous pas vous adonner à cette tâche ? Sion a grand besoin d'hommes. Car Sion est magnifiquement. organisée pour régner, mais elle a besoin d'hommes, de caractères, d'hommes véritables, et non de comparses ou de « moitié d'hommes ». Peut-être, en pensée, es-tu déjà un tel homme ; mais pour que tu le deviennes en action il faut encore du temps. Celui qui est appelé à l'oeuvre de Sion doit être ferme, sûr jusqu'aux moelles, sinon on ne peut l'atteler au char. Atteler au char quelqu'un qui le laissera en plan est pire que de n'atteler personne. C'est pourquoi Dieu n'attelle souvent que pendant des dizaines d'années. Au contraire, dès que l'attelage est là, il y a de la vie dans le monde. Et le jugement vient. Alors toutes les conditions changent. Quand apparaîtra le Royaume de Dieu, vos cheveux se dresseront sur vos têtes. Il faudra, tout accepter, dire adieu à ses plus chères pensées, se faire un coeur libre pour Dieu, ne point trembler et ne point avoir peur. Et s'il faut marcher à travers la boue, le feu et l'eau : Dieu est notre roi !

Le moment approche où Sion aura besoin d'hommes. Mais nul ne sera admis qui ne soit chevillé et boulonné, sans cela le Royaume de Dieu s'écroulerait à nouveau. Alors on ne pourra plus transiger ni patienter. Il faut que la place devienne enfin propre et nette, et que la lumière brille. Alors les nations se réjouiront qui aspiraient à cette délivrance.


19

La prophétie « que les fleuves ne te submergeront point et que les flammes ne te brûleront pas » (Esaïe, 43-2) n'est pas promise à tous. Beaucoup, dans leur misère, périssent corporellement et spirituellement. Mais parmi cette masse d'hommes il en est quelques-uns qui jouissent d'une protection spéciale ; la Bible les nomme « serviteurs de Dieu ». Ils courent les mêmes dangers que les autres, mais cela les fortifie sans les blesser. Ils entendent l'appel de Dieu : « Tu es à moi », et s'ils tiennent ferme à cet appel, ils restent sous la protection de Dieu.

C'est seulement quand nous nous rendons compte qu'il n'y a pas de plus grand bonheur que de servir Dieu, que nous obtenons sa protection. Mais si nous ne mettons pas le service de Dieu au-dessus de tout, nous n'aurons pas les miracles qui sont promis aux serviteurs de Dieu. Rien n'est pire que la demi-piété, la tiédeur, l'à-côté ; aux tièdes il a été dit qu'ils seront vomis. Cela ne signifie pas qu'ils soient à jamais perdus, mais ils sont provisoirement exclus du Royaume de Dieu et du travail pour le Royaume.

Il est très difficile d'être appelé au service du Royaume de Dieu. Tant de faux appels résonnent si fort, que souvent l'on n'entend pas l'appel réel de Dieu. Celui-là est si simple ! Il réside uniquement en ce sens qu'il nous fait appartenir désormais à Dieu : tu es à moi ! Cet appel peut être adressé à chacun, au maître et au serviteur, au pasteur en chaire comme à l'enfant au milieu de ses jeux. Chacun reste ce qu'il est, et à la place où il est. Le roi reste roi, et l'ouvrier reste ouvrier ; il n'y a pas besoin de devenir pasteur ou missionnaire, ou diaconesse. Ce qui vient de Dieu convient à tous. La richesse, pas plus que la pauvreté, ne peut te nuire ; mais tu dois être un homme droit. La parole de Dieu te rend simple et naturel ; toute particularité disparaît, aussitôt que la vraie parole de Dieu te touche. Sois seulement joyeux et comme un enfant ! Laisse ta vie appartenir à Dieu ! Alors tu es sous la protection de Dieu et tu pourras expérimenter les mêmes miracles qu'un Abraham !


20

Quand un serviteur de Dieu meurt dans une assurance et une fermeté complète, une volonté entière au service de Dieu, la semence de sa vie lève après sa mort.


21

Dieu nous a élus en Jésus-Christ. Cette expérience doit nous rendre forts. Quand la tempête se lève dans ton coeur et le bouleverse, quand elle chavire ton esprit, quand le péché et la folie te submergent et que les griffes de la mort t'enserrent - le péché ne te possède pas, la mort ne t'a pas, c'est Dieu qui t'a ! Le Sauveur t'a élu. Et si tu es élu, alors tu ne deviens pas seulement « pieux », mais tu peux pénétrer dans le Royaume de Dieu, dans le domaine où Dieu gouverne, arraché aux puissances du monde et à tes propres forces et plongé dans la splendide et transfigurante force de Dieu.

Il ne faut pas prendre aussitôt dans un sens étroit le mot « être élu » et dire : Dieu a élu ceux-ci et ceux-là, moi il ne m'a pas élu. La logique ne régit pas dans le Royaume de Dieu ; nous ne devons pas rendre les gens inquiets avec notre raison brutale. Il y a une généralité qui concerne tous les hommes dans le rapport que Dieu entretient avec chaque homme en particulier. L'amour de Dieu s'étend à tout homme qui vient dans le voisinage de Jésus. D'abord on est appelé ; mais chaque appelé peut aussi devenir un élu. Considère-toi comme élu ! Et si tu aspires à Dieu, d'où crois-tu donc que te vienne cette aspiration ? Si même tu dois passer par l'enfer, si ton coeur tremble et hésite, tu es pourtant élu ! Tu descends dans les profondeurs et tu remontes vers les hauteurs. Il t'a élu !


22

Dieu doit toujours avoir des élus, sinon sa cause se perdrait. On s'effraye à divers titres devant cette pensée qu'il y a des élus. Car on ne peut arriver à concevoir qu'il y ait des hommes qui ne dominent pas quand ils sont quelque chose, et ne dérobent pas quand ils possèdent quelque chose. On s'effraye également à la pensée d'une « domination sacerdotale ». Mais chez les élus il doit en être autrement ; si l'un est quelque chose, il doit l'être pour d'autres ; et si quelqu'un possède quelque chose, il doit l'avoir pour d'autres. Ainsi, Dieu est quelque chose et il l'est pour d'autres, pour ses créatures, pour tout ce qui vit ; et c'est ainsi que les créatures lui appartiennent, parce qu'il les nourrit, Ainsi nous sommes de race divine, si ce que nous sommes profite à autrui, si ce que nous possédons se transforme pour autrui.

La disposition à agir ainsi est le propre de l'homme, et le contraire est péché, inhumanité. Là où la culture s'introduit, le péché règne ; et si cette déformation envahit le Royaume de Dieu, c'est terrible. Dans ce Royaume-là il doit y avoir des prêtres, mais un prêtre n'est pas un dominateur, il est au contraire celui qui porte le fardeau, le délégué de Dieu, lequel fait participer les autres à sa nature, et à ce qu'il possède. Où l'intérêt personnel domine, tout se gâte dans le Royaume de Dieu.


23

Dieu ne se contente pas d'en avoir quelques-uns ; au delà de ces quelques-uns, il regarde à la multitude de ceux qui sont perdus. Abraham ne doit pas être satisfait aux dépens du monde, mais il doit souffrir au profit du monde ; et aux dépens d'Abraham, Dieu veille sur toutes les créatures de la terre. Israël est élu, afin que, par lui, Dieu atteigne d'autres peuples, l'immense masse des hommes qu'Il nomme ses brebis ; et c'est aux dépens d'Israël que Dieu vient aux peuples. Aux dépens de Jésus, Dieu va aux peuples ; c'est aux dépens de la communauté de Jésus que le monde doit être transfiguré.

Nous devons donc nous dévouer et être, pour ainsi dire, la réserve de Dieu, quand il est à la recherche de ses brebis. Nous recevrons le bien à la fin ; une fois que les autres l'auront en partage, nous le recevrons aussi seulement.
Il n'y a pas assez d'hommes aux dépens de qui Dieu pourrait agir. L'égoïsme des humains est trop grand, et cet égoïsme s'est glissé également dans la foi des chrétiens ; ils cherchent en Dieu leur propre intérêt, et à ce compte ils perdent leur esprit combatif et leur solidité de piliers ; ils chancellent, et Dieu n'a plus de point d'appui. Il y en a tant pourtant qui savent mourir pour leur pays, pourquoi ne voulons-nous pas, nous chrétiens, mourir pour notre cause, pour la volonté de Dieu, qui est le père des peuples ? Pourquoi les chrétiens sont-ils si égoïstes ? Ils veulent bien, il est vrai, faire une bonne action pour autrui ; mais s'il s'agit de leur vie, ils fléchissent. Or, il faut qu'il y ait des hommes qui soient remplis d'un tel zèle pour la cause de Dieu, pour les brebis du Seigneur, pour les petits et les misérables, qu'ils ne fassent plus aucun cas d'eux-mêmes.

On en appelle au sang de Jésus-Christ pour sa propre félicité. Mais la vertu du sang de Jésus-Christ est précisément de nous demander notre vie, afin que vienne le Royaume de Dieu.


24

Les apôtres nous donnent le mot d'ordre. Ils n'enseignent pas, ne dogmatisent pas ; mais ils nous expliquent le combat auquel ils prennent part.
Ils supposent qu'ils ont affaire à des hommes intelligents ils ne parlent pas à la masse. Certes, la Bible est aujourd'hui devenue accessible à tous ; mais la foule ne comprend cependant pas le programme ; et elle n'est pas en état de le suivre. Les instructions qui concernent les officiers et les soldats ne s'adressent pas aux foules. Les ordres que reçoivent les disciples de Jésus ne sauraientd'aucune manière être donnés à la grande masse des hommes, sinon il faudrait exiger d'elle ce qu'elle ne pourra jamais donner ; et alors, pour lui avoir trop demandé, chacun se trouvera naturellement perdu.

L'évangile qui convient à la foule est très simple craignez Dieu et rendez-lui hommage ; soyez, dans ce que vous êtes, des créatures de Dieu ; la grâce de Dieu est apparue pour tous les hommes ; la lumière viendra ; n'ayez point de peur ! L'Évangile n'entend pas instituer une domination du peuple, avec des parlements. Il vient annoncer ceci : la cause est en bonnes mains, nous avons un monarque suprême qui fait le nécessaire pour tous les hommes. Vous appartenez à Dieu ! La connaissance qui doit se graver dans le coeur de nos foules se réduit à cela : nous sommes à Dieu ! Nul n'échappe à Sa main.

Les chrétiens ont été beaucoup trop lâches dans leur foi en Dieu. Cette lâcheté est venue de ce que l'on a trop présumé des hommes ; il en est résulté naturellement que toute une foule de gens s'est rangée du côté opposé, et cela fut le commencement de la condamnation. Nous devons donc hardiment dire de nouveau au monde : tu appartiens à Dieu et tu ne sortiras pas de ses mains ! L'assurance en Dieu, fondée sur la foi en la révélation de Dieu en Jésus-Christ, doit être totalement différente de ce qu'elle était aux temps de l'Ancien Testament. Où serait le progrès si les uns devaient à nouveau appartenir à Dieu, et les autres pas ? Le progrès consiste à élargir le champ d'action dans l'emprise totale d'un monde éloigné de Dieu par le péché. « Le monde est à moi », déclare Dieu en nous envoyant Jésus-Christ ; c'est là la grâce libératrice de Dieu, pour tous les hommes.

De cette masse se distingue donc un petit nombre d'hommes, qui sont, pour ainsi dire, les ministres de Dieu. Il délivre un peuple de toute iniquité et il en fait sa propriété. Il l'arme de sagesse et de force, pour défendre sur terre sa cause, naturellement pour le bien des autres, et non pas contre eux. L'état-major doit entrer en lice pour le peuple. C'est pourquoi le peuple de Dieu doit toujours, tenir ferme l'Évangile : désormais tout est à Dieu !


25

Aucun homme ne peut appeler Jésus Maître s'il n'a pas l'esprit de Dieu. Ils ne le peuvent pas ; mais ils ne sont pas damnés ; ils sont seulement provisoirement écartés du combat qui doit être mené pour le Royaume de Dieu ; ils ne sont pas encore mûrs pour combattre, ils sont au nombre des malheureux.


26

En envoyant ses disciples dans le monde, le Seigneur Jésus inaugure un nouveau monde. L'embryon d'un monde divin entre dès lors en lutte avec un monde humain fait de vieilles habitudes. Cette humanité-là subsistait depuis des millénaires, et quelque lumière qu'il y eût en elle sous le gouvernement de Dieu, les hommes n'avaient pourtant aucune idée du mensonge sous lequel ce monde était enterré. Même le peuple que Dieu voulait éduquer pour lui, ne parvenait pas à s'évader du manque de sincérité des relations humaines. Comme les vagues tumultueuses battent le rivage, les coutumes et les idées nationales pénétraient aussi dans Israël.

Or, avec Jésus commence un monde nouveau de Dieu, Jésus établit, pour ainsi dire, une forteresse autour de lui contre les vagues furieuses du monde. Cette forteresse ne peut plus tomber. Hélas ! nous ne sommes pas en droit de dire qu'elle ne tombe pas parce qu'il y a là un peuple de Dieu qui ne se laisse plus tromper. Des nations chrétiennes elles-mêmes périssent tout comme les païens ; elles ne sont pas chrétiennes au sens de la cité de Dieu, aussi n'ont-elles aucune protection quand bien même elles se parent de rayons de la lumière de Dieu pour s'en faire gloire. Mais la forteresse de Dieu ne tombe pas, parce que Jésus est là, parce que la cité de Dieu, qui s'est établie autour de lui sur terre, protège en même temps sa personne. Déjà les émeutes intérieures et extérieures des peuples, la guerre, les massacres, les courants sataniques dans les esprits, tout s'était ligué pour se débarrasser du Seigneur Jésus. Mais rien n'a pu le vaincre, ni lui, ni la communauté qui se tient à ses côtés.


27

Il est fâcheux que durant des siècles le progrès de l'humanité n'ait pas été l'oeuvre des Chrétiens. Nous devons êtres reconnaissants à ceux qui ont travaillé au progrès de la civilisation, savants, naturalistes, médecins, hommes du peuple. S'ils ne s'étaient pas toujours mis de nouveau à la tête du progrès, où en serions-nous aujourd'hui ? Mais, à vrai dire, le progrès est incomplet. À quoi nous sert une civilisation qui finalement désespère de Dieu ? C'est pourquoi, il faut pourtant qu'à la fin les disciples de Jésus se mettent à la tête du progrès, eux, les ouvriers de Jésus-Christ, qui représentent la lumière du monde et le sel de la terre, afin que notre terre puisse devenir aussi un ciel.


28

Celui qui a une « couronne de vie » a son mot à dire pour la vie. Si la cause qu'un homme représente sur terre est de Dieu, alors sa couronne dure éternellement, mais si elle n'est pas de Dieu, la couronne tombera un jour de sa tête. Les hommes se forgent aussi des couronnes dans des domaines moindres, mais avec le temps ils perdent leur couronne. Aujourd'hui les gens de guerre, par exemple, perdent leur couronne ; il nous faut des héros de la paix. De même les couronnes de la science et de l'art perdent de leur éclat. Mais si nous sommes des répondants de Dieu, de l'amour de Dieu envers les hommes et de la vie divine qui doit devenir le partage des hommes, alors nous gagnons une couronne qui demeure éternellement. Les témoignages des hommes de Dieu subsistent pour l'éternité. Un Alexandre le Grand perd peu à peu sa couronne ; un Moïse, un Esaïe, un Pierre, non.

C'est cette couronne de vie que les Chrétiens doivent conquérir ; ils doivent se porter garants de ce qui est l'apanage des hommes, la vie éternelle. Ils doivent représenter le plus haut sommet du progrès dans l'humanité, le progrès de notre personnalité propre. Ils doivent porter en eux le témoignage d'une nouvelle éducation des hommes. Et s'ils sont fidèles en cela, ils recevront la couronne de vie, et ils auront aussi leur mot à dire en ce qui regarde la vie.


29

Le Royaume de Dieu ne vient pas de façon catastrophique. Il vient peu à peu, car il arrive par des hommes qui reçoivent « des couronnes de vie ». Celui qui a quelque chose à dire pour les autres devant Dieu, quelque chose qui compte dans le ciel, celui-là possède une couronne de vie. Or, une couronne de vie, un homme ne la reçoit que s'il est franchement, librement à Dieu, s'il est bien une nouvelle créature en Jésus-Christ. Même s'il n'y a qu'un petit nombre d'hommes de ce genre, ils ont pourtant une influence sur le développement du monde. Le monde n'est pas mauvais en soi ; mais il est pareil à une matière brute, et cette matière brute doit être façonnée par l'esprit de Dieu. Pour cela il faut qu'il y ait des hommes qui aient quelque chose à dire relativement à la vie, et qui soient capables de la diriger vers le progrès.


30

Ce Jésus, qui est venu en chair, est la lumière du monde ; on pourrait aussi dire : la formation du monde. Il est le seul qui, en toute circonstance, parmi les bons et les mauvais, savait se conduire de façon divine. Il vivait uniquement de Dieu ; il savait parler et vivre de façon divine avec chacun, même avec les impies.

Ainsi l'essentiel dans la formation de son peuple devait être la vie. Les Grecs étaient cultivés dans l'art et la science ; les Romains dans la vie civique ; mais ni les uns ni les autres ne possédaient la véritable vie qui donne la paix. Le peuple de Dieu, lui, doit comprendre la vie, et pas seulement la vie de l'individu, mais la vie de la communauté. Il doit comprendre pourquoi l'homme est sur la terre, et comment, dans ses occupations terrestres, il atteint ce qui est droit et véridique. Il doit aussi comprendre le monde, comprendre la Création, afin que ce qui sur terre appartient à la vie prenne un autre rythme, que la vie devienne sensée sur terre.

Aujourd'hui nous avons des millions de Chrétiens. Mais ce ne sont pas des hommes de vie ; ils n'en savent pas plus long que les autres hommes ; tout au plus se préparent-ils pour l'au-delà en même temps qu'ils se retirent de la vie terrestre, mais cela n'en fait pas des hommes qui aient la lumière de vie. On n'aperçoit pas en eux les « vertus de Dieu qui les a appelés à sa merveilleuse lumière ». Ces vertus divines étaient bien là, chez quelques-uns, mais elles restaient cachées. Il y a bien, sur le terrain du christianisme, une certaine culture supérieure, mais elle ne pénètre pas, à proprement parler, dans la vie. Aujourd'hui on recherche des Chrétiens qui aient en eux des vertus de Dieu ; on ne demande plus ce qu'ils croient, mais comment ils vivent.

Pouvons-nous trouver un nouveau style de vie ? Ce n'est pas chose facile que de trouver le style de Dieu aussi bien dans nos occupations extérieures que dans les affaires. Et pourtant, nous devons trouver cette manière d'être, ce style selon Dieu, afin que nous ne soyons pas liés à chaque centime, et asservis comme des esclaves dans chaque travail. Il nous faut travailler à affranchir les autres aussi, afin qu'ils ne soient pas éternellement dans la peine et qu'ils deviennent, eux aussi, des créatures de Dieu. Il faut que le jour vienne où tout homme, dans chacune de ses actions, pourra rester en harmonie avec le Père qui est au ciel ; chacun devrait en quelque sorte être une réduction en miniature de Dieu.

Ainsi la victoire, remportée par Jésus-Christ, brisera en nous la folie du monde. Le temps doit venir où nous chercherons notre félicité dans l'application des vertus divines à la vie pratique quotidienne.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant