Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE TÉMOIGNAGE DES HOMMES

suite

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II

Maintenant, venons à la seconde grande époque, la plus importante pour l'humanité après celle de la venue du Fils de Dieu : la Réformation.

Comme on a prétendu que la divine autorité des Écritures n'était pas un principe originel, et fondamental du christianisme, on a assuré de même qu'elle n'était pas un principe originel et fondamental de la Réformation. On a dit que les saintes Écritures n'étaient point considérées, au commencement de cette rénovation de l'Eglise, comme autorité en matière de foi, et que c'est à un accident que l'on a dû plus tard l'avènement de ce principe.

Ne pourrait-on pas dire que ces deux grandes dispensations de Dieu, le christianisme primitif et la Réformation, ont été étendues sur le lit de fer d'un inexorable système, et que, comme elles le dépassaient fort, on leur a coupé les pieds, comme Procuste. Le résultat le plus sûr de cette dangereuse opération serait d'empêcher ces deux grandes dispensations de se mouvoir.

Quels sont les principes de la Réformation ? Tous les théologiens évangéliques s'accordent à en signaler deux.
Il y a d'abord le principe dit matériel, que l'on devrait plutôt appeler essentiel, parce qu'il est l'essence, la matière même de la doctrine des réformateurs. Ce principe, c'est la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité, et la justification par cette foi. Le salut vient de la foi vivante en Christ rédempteur, et non des oeuvres. Christ est sagesse, justice, sanctification et rédemption de son peuple. Il n'y a de salut en aucun autre. Voilà le principe essentiel.

Mais il y a un autre principe, un principe formateur ou formel, c'est-à-dire qui a formé la doctrine évangélique. Quel est-il ?
Ici vient se placer, mes frères, la seconde palpable erreur dont je vous ai parlé dimanche passé. On a dit que la Réformation avait commencé sans mettre en avant l'autorité des Écritures ; mais qu'étant venue se heurter contre l'anabaptisme, elle avait pour le combattre établi ce principe, au grand détriment du mouvement religieux et de la spiritualité chrétienne. En présence de cette hérésie, a-t-on dit, la Réforme cargua ses voiles. Les anabaptistes jouent le même rôle dans l'histoire d'à présent que les gnostiques dans l'autre.

La gravité de cette erreur ne peut se comparer qu'à la gravité de celle qui fait inventer dans le second siècle, par le catholicisme, la doctrine de Jésus-Christ sur l'Écriture.

Il serait singulier (remarquons-le en passant) que la Réforme eût établi l'autorité de l'Écriture pour combattre l'anabaptisme, doctrine qui, vous le savez, veut que l'on donne le baptême, non aux petits enfants, mais seulement aux adultes qui professent la foi. Quelque décidé que je sois pour le baptême des enfants, il me faut pourtant bien reconnaître que l'ordre exprès : «baptisez les enfants,» ne se trouve nulle part dans l'Évangile.
Et l'on eût changéla nature de la Réformation tout entière pour pouvoir puiser dans l'Ecriture... quoi ? - Des déclarations qui ne s'y trouvaient pas. Mais ne nous arrêtons pas à des considérations à priori ; jugeons, non d'après notre imagination et les besoins de nos systèmes, mais d'après les documents authentiques, d'après les faits, car c'est un point d'histoire.

Le principe formateur du christianisme évangélique se trouve dans le berceau même de la Réformation. Il est déjà au fond des fameuses thèses par lesquelles Luther commença, en 1517, les temps nouveaux. En effet, si les indulgences sont le grand mal qu'il combat, la Parole de Dieu est le grand bien qu'il leur oppose : il se plaint (thèse 54) que l'on mette plus de temps à annoncer l'indulgence que la Parole de Dieu ; et dans la protestation même que Luther joint à ses thèses, et où il établit la base théologique et chrétienne sur laquelle il repose, le réformateur déclare (cinq ans avant les premiers anabaptistes) :

« Qu'il n'est pas si arrogant que de préférer ses opinions à celles de tous, mais, aussi qu'il n'est pas si dénué d'intelligence que de mettre la Parole divine au-dessous des fables inventées par la raison humaine ! »

Ainsi, mettre la Parole de Dieu au-dessus, voilà le premier pas de Luther. C'est par cette Parole de Dieu qu'il combattra toutes les fables. Ceci décide dès l'abord le point de vue du réformateur.
Les adversaires de l'Écriture le comprirent aussitôt ; aussi, Tezel, effrayé de cette présomption, qui prétend mettre la Parole de Dieu au-dessus de tout, dit-il dans la 17e de ses thèses, publiées en réponse à celle du Luther

« Il faut enseigner aux chrétiens que l'Eglise maintient, comme articles certains de la vérité catholique, plusieurs points qui ne se trouvent pas dans le recueil de la sainte Écriture. »

Ceci est clair, mes frères ; les marchands d'indulgences faisaient peu de cas du canon, du recueil de la sainte Écriture.
Ainsi, dès le premier moment de la Réformation, les deux principes sont en présence. Nous avons, d'un côté, la papauté mettant l'Eglise en haut et l'Écriture en bas ; de l'autre, la Réformation mettant l'Écriture en haut et l'Eglise en bas. Poursuivons.

Vous allez voir comment l'homme de Dieu renversera successivement toutes les autorités terrestres, qui étaient la confiance insensée de l'homme, et comment il élèvera à la place la sainte autorité de l'Écriture de Dieu ; comment, arrachant la bruyère qui croît dans une lande (selon l'expression du prophète), il lui substituera un arbre fort et fertile, planté près du courant des eaux. jamais peut-être une si faible puissance n'entra en lutte avec de si gigantesques pouvoirs ; jamais une victoire aussi prodigieuse ne fut si courageusement et si pleinement remportée. Ceci est plus admirable que les trois cents hommes de Gédéon battant les milliers de Madian, ou que la fronde de David faisant tomber le géant Goliath.

La première autorité que renverse le Réformateur, appuyé sur l'autorité de la Bible, c'est celle des fameux scolastiques.

« Je me réserve, comme un privilège de la liberté chrétienne, dit-il en août 1518, de pouvoir accepter ou rejeter les simples opinions de Thomas d'Aquin, de Bonaventure et autres docteurs de l'École, d'après le précepte de l'apôtre Paul : Éprouvez toutes choses, retenez ce qui est bon. » - Maintenant, ce sera le tour du pape.

À la suite de son entretien à Augsbourg avec le légat de Vio, Luther fit ce nouveau pas : à la fin de 1518, il publia une protestation où il abandonna tout à fait l'autorité papale. « Le pape, dit-il, peut, comme tout autre homme, errer, pécher, mentir. »
Vous l'entendez : mentir. Ce grand prêtre, regardé comme le vicaire de Dieu, et par plusieurs comme Dieu lui-même, Luther, appuyé sur l'autorité de l'Écriture, le déclare : il peut errer, il peut mentir. Ceci est un pas énorme.
Luther avait le droit de le faire. Il marchait malgré lui, et, dans son esprit, la lumière se dégageait toujours plus des ténèbres.

Dans la fameuse dispute de Leipzig avec le docteur Eck, trois ans avant les premiers anabaptistes, le réformateur parvient à une complète clarté sur le principe de la connaissance religieuse. Il dit (Disputat Acta), le 5 juillet 1519 :

« On ne peut contraindre aucun chrétien à croire quelque chose, si ce n'est par la sainte Écriture, qui est proprement le droit divin. » Il insiste : « Il est de droit divin défendu de croire quelque chose qui ne puisse pas être prouvé par la sainte Écriture ou par une révélation certaine. »

Pour Luther, le contenu de l'Écriture est égal à une révélation certaine, actuelle, dont il semble alors n'avoir pas voulu contester la possibilité.

Maintenant qu'il a trouvé l'autorité de l'Écriture de Dieu, Luther est libre, car, vous le savez, et un serviteur de Dieu (1) nous le disait peu avant sa mort dans cet oratoire : « Sans obéissance, il n'y a point de liberté. » Luther est émancipé par l'autorité de la Parole de Dieu de toutes les tutelles humaines. Sa vie religieuse redouble, sa spiritualité augmente, son courage se centuple, et le mouvement chrétien va faire de grands progrès. Cette conviction nouvelle du serviteur de Dieu s'exprime avec puissance. Appuyé sur l'Écriture de Dieu, il frappe à droite, il frappe à gauche ; il brise tous ces roseaux qui ont crû autour du rocher de Dieu et si longtemps l'ont dérobé aux yeux des fidèles. Il fait tomber toutes les fausses autorités, comme Dagon devant l'arche de l'Éternel.

Il s'en prend d'abord aux universités, dont la voix, surtout celle de l'université de Paris, était pour plusieurs aussi vénérée que la voix même du pape. Dans ses résolutions luthériennes sur les propositions de Leipzig, il s'écrie « qu'il veut être libre, comme théologien chrétien, et que la puissance d'une université ne l'empêchera pas de confesser ce qu'il reconnaît être la vérité. »

Après ces corps savants il attaque les conciles, qu'il avait lui-même invoqués, et, brandissant sur eux la massue des Écritures, il leur donne un coup terrible.

« Si un concile s'est une fois trompé, dit-il, tous ont pu se tromper. S'ils ont erré dans un seul article, par cela même toute leur autorité tombe. »

Et il écrit ironiquement à Latomus, en 1521, un peu plus d'un an avant les premiers anabaptistes :

« Quelle sainte Écriture ce Concile a-t-il pour lui ? Si un concile peut subsister sans l'Écriture, et qu'il suffise que des tonsures et des chapeaux d'évêques s'assemblent, pourquoi n'allons-nous pas prendre dans les églises des images de bois et de pierre ; puis, les réunissant et leur mettant des chapeaux et des bonnets de prêtres sur la tête, pourquoi ne formons-nous pas ainsi un beau Concile universel ? »

Après le tour des conciles et des universités, vient celui des traditions et des Pères.

« Une controverse chrétienne, dit Luther dans sa réponse » à Emser, en 1521, environ un an avant les premiers anabaptistes, doit être fondée sur l'Écriture. Il ne faut se servir de l'enseignement des Pères que pour venir à l'Écriture, comme ils y viennent eux-mêmes, et alors laisser l'Écriture sainte seule subsister. »

Le Réformateur ne se contente pas de faire cette profession à des théologiens ; il la fait à Charles-Quint lui-même.
Le 28 avril 1521, à l'occasion de sa citation à Worms, il écrit à cet empereur :

« Je suis tout à fait prêt à accepter et à soutenir le jugement, sans faire aucune réserve quelconque, si ce n'est la seule Parole de Dieu, cette parole manifeste, claire, qui n'est soumise à personne, mais qui doit à juste titre être mise au-dessus de tout, et demeurer le juge de tous les hommes. »

Enfin, quand il est conduit captif dans le château de la Wartbourg, que fait-il ? Il sait que, s'il veut répandre le christianisme évangélique parmi son peuple, il doit y répandre le Nouveau Testament. Il sait qu'un témoignage de Dieu est nécessaire pour faire taire tous ces témoignages des hommes qui s'élèvent contre la vérité, et il se met à traduire les saintes Écritures.

Ainsi, Luther avait rejeté toutes les autorités pour relever celle de Dieu dans son Écriture. jamais un si grand mouvement ne s'était accompli dans le règne des intelligences. Tout cela, remarquons-le bien, se faisait avant les anabaptistes. je m'arrête dans ces citations, un an avant eux.
Sans doute, Luther a pu quelquefois se tromper ; mais vous voyez si la Réformation n'a pas commencé en rétablissant l'autorité des Écritures !

Martin Luther n'est pas seul. Les principes conquis par lui sont coordonnés par Mélanchton. Dans sa Défense contre Eck, en août 1519, trois ans avant les anabaptistes, Mélanchton, le théologien de la Réformation, établit ce beau principe, qui est la base du christianisme évangélique :

« Il y a une seule Écriture, inspirée du ciel, pure, véridique en toutes choses, que l'on appelle canonique. »

Et il ajoute :

« Elle nous est donnée afin que nous comparions avec elle, commeavec une pierre de touche, les sentences et les décrets des hommes. »

Les fameux Lieux communs de Mélanchton, qui furent la première théologie dogmatique de l'Eglise évangélique, sont une constante invitation à étudier l'Écriture. La sainte Écriture y est pour l'auteur comme une image de la Divinité, d'après laquelle il faut que la vie chrétienne se forme. « Quiconque, dit-il, tire le christianisme d'ailleurs que de l'Écriture canonique, se trompe (2). »

En Suisse, Zwingle fait de même : il semble avoir reconnu le grand principe avant Luther. Dès 1516, longtemps avant les anabaptistes, il expliquait l'Écriture nous est-il dit, « non par les fables des hommes, mais uniquement en comparant les saintes Écritures bibliques avec elles-mêmes. »
Arrivé à Zurich, en 1519, il déclare au Chapitre qu'il expliquera surtout l'Évangile de saint Matthieu : « d'après les seules sources de la sainte Écriture ! »

En 1523, lors du premier colloque religieux, le vicaire de Constance, ayant proposé d'en référer aux universités de Paris, de Cologne ou de Louvain :

« Ce n'est pas nécessaire, répondit Zwingle, nous avons déjà un juge impartial et infaillible : il est dans la sainte Écriture ; elle ne peut ni mentir ni tromper. »

Et, un adversaire voulant appeler aux Pères, il répondit :

« Il ne s'agit ici ni de pères, ni de mères, mais de ce qui est vraiment d'accord avec la Parole de Dieu (3). »

Et quelle est, en 1520, avant les anabaptistes, la grande pensée du réformateur de l'Angleterre, de Tyndale ? Qu'est-ce qui fait naître en son esprit le dessein de traduire les Écritures ? - Il a commencé à répandre la vérité évangélique par des conversations, des prédications ; mais à peine a-t-il planté la Parole, que les prêtres surviennent et l'arrachent.

« Je ne puis être partout, dit-il ; oh ! si les chrétiens avaient la sainte Écriture traduite en leur langue maternelle, ils pourraient eux-mêmes résister aux prêtres. Sans la Bible, il est impossible de maintenir la vérité (4). »

Calvin enfin, notre grand théologien, pense de même. Selon lui (dans sa lettre au cardinal Sadolet), la Parole de Dieu se trouve seule en dehors de la sphère de notre jugement. Et, dans le contre-poison aux articles de la faculté théologique de Paris, il dit :

… S'il survient quelque controverse, elle ne se doit point décider au plaisir des hommes, mais par la seule autorité de Dieu. Puisque le monde est aujourd'hui en grand trouble pour la diversitédes opinions, il n'y a point d'autre remède ; il nous faut avoir notre refuge à l'Écriture ! »

Hélas ! encore maintenant !
Tel fut donc le principe établi par toute la Réformation : l'autorité souveraine et exclusive de l'Écriture.

Oui, mes frères, gardez-vous de croire que Luther et les réformateurs n'aient fait qu'entasser autour d'eux, comme le prétendent les disciples du pape, des ruines et des ruines. Par devant, les scolastiques mutilés ; par derrière, le pape renversé ; à droite, les universités voyant récuser leurs oracles ; à gauche, les traditions déchirées ; tout à l'entour, les conciles détrônés : des ruines ! partout des ruines !

Ah ! si ce que l'on avance maintenant était vrai, si la divine Écriture n'était pas la souveraine et seule autorité en matière de foi, les Romains pourraient dire : Des ruines, partout des ruines ! - Mais, savez-vous, ô disciples du pape ! à qui ressemblent Luther et les réformateurs ? Ils sont semblables à un vaillant général longtemps enfermé dans une forteresse par des sujets rebelles à son roi, longtemps entouré de leurs retranchements, de leurs fossés, de leurs lignes d'approche et de leurs parallèles, et qui tout à coup sort des murs avec puissance, se jette sur l'ennemi, renverse ses lignes, met en ruine ses retranchements, enfonce ses mines, chasse de tous côtés l'adversaire, rétablit l'autorité légitime, et plante partout l'étendard glorieux de son roi.

Si Luther renversait l'autorité des hommes, ce n'était que pour élever l'autorité de Dieu. Sans doute il ne méconnaissait pas quelques difficultés que présente l'Écriture, dont on fait grand bruit maintenant, et à l'occasion desquelles on propose à la chrétienté d'abandonner ce témoignage divin sur lequel repose notre foi.
Des difficultés ! ... Vraiment, il y en a partout, même dans la vie, et ce ne fut jamais pourtant une raison pour se suicider.

« Ce sont là des questions chronologiques, dit » Luther sur Jean, II, 13-16, que je ne veux pas résoudre. Cela est de peu d'importance, quand même il ne manque pas de gens qui ont l'esprit si pointu et si subtil (spitzig und scharfsinnig), qu'ils se plaisent à mettre souvent en avant toutes sortes de questions, et prétendent que l'on se donne la peine de répondre à tout ce qui leur passe par la tête. »

Quoi ! la Bible est un livre tout à fait humain, en même temps que tout à fait divin, et il ne nous présenterait aucune difficulté ! Dès qu'il y a union de la nature divine et de la nature humaine, il y a mystère ; et, dès qu'il y a mystère, il y a des choses que l'on ne peut comprendre et expliquer. Le Dieu-homme nous présente des profondeurs insondables, et la Bible ne nous en présenterait pas ! Ah ! elle ne serait pas alors la Parole aux deux natures. Il y a bien un moyen de sortir du mystère et de se débarrasser des difficultés ; c'est de supprimer l'une des deux natures. L'homme-Dieu vous confond ? Eh bien ! ôtez Dieu de Jésus, dit-on, et n'en faites qu'un homme. L'Écriture de Dieu vous embarrasse ? Eh bien ! ôtez le Verbe divin et infaillible de la Bible, ajoute-t-on, et n'en faites qu'un verbe humain, un peu plus saint que les autres, comme le Jésus de Socin. Pour moi, Dieu me garde de cet expédient un peu leste ! J'aime mieux le mystère avec les difficultés, que l'explication facile sans le mystère.

Supposons que le Livre de Dieu eût été donné avec le moins d'intervention humaine possible ; supposons qu'il n'y en eût aucune ; que, par un miracle, ce Livre fût tombé tout fait du ciel, comme ces lettres dont parle de temps en temps la superstition romaine. Ce livre tout divin, une fois lancé dans le monde, sera soumis aux chances humaines, à moins que l'on n'admette un miracle perpétuel, ce que, pour ma part, je ne saurais. Copié sans cesse de nouveau, puis sans cesse de nouveau imprimé, ce Livre sera exposé aux accidents littéraires auxquels sont exposés tous les livres. Il y aura des variantes ; peut-être même, ce qui arrive souvent aux copistes, surtout quand les noms ont quelques rapports, un nom propre sera mis pour un autre : Jérémie, par exemple, pour Zacharie. Il y a des accidents qui proviennent du laps du temps, de l'influence des hommes, et qui sont inévitables.

Mais si, même dans le cas où la Bible serait tombée du ciel toute faite, les marques d'humanité étaient inévitables, à combien plus forte raison en sera-t-il ainsi, puisque Dieu a voulu qu'elle fut écrite sur la terre, dans des siècles divers, dans des pays divers, par des hommes d'une intelligence et d'une culture très diverses, en unissant une liberté toute humaine à une inspiration toute divine. 0 esprits subtils ! dont parle Luther, comprenez-vous l'union de l'autorité souveraine de Dieu et de la liberté de l'homme - en vous, - oui, en vous-mêmes ? Vous ferez-vous pélagiens pour échapper à la difficulté ? Et si ce mystère a des difficultés insurmontables en vous, vous voulez qu'il n'en ait point dans la Bible !

Ce n'est pas ce que faisait Luther. Il acceptait ces difficultés, et elles n'ébranlaient point sa foi. « Les évangélistes n'observent pas le même ordre ; à la bonne heure. Ce que l'un met en avant, l'autre le met en arrière ; je le veux bien, Il est possible que le Seigneur ait souvent répété le même récit. Mais, quoi qu'il en soit, ajoutait le réformateur, cela ne nuit en rien à la foi (Walch., VII, 1730) - »

Après avoir contemplé ces qualités humaines de l'Écriture, Luther relevait la tête et contemplait leur divinité. Il les appelait le Droit divin (das göttliche Recht). « Il faut, disait-il contre Latomus, considérer l'Écriture comme ayant Dieu lui-même parlant en elles. Le Saint-Esprit a parlé, a écrit l'Écriture, dit-il ailleurs (Walch, XVIII, 1602). À côté d'elle, il n'y pas d'autre révélation du Saint-Esprit. »

Enfin, il appelle l'Écriture Dieu lui-même (Gott selbst), et il ajoute que : « quelque faible qu'elle paraisse, elle a pourtant la force de faire des enfants de Dieu de tous ceux qui s'y rattachent ! »

Quoi ! Luther se serait avancé sur le champ de bataille comme un soldat désarmé ! C'est là une découverte dont il se fût fort étonné, et contre laquelle, quoique mort, il proteste.

« C'est avec le texte, disait-il, c'est en partant du fondement de la sainte Écriture, que j'ai frappé, renversé, tué tous mes adversaires. - Le diable, disait-il encore, m'a souvent attaqué si rudement, que je ne savais si j'étais mort ou si j'étais vivant. Mais, avec la Parole de Dieu, je me suis défendu contre lui. Pas d'autre secours, pas d'autre conseil ! Une parole de Dieu nous suffit. Une parole d'hommesn'est qu'un faible son, qui s'en va dans l'air et y meurt ; mais une parole de Dieu est plus grande que le ciel et la terre, que la mort et l'enfer : c'est une puissance de Dieu, et elle subsiste éternellement ! » (Walch., XXII, 8, 63, 54.)

Et pourquoi Luther connaissait-il si bien la puissance de l'Écriture ? C'est qu'il ne faisait pas comme nous ; il ne ressemblait pas à ces chrétiens, si nombreux de nos jours, qui s'ennuient de l'Écriture.

« Depuis plusieurs années, disait-il, j'ai lu toute la Bible deux fois par an. - C'est un arbre, ajoutait-il, grand, gros et touffu, et toutes ses paroles sont autant de branches et de petits rameaux. Il n'y a pas une de ses branches, pas un de ses scions où je n'aie heurté pour savoir s'il s'y trouvait quelque chose, et j'ai toujours trouvé, même à la branche la plus menue, deux ou trois pommes, deux ou trois poires qui me sont tombées dans les mains. » (Walch., XXII, 61).

Allez, mes frères, faites de même, et vous connaîtrez la divinité de la Bible.

Oui, Luther et les autres réformateurs n'ont pas fait une oeuvre de destruction. Ils renversent, ils dispersent, ils déblaient, mais pourquoi ? Architectes élus de Dieu pour rétablir sa maison déchue, ils préparent le terrain, ils arrachent les orties, les épines, les plantes vénéneuses, ils écartent le grès fragile, ils jettent au feu le bois pourri..., mais afin de poser à la place le roc vif de la cité de Dieu.

Mes frères, nous acceptons cette belle comparaison de la Réformation naissante, semblable à un navire lancé à la mer et voguant à pleines voiles. Mais attendez : examinons de près ; ajustez bien votre lunette, afin que vous voyiez clair ; discernons ce que sont réellement ces voiles... - Au grand mât ? l'Écriture ! - Au mât d'avant ? l'Écriture ! - Au mât d'arrière ? l'Écriture ! - À toutes les vergues ? les Écritures, toujours les Écritures !... Et puis, le vent du Saint-Esprit qui descend du ciel et qui, soufflant dans toutes ces voiles, pousse le navire... Voilà les voiles de la Réforme... Ces voiles-là, elle ne les a jamais carguées, et elle ne les carguera jamais.

Nous vous avons, dimanche passé, présenté sur l'autorité de la sainte Écriture le témoignage de Dieu ; aujourd'hui nous vous avons rappelé le témoignage des hommes.

Mais si je dis des hommes, est-ce que je ne me trompe pas à quelques égards ? Sans doute, les témoignages du Fils et de l'Esprit sont seuls des preuves divines ; mais il y a aussi dans les déclarations des serviteurs de Dieu un témoignage de Dieu, le témoignage de Christ dans l'histoire, letémoignage du Saint-Esprit dans le coeur des hommes qui ont le plus fait pour l'oeuvre du Seigneur. Il y a eu en tout temps des attaques contre l'autorité et l'inspiration de la Parole de Dieu ; mais ces attaques ne sont jamais venues que de la part des incrédules ou des superstitieux. L'Eglise vivante de Dieu a été unanime pour proclamer cette inspiration et se soumettre à cette autorité, en sorte que nous pourrions adresser à l'erreur nouvelle cette parole proverbiale : « Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es. »

Si j'admets l'intervention de l'Esprit-Saint dans chaque fidèle, j'admets aussi cette intervention dans l'ensemble des vrais fidèles. J'ai la confiance « que l'Eglise a été assistée du Saint-Esprit dans la détermination des éléments de la norme scripturaire (5). - Je crois que l'Eglise, engendrée par la Parole vivante de Dieu, avait un esprit de discernement, un goût de vérité, en vertu duquel elle reconnaissait les écrits des apôtres ; et je pense que, maintenant encore, partout où se trouve la véritable Église, c'est-à-dire des hommes enseignés de Dieu, les saintes Écritures se manifestent et se justifient comme étant la Parole même de Dieu. L'Eglise, en reconnaissant ainsi les Écritures de Dieu, ne fait pas un acte d'autorité, comme le prétend l'Eglise romaine : elle fait un acte d'obéissance. Elle ne se place pas au-dessus de l'Écriture, mais au-dessous.

S'il y a une Église qui se place au-dessus de la Parole de Dieu, elle fait connaître par cela même que la puissance qu'elle s'arroge est illégitime.

Ce n'est pas de l'Eglise catholique actuelle que nous tenons les Écritures, ce n'est pas du concile de Trente, qui mit sur le même rang qu'elles, les apocryphes et la tradition ; non, c'est de cette Église primitive, qui était une Église évangélique et non pas une Église romaine, de cette Église des confesseurs et des martyrs, qui est le commencement de notre Église et non le commencement de l'Eglise du pape.

Le protestantisme n'étant autre chose que la résistance à l'erreur, et particulièrement à l'erreur qui s'oppose aux Écritures, il a de tout temps existé ; mais il a surtout existé, et il existe encore, partout où l'Écriture, son étude, son interprétation, sa défense, sa propagation, ont tenu ou tiennent le premier rang. Il tomberait avec l'Écriture.

Bien loin que l'Eglise romaine soit la mère de laquelle nous recevons l'Écriture, sa grande faute, au contraire, son grand acte de rébellion a été de déplacer l'inspiration divine et de la transporter des Écritures dans le clergé. L'Eglise du pape, pendant le moyen âge, n'avait pas précisément nié l'inspiration des Écritures, mais elle s'en était peu occupée ; elle s'était contentée d'affirmer que l'Esprit-Saint était présent dans l'Eglise représentative, dans le pape et les prêtres. Si le pape et les prêtres étaient inspirés, il était assez indifférent que les Écritures le fussent ou ne le fussent pas.

L'Eglise pontificale pouvait parfaitement se passer des oracles de Dieu, puisqu'elle en rendait elle-même. Le pape est la Bible des papistes, et cette prétention annule la véritable Bible presque autant que la dénégation de l'inspiration que nous combattons à cette heure.

Le mouvement de la Réformation fut précisément l'inverse de celui de la papauté. Elle aussi, elle déplaça l'inspiration ; mais voici ce qu'elle fit : elle l'ôta à l'Eglise visible et hiérarchique, où les prétentions à l'inspiration n'étaient qu'une illusion sans cesse démentie par les faits, et elle la replaça dans les saintes Écritures, où Dieu l'avait mise.

Tandis que l'Eglise romaine se fonde sur l'Esprit-Saint, qui, dit-elle, parle dans les conciles et dans les papes, l'Eglise évangélique se fonde sur l'Esprit-Saint qui parle dans les Écritures. Sur quoi s'établirait une nouvelle Église, si l'on prétendait en fonder une ? Sur l'individualisme, dira-t-on. « Entre l'individualisme et l'autorité, il n'y a rien, » a-t-on affirmé. Ah ! mes frères, il y a longtemps, il y a des siècles, que l'on a voulu bâtir quelque chose sur l'individualisme seul ; mais il est arrivé que la pierre qu'un individu posait, un autre individu la renversait, en sorte que l'édifice n'avait pas hâte de s'élever. Toute Église bâtie sur l'homme et son individualisme n'ira jamais qu'à ras de terre.

Toutefois, mes frères, il y a un individualisme chrétien qui est nécessaire. Chacun de vous doit recevoir dans sa conviction individuelle l'autorité et la divinité des Écritures. Chacun de vous est un membre de cette Église qui, assistée du Saint-Esprit, reçoit les Écritures de Dieu avec respect et obéissance. Il ne suffit pas que tant d'hommes de Dieu, au commencement du christianisme et lors de la Réformation, aient été des témoins proclamant la grande vérité de la divinité et de la puissance des Écritures : il faut que, de nos jours, vous soyez aussi témoins vous-mêmes. Une nouvelle foi, un, nouveau zèle, un témoignage plein de fermeté et de vie, tel doit être le résultat de l'épreuve.

Mais, direz-vous peut-être, comment pourrons-nous étudier les saintes Écritures, nous simples ? Ne devons-nous pas craindre de nous en approcher ? Non, vous ne le devez pas. Vous avez tous, et les plus petits les premiers, un moyen d'éprouver la divine puissance des Écritures, moyen qui manque à bien des savants. Ce moyen, ce sera Luther lui-même qui vous le dira :

« Je n'ai pas appris ma théologie tout d'une fois, disait-il. J'ai creusé et creusé toujours plus profond. C'est à cela que m'ont amené mes tentations et mes épreuves. J'ai eu, pendus au cou, le pape, les universités, tous les docteurs, et par eux et avec eux le diable. Ils m'ont obligé à me sauver dans la Bible, à la lire et relire avec soin ; et c'est ainsi que j'en ai trouvé la véritable intelligence.

Si nous n'avons pas des épreuves, continuait-il, nous ne sommes que theologi speculativi, des théologiens spéculatifs. Alors, assis derrière nos livres, dans notre cabinet, nous disons, quand il s'agit d'une doctrine ou d'un commandement : Il faut qu'il en soit ainsi et ainsi, comme faisaient autrefois les moines dans leurs cellules. Mais ce n'est pas là la bonne voie. Il ne suffit pas qu'un artiste, un jurisconsulte, un médecin aient été à l'école. La pratique ! la pratique ! C'est la pratique qui manque aux enthousiastes, et c'est elle pourtant qui rend vraiment savant dans les saintes Écritures » (Walch., XXII, 9 5).

Ainsi parlait le Réformateur. Voilà ce qui donne la vraie science. En Allemagne, au temps du rationalisme, pour avoir la réputation de savant, il fallait nécessairement avoir un peu d'incrédulité, et rejeter au moins quelque bonne Épître. Étrange erreur, mes frères. La science, dans les choses divines, ne marche pas avec l'incrédulité ; elle marche avec la foi.

Chrétiens, les temps sont critiques. Il y a à l'horizon des nuages menaçants. Des doctrines d'impiété ébranlent la religion et la société. Quittant les salles de quelques philosophes, elles se promènent au milieu de la foule ignorante et la ravissent par leur nouveauté. Et c'est dans ce moment où il y a tant d'attaques au dehors que commence une attaque au dedans. Les saintes Écritures, traduites en tant de langages divers, étant le moyen par lequel le christianisme a remporté de nos jours de magnifiques triomphes, l'ennemi s'efforce de faire tomber de nos mains cette arme toute-puissante.

Ah ! bien loin de l'abandonner, serrons-la avec plus de force. Pour résister à de si nombreuses attaques, il faut à l'Eglise un solide rempart. Nos pères, pour se défendre contre les puissances papistes, avaient élevé nos boulevards (6). Mais le temps où le protestantisme employait de telles armes est passé ; et même ce n'est jamais en elles que les hommes de Dieu ont mis leur espoir. Eh quoi ! défendra-t-on la justification par la foi avec un chemin couvert ? et la divinité de Jésus-Christ avec une demi-lune ? Non, s'il s'agit de la foi, ce ne sont pas des murs d'appui et des contrescarpes qu'il nous faut - c'est la sainte autorité, la souveraine puissance des saintes Écritures. Si une main audacieuse venait à lever la bêche sur les Écritures de Dieu, ou à creuser au-dessous d'elles une mine, alors - citoyens de la cité de Dieu - alors, aux armes ! - L'ennemi est à la porte ! - En avant, armées de l'Éternel ! Priez, combattez, et plutôt que de permettre que l'on touche aux remparts du Seigneur, faites-vous tuer sur la place. Il nous faut défendre les Écritures ou périr.

« Si nous ne voulons pas boire de cette eau de source, si fraîche et si vive, disait Luther, Dieu nous jettera dans des flaques et des bourbiers, et nous y fera avaler à longs traits une eau putride et puante. »

Mais loin de nous un tel présage. Plusieurs ont dit : Cette attaque m'a affermi dans la foi aux Écritures et dans la connaissance de Dieu. Que ce soit le cas de tous. Que les témoignages des docteurs des premiers siècles et des docteurs de la Réformation que je vous ai aujourd'hui cités, vous fassent surtout comprendre une chose, savoir : que les saintes Écritures ne sont pas seulement nécessaires au simple fidèle, mais le sont surtout à ceux qui sont chargés d'enseigner ; et ne sommes-nous pas tous appelés, comme dit saint Pierre, à annoncer les vertus de Celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ?

Si le caractère de la nouvelle économie est que tous seront enseignés de Dieu, n'allons pas, à l'imitation du pape, introduire dans l'Eglise quelque enseignement humain. Ceux qui ont charge d'enseignement dans l'Eglise, ceux qui sont appelés ministres ou serviteurs de la Parole de Dieu, doivent prouver que leur enseignement est chrétien, en le tirant du témoignage des apôtres et des prophètes que Dieu a employés comme les organes de sa révélation.

S'il y a un salut pour l'Eglise, il faut que l'Eglise reconnaisse ce salut, et, pour qu'elle le reconnaisse, il faut qu'il y ait une Parole de Dieu qui l'annonce. S'il n'y a pas de Parole de Dieu dans le monde il n'y a pas de salut. Il faut qu'une Parole vienne du ciel sur la terre, ou jamais mon esprit ne s'élèvera de la terre vers le ciel. L'enseignement chrétien doit être fondé sur la Bible. Son contenu doit être biblique. Sans ce saint, sans ce vivant biblicisme, il ne peut y avoir une communication salutaire de la vérité éternelle.

Oui, mes frères, c'est là ce que je vous demande : le biblicisme est le salut de l'Eglise. Serviteur de la Parole de Dieu et simples fidèles, nous avons été lâches à cet égard. Il faut que chacun se mette tout de nouveau à l'étude de la Bible comme s'il ne l'avait jamais étudiée. Il ne faut pas s'attacher simplement à l'interprétation grammaticale ou édifiante du sens isolé d'un passage, comme l'ont fait trop exclusivement les chrétiens de nos jours ; il faut rechercher l'ordre, le nexe du passage, le rapport de chaque passage de la Bible avec le système de la Bible tout entier. Il faut s'appliquer à un examen, à une décomposition du texte biblique qui ait pour but de découvrir, d'une manière exacte et complète, comment ce qui est dit dans la Bible se rapporte aux besoins de l'homme. Il faut, étudier la Bible tout entière. Il faut l'étudier dans la lumière de l'Esprit de Dieu et de l'expérience intérieure ; car, sans cela, nous ne pouvons la comprendre. Il faut tourner et retourner en tous sens la Parole. Alors, seulement, les trésors qui y sont cachés paraîtront et se révéleront à notre âme ; ils l'affranchiront, raffermiront et l'élèveront dans les cieux.

L'étude de la Bible seule fait les prédicateurs, seule les colporteurs ; seule, elle apprend au plus humble fidèle à proposer le conseil de Dieu. Pour les apôtres eux-mêmes il y eut une école de la Parole de Dieu. Sans doute les grâces de la Pentecôte furent sans pareilles ; mais ces grâces, données aux apôtres, avaient été préparées avant, et furent peut-être perfectionnées après, par l'étude et l'appropriation de l'Écriture et des paroles de Jésus, dont l'Esprit-Saint, qu'ils venaient de recevoir, ouvrait alors le sens aux disciples.

Dieu pourrait, s'il le voulait, former sans l'Écriture des témoins de la grâce, je l'accorde ; mais, en règle générale, tous ceux qui, dans la suite des siècles, ont possédé le don de proposer la Parole de Dieu avec vérité et avec force, l'ont acquis par la Parole de la Bible. Si nous recevons la Parole vivante et efficace dans nos coeurs, elle transforme notre discours naturel en une parole sainte et pure.

Il doit y avoir une régénération du langage comme du coeur, et ces deux régénérations s'accomplissent par la Parole divine, accompagnée de l'Esprit-Saint. La parole du chrétien ne peut avoir en elle une semence de vie, ne peut être agissante, convaincante, régénératrice, qu'autant qu'il va la prendre dans cette divine Parole que le Seigneur appelle la semence du royaume. Il y a une inspiration miraculeuse qui a fini avec les apôtres et les prophètes ; mais il y a aussi une inspiration ordinaire, sans laquelle la prédication ne peut exister ; et c'est pour la communiquer aux élus de tous les siècles que la théopneustie nous a donné la Bible. Il faut que toutes nos pensées et toutes nos paroles se forment d'après la Bible. Alors nous aurons vraiment une nouvelle parole pour la nouvelle science. Si l'on a attaqué le biblicisme, c'est qu'il n'y a pas eu assez de biblicisme parmi nous.

Ainsi donc, que tous les chrétiens se retrempent dans la Bible ; que tous y apprennent à parler par l'Esprit-Saint, avec une langue nouvelle, des choses merveilleuses de Dieu. Le chrétien qui s'éloigne de la Bible est un chrétien qui s'affaiblit ; le ministre qui en abaisse la puissance et l'autorité est un ministre qui brise son épée. Voulons-nous compromettre l'oeuvre de la Réforme ? voulons-nous préparer la ruine de l'Eglise du Dieu vivant ? Ah ! la faiblesse consume l'Eglise ; les plus éloquents, les plus forts s'en affligent. Mais savent-ils pourquoi l'Eglise est faible ? Parce que la Parole de la Bible y fait défaut. L'étude de la Bible nous procurera une nouvelle Pentecôte. L'Eglise redeviendra une race sacerdotale de serviteurs de Dieu ; il y aura de nouveau dans nos assemblées et dans nos conversations, la Parole sacramentelle de la grâce ointe de l'onction d'en haut. Ce que ni l'éloquence, ni la sagesse, ni les accents nobles et pathétiques de la voix humaine ne sauraient faire, ce que le chrétien pieux, le plus pieux, en parlant de son expérience intérieure, ne saurait accomplir, la simple Parole de la Bible le fera, conformément à la promesse de Dieu : et les chrétiens, si faibles de nos jours, revenus à la source de toute force, verront s'accomplir cette déclaration : Ils ont vaincu par la PAROLE DU TÉMOIGNAGE et par le sang de l'Agneau.


1 M. Vinet.

2 Fallitur quisquis aliunde christianismi formam petit, quam a scriptura canonica.

3 opp., 119.

4 Tyndal's Works, I, 3. 

5 Prolégomènes de dogmatique réformée, par Edmond Scherer, page 45.

6 Ce discours a été prononcé dans le moment où l'on commençait à abattre les remparts de Genève.
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