N'as-tu pas pris garde au chemin que les injustes ont tenu anciennement, qui ont été retranchés avant le temps et dont un fleuve a emporté le fondement. (JOB, XXII, 15, 16.)
MESSIEURS ET CHERS FRÈRES,
Le but de la Société
évangélique qui nous rassemble
aujourd'hui n'est pas un, comme celui d'une
société biblique ou d'une
société des missions : il est
multiple. Cette Société s'occupe
à la fois de la dissémination des
saintes Écritures, de
l'évangélisation des âmes et de
l'enseignement de jeunes chrétiens que le
Seigneur appelle à devenir ministres de sa
Parole. Je me suis demandé lequel de ces
divers départements devait surtout nous
occuper à cette heure, et
il m'a paru que le choix n'était pas
douteux.
En vous convoquant cette année
à cette fête chrétienne, nous
avons compris que c'était plus que jamais
autour des saintes Écritures de Dieu, de
leur inspiration, de leur divine autorité,
que nous vous appelions à vous
réunir. Le Seigneur, en permettant des
circonstances qui vous sont connues, nous a
donné lui-même cette indication ;
nous l'avons acceptée.
Un chrétien de l'Allemagne, le
pieux et érudit Rieger disait :
« Un coeur large et une conscience
étroite, voilà la devise du
chrétien. » C'est la
répétition de ces paroles de
Paul : « La vérité
dans la charité. » Nous nous
sommes appliqués à suivre cette voie
évangélique dans des circonstances
qui ont déchiré nos coeurs. Les uns
ont dit que nous avions agi trop promptement ;
les autres ont dit que nous avions agi trop
lentement. Peut-être ces jugements
contradictoires indiquent-ils que nous n'avons agi
ni trop promptement ni trop lentement ; et
nous désirons faire de même à
l'avenir.
Pour tout ce qui regarde les personnes,
nous demandons à Dieu un coeur large. Nous
pardonnons le mal qui nous a été
fait, nous ne disons pas fait à nous
personnellement, mais à une institution qui
nous est si chère. Toutes les fois que se
présentent à nous
quelques-unes de ces paroles qui, portant atteinte
aux Écritures de Dieu, nous percent
l'âme, nous aimons à diriger
aussitôt nos pensées sur des
qualités aimables, sur de beaux talents, sur
une conviction sincère, pour adoucir notre
blessure. Nous n'avons pas même voulu
rectifier les rapports inexacts qui ont
été faits en divers lieux.
Nous avons gardé le silence,
disant comme Luther : « Seulement il
faut de la foi, de peur que la cause de la foi ne
se trouve être sans foi. »
Nous eussions fait plus encore, si la
conscience nous y eût autorisés. S'il
ne s'était agi que de choses secondaires, de
nuances sur la doctrine de l'inspiration, nous
aurions été heureux de faire des
sacrifices à la charité sans
compromettre la vérité.
Nous voulons qu'une certaine
liberté soit maintenue à
l'enseignement théologique. Mais toute
liberté a des limites qu'on ne peut franchir
sans porter atteinte à l'existence des
choses. La question qui a été
débattue parmi nous n'était pas une
question de nuances ; il s'agissait du
maintien ou de l'abandon de l'un des principes les
plus essentiels du christianisme
évangélique : l'inspiration et
l'autorité divine des saintes
Écritures ; nous ne pouvions dès
lors hésiter. Les vingt-et-un membres de
votre comité général ont agi
dans toute cette affaire avec la plus parfaite
unanimité. Fidèle au principe que
nous avons suivi, je
désire ne point vous entretenir ici de ce
qui s'est passé parmi nous, mais seulement
vous présenter la question qui nous occupe,
d'abord sous le point de vue de la théorie,
ensuite sous le point de vue de l'histoire, en vous
rappelant quelle fut, il y a trois siècles,
la première invasion dans Genève des
erreurs qui nous occupent.
Toutefois, il est si important à
mes yeux de réserver la liberté de
chacun dans le sujet dont il est question, que je
rappelle ce qui a déjà souvent
été dit : que le discours du
président lui appartient en propre, et que
la pensée et la responsabilité du
Comité ne se trouvent que dans les rapports
des départements.
Il y a des difficultés dans la doctrine de l'inspiration, et chacun doit respecter ici la liberté individuelle de ses frères. Comment Dieu a-t-il agi sur les agents qu'il a employés pour communiquer avec l'homme ? A-t-il toujours agi sur eux précisément de la même manière ? Quels sont les moyens qui ont mis ces agents en état de distinguer leurs propres mouvements des mouvements de l'Esprit divin ? On peut différer sur ces questions et sur beaucoup d'autres ; on peut même n'avoir sur elles aucun avis arrêté. Mais il est un fait simple et significatif, un fait d'une souveraine importance, qui doit être admis de tout chrétien évangélique ; le voici :
Il y a dans la révélation
écrite, qui est la Bible, comme dans la
révélation vivante, qui est
Jésus-Christ, deux natures, deux facteurs : Dieu et
l'homme ;
il ne
faut omettre ni l'un ni l'autre. Il y a un Emmanuel, DIEU AVEC
NOUS, pour la Bible
comme pour le Sauveur.
Oui, il y a l'homme
dans la
Bible. Ce n'est ni une trompette, ni une voix, ni
une plume, ni une main que Dieu a employées
pour nous donner la connaissance du salut ; ce
sont des esprits, des volontés, des coeurs.
Les écrivains sacrés n'ont pas
été, comme Balaam ou Caïphe, des
instruments passifs : ils ont
été des organes vivants, agissants,
imprimant à leurs écrits le cachet de
leur individualité.
Mais aussi il y a Dieu
dans la
Bible. Si l'enseignement qui s'y trouve
n'était pas celui de Dieu même, la
présence du péché dans l'homme
n'aurait-elle pas empêché les
écrivains sacrés de nous transmettre
la vérité pure et sans alliage ?
N'en serait-il pas
résulté pour nous le doute, le
trouble, l'incrédulité ? La
révélation n'eût-elle pas ainsi
manqué son but ?
Et non seulement l'Esprit divin a
inspiré aux écrivains sacrés
les doctrines, les pensées, elle leur a
aussi donné l'expression propre, les
paroles. Il n'y a pas d'idées sans mots. Si
l'Esprit-Saint ne donnait pas les paroles, il
eût été possible que l'homme,
laissé à ses influences naturelles,
se servît de mots qui ne rendissent pas son
idée. Quand vous faites faire un message
à un ami, supposez même qu'il ne
s'agisse que d'une invitation et de l'heure
à laquelle vous l'attendez, vous
préférez ne pas en charger
verbalement votre serviteur, de crainte d'erreur de
sa part, et vous lui donnez le message dans un
billet écrit de votre main. Et Dieu ne
ferait pas pour le salut éternel ce que
l'homme fait pour un festin ?
Seulement on pourrait ici distinguer
deux systèmes : l'un, soutenu en
Allemagne au dix-septième siècle, qui
s'attacherait avant tout à l'inspiration des
mots, et ensuite en déduirait celle des
choses ; et l'autre qui, s'attachant avant
tout à l'inspiration des choses, en
déduirait ensuite celle des mots, comme une
conséquence nécessaire. C'est ce
dernier système que je soutiens.
Mais, si je maintiens l'inspiration des
paroles, non pour la lettre,
mais en tant que nécessaire à celle
du sens, je crois aussi à l'inspiration de
toutes les parties de l'Écriture. C'est un
travail fort peu rationnel que celui de vouloir
distinguer dans la Bible ce qui est inspiré
de ce qui ne l'est pas. Et que devra-t-on exclure
de la Bible ? Sera-ce la loi, comme
étant une économie de la
lettre ? Mais la loi, sans parler de tous les
autres buts, n'est-elle pas aussi prophétique ? ne
vient-elle pas,
par conséquent, de l'Esprit ?
Ou bien voudra-t-on distinguer entre
doctrine et histoire ? Mais l'histoire
biblique est-elle autre chose qu'une
révélation des desseins et du salut
de Dieu ? Et la manifestation de Dieu en chair
par Jésus-Christ n'est-elle pas à la
fois histoire, mais doctrine, doctrine, mais
histoire ?
Approchons-nous davantage de ce qui fait
le sujet de la discussion actuelle.
L'essentiel pour l'homme, c'est de
connaître le salut de Dieu. Quel est le moyen
par lequel il y parviendra ?
Ce moyen peut être dans
l'homme, ou au dehors et au-dessus
de
l'homme. C'est cette distinction que Luther a faite
quand il a dit :
« Ce n'est pas sur le roc de la Parole de Dieu, c'est sur le sable de la raison de l'homme que repose l'Eglise du pape. »
L'Eglise évangélique fait reposer la connaissance chrétienne sur un principe pris en dehors et au-dessus de nous, dans une sainte et infaillible Écriture. Selon tous les théologiens, il y a deux principes essentiels du christianisme évangélique :
1° la justification par la foi vivante en Christ,
2° la soumission à l'autorité souveraine des Écritures.
Aussi un docteur allemand de nos jours, le
professeur Müller, de Halle, dit-il :
« Celui qui ne reconnaît pas le
dogme de la justification par la foi et
l'autorité de la Bible, renonce à
l'Eglise protestante. »
Mais, si l'on rejette la Bible comme
autorité divine, comme le témoignage
qui donne la connaissance chrétienne et sur
lequel la foi repose, qu'est-ce donc qu'on lui
substituera ?
Quatre écoles se sont ici
présentées et, éloignant
l'Écriture, que l'Eglise
évangélique met en avant, lui ont
substitué chacune une autre source de
vérité.
D'abord viennent les mystiques, dont les
plus exagérés prétendent que
le règne de l'Esprit et celui de la lettre
sont deux règnes hostiles et
incompatibles ; que la vérité
provient d'une illumination intérieure,
indépendante de l'Écriture, et que,
quand on est placé en face de la Bible, on
possède en soi le principe d'un triage
spirituel qui enseigne ce qu'il
faut en prendre et ce qu'il faut en laisser. Il est
à craindre, d'après notre pauvre
nature, que dans ce triage spirituel, chacun ne
laisse précisément de la Bible ce
que, selon la volonté de Dieu, il devrait
avant tout en prendre. C'est le même risque
que l'on courrait quand on présenterait
à un enfant malade des médecines et
des bonbons, et qu'on lui dirait :
« Mon enfant, fais le triage selon le
principe que tu possèdes en
toi. »
Après cette première
école, j'indique seulement les trois
autres : la rationaliste, qui substitue
la raison à la Bible ; la catholique, qui compte
des adhérents
même dans les Églises protestantes et
qui lui substitue la tradition ; enfin
la papiste, qui lui substitue l'infaillibilité du pape.
Toutes ces erreurs se touchent.
L'école mystique se jette facilement dans le
rationalisme et le traditionalisme. Mystique pour
la théorie, elle est facilement rationaliste
dans la pratique, par l'audace avec laquelle elle
traite quelquefois la Bible.
L'école mystique tombe aussi
facilement dans la tradition. Un
célèbre théologien allemand
contemporain, Twesten, combattant les vues que nous
combattons nous-mêmes, dit :
« Si l'inspiration n'était pas autre chose qu'un certain génie religieux, ne devrions-nous pas trouver juste que les catholiques missent à côté de la Bible les écrits des Pères de l'Eglise, d'un saint Augustin, d'un saint Bernard, d'un saint Thomas d'Aquin, puisqu'on ne peut certainement leur contester le génie religieux ? (1) »
Ainsi parle Twesten, et, en effet, ceux qu'il
combat, les mystico-rationalistes donnent
volontiers à des écrits humains, par
exemple à l'Épître de Barnabas,
la même valeur qu'à la sainte
Écriture. Le mysticisme et le rationalisme
nous ramènent ainsi au catholicisme.
C'est avec l'opinion mystique,
mêlée d'une dose de rationalisme et
d'une moindre dose de traditionalisme, que nous
avons surtout maintenant à faire.
Mais, dira-t-on, n'ont-ils pas raison,
les docteurs et les fidèles qui
s'élèvent contre la
lettre ? L'action du Saint-Esprit
n'est-elle pas l'oeuvre importante et par
excellence dans le christianisme ? Oui,
Messieurs, il est aussi très important de
placer les choses dans l'ordre voulu de Dieu. Il
n'est pas nécessaire d'introduire des termes
étranges pour créer de grandes
hérésies : il suffit de changer
l'ordre des termes que Dieu donne. Par exemple,
comment la papauté arrive-t-elle à sa
grande hérésie, celle du salut par
les oeuvres ? Elle n'introduit rien de
nouveau. Elle trouve deux mots
dans l'Évangile - salut, oeuvres,
qui
désignent
deux choses très nécessaires ;
et elle se contente d'en intervertir l'ordre. Elle
met le premier terme à la seconde place, et
le deuxième terme à la
première.
Tandis que l'Évangile dit :
« D'abord le salut, et ensuite les
oeuvres comme conséquence du
salut, » Rome dit :
« D'abord les oeuvres, et ensuite
le salut comme conséquence des
oeuvres. »
Ce n'est, dira-t-elle, qu'un tout petit
changement dans l'ordre des mots dont on se sert.
Oui, mais ce petit changement produit une immense
hérésie, qui perd les âmes et
qui renverse, pour ainsi dire, le ciel et la
terre.
Il en est de même dans la question
qui nous occupe. La Parole écrite et le
Saint-Esprit, voilà les deux termes, les
deux organes par lesquels Dieu communique la
vérité qui sauve. Mais quel est le
rapport entre cette Parole et cet Esprit, selon la
Bible et selon les Églises
évangéliques ?
Je préfère ne pas vous
indiquer ce rapport moi-même, mais avoir
recours pour cela à d'autres
théologiens, et je choisirai de
préférence des plus libéraux,
de ceux que l'on représente (à tort,
sans doute) comme des partisans de l'opinion que je
combats.
Le premier que je citerai sera le
docteur Nitzsch, actuellement professeur à
Berlin. Voici ce qu'on lit dans
sa Dogmatique, à l'article
intitulé : Parole de Dieu et
Esprit :
« Le don de l'Esprit est lié lui-même à la Parole de Dieu qui le précède (An das vorausgehende Wort Gomes gebunden). Ce rapport ne cesse jamais, en sorte que la connaissance chrétienne ne peut jamais être puisée dans une source purement intérieure, et que chaque appel à la lumière intérieure, avec mépris de la Parole extérieure, aboutit infailliblement à un enthousiasme vide de sens, à une creuse extravagance (leere Schwarmerei). »
Je vous ai cité le docteur Nitzsch d'autant plus volontiers qu'il est, avec le docteur Müller, que je vous ai déjà nommé, et le savant Néander, fondateur d'un nouveau « journal allemand de la science et de la vie chrétienne, » qu'on dit vouloir modifier les doctrines reçues touchant l'Écriture.
« Toute action de l'Esprit-Saint, dit aussi Twesten dans sa dogmatique, a pour condition, pour organe (ist bedingt), la Parole de Dieu dans l'Écriture. »
C'est là, Messieurs, ce qui avait été établi dès les premiers temps de la Réformation. Luther appelle ceux qui disent que l'Écriture est une lettre morte, et qui ne vantent que l'Esprit : Tolle Geister, Rottengeister, c'est-à-dire des fous et des brouillons.
« La lettre ne donne pas par elle-même la vie, dit-il, mais elle doit être là, afin que par elle l'Esprit Saint agisse dans le coeur. Si l'on parle d'un Esprit que l'on ne reçoive pas par la Parole écrite ce n'est pas le bon Esprit ; sondern der leidige Teufel aus der Haelle, c'est le diable tout pur sorti de l'enfer » (L. Opp., VIII, 1176).
Je le déclare avec la plus ferme
conviction, pas un théologien
éclairé ne bronchera sur ce point,
même en Allemagne.
Müller, Néander, Nitzsch,
Tholuck ont trop de science et de bon sens pour
tomber dans cette creuse extravagance que
l'un d'eux stigmatise. Quelques-uns de leurs
disciples peuvent aller plus, loin qu'eux, et cela
mérite toute leur attention, mais jamais les
maîtres n'adhéreront à ce
divorce que l'on proclame entre l'Esprit et
l'Écriture. Des nuances
séparent notre opinion de celle des
théologiens dont je parle, mais entre eux et
l'opinion que nous combattons, il y a, ou je me
trompe fort, un abîme.
Remarquons qu'il faut distinguer parmi
les mystiques deux écoles.
L'une, plus modérée, que
j'appellerai mystique chrétienne,
reconnaît l'Écriture comme
inspirée de Dieu, mais seulement admet le
Saint-Esprit comme instruisant
indépendamment de l'Écriture ;
c'est l'opinion du quaker Barklay. Cette erreur a
de nombreux dangers, mais ceux qui la professent,
il faut le reconnaître,
possèdent encore la Parole et
l'Esprit.
La seconde école, plus
extrême, et que j'appellerai mystique
rationaliste, ne reconnaît pas l'inspiration
de l'Écriture, ne voit dans cette doctrine
qu'une ventriloquie cabalistique, et veut y
substituer simplement le noble accent de la voix
humaine. Je désire qu'il y ait quelque
exception à la règle ; mais je
crains que l'on ne doive dire, en thèse
générale, que les disciples de cette
école n'ont ni la Parole qu'ils
rejettent, ni l'Esprit qu'ils
revendiquent ; car, vous l'avez entendu, l'un
est lié à l'autre, et en rejetant
l'un on perd l'autre.
Oui, Messieurs, il y a une foi à
la sainte Écriture. L'Eglise repose sur la
conviction vivante des chrétiens, que la
même puissance de Dieu, qui, aux temps
évangéliques, donna la Parole et les
enseignements des apôtres, a donné
aussi alors l'Écriture, et l'a donnée
suffisante, parfaite, infaillible, pour manifester
clairement et sûrement dans tous les
siècles la volonté immuable de Dieu.
Cette ferme confiance dans les saintes
Écritures est une grâce du
Saint-Esprit et la mère de toutes les
grâces. Celui qui la perd, perd un don de
Dieu, et il est en danger de perdre tous les
autres.
Vous vous trompez, diront sans doute des
personnes inexpérimentées qui
adhèrent au nouveau
système : nous ne perdons rien. Au
contraire, la doctrine que nous recevons est un
nouveau soleil qui se lève sur le monde, une
seconde réformation, une ère nouvelle
de lumière, de liberté et de vie, un
moyen de satisfaire ceux qui désirent une
catholicité véritable et d'amener
à bonne fin l'union de tous les
chrétiens.
Ces prétentions, Messieurs, ne
sont pas nouvelles. Déjà les
mystiques du moyen âge annonçaient
qu'après l'économie du Père (Ancien Testament),
l'économie du Fils (Nouveau
Testament), ils allaient, eux, commencer
l'économie de l'Esprit. D'autres
fois, ils disaient qu'après la
période de Paul, puis de Jacques, on allait entrer
dans la
période de Jean ; et le
fantasque Swedenborg, qui a des rapports avec la
doctrine que nous combattons, annonçait, en
1770, « la nouvelle Église,
l'accomplissement spirituel de l'Eglise
chrétienne, pour former la nouvelle
Jérusalem. »
En faisant briller ces feux follets, on
a de tout temps engagé infailliblement une
jeunesse généreuse, mais imprudente,
dans les mares dormantes et périlleuses. Il
est donc important de peser la valeur de cette
prétention.
Il y a dans le Cours d'histoire
ecclésiastique du docteur Néander une
réflexion qui m'a toujours frappé,
non par sa nouveauté, elle est si
évidente que bien
d'autres l'ont faite avant et après lui,
mais par sa vérité et son importance.
Parlant des diverses utilités de l'histoire
de l'Eglise, le docteur remarque qu'elle sert
à nous faire discerner les maux dont nous
pouvons être menacés, en nous
présentant le tableau de ces mêmes
maux dans les siècles antérieurs.
« La nature humaine, dit-il, est, quant à ses erreurs, la même dans tous les temps. L'histoire nous fournit, en conséquence, les meilleurs moyens de combattre de la manière la plus utile les sources du mal qui, de nos jours, paraissent dans l'Eglise, car elle nous montre que ce sont les mêmes causes qui, dans tous les temps, se sont opposées aux effets du vrai christianisme (2). »
Au fond, cette parole de Néander revient
à celle-ci de Salomon : « Il
n'y a rien de nouveau sous le soleil. »
J'ai donc pensé qu'il pourrait être
utile de vous présenter ici un petit
chapitre d'histoire. Nous savons la nature de
l'opinion qui s'est manifestée parmi
nous ; mais nous ne savons pas encore le
rôle qu'elle doit avoir dans l'Eglise. Or,
nous pouvons le connaître en
considérant cette même opinion dans
des siècles antérieurs. Ce nouveau
soleil, ce système réformateur, ce ne
sont, il faut bien le dire, que
des idées rebattues et des moins estimables
de toutes celles que nous fournit l'histoire. Nous
avons donc ici une règle de trois ; il
y a un terme que nous ne connaissons pas, mais il y
en a trois que nous connaissons, et vous savez
qu'avec trois termes que l'on connaît, on
peut obtenir d'une manière parfaitement
exacte le quatrième ou l'inconnu.
Pour essayer l'expérience
indiquée par Néander, je voudrais
donc fouiller dans nos annales trois siècles
en arrière, et voir quels sont les docteurs
qui, les premiers dans Genève, ont
substitué à l'autorité de Dieu
dans l'Écriture l'autorité
individuelle de l'homme, en lui donnant le nom de
Saint-Esprit.
Permettez-moi de vous offrir comme
offrande de bienvenue, dans notre Genève de
1850, un tableau de Genève en 1550, un peu
avant et un peu après.
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