Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Préface

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LES DISCIPLES DE JÉSUS


Ces cahiers sont une traduction du livre « Von der Nochfolge Jesu Christi ». Ils contiennent un choix de Pensées extraites des sermons et méditations de Christophe Blumhardt. La matière a été puisée aux sources authentiques qui proviennent des héritiers de Blumhardt ; le triage de ces documents répond, jusque dans le plus petit détail, à l'esprit et aux intentions de leur auteur. Cet ouvrage a été établi par le Pasteur Eugène Jäckh, qui fui l'intime ami de Blumhardt pendant les huit dernières années de sa vie, et avec la collaboration de soeur Anna, qui fut durant vingt-trois ans la confidente de ses pensées.

L'édition allemande chez Furche-Verlag, Berlin, a paru pour Pâques 1923.
Pour la France, la traduction a été autorisée Par Eugène Jäckh, à Göppingen (Wurtemberg).




CHAPITRE PREMIER


LE ROI


1

Un roi n'est réellement roi que si son peuple le proclame. tel. Un roi règne, lorsque son peuple lui soumet son coeur ; ainsi, Jésus est roi lorsque nous lui donnons nos coeurs. Il doit avoir un peuple qui, jour et nuit, monte la garde devant Dieu, en disant : Tu as envoyé Jésus comme le Seigneur, Tu lui as donné un nom qui est au-dessus de tous les noms, Tu l'as couronné de gloire et d'honneur, Tu l'as délivré de la mort et établi berger du troupeau, Tu nous as fait savoir que Jésus-Christ est le Seigneur et que toute puissance lui est donnée. Nous le savons : c'est pourquoi nous élevons l'étendard de Celui que Tu nous a donné pour roi ; Tu veux qu'Il soit roi ; nous voulons qu'Il le devienne.

Le petit troupeau de Dieu doit avoir en vue ce seul objet : que Jésus soit vainqueur, que Jésus règne, que Jésus soit glorifié sur la terre.


2

Croire, c'est se donner un maître.


3

Jésus veut être roi ; non pas un roi, mais le roi. De Dieu il détient le pouvoir sur tous les hommes. Il est au sens propre du mot : « Roi par la grâce de Dieu ! »
Or aujourd'hui nous n'avons plus, à bien des égards, qu'une religion chrétienne, qui s'est annexé l'image du Christ. On prend ainsi le Christ par-dessus le marché, mais on ne vit pas en ayant conscience que le Roi est là. Si le Roi est là, il faut qu'on prenne position vis-à-vis de lui : pour ou contre. Or, il est rare que l'on prenne ainsi position. Cela fait toujours penser à la parole de Pierre aux Juifs : « Celui que vous avez crucifié. » On voulait avoir un aide, mais on a crucifié le roi. Il représentait la volonté de Dieu et non celle des hommes ; et alors, on l'a mis de côté. C'est une faute dont les conséquences cheminent à travers les siècles. On s'est accoutumé à un certain bien-être religieux, mais la religion s'est constituée de telle manière que chacun s'efforce d'y faire prévaloir sa propre volonté.

C'est pourquoi nous devons prendre fait et cause pour le roi, et notre personnalité doit se modeler d'après lui. Il faut que Jésus ait de nouveau des disciples qui renoncent à tout. Car le roi, c'est Christ. Ce n'est pas une puissance qui a autorité sur toi, ce n'est ni le protestantisme, ni le catholicisme, ni l'enseignement du Christ tel que tu te le représentes. Ton roi, c'est la volonté de Dieu en Christ.

Il y a une fausse adoration de Christ, dont il ne veut pas. Souvent cette adoration a pris une forme égoïste : on se sert de lui pour satisfaire ses propres désirs. Beaucoup prient le Sauveur comme les païens prient leurs dieux. Sommes-nous pauvres, malades, malheureux, nous ne savons que dire : aide-nous, ô bon Sauveur. Jésus ne veut pas de cette adoration-là. Il dit : « Venez avec moi, je vous conduirai à mon Père, alors toutes choses vous seront données ; mais venez d'abord avec moi, vers Dieu. Je ne veux pas de flatteries, je vous veux tout entiers. »

Or, pour cela, il faut aujourd'hui combattre jusqu'au sang. Dans les rangs des chrétiens on n'a pas combattu contre ce péché qui consiste à abandonner le Roi pour suivre sa propre volonté. Les chrétiens n'ont pas combattu jusqu'au sang. Mais une communauté semblable, libre vis-à-vis du monde entier, sous l'étendard de son roi, doit se constituer pour être la lumière et le sel du monde. Dieu veuille que soit effacée la faute immense des siècles, crucifiant Jésus dans leur égoïsme.


4

Jésus-Christ est le sauveur couronné. Il a été élevé à la royauté pour faire triompher comme Sauveur la cause de Dieu. La couronne qui lui a été donnée, c'est sa couronne de Sauveur. C'est le Sauveur couronné au ciel qui tient notre temps dans sa main, seul il a puissance et force, d'éternité en éternité, pour l'honneur de Dieu le Père. Pour nous et pour le monde entier, le salut viendra par lui.

Il porte trois couronnes : il est mort, il est ressuscité, et il s'est assis dans le ciel à la droite du Père. Il ne renonce ni à sa mort, ni à sa vie, ni à son trône. Telle est la grande promesse que nous avons en lui ; à cette lumière, notre passé, notre présent et notre avenir ont leur promesse d'espérance.

Le Sauveur entend garder la couronne de sa mort : nous ne pouvons rien concevoir de plus grand. Il veut demeurer l'agneau sanglant qui lave les péchés du monde. Par sa mort, il dit son mot dans notre passé.

Ce qui est derrière nous doit s'en aller. La malédiction doit s'en aller, le péché doit s'en aller. Lorsque, considérant ton péché tu ne sais plus où trouver de recours, pense à la couronne de sa mort, ne t'abandonne pas, ne désespère pas, sache que Jésus est mort et qu'il a porté le fardeau de tes péchés avec ceux du monde entier. Tout est là : que nous saisissions ce Sauveur sanglant, et que nous obtenions la victoire en lui.

Par le fait qu'il est ressuscité, il place les morts et les vivants sous le signe de la vie. Il a un mot à dire dans notre vie présente où nous sommes encore prisonniers de la mort. Il sort du tombeau comme celui qui efface la mort de notre vie. Il ne renonce pas non plus à cette couronne de vie. Beaucoup se contentent de laisser subsister, dans les livres, la résurrection du Christ, comme un événement merveilleux du passé, mais ils n'en tirent rien pour leur propre vie. Et pourtant, d'avoir le Sauveur, c'est ce qu'il y a de plus important au monde ; il faut que le Ressuscité nous reste. Aujourd'hui même il vit, aujourd'hui il est là, aujourd'hui tu dois percevoir sa puissance, qui délivre aujourd'hui ta vie de la mort

Le Christ a encore une autre couronne : c'est celle de sa vie dans l'avenir. Ne croyez pas que ce soit un à-côté. Pour moi, il me semble que si les deux premières couronnes manquent d'efficacité pour nous, c'est parce qu'on a négligé cette prédication de l'avenir de Jésus-Christ. L'avenir de Jésus-Christ, l'avènement du Sauveur à la droite du Père dans le ciel, tout ceci est puissamment lié à notre vie la plus intime et doit avoir une action aussi forte en nous que la foi en la vertu de son sang et en sa résurrection. Pensez-vous que le Sauveur nous avertisse en vain quand il nous dit : patientez, jusqu'à ce que je vienne. Pensez-vous que sa cause triomphera sur terre, sans qu'il ait voix au chapitre ? Nous ne sommes ses serviteurs et ses disciples que si nous voulons l'avoir lui-même de nouveau parmi nous. Le Seigneur Jésus ne renoncera pas non plus à cette couronne de son avenir. Il viendra, n'y eût-il là pour l'attendre que cinq vierges sages.
N'oubliez aucune de ses couronnes ! Jésus-Christ le même hier, aujourd'hui, éternellement.


5

Quand le Seigneur Jésus dit : « Toute Puissance m'est donnée au ciel et sur la terre », il se présente comme l'Homme à qui le Dieu tout-puissant a remis la créature. Il la tient en main comme un monarque qui régit avec fermeté son royaume et a le pouvoir de le conduire vers le bien. Sur cette parole de notre Seigneur, notre âme s'élève jour et nuit dans le monde céleste de la Trinité de notre Dieu ; cette parole est l'échelle par laquelle nous pouvons entrer en tout temps dans le monde céleste. Et ainsi, nous pouvons dire à tous : ayez confiance, il y là une puissance, cette puissance est en marche, et finalement elle fera tout rentrer dans l'ordre. Car nous entendons le message de Jésus-Christ : « Les peuples sont à moi, et en mon nom, pour l'honneur de Dieu le Père, vous devez étendre la bannière sur tous les peuples ; les peuples sont miens et vous, mes disciples, vous devez les baptiser en mon nom, afin qu'ils deviennent des gens de bien, Les peuples sont à moi : vous devez les conduire jusqu'aux confins du monde, là où s'ouvre le ciel et où le Dominateur vient, qui a toute puissance au ciel et sur la terre ! »


6

Jésus reste fidèle. Il est resté notre Christ jusqu'aujourd'hui. Mais nous, nous portons le poids de notre infidélité. Nous ne savons pas reconnaître l'inexprimable miséricorde de notre Dieu, et nous ne savons pas la conserver fidèlement dans nos coeurs. Si dans les cieux on est plein d'ardeur pour nous et en tout temps prêt à nous aider, sur la terre les coeurs restent trop souvent de glace. Mais Dieu est fidèle ; et les jugements même qu'il prononce sur nous ne sont que les marques de sa fidélité. Il ne veut pas nous laisser nous perdre, nous ne devons pas sombrer. Jésus-Christ demeure fidèle jusqu'à la fin. La terre est froide et morte, le ciel est chaud et vivant ; et pourtant sur cette terre aussi, la chaleur vitale aura la victoire.


7

Notre coeur doit être tout entier à Dieu, notre coeur doit être tout entier au Royaume de Dieu. Avec notre science et notre théologie, nous risquons de perdre l'essentiel : le respect de Dieu. Le Royaume de Dieu est une monarchie. Le mot d'ordre doit être toujours : Jésus roi, à la gloire de Dieu le Père qui est au ciel ! On croit aujourd'hui faire d'autant plus qu'on introduit des notions théologiques dans le Royaume de Dieu, qu'on écrit des livres et qu'on fait des lois. Mais si le point central, qui est la notion du Royaume, devient incertain, les acquisitions de la science théologique ne servent pas à grand chose. Si nous n'avons pas au coeur le respect envers Dieu et envers Jésus comme envers le Prince établi par Dieu sur la terre, nous devenons pour ainsi dire une démocratie dans laquelle chacun peut donner son coeur où il veut.

Nous devons avoir un patriotisme du Royaume, qui ne consacre pas seulement son coeur à des individus, mais qui les unit tous entre eux, de sorte que les différentes personnalités se donnent la main avec joie, parce que tous servent le même maître. Ce qui trouble le christianisme provient de ceci : que chacun fait ce qu'il veut et combat selon son idée pour le Royaume de Dieu. Tous courent çà et là, en francs-tireurs, le commandement se perd, la domination étrangère a le champ libre. Ce qui prend le pouvoir, c'est le péché, c'est la mort : ce qui était, ce qui devait nous rester étranger. De cette domination étrangère nul ne peut nous sauver si ce n'est Dieu, si ce n'est Jésus-Christ. Jésus est vainqueur !

Chez un peuple qui constitue la famille de Dieu dans le monde, il doit y avoir un seul coeur. Comment apporterons-nous le Royaume aux nations, si nous dispersons nos efforts, si parmi nous chaque volonté poursuit un but différent ? Il doit y avoir chez nous unité de commandement, commandement direct de Dieu. Les gens du monde ont parfaitement raison dans leur critique du christianisme ; ils sentent très bien que ce n'est pas encore là l'exacte vérité. C'est pourquoi nous devons être très prudents. Laissez passer ce qui est étranger, ne prenez pas l'étranger pour roi ; laissez Dieu, laissez le Sauveur être roi : il est le monarque. Dieu est amour, et reste amour ; mais si quelqu'un s'en prévaut et ensuite court après d'autres gens, s'il ne sait pas s'arracher à père, mère, femme, enfant, Église, confession, peuple et patrie, s'il ne sait pas dire : Jésus seul ! il n'a pas la bénédiction du Royaume de Dieu. Tu dois, comme combattant, demeurer ferme sous l'autorité du roi, et garder ton coeur entièrement à lui.


8

Ce qu'il nous faut aujourd'hui, ce n'est pas une confession de Jésus-Christ, mais sa personne. Dans les Évangiles, nous ne trouvons aucune « confession » qui se rapporte à lui, mais il est au centre, lui, et lui seul. Tant de choses se sont interposées entre lui et les hommes ! maintenant il faut qu'il reprenne ses droits.

« Vous venez d'en bas », dit le Sauveur ; vous êtes des produits de l'histoire, historiquement sur terre ; « Moi, je viens d'en haut », je ne suis pas une personnalité historique, je ne dépends de rien : ni d'un père, ni d'une mère, ni d'un temple, d'un peuple ou d'une coutume ; rien ne m'a préparé que Dieu lui-même. Et maintenant, il nous dit : Suivez-moi ! Celui qui me confesse, - moi qui suis en dehors de l'histoire, - celui qui vit parmi vous sans attache, qui, en dehors de votre piété et de votre justice, prend les ordres de Dieu seul, celui-là, je puis le reconnaître devant mon Père céleste. Les autres, ceux qui ne se soucient que des produits de l'histoire, sortis de la famille, de l'État, de la nation, de l'Eglise, ceux-là ne me confessent pas et je ne puis pas non plus les confesser.

Le christianisme souffre parce qu'il confesse trop peu son maître et trop les sociétés, les nationalités, les produits de l'histoire. C'est ce qui explique l'opposition qui fermente aujourd'hui contre le christianisme, tempête qui gronde maintenant contre les institutions établies. Si les enfants de Dieu se taisent, il faudra que les pierres crient. Il faut qu'il y ait des secousses pour que Jésus-Christ puisse faire irruption quelque part dans le monde - lui, cet être libre, ce simple homme de Dieu, ce Fils de l'homme. Il nous apportera d'en haut des coutumes divines : il nous fera naître, nous aussi, d'en haut sur cette terre.

Si nous sommes des chrétiens comme les autres, ce n'est pas la peine que nous soyons en ce monde. Nous devons lancer un torrent divin dans le monde. Avec nous, Dieu doit pénétrer dans le monde. L'humanité se pourrit, s'il n'y a pas toujours présents des hommes dans lesquels Jésus, le libre Jésus, le Fils de Dieu, l'homme libre qui ne procède que de Dieu, peut croître et porter des fruits.


 9

C'est peut-être le plus grand malheur du monde, qu'il y ait des chrétiens sans Christ, des disciples sans le Maître. Beaucoup veulent être des disciples, mais ils ne peuvent se résoudre à abandonner leur vie, et à leur lit de mort ils s'agrippent à d'autres maîtres en disant : Aide qui peut ! Ainsi se rompt le lien qui les reliait en tant, que disciples avec Jésus-Christ, le Seigneur suprême.


10

Le temps vient où nul ne pourra plus dire : « J'appartiens à Jésus » s'il n'a pas sa manière. On ne pourra plus régner au nom de Jésus, tout en se disputant, en se battant, en versant le sang. Les temps nouveaux approchent.


11

Nous devons « être en Jésus », comme la véritable épouse est pour son mari ; elle ne connaît pas seulement d'une façon extérieure sa volonté ; elle sent ce que veut son époux, elle sait être attentive à ses vœux intimes. C'est à peu près ainsi que l'on doit se représenter ce que signifie « être en Jésus ». Il faut lire en lui et vivre en lui.


12

Le Sauveur dit : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous. Notre vie n'est faite que de nourritures : chaque respiration est une nourriture, chaque délassement en est une, chaque occupation physique ou intellectuelle peut en être une ; le sommeil lui-même est une nourriture. Et lorsque, dans la nourriture, il se glisse un poison, l'homme souffre. Or, les hommes se nourrissent de travers, surtout spirituellement. Dans notre formation intellectuelle nous assimilons des aliments, nous absorbons une science. Avec beaucoup de gens on a peine à s'entretenir de façon intelligente, car ce qui sort de leur bouche, c'est ce qu'ils ont absorbé. Tel homme qui a lu un ouvrage, s'est occupé d'une grande personnalité, a absorbé l'élément spirituel de cette personnalité ; c'est cela qui parle par lui, c'est cela qui l'a formé. Bien des gens se nourrissent littéralement de leurs ancêtres, et cette transmission héréditaire se marque sur leur visage et dans leur caractère. Cela peut donner quelque chose de brillant, au point de vue humain ; mais le résultat final, c'est la mort. Si je me nourris des hommes, si je m'assimile des personnalités, c'est du pain, c'est une nourriture sous forme de chair et de sang.

Jésus vient alors et dit : je suis le pain de vie, quiconque mange de ce pain, quiconque mange ma chair et boit mon sang, possède la vie éternelle. Si désormais nous absorbons une nourriture, il nous faut la recevoir de lui. Nous devons attendre une union spirituelle avec lui. Il vit ; il nous est possible de le recevoir en nous, de nous laisser former par lui, au sens véritable, en sorte que tout, corps, âme, esprit, soit semblable à lui. Une formation d'après Jésus doit prévaloir sur toutes les autres.


13

C'est une loi de la société humaine qu'aucune vérité n'a de vie si elle n'est représentée par des hommes. C'est donc par le moyen des hommes que doit aussi devenir efficace la force agissante de Jésus.

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