Ces cahiers sont une traduction du livre
« Von der Nochfolge Jesu
Christi ». Ils contiennent un choix de
Pensées extraites des sermons et
méditations de Christophe Blumhardt. La
matière a été puisée
aux sources authentiques qui proviennent des
héritiers de Blumhardt ; le triage de
ces documents répond, jusque dans le plus
petit détail, à l'esprit et aux
intentions de leur auteur. Cet ouvrage a
été établi par le Pasteur
Eugène Jäckh, qui fui l'intime ami de
Blumhardt pendant les huit dernières
années de sa vie, et avec la collaboration
de soeur Anna, qui fut durant vingt-trois ans la
confidente de ses pensées.
L'édition allemande chez
Furche-Verlag, Berlin, a paru pour Pâques
1923.
Pour la France, la traduction a
été autorisée Par
Eugène Jäckh, à Göppingen
(Wurtemberg).
Un roi n'est réellement roi que si son
peuple le proclame. tel. Un roi règne,
lorsque son peuple lui soumet son coeur ;
ainsi, Jésus est roi lorsque nous lui
donnons nos coeurs. Il doit avoir un peuple qui,
jour et nuit, monte la garde devant Dieu, en
disant : Tu as envoyé Jésus
comme le Seigneur, Tu lui as donné un nom
qui est au-dessus de tous les noms, Tu l'as
couronné de gloire et d'honneur, Tu l'as
délivré de la mort et établi
berger du troupeau, Tu nous as fait savoir que
Jésus-Christ est le Seigneur et que toute
puissance lui est donnée. Nous le
savons : c'est pourquoi nous élevons
l'étendard de Celui que Tu nous a
donné pour roi ; Tu veux qu'Il soit
roi ; nous voulons qu'Il le devienne.
Le petit troupeau de Dieu doit avoir en
vue ce seul objet : que Jésus soit
vainqueur, que Jésus règne, que
Jésus soit glorifié sur la terre.
Croire, c'est se donner un maître.
Jésus veut être roi ; non pas
un roi, mais le roi. De Dieu il détient le
pouvoir sur tous les hommes. Il est au sens propre
du mot : « Roi par la grâce de
Dieu ! »
Or aujourd'hui nous n'avons plus,
à bien des égards, qu'une religion
chrétienne, qui s'est annexé l'image
du Christ. On prend ainsi le Christ par-dessus le
marché, mais on ne vit pas en ayant
conscience que le Roi est là. Si le Roi est
là, il faut qu'on prenne position
vis-à-vis de lui : pour ou contre. Or,
il est rare que l'on prenne ainsi position. Cela
fait toujours penser à la parole de Pierre
aux Juifs : « Celui que vous avez
crucifié. » On voulait avoir un
aide, mais on a crucifié le roi. Il
représentait la volonté de Dieu et
non celle des hommes ; et alors, on l'a mis de
côté. C'est une faute dont les
conséquences cheminent à travers les
siècles. On s'est accoutumé à
un certain bien-être religieux, mais la
religion s'est constituée de telle
manière que chacun s'efforce d'y faire
prévaloir sa propre volonté.
C'est pourquoi nous devons prendre fait
et cause pour le roi, et notre personnalité
doit se modeler d'après lui. Il faut que
Jésus ait de nouveau des disciples qui
renoncent à tout. Car le roi, c'est Christ.
Ce n'est pas une puissance qui a autorité
sur toi, ce n'est ni le protestantisme, ni le
catholicisme, ni l'enseignement du Christ tel que
tu te le représentes. Ton roi, c'est la
volonté de Dieu en Christ.
Il y a une fausse adoration de Christ,
dont il ne veut pas. Souvent cette adoration a pris
une forme égoïste : on se sert de
lui pour satisfaire ses propres désirs.
Beaucoup prient le Sauveur comme les païens
prient leurs dieux. Sommes-nous pauvres, malades,
malheureux, nous ne savons que dire :
aide-nous, ô bon Sauveur. Jésus ne
veut pas de cette adoration-là. Il
dit : « Venez avec moi, je vous
conduirai à mon Père, alors toutes
choses vous seront données ; mais venez
d'abord avec moi, vers Dieu. Je ne veux pas de
flatteries, je vous veux tout
entiers. »
Or, pour cela, il faut aujourd'hui
combattre jusqu'au sang. Dans les rangs des
chrétiens on n'a pas combattu contre ce péché qui
consiste à abandonner le Roi pour suivre sa
propre volonté. Les chrétiens n'ont
pas combattu jusqu'au sang. Mais une
communauté semblable, libre vis-à-vis
du monde entier, sous l'étendard de son roi,
doit se constituer pour être la
lumière et le sel du monde. Dieu veuille que
soit effacée la faute immense des
siècles, crucifiant Jésus dans leur
égoïsme.
Jésus-Christ est le sauveur
couronné. Il a été
élevé à la royauté pour
faire triompher comme Sauveur la cause de Dieu. La
couronne qui lui a été donnée,
c'est sa couronne de Sauveur. C'est le Sauveur
couronné au ciel qui tient notre temps dans
sa main, seul il a puissance et force,
d'éternité en éternité,
pour l'honneur de Dieu le Père. Pour nous et
pour le monde entier, le salut viendra par
lui.
Il porte trois couronnes : il est
mort, il est ressuscité, et il s'est assis
dans le ciel à la droite du Père. Il
ne renonce ni à sa mort, ni à sa vie,
ni à son trône. Telle est la grande
promesse que nous avons en lui ; à
cette lumière, notre passé, notre
présent et notre avenir ont leur promesse
d'espérance.
Le Sauveur entend garder la couronne de
sa mort : nous ne pouvons rien concevoir de
plus grand. Il veut demeurer l'agneau sanglant qui
lave les péchés du monde. Par sa
mort, il dit son mot dans notre
passé.
Ce qui est derrière nous doit
s'en aller. La malédiction doit s'en aller,
le péché doit s'en aller. Lorsque,
considérant ton péché tu ne
sais plus où trouver de recours, pense
à la couronne de sa mort, ne t'abandonne
pas, ne désespère pas, sache que
Jésus est mort et qu'il a porté le
fardeau de tes
péchés avec ceux du monde entier.
Tout est là : que nous saisissions ce
Sauveur sanglant, et que nous obtenions la victoire
en lui.
Par le fait qu'il est ressuscité,
il place les morts et les vivants sous le signe de
la vie. Il a un mot à dire dans notre vie
présente où nous sommes encore
prisonniers de la mort. Il sort du tombeau comme
celui qui efface la mort de notre vie. Il ne
renonce pas non plus à cette couronne de
vie. Beaucoup se contentent de laisser subsister,
dans les livres, la résurrection du Christ,
comme un événement merveilleux du
passé, mais ils n'en tirent rien pour leur
propre vie. Et pourtant, d'avoir le Sauveur, c'est
ce qu'il y a de plus important au monde ; il
faut que le Ressuscité nous reste.
Aujourd'hui même il vit, aujourd'hui il est
là, aujourd'hui tu dois percevoir sa
puissance, qui délivre aujourd'hui ta
vie de la mort
Le Christ a encore une autre
couronne : c'est celle de sa vie dans
l'avenir. Ne croyez pas que ce soit un
à-côté. Pour moi, il me semble
que si les deux premières couronnes manquent
d'efficacité pour nous, c'est parce qu'on a
négligé cette prédication de
l'avenir de Jésus-Christ. L'avenir de
Jésus-Christ, l'avènement du Sauveur
à la droite du Père dans le ciel,
tout ceci est puissamment lié à notre
vie la plus intime et doit avoir une action aussi
forte en nous que la foi en la vertu de son sang et
en sa résurrection. Pensez-vous que le
Sauveur nous avertisse en vain quand il nous
dit : patientez, jusqu'à ce que je
vienne. Pensez-vous que sa cause triomphera sur
terre, sans qu'il ait voix au chapitre ? Nous
ne sommes ses serviteurs et ses disciples que si
nous voulons l'avoir lui-même de nouveau
parmi nous. Le Seigneur Jésus ne renoncera
pas non plus à cette couronne de son avenir.
Il viendra, n'y eût-il là pour
l'attendre que cinq vierges sages.
N'oubliez aucune de ses
couronnes !
Jésus-Christ le même hier,
aujourd'hui, éternellement.
Quand le Seigneur Jésus dit : « Toute Puissance m'est donnée au ciel et sur la terre », il se présente comme l'Homme à qui le Dieu tout-puissant a remis la créature. Il la tient en main comme un monarque qui régit avec fermeté son royaume et a le pouvoir de le conduire vers le bien. Sur cette parole de notre Seigneur, notre âme s'élève jour et nuit dans le monde céleste de la Trinité de notre Dieu ; cette parole est l'échelle par laquelle nous pouvons entrer en tout temps dans le monde céleste. Et ainsi, nous pouvons dire à tous : ayez confiance, il y là une puissance, cette puissance est en marche, et finalement elle fera tout rentrer dans l'ordre. Car nous entendons le message de Jésus-Christ : « Les peuples sont à moi, et en mon nom, pour l'honneur de Dieu le Père, vous devez étendre la bannière sur tous les peuples ; les peuples sont miens et vous, mes disciples, vous devez les baptiser en mon nom, afin qu'ils deviennent des gens de bien, Les peuples sont à moi : vous devez les conduire jusqu'aux confins du monde, là où s'ouvre le ciel et où le Dominateur vient, qui a toute puissance au ciel et sur la terre ! »
Jésus reste fidèle. Il est resté notre Christ jusqu'aujourd'hui. Mais nous, nous portons le poids de notre infidélité. Nous ne savons pas reconnaître l'inexprimable miséricorde de notre Dieu, et nous ne savons pas la conserver fidèlement dans nos coeurs. Si dans les cieux on est plein d'ardeur pour nous et en tout temps prêt à nous aider, sur la terre les coeurs restent trop souvent de glace. Mais Dieu est fidèle ; et les jugements même qu'il prononce sur nous ne sont que les marques de sa fidélité. Il ne veut pas nous laisser nous perdre, nous ne devons pas sombrer. Jésus-Christ demeure fidèle jusqu'à la fin. La terre est froide et morte, le ciel est chaud et vivant ; et pourtant sur cette terre aussi, la chaleur vitale aura la victoire.
Notre coeur doit être tout entier à
Dieu, notre coeur doit être tout entier au
Royaume de Dieu. Avec notre science et notre
théologie, nous risquons de perdre
l'essentiel : le respect de Dieu. Le Royaume
de Dieu est une monarchie. Le mot d'ordre doit
être toujours : Jésus roi,
à la gloire de Dieu le Père qui est
au ciel ! On croit aujourd'hui faire d'autant
plus qu'on introduit des notions
théologiques dans le Royaume de Dieu, qu'on
écrit des livres et qu'on fait des lois.
Mais si le point central, qui est la notion du
Royaume, devient incertain, les acquisitions de la
science théologique ne servent pas à
grand chose. Si nous n'avons pas au coeur le
respect envers Dieu et envers Jésus comme
envers le Prince établi par Dieu sur la
terre, nous devenons pour ainsi dire une
démocratie dans laquelle chacun peut donner
son coeur où il veut.
Nous devons avoir un patriotisme du
Royaume, qui ne consacre pas seulement son coeur
à des individus, mais qui les unit tous
entre eux, de sorte que les différentes
personnalités se donnent la main avec joie,
parce que tous servent le même maître.
Ce qui trouble le christianisme provient de
ceci : que chacun fait ce qu'il veut et combat
selon son idée pour le Royaume de Dieu. Tous
courent çà et là, en
francs-tireurs, le commandement
se perd, la domination étrangère a le
champ libre. Ce qui prend le pouvoir, c'est le
péché, c'est la mort : ce qui
était, ce qui devait nous rester
étranger. De cette domination
étrangère nul ne peut nous sauver si
ce n'est Dieu, si ce n'est Jésus-Christ.
Jésus est vainqueur !
Chez un peuple qui constitue la famille
de Dieu dans le monde, il doit y avoir un seul
coeur. Comment apporterons-nous le Royaume aux
nations, si nous dispersons nos efforts, si parmi
nous chaque volonté poursuit un but
différent ? Il doit y avoir chez nous
unité de commandement, commandement direct
de Dieu. Les gens du monde ont parfaitement raison
dans leur critique du christianisme ; ils
sentent très bien que ce n'est pas encore
là l'exacte vérité. C'est
pourquoi nous devons être très
prudents. Laissez passer ce qui est
étranger, ne prenez pas l'étranger
pour roi ; laissez Dieu, laissez le Sauveur
être roi : il est le monarque. Dieu est
amour, et reste amour ; mais si quelqu'un s'en
prévaut et ensuite court après
d'autres gens, s'il ne sait pas s'arracher à
père, mère, femme, enfant,
Église, confession, peuple et patrie, s'il
ne sait pas dire : Jésus seul ! il
n'a pas la bénédiction du Royaume de
Dieu. Tu dois, comme combattant, demeurer ferme
sous l'autorité du roi, et garder ton coeur entièrement à lui.
Ce qu'il nous faut aujourd'hui, ce n'est pas une
confession de Jésus-Christ, mais sa
personne. Dans les Évangiles, nous ne
trouvons aucune « confession »
qui se rapporte à lui, mais il est au
centre, lui, et lui seul. Tant de choses se sont
interposées entre lui et les hommes !
maintenant il faut qu'il reprenne ses
droits.
« Vous venez d'en
bas », dit le Sauveur ; vous
êtes des produits de
l'histoire, historiquement sur terre ;
« Moi, je viens d'en haut », je
ne suis pas une personnalité historique, je
ne dépends de rien : ni d'un
père, ni d'une mère, ni d'un temple,
d'un peuple ou d'une coutume ; rien ne m'a
préparé que Dieu lui-même. Et
maintenant, il nous dit : Suivez-moi !
Celui qui me confesse, - moi qui suis en dehors de
l'histoire, - celui qui vit parmi vous sans
attache, qui, en dehors de votre
piété et de votre justice, prend les
ordres de Dieu seul, celui-là, je puis le
reconnaître devant mon Père
céleste. Les autres, ceux qui ne se soucient
que des produits de l'histoire, sortis de la
famille, de l'État, de la nation, de
l'Eglise, ceux-là ne me confessent pas et je
ne puis pas non plus les confesser.
Le christianisme souffre parce qu'il
confesse trop peu son maître et trop les
sociétés, les nationalités,
les produits de l'histoire. C'est ce qui explique
l'opposition qui fermente aujourd'hui contre le
christianisme, tempête qui gronde maintenant
contre les institutions établies. Si les
enfants de Dieu se taisent, il faudra que les
pierres crient. Il faut qu'il y ait des secousses
pour que Jésus-Christ puisse faire irruption
quelque part dans le monde - lui, cet être
libre, ce simple homme de Dieu, ce Fils de l'homme.
Il nous apportera d'en haut des coutumes
divines : il nous fera naître, nous
aussi, d'en haut sur cette terre.
Si nous sommes des chrétiens
comme les autres, ce n'est pas la peine que nous
soyons en ce monde. Nous devons lancer un torrent
divin dans le monde. Avec nous, Dieu doit
pénétrer dans le monde.
L'humanité se pourrit, s'il n'y a pas
toujours présents des hommes dans lesquels
Jésus, le libre Jésus, le Fils de
Dieu, l'homme libre qui ne procède que de
Dieu, peut croître et porter des fruits.
9
C'est peut-être le plus grand malheur du monde, qu'il y ait des chrétiens sans Christ, des disciples sans le Maître. Beaucoup veulent être des disciples, mais ils ne peuvent se résoudre à abandonner leur vie, et à leur lit de mort ils s'agrippent à d'autres maîtres en disant : Aide qui peut ! Ainsi se rompt le lien qui les reliait en tant, que disciples avec Jésus-Christ, le Seigneur suprême.
Le temps vient où nul ne pourra plus dire : « J'appartiens à Jésus » s'il n'a pas sa manière. On ne pourra plus régner au nom de Jésus, tout en se disputant, en se battant, en versant le sang. Les temps nouveaux approchent.
Nous devons « être en Jésus », comme la véritable épouse est pour son mari ; elle ne connaît pas seulement d'une façon extérieure sa volonté ; elle sent ce que veut son époux, elle sait être attentive à ses vœux intimes. C'est à peu près ainsi que l'on doit se représenter ce que signifie « être en Jésus ». Il faut lire en lui et vivre en lui.
Le Sauveur dit : Si vous ne mangez la chair
du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang,
vous n'avez pas la vie en vous. Notre vie n'est
faite que de nourritures : chaque respiration
est une nourriture, chaque délassement en
est une, chaque occupation physique ou
intellectuelle peut en être
une ; le sommeil lui-même est une
nourriture. Et lorsque, dans la nourriture, il se
glisse un poison, l'homme souffre. Or, les hommes
se nourrissent de travers, surtout spirituellement.
Dans notre formation intellectuelle nous assimilons
des aliments, nous absorbons une science. Avec
beaucoup de gens on a peine à s'entretenir
de façon intelligente, car ce qui sort de
leur bouche, c'est ce qu'ils ont absorbé.
Tel homme qui a lu un ouvrage, s'est occupé
d'une grande personnalité, a absorbé
l'élément spirituel de cette
personnalité ; c'est cela qui parle par
lui, c'est cela qui l'a formé. Bien des gens
se nourrissent littéralement de leurs
ancêtres, et cette transmission
héréditaire se marque sur leur visage
et dans leur caractère. Cela peut donner
quelque chose de brillant, au point de vue
humain ; mais le résultat final, c'est
la mort. Si je me nourris des hommes, si je
m'assimile des personnalités, c'est du pain,
c'est une nourriture sous forme de chair et de
sang.
Jésus vient alors et dit :
je suis le pain de vie, quiconque mange de ce pain,
quiconque mange ma chair et boit mon sang,
possède la vie éternelle. Si
désormais nous absorbons une nourriture, il
nous faut la recevoir de lui. Nous devons attendre
une union spirituelle avec lui. Il vit ; il
nous est possible de le recevoir en nous, de nous
laisser former par lui, au sens véritable,
en sorte que tout, corps, âme, esprit, soit
semblable à lui. Une formation
d'après Jésus doit prévaloir
sur toutes les autres.
C'est une loi de la société humaine qu'aucune vérité n'a de vie si elle n'est représentée par des hommes. C'est donc par le moyen des hommes que doit aussi devenir efficace la force agissante de Jésus.
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