Maintenant, venons à la seconde grande
époque, la plus importante pour
l'humanité après celle de la venue du
Fils de Dieu : la Réformation.
Comme on a prétendu que la divine
autorité des Écritures n'était
pas un principe originel, et
fondamental du christianisme, on a assuré de
même qu'elle n'était pas un principe
originel et fondamental de la Réformation.
On a dit que les saintes Écritures
n'étaient point considérées,
au commencement de cette rénovation de
l'Eglise, comme autorité en matière
de foi, et que c'est à un accident que l'on
a dû plus tard l'avènement de ce
principe.
Ne pourrait-on pas dire que ces deux
grandes dispensations de Dieu, le christianisme
primitif et la Réformation, ont
été étendues sur le lit de fer
d'un inexorable système, et que, comme elles
le dépassaient fort, on leur a coupé
les pieds, comme Procuste. Le résultat le
plus sûr de cette dangereuse opération
serait d'empêcher ces deux grandes
dispensations de se mouvoir.
Quels sont les principes de la
Réformation ? Tous les
théologiens évangéliques
s'accordent à en signaler deux.
Il y a d'abord le principe dit
matériel, que l'on devrait plutôt
appeler essentiel, parce qu'il est l'essence, la
matière même de la doctrine des
réformateurs. Ce principe, c'est la foi en
Jésus-Christ mort et ressuscité, et
la justification par cette foi. Le salut vient de
la foi vivante en Christ rédempteur, et non
des oeuvres. Christ est sagesse, justice,
sanctification et rédemption de son
peuple. Il n'y a de salut en aucun autre.
Voilà le principe
essentiel.
Mais il y a un autre principe, un
principe formateur ou formel,
c'est-à-dire qui a formé la doctrine
évangélique. Quel
est-il ?
Ici vient se placer, mes frères,
la seconde palpable erreur dont je vous ai
parlé dimanche passé. On a dit que la
Réformation avait commencé sans
mettre en avant l'autorité des
Écritures ; mais qu'étant venue
se heurter contre l'anabaptisme, elle avait pour le
combattre établi ce principe, au grand
détriment du mouvement religieux et de la
spiritualité chrétienne. En
présence de cette hérésie,
a-t-on dit, la Réforme cargua ses voiles.
Les anabaptistes jouent le même rôle
dans l'histoire d'à présent que les
gnostiques dans l'autre.
La gravité de cette erreur ne
peut se comparer qu'à la gravité de
celle qui fait inventer dans le second
siècle, par le catholicisme, la
doctrine de Jésus-Christ sur
l'Écriture.
Il serait singulier (remarquons-le en
passant) que la Réforme eût
établi l'autorité de
l'Écriture pour combattre l'anabaptisme,
doctrine qui, vous le savez, veut que l'on donne le
baptême, non aux petits enfants, mais
seulement aux adultes qui professent la foi.
Quelque décidé que je sois pour le
baptême des enfants, il me faut pourtant bien
reconnaître que l'ordre exprès : «baptisez
les
enfants,» ne se trouve nulle part dans
l'Évangile.
Et l'on eût
changéla nature de la
Réformation tout entière pour pouvoir
puiser dans l'Ecriture... quoi ? - Des
déclarations qui ne s'y trouvaient pas. Mais
ne nous arrêtons pas à des
considérations à priori ;
jugeons, non d'après notre imagination et
les besoins de nos systèmes, mais
d'après les documents authentiques,
d'après les faits, car c'est un point
d'histoire.
Le principe formateur
du
christianisme évangélique se trouve
dans le berceau même de la
Réformation. Il est déjà au
fond des fameuses thèses par lesquelles
Luther commença, en 1517, les temps
nouveaux. En effet, si les indulgences sont le
grand mal qu'il combat, la Parole de Dieu est le
grand bien qu'il leur oppose : il se plaint
(thèse 54) que l'on mette plus de temps
à annoncer l'indulgence que la Parole de
Dieu ; et dans la protestation même que
Luther joint à ses thèses, et
où il établit la base
théologique et chrétienne sur
laquelle il repose, le réformateur
déclare (cinq ans avant les premiers
anabaptistes) :
« Qu'il n'est pas si arrogant que de préférer ses opinions à celles de tous, mais, aussi qu'il n'est pas si dénué d'intelligence que de mettre la Parole divine au-dessous des fables inventées par la raison humaine ! »
Ainsi, mettre la Parole de Dieu au-dessus, voilà le premier
pas de
Luther. C'est par cette Parole de Dieu
qu'il combattra toutes les
fables. Ceci décide dès l'abord le
point de vue du réformateur.
Les adversaires de l'Écriture le
comprirent aussitôt ; aussi, Tezel,
effrayé de cette présomption, qui
prétend mettre la Parole de Dieu au-dessus de tout, dit-il
dans la 17e de ses
thèses, publiées en réponse
à celle du Luther
« Il faut enseigner aux chrétiens que l'Eglise maintient, comme articles certains de la vérité catholique, plusieurs points qui ne se trouvent pas dans le recueil de la sainte Écriture. »
Ceci est clair, mes frères ; les
marchands d'indulgences faisaient peu de cas du
canon, du recueil de la sainte
Écriture.
Ainsi, dès le premier moment de
la Réformation, les deux principes sont en
présence. Nous avons, d'un
côté, la papauté mettant
l'Eglise en haut et l'Écriture en bas ;
de l'autre, la Réformation mettant
l'Écriture en haut et l'Eglise en bas.
Poursuivons.
Vous allez voir comment l'homme de Dieu
renversera successivement toutes les
autorités terrestres, qui étaient la
confiance insensée de l'homme, et comment il
élèvera à la place la sainte
autorité de l'Écriture de Dieu ;
comment, arrachant la bruyère qui
croît dans une lande (selon l'expression du
prophète), il lui substituera un arbre fort
et fertile, planté près du courant
des eaux. jamais peut-être
une si faible puissance n'entra en lutte avec de si
gigantesques pouvoirs ; jamais une victoire
aussi prodigieuse ne fut si courageusement et si
pleinement remportée. Ceci est plus
admirable que les trois cents hommes de
Gédéon battant les milliers de
Madian, ou que la fronde de David faisant tomber le
géant Goliath.
La première autorité que
renverse le Réformateur, appuyé sur
l'autorité de la Bible, c'est celle des
fameux scolastiques.
« Je me réserve, comme un privilège de la liberté chrétienne, dit-il en août 1518, de pouvoir accepter ou rejeter les simples opinions de Thomas d'Aquin, de Bonaventure et autres docteurs de l'École, d'après le précepte de l'apôtre Paul : Éprouvez toutes choses, retenez ce qui est bon. » - Maintenant, ce sera le tour du pape.
À la suite de son entretien à
Augsbourg avec le légat de Vio, Luther fit
ce nouveau pas : à la fin de 1518, il
publia une protestation où il abandonna tout
à fait l'autorité papale.
« Le pape, dit-il, peut, comme tout autre
homme, errer, pécher,
mentir. »
Vous l'entendez : mentir. Ce
grand
prêtre, regardé comme le vicaire de
Dieu, et par plusieurs comme Dieu lui-même,
Luther, appuyé sur l'autorité de
l'Écriture, le déclare : il peut errer, il peut mentir.
Ceci est un
pas énorme.
Luther avait le droit de le faire. Il
marchait malgré lui, et, dans son esprit, la
lumière se dégageait toujours plus
des ténèbres.
Dans la fameuse dispute de Leipzig avec
le docteur Eck, trois ans avant les premiers
anabaptistes, le réformateur parvient
à une complète clarté sur le
principe de la connaissance religieuse. Il dit
(Disputat Acta), le 5 juillet 1519 :
« On ne peut contraindre aucun chrétien à croire quelque chose, si ce n'est par la sainte Écriture, qui est proprement le droit divin. » Il insiste : « Il est de droit divin défendu de croire quelque chose qui ne puisse pas être prouvé par la sainte Écriture ou par une révélation certaine. »
Pour Luther, le contenu de l'Écriture est
égal à une révélation
certaine, actuelle, dont il semble alors n'avoir
pas voulu contester la possibilité.
Maintenant qu'il a trouvé
l'autorité de l'Écriture de Dieu,
Luther est libre, car, vous le savez, et un
serviteur de Dieu
(1)
nous le
disait peu avant sa mort dans cet oratoire :
« Sans obéissance, il n'y a point
de liberté. » Luther est
émancipé par l'autorité de la
Parole de Dieu de toutes les tutelles humaines. Sa
vie religieuse redouble, sa spiritualité
augmente, son courage se centuple, et le
mouvement chrétien va
faire de grands progrès. Cette conviction
nouvelle du serviteur de Dieu s'exprime avec
puissance. Appuyé sur l'Écriture de
Dieu, il frappe à droite, il frappe à
gauche ; il brise tous ces roseaux qui ont
crû autour du rocher de Dieu et si longtemps
l'ont dérobé aux yeux des
fidèles. Il fait tomber toutes les fausses
autorités, comme Dagon devant l'arche de
l'Éternel.
Il s'en prend d'abord aux
universités, dont la voix, surtout celle de
l'université de Paris, était pour
plusieurs aussi vénérée que la
voix même du pape. Dans ses résolutions luthériennes sur
les propositions de Leipzig, il s'écrie
« qu'il veut être libre, comme
théologien chrétien, et que la
puissance d'une université ne
l'empêchera pas de confesser ce qu'il
reconnaît être la
vérité. »
Après ces corps savants il
attaque les conciles, qu'il avait lui-même
invoqués, et, brandissant sur eux la massue
des Écritures, il leur donne un coup
terrible.
« Si un concile s'est une fois trompé, dit-il, tous ont pu se tromper. S'ils ont erré dans un seul article, par cela même toute leur autorité tombe. »
Et il écrit ironiquement à Latomus, en 1521, un peu plus d'un an avant les premiers anabaptistes :
« Quelle sainte Écriture ce Concile a-t-il pour lui ? Si un concile peut subsister sans l'Écriture, et qu'il suffise que des tonsures et des chapeaux d'évêques s'assemblent, pourquoi n'allons-nous pas prendre dans les églises des images de bois et de pierre ; puis, les réunissant et leur mettant des chapeaux et des bonnets de prêtres sur la tête, pourquoi ne formons-nous pas ainsi un beau Concile universel ? »
Après le tour des conciles et des universités, vient celui des traditions et des Pères.
« Une controverse chrétienne, dit Luther dans sa réponse » à Emser, en 1521, environ un an avant les premiers anabaptistes, doit être fondée sur l'Écriture. Il ne faut se servir de l'enseignement des Pères que pour venir à l'Écriture, comme ils y viennent eux-mêmes, et alors laisser l'Écriture sainte seule subsister. »
Le Réformateur ne se contente pas de
faire cette profession à des
théologiens ; il la fait à
Charles-Quint lui-même.
Le 28 avril 1521, à l'occasion de
sa citation à Worms, il écrit
à cet empereur :
« Je suis tout à fait prêt à accepter et à soutenir le jugement, sans faire aucune réserve quelconque, si ce n'est la seule Parole de Dieu, cette parole manifeste, claire, qui n'est soumise à personne, mais qui doit à juste titre être mise au-dessus de tout, et demeurer le juge de tous les hommes. »
Enfin, quand il est conduit captif dans le
château de la Wartbourg, que fait-il ?
Il sait que, s'il veut répandre le
christianisme évangélique parmi son
peuple, il doit y répandre le Nouveau
Testament. Il sait qu'un témoignage de Dieu
est nécessaire pour faire taire tous ces
témoignages des hommes qui
s'élèvent contre la
vérité, et il se met à
traduire les saintes Écritures.
Ainsi, Luther avait rejeté toutes
les autorités pour relever celle de Dieu
dans son Écriture. jamais un si grand
mouvement ne s'était accompli dans le
règne des intelligences. Tout cela,
remarquons-le bien, se faisait avant les
anabaptistes. je m'arrête dans ces citations,
un an avant eux.
Sans doute, Luther a pu quelquefois se
tromper ; mais vous voyez si la
Réformation n'a pas commencé en
rétablissant l'autorité des
Écritures !
Martin Luther n'est pas seul. Les
principes conquis par lui sont coordonnés
par Mélanchton. Dans sa Défense
contre Eck, en août 1519, trois ans avant
les anabaptistes, Mélanchton, le
théologien de la Réformation,
établit ce beau principe, qui est la base du
christianisme évangélique :
« Il y a une seule Écriture, inspirée du ciel, pure, véridique en toutes choses, que l'on appelle canonique. »
Et il ajoute :
« Elle nous est donnée afin que nous comparions avec elle, commeavec une pierre de touche, les sentences et les décrets des hommes. »
Les fameux Lieux communs de
Mélanchton, qui furent la première
théologie dogmatique de l'Eglise
évangélique, sont une constante
invitation à étudier
l'Écriture. La sainte Écriture y est
pour l'auteur comme une image de la
Divinité, d'après laquelle il faut
que la vie chrétienne se forme.
« Quiconque, dit-il, tire le
christianisme d'ailleurs que de l'Écriture
canonique, se trompe
(2). »
En Suisse, Zwingle fait de
même : il semble avoir reconnu le grand
principe avant Luther. Dès 1516, longtemps
avant les anabaptistes, il expliquait
l'Écriture nous est-il dit, « non
par les fables des hommes, mais uniquement en
comparant les saintes Écritures bibliques
avec elles-mêmes. »
Arrivé à Zurich, en 1519,
il déclare au Chapitre qu'il expliquera
surtout l'Évangile de saint Matthieu :
« d'après les seules sources de la
sainte Écriture ! »
En 1523, lors du premier colloque
religieux, le vicaire de Constance, ayant
proposé d'en référer aux
universités de Paris, de Cologne ou de
Louvain :
« Ce n'est pas nécessaire, répondit Zwingle, nous avons déjà un juge impartial et infaillible : il est dans la sainte Écriture ; elle ne peut ni mentir ni tromper. »
Et, un adversaire voulant appeler aux Pères, il répondit :
« Il ne s'agit ici ni de pères, ni de mères, mais de ce qui est vraiment d'accord avec la Parole de Dieu (3). »
Et quelle est, en 1520, avant les anabaptistes, la grande pensée du réformateur de l'Angleterre, de Tyndale ? Qu'est-ce qui fait naître en son esprit le dessein de traduire les Écritures ? - Il a commencé à répandre la vérité évangélique par des conversations, des prédications ; mais à peine a-t-il planté la Parole, que les prêtres surviennent et l'arrachent.
« Je ne puis être partout, dit-il ; oh ! si les chrétiens avaient la sainte Écriture traduite en leur langue maternelle, ils pourraient eux-mêmes résister aux prêtres. Sans la Bible, il est impossible de maintenir la vérité (4). »
Calvin enfin, notre grand théologien, pense de même. Selon lui (dans sa lettre au cardinal Sadolet), la Parole de Dieu se trouve seule en dehors de la sphère de notre jugement. Et, dans le contre-poison aux articles de la faculté théologique de Paris, il dit :
… S'il survient quelque controverse, elle ne se doit point décider au plaisir des hommes, mais par la seule autorité de Dieu. Puisque le monde est aujourd'hui en grand trouble pour la diversitédes opinions, il n'y a point d'autre remède ; il nous faut avoir notre refuge à l'Écriture ! »
Hélas ! encore
maintenant !
Tel fut donc le principe établi
par toute la Réformation :
l'autorité souveraine et exclusive de
l'Écriture.
Oui, mes frères, gardez-vous de
croire que Luther et les réformateurs
n'aient fait qu'entasser autour d'eux, comme le
prétendent les disciples du pape, des ruines
et des ruines. Par devant, les scolastiques
mutilés ; par derrière, le pape
renversé ; à droite, les
universités voyant récuser leurs
oracles ; à gauche, les traditions
déchirées ; tout à
l'entour, les conciles
détrônés : des
ruines ! partout des ruines !
Ah ! si ce que l'on avance
maintenant était vrai, si la divine
Écriture n'était pas la souveraine et
seule autorité en matière de foi, les
Romains pourraient dire : Des ruines, partout
des ruines ! - Mais, savez-vous, ô
disciples du pape ! à qui ressemblent
Luther et les réformateurs ? Ils sont
semblables à un vaillant
général longtemps enfermé dans
une forteresse par des sujets rebelles à son
roi, longtemps entouré de leurs
retranchements, de leurs fossés, de leurs
lignes d'approche et de leurs parallèles, et
qui tout à coup sort des murs avec
puissance, se jette sur l'ennemi, renverse ses
lignes, met en ruine ses retranchements,
enfonce ses mines, chasse de
tous côtés l'adversaire,
rétablit l'autorité légitime,
et plante partout l'étendard glorieux de son
roi.
Si Luther renversait l'autorité
des hommes, ce n'était que pour
élever l'autorité de Dieu. Sans doute
il ne méconnaissait pas quelques
difficultés que présente
l'Écriture, dont on fait grand bruit
maintenant, et à l'occasion desquelles on
propose à la chrétienté
d'abandonner ce témoignage divin sur lequel
repose notre foi.
Des difficultés ! ...
Vraiment, il y en a partout, même dans la
vie, et ce ne fut jamais pourtant une raison pour
se suicider.
« Ce sont là des questions chronologiques, dit » Luther sur Jean, II, 13-16, que je ne veux pas résoudre. Cela est de peu d'importance, quand même il ne manque pas de gens qui ont l'esprit si pointu et si subtil (spitzig und scharfsinnig), qu'ils se plaisent à mettre souvent en avant toutes sortes de questions, et prétendent que l'on se donne la peine de répondre à tout ce qui leur passe par la tête. »
Quoi ! la Bible est un livre tout à
fait humain, en même temps que tout à
fait divin, et il ne nous présenterait
aucune difficulté ! Dès qu'il y
a union de la nature divine et de la nature
humaine, il y a mystère ; et,
dès qu'il y a mystère, il y a des
choses que l'on ne peut comprendre et expliquer.
Le Dieu-homme nous
présente des profondeurs insondables, et la
Bible ne nous en présenterait pas !
Ah ! elle ne serait pas alors la Parole aux
deux natures. Il y a bien un moyen de sortir du
mystère et de se débarrasser des
difficultés ; c'est de supprimer l'une
des deux natures. L'homme-Dieu vous confond ?
Eh bien ! ôtez Dieu de Jésus,
dit-on, et n'en faites qu'un homme.
L'Écriture de Dieu vous embarrasse ? Eh
bien ! ôtez le Verbe divin et
infaillible de la Bible, ajoute-t-on, et n'en
faites qu'un verbe humain, un peu plus saint que
les autres, comme le Jésus de Socin. Pour
moi, Dieu me garde de cet expédient un peu
leste ! J'aime mieux le mystère avec
les difficultés, que l'explication facile
sans le mystère.
Supposons que le Livre de Dieu eût
été donné avec le moins
d'intervention humaine possible ; supposons
qu'il n'y en eût aucune ; que, par un
miracle, ce Livre fût tombé tout fait
du ciel, comme ces lettres dont parle de temps en
temps la superstition romaine. Ce livre tout divin,
une fois lancé dans le monde, sera soumis
aux chances humaines, à moins que l'on
n'admette un miracle perpétuel, ce que, pour
ma part, je ne saurais. Copié sans cesse de
nouveau, puis sans cesse de nouveau imprimé,
ce Livre sera exposé aux accidents
littéraires auxquels sont exposés
tous les livres. Il y aura des
variantes ; peut-être même, ce qui
arrive souvent aux copistes, surtout quand les noms
ont quelques rapports, un nom propre sera mis pour
un autre : Jérémie, par exemple,
pour Zacharie. Il y a des accidents qui proviennent
du laps du temps, de l'influence des hommes, et qui
sont inévitables.
Mais si, même dans le cas
où la Bible serait tombée du ciel
toute faite, les marques d'humanité
étaient inévitables, à combien
plus forte raison en sera-t-il ainsi, puisque Dieu
a voulu qu'elle fut écrite sur la terre,
dans des siècles divers, dans des pays
divers, par des hommes d'une intelligence et d'une
culture très diverses, en unissant une
liberté toute humaine à une
inspiration toute divine. 0 esprits subtils !
dont parle Luther, comprenez-vous l'union de
l'autorité souveraine de Dieu et de la
liberté de l'homme - en vous, - oui, en
vous-mêmes ? Vous ferez-vous
pélagiens pour échapper à la
difficulté ? Et si ce mystère a
des difficultés insurmontables en vous, vous
voulez qu'il n'en ait point dans la
Bible !
Ce n'est pas ce que faisait Luther. Il
acceptait ces difficultés, et elles
n'ébranlaient point sa foi. « Les
évangélistes n'observent pas le
même ordre ; à la bonne heure. Ce
que l'un met en avant, l'autre le met en
arrière ; je le veux bien, Il est possible
que le Seigneur ait souvent
répété le
même récit. Mais, quoi qu'il en soit,
ajoutait le réformateur, cela ne nuit en
rien à la foi (Walch., VII, 1730)
- »
Après avoir contemplé ces
qualités humaines de l'Écriture,
Luther relevait la tête et contemplait leur
divinité. Il les appelait le Droit
divin (das göttliche Recht).
« Il faut, disait-il contre Latomus,
considérer l'Écriture comme ayant
Dieu lui-même parlant en elles. Le
Saint-Esprit a parlé, a écrit
l'Écriture, dit-il ailleurs (Walch, XVIII,
1602). À côté d'elle, il n'y
pas d'autre révélation du
Saint-Esprit. »
Enfin, il appelle l'Écriture Dieu lui-même (Gott
selbst),
et
il ajoute que : « quelque faible
qu'elle paraisse, elle a pourtant la force de faire
des enfants de Dieu de tous ceux qui s'y
rattachent ! »
Quoi ! Luther se serait
avancé sur le champ de bataille comme un
soldat désarmé ! C'est là
une découverte dont il se fût fort
étonné, et contre laquelle, quoique
mort, il proteste.
« C'est avec le texte, disait-il, c'est en partant du fondement de la sainte Écriture, que j'ai frappé, renversé, tué tous mes adversaires. - Le diable, disait-il encore, m'a souvent attaqué si rudement, que je ne savais si j'étais mort ou si j'étais vivant. Mais, avec la Parole de Dieu, je me suis défendu contre lui. Pas d'autre secours, pas d'autre conseil ! Une parole de Dieu nous suffit. Une parole d'hommesn'est qu'un faible son, qui s'en va dans l'air et y meurt ; mais une parole de Dieu est plus grande que le ciel et la terre, que la mort et l'enfer : c'est une puissance de Dieu, et elle subsiste éternellement ! » (Walch., XXII, 8, 63, 54.)
Et pourquoi Luther connaissait-il si bien la puissance de l'Écriture ? C'est qu'il ne faisait pas comme nous ; il ne ressemblait pas à ces chrétiens, si nombreux de nos jours, qui s'ennuient de l'Écriture.
« Depuis plusieurs années, disait-il, j'ai lu toute la Bible deux fois par an. - C'est un arbre, ajoutait-il, grand, gros et touffu, et toutes ses paroles sont autant de branches et de petits rameaux. Il n'y a pas une de ses branches, pas un de ses scions où je n'aie heurté pour savoir s'il s'y trouvait quelque chose, et j'ai toujours trouvé, même à la branche la plus menue, deux ou trois pommes, deux ou trois poires qui me sont tombées dans les mains. » (Walch., XXII, 61).
Allez, mes frères, faites de même,
et vous connaîtrez la divinité de la
Bible.
Oui, Luther et les autres
réformateurs n'ont pas fait une oeuvre de
destruction. Ils renversent, ils dispersent, ils
déblaient, mais pourquoi ? Architectes
élus de Dieu pour rétablir sa maison
déchue, ils préparent le terrain, ils
arrachent les orties, les épines, les
plantes vénéneuses, ils
écartent le grès
fragile, ils jettent au feu le bois pourri..., mais
afin de poser à la place le roc vif de la
cité de Dieu.
Mes frères, nous acceptons cette
belle comparaison de la Réformation
naissante, semblable à un navire
lancé à la mer et voguant à
pleines voiles. Mais attendez : examinons de
près ; ajustez bien votre lunette, afin
que vous voyiez clair ; discernons ce que sont
réellement ces voiles... - Au grand
mât ? l'Écriture ! - Au
mât d'avant ? l'Écriture ! -
Au mât d'arrière ?
l'Écriture ! - À toutes les
vergues ? les Écritures, toujours les
Écritures !... Et puis, le vent du
Saint-Esprit qui descend du ciel et qui, soufflant
dans toutes ces voiles, pousse le navire...
Voilà les voiles de la Réforme... Ces
voiles-là, elle ne les a jamais
carguées, et elle ne les carguera jamais.
Nous vous avons, dimanche passé,
présenté sur l'autorité de la
sainte Écriture le témoignage de
Dieu ; aujourd'hui nous vous avons
rappelé le témoignage des
hommes.
Mais si je dis des hommes, est-ce que je
ne me trompe pas à quelques
égards ? Sans doute, les
témoignages du Fils et de l'Esprit sont
seuls des preuves divines ; mais il y a aussi
dans les déclarations des serviteurs de Dieu
un témoignage de Dieu, le témoignage
de Christ dans l'histoire,
letémoignage du
Saint-Esprit dans le coeur des hommes qui ont le
plus fait pour l'oeuvre du Seigneur. Il y a eu en
tout temps des attaques contre l'autorité et
l'inspiration de la Parole de Dieu ; mais ces
attaques ne sont jamais venues que de la part des
incrédules ou des superstitieux. L'Eglise
vivante de Dieu a été unanime pour
proclamer cette inspiration et se soumettre
à cette autorité, en sorte que nous
pourrions adresser à l'erreur nouvelle cette
parole proverbiale : « Dis-moi qui
tu hantes, et je te dirai qui tu
es. »
Si j'admets l'intervention de
l'Esprit-Saint dans chaque fidèle, j'admets
aussi cette intervention dans l'ensemble des vrais
fidèles. J'ai la confiance « que
l'Eglise a été assistée du
Saint-Esprit dans la détermination des
éléments de la norme scripturaire
(5). -
Je crois
que l'Eglise, engendrée par la Parole
vivante de Dieu, avait un esprit de discernement,
un goût de vérité, en vertu
duquel elle reconnaissait les écrits des
apôtres ; et je pense que, maintenant
encore, partout où se trouve la
véritable Église, c'est-à-dire
des hommes enseignés de Dieu, les saintes
Écritures se manifestent et se justifient
comme étant la Parole même de Dieu.
L'Eglise, en reconnaissant ainsi les
Écritures de Dieu, ne
fait pas un acte d'autorité, comme le
prétend l'Eglise romaine : elle fait un
acte d'obéissance. Elle ne se place pas
au-dessus de l'Écriture, mais au-dessous.
S'il y a une Église qui se place
au-dessus de la Parole de Dieu, elle fait
connaître par cela même que la
puissance qu'elle s'arroge est illégitime.
Ce n'est pas de l'Eglise catholique
actuelle que nous tenons les Écritures, ce
n'est pas du concile de Trente, qui mit sur le
même rang qu'elles, les apocryphes et la
tradition ; non, c'est de cette Église
primitive, qui était une Église
évangélique et non pas une
Église romaine, de cette Église des
confesseurs et des martyrs, qui est le commencement
de notre Église et non le commencement de
l'Eglise du pape.
Le protestantisme n'étant autre
chose que la résistance à l'erreur,
et particulièrement à l'erreur qui
s'oppose aux Écritures, il a de tout temps
existé ; mais il a surtout
existé, et il existe encore, partout
où l'Écriture, son étude, son
interprétation, sa défense, sa
propagation, ont tenu ou tiennent le premier rang.
Il tomberait avec l'Écriture.
Bien loin que l'Eglise romaine soit la
mère de laquelle nous recevons
l'Écriture, sa grande faute, au contraire,
son grand acte de rébellion a
été de déplacer l'inspiration
divine et de la transporter des Écritures
dans le clergé. L'Eglise du
pape, pendant le moyen
âge, n'avait pas précisément
nié l'inspiration des Écritures, mais
elle s'en était peu occupée ;
elle s'était contentée d'affirmer que
l'Esprit-Saint était présent dans
l'Eglise représentative, dans le pape et les
prêtres. Si le pape et les prêtres
étaient inspirés, il était
assez indifférent que les Écritures
le fussent ou ne le fussent pas.
L'Eglise pontificale pouvait
parfaitement se passer des oracles de Dieu,
puisqu'elle en rendait elle-même. Le pape est
la Bible des papistes, et cette prétention
annule la véritable Bible presque autant que
la dénégation de l'inspiration que
nous combattons à cette heure.
Le mouvement de la Réformation
fut précisément l'inverse de celui de
la papauté. Elle aussi, elle
déplaça l'inspiration ; mais
voici ce qu'elle fit : elle l'ôta
à l'Eglise visible et hiérarchique,
où les prétentions à
l'inspiration n'étaient qu'une illusion sans
cesse démentie par les faits, et elle la
replaça dans les saintes Écritures,
où Dieu l'avait mise.
Tandis que l'Eglise romaine se fonde sur
l'Esprit-Saint, qui, dit-elle, parle dans les
conciles et dans les papes, l'Eglise
évangélique se fonde sur
l'Esprit-Saint qui parle dans les Écritures.
Sur quoi s'établirait une nouvelle
Église, si l'on prétendait en fonder
une ? Sur l'individualisme, dira-t-on.
« Entre l'individualisme et
l'autorité, il n'y a
rien, » a-t-on
affirmé. Ah ! mes frères, il y a
longtemps, il y a des siècles, que l'on a
voulu bâtir quelque chose sur
l'individualisme seul ; mais il est
arrivé que la pierre qu'un individu posait,
un autre individu la renversait, en sorte que
l'édifice n'avait pas hâte de
s'élever. Toute Église bâtie
sur l'homme et son individualisme n'ira jamais
qu'à ras de terre.
Toutefois, mes frères, il y a un
individualisme chrétien qui est
nécessaire. Chacun de vous doit recevoir
dans sa conviction individuelle l'autorité
et la divinité des Écritures. Chacun
de vous est un membre de cette Église qui,
assistée du Saint-Esprit, reçoit les
Écritures de Dieu avec respect et
obéissance. Il ne suffit pas que tant
d'hommes de Dieu, au commencement du christianisme
et lors de la Réformation, aient
été des témoins proclamant la
grande vérité de la divinité
et de la puissance des Écritures : il
faut que, de nos jours, vous soyez aussi
témoins vous-mêmes. Une nouvelle foi,
un, nouveau zèle, un témoignage plein
de fermeté et de vie, tel doit être le
résultat de l'épreuve.
Mais, direz-vous peut-être,
comment pourrons-nous étudier les saintes
Écritures, nous simples ? Ne
devons-nous pas craindre de nous en
approcher ? Non, vous ne le devez pas. Vous
avez tous, et les plus petits les premiers, un
moyen d'éprouver la divine puissance des
Écritures, moyen qui
manque à bien des savants. Ce moyen, ce sera
Luther lui-même qui vous le dira :
« Je n'ai pas appris ma théologie tout d'une fois, disait-il. J'ai creusé et creusé toujours plus profond. C'est à cela que m'ont amené mes tentations et mes épreuves. J'ai eu, pendus au cou, le pape, les universités, tous les docteurs, et par eux et avec eux le diable. Ils m'ont obligé à me sauver dans la Bible, à la lire et relire avec soin ; et c'est ainsi que j'en ai trouvé la véritable intelligence.
Si nous n'avons pas des épreuves, continuait-il, nous ne sommes que theologi speculativi, des théologiens spéculatifs. Alors, assis derrière nos livres, dans notre cabinet, nous disons, quand il s'agit d'une doctrine ou d'un commandement : Il faut qu'il en soit ainsi et ainsi, comme faisaient autrefois les moines dans leurs cellules. Mais ce n'est pas là la bonne voie. Il ne suffit pas qu'un artiste, un jurisconsulte, un médecin aient été à l'école. La pratique ! la pratique ! C'est la pratique qui manque aux enthousiastes, et c'est elle pourtant qui rend vraiment savant dans les saintes Écritures » (Walch., XXII, 9 5).
Ainsi parlait le Réformateur.
Voilà ce qui donne la vraie science. En
Allemagne, au temps du rationalisme, pour avoir la
réputation de savant, il
fallait nécessairement avoir un peu
d'incrédulité, et rejeter au moins
quelque bonne Épître. Étrange
erreur, mes frères. La science, dans les
choses divines, ne marche pas avec
l'incrédulité ; elle marche avec
la foi.
Chrétiens, les temps sont
critiques. Il y a à l'horizon des nuages
menaçants. Des doctrines
d'impiété ébranlent la
religion et la société. Quittant les
salles de quelques philosophes, elles se
promènent au milieu de la foule ignorante et
la ravissent par leur nouveauté. Et c'est
dans ce moment où il y a tant d'attaques au
dehors que commence une attaque au dedans. Les
saintes Écritures, traduites en tant de
langages divers, étant le moyen par lequel
le christianisme a remporté de nos jours de
magnifiques triomphes, l'ennemi s'efforce de faire
tomber de nos mains cette arme
toute-puissante.
Ah ! bien loin de l'abandonner,
serrons-la avec plus de force. Pour résister
à de si nombreuses attaques, il faut
à l'Eglise un solide rempart. Nos
pères, pour se défendre contre les
puissances papistes, avaient élevé
nos boulevards (6). Mais le temps
où le
protestantisme employait de telles armes est
passé ; et même ce n'est jamais
en elles que les hommes de Dieu
ont mis leur espoir. Eh quoi !
défendra-t-on la justification par la foi
avec un chemin couvert ? et la divinité
de Jésus-Christ avec une demi-lune ?
Non, s'il s'agit de la foi, ce ne sont pas des murs
d'appui et des contrescarpes qu'il nous faut -
c'est la sainte autorité, la souveraine
puissance des saintes Écritures. Si une main
audacieuse venait à lever la bêche sur
les Écritures de Dieu, ou à creuser
au-dessous d'elles une mine, alors - citoyens de la
cité de Dieu - alors, aux armes ! -
L'ennemi est à la porte ! - En avant,
armées de l'Éternel ! Priez,
combattez, et plutôt que de permettre que
l'on touche aux remparts du Seigneur, faites-vous
tuer sur la place. Il nous faut défendre les
Écritures ou périr.
« Si nous ne voulons pas boire de cette eau de source, si fraîche et si vive, disait Luther, Dieu nous jettera dans des flaques et des bourbiers, et nous y fera avaler à longs traits une eau putride et puante. »
Mais loin de nous un tel présage.
Plusieurs ont dit : Cette attaque m'a affermi
dans la foi aux Écritures et dans la
connaissance de Dieu. Que ce soit le cas de tous.
Que les témoignages des docteurs des
premiers siècles et des docteurs de la
Réformation que je vous ai aujourd'hui
cités, vous fassent surtout comprendre une
chose, savoir : que les saintes
Écritures ne sont pas
seulement nécessaires au
simple fidèle, mais le sont surtout à
ceux qui sont chargés d'enseigner ; et
ne sommes-nous pas tous appelés, comme dit
saint Pierre, à annoncer les vertus de
Celui qui nous a appelés des
ténèbres à son admirable
lumière ?
Si le caractère de la nouvelle
économie est que tous seront
enseignés de Dieu, n'allons pas, à
l'imitation du pape, introduire dans l'Eglise
quelque enseignement humain. Ceux qui ont charge
d'enseignement dans l'Eglise, ceux qui sont
appelés ministres ou serviteurs de la Parole
de Dieu, doivent prouver que leur enseignement est
chrétien, en le tirant du témoignage
des apôtres et des prophètes que Dieu
a employés comme les organes de sa
révélation.
S'il y a un salut pour l'Eglise, il faut
que l'Eglise reconnaisse ce salut, et, pour qu'elle
le reconnaisse, il faut qu'il y ait une Parole de
Dieu qui l'annonce. S'il n'y a pas de Parole de
Dieu dans le monde il n'y a pas de salut. Il faut
qu'une Parole vienne du ciel sur la terre, ou
jamais mon esprit ne s'élèvera de la
terre vers le ciel. L'enseignement chrétien
doit être fondé sur la Bible. Son
contenu doit être biblique. Sans ce saint,
sans ce vivant biblicisme, il ne peut y avoir une
communication salutaire de la vérité
éternelle.
Oui, mes frères, c'est là
ce que je vous demande : le biblicisme
est le salut de l'Eglise. Serviteur de
la Parole de Dieu et simples
fidèles, nous avons été
lâches à cet égard. Il faut que
chacun se mette tout de nouveau à
l'étude de la Bible comme s'il ne l'avait
jamais étudiée. Il ne faut pas
s'attacher simplement à
l'interprétation grammaticale ou
édifiante du sens isolé d'un passage,
comme l'ont fait trop exclusivement les
chrétiens de nos jours ; il faut
rechercher l'ordre, le nexe du passage, le rapport
de chaque passage de la Bible avec le
système de la Bible tout entier. Il faut
s'appliquer à un examen, à une
décomposition du texte biblique qui ait pour
but de découvrir, d'une manière
exacte et complète, comment ce qui est dit
dans la Bible se rapporte aux besoins de l'homme.
Il faut, étudier la Bible tout
entière. Il faut l'étudier dans la
lumière de l'Esprit de Dieu et de
l'expérience intérieure ; car,
sans cela, nous ne pouvons la comprendre. Il faut
tourner et retourner en tous sens la Parole. Alors,
seulement, les trésors qui y sont
cachés paraîtront et se
révéleront à notre
âme ; ils l'affranchiront, raffermiront
et l'élèveront dans les
cieux.
L'étude de la Bible seule fait
les prédicateurs, seule les
colporteurs ; seule, elle apprend au plus
humble fidèle à proposer le conseil
de Dieu. Pour les apôtres eux-mêmes il
y eut une école de la Parole de Dieu. Sans
doute les grâces de la
Pentecôte furent sans pareilles ; mais
ces grâces, données aux apôtres,
avaient été préparées
avant, et furent peut-être
perfectionnées après, par
l'étude et l'appropriation de
l'Écriture et des paroles de Jésus,
dont l'Esprit-Saint, qu'ils venaient de recevoir,
ouvrait alors le sens aux disciples.
Dieu pourrait, s'il le voulait, former
sans l'Écriture des témoins de la
grâce, je l'accorde ; mais, en
règle générale, tous ceux qui,
dans la suite des siècles, ont
possédé le don de proposer la Parole
de Dieu avec vérité et avec force,
l'ont acquis par la Parole de la Bible. Si nous
recevons la Parole vivante et efficace dans nos
coeurs, elle transforme notre discours naturel en
une parole sainte et pure.
Il doit y avoir une
régénération du langage comme
du coeur, et ces deux
régénérations s'accomplissent
par la Parole divine, accompagnée de
l'Esprit-Saint. La parole du chrétien ne
peut avoir en elle une semence de vie, ne peut
être agissante, convaincante,
régénératrice, qu'autant qu'il
va la prendre dans cette divine Parole que le
Seigneur appelle la semence du royaume. Il y
a une inspiration miraculeuse qui a fini avec les
apôtres et les prophètes ; mais
il y a aussi une inspiration ordinaire, sans
laquelle la prédication ne peut
exister ; et c'est pour la communiquer aux
élus de tous les siècles que la
théopneustie nous a donné la Bible.
Il faut que toutes nos
pensées et toutes nos paroles se forment
d'après la Bible. Alors nous aurons vraiment
une nouvelle parole pour la nouvelle science. Si
l'on a attaqué le biblicisme, c'est qu'il
n'y a pas eu assez de biblicisme parmi
nous.
Ainsi donc, que tous les
chrétiens se retrempent dans la Bible ;
que tous y apprennent à parler par
l'Esprit-Saint, avec une langue nouvelle, des
choses merveilleuses de Dieu. Le chrétien
qui s'éloigne de la Bible est un
chrétien qui s'affaiblit ; le ministre
qui en abaisse la puissance et l'autorité
est un ministre qui brise son épée.
Voulons-nous compromettre l'oeuvre de la
Réforme ? voulons-nous préparer
la ruine de l'Eglise du Dieu vivant ?
Ah ! la faiblesse consume l'Eglise ; les
plus éloquents, les plus forts s'en
affligent. Mais savent-ils pourquoi l'Eglise est
faible ? Parce que la Parole de la Bible y
fait défaut. L'étude de la Bible nous
procurera une nouvelle Pentecôte. L'Eglise
redeviendra une race sacerdotale de serviteurs de
Dieu ; il y aura de nouveau dans nos
assemblées et dans nos conversations, la
Parole sacramentelle de la grâce ointe de
l'onction d'en haut. Ce que ni l'éloquence,
ni la sagesse, ni les accents nobles et
pathétiques de la voix humaine ne sauraient
faire, ce que le chrétien pieux, le plus
pieux, en parlant de son expérience
intérieure, ne saurait accomplir,
la simple Parole de la Bible le
fera, conformément à la promesse de
Dieu : et les chrétiens, si faibles de
nos jours, revenus à la source de toute
force, verront s'accomplir cette
déclaration : Ils ont vaincu par
la PAROLE DU TÉMOIGNAGE et par le
sang de l'Agneau.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |