Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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UN SIÈCLE DE MISSION A MADAGASCAR



CHAPITRE PREMIER

PREMIÈRES SEMAILLES

La première tentative de christianisation faite à Madagascar remonte au XVIe siècle. Elle fut l'oeuvre de Portugais venus sur la côte orientale de l'île peu après sa découverte par Fernando Suarez en 1505. Malheureusement le Christianisme se présentait sous le même drapeau que celui hissé par les marchands d'esclaves sur leurs lourdes barques pontées. Il n'excita que la haine des indigènes qui massacrèrent les Européens.

Au début du siècle suivant, des marins français, assaillis par la tempête au sud de l'Afrique, parvinrent à aborder dans la baie de St-Augustin : et y furent bien reçus par les habitants. Revenus en France ils incitèrent certains de leurs compatriotes à s'occuper de commerce dans les parages qu'ils avaient découverts. Ce fut l'origine de la Compagnie dite de l'Orient, fondée par des Dieppois et encouragée Par Richelieu.

En 1642, un navire armé par la dite compagnie visita la côte est et la remonta jusqu'à la baie d'Antongil. Pronis, un huguenot, qui semblait commander la petite expédition, revint pourtant vers le sud et fonda un premier établissement dans une baie située au sud-est, à laquelle il donna le nom de Ste-Luce.
Le climat et diverses circonstances le forcèrent un peu plus tard à se diriger encore plus au sud. En 1644 il fonda Fort-Dauphin.

C'est pendant son administration que les Lazaristes cherchèrent à implanter le catholicisme dans l'île. Il y eut même, dès 1647, un évêque de Madagascar. Mais la tentative n'eut aucun succès. Elle ne survécut pas à la ruine de l'établissement français. Les pères se présentaient trop sous le couvert de l'autorité du gouverneur. L'un d'eux, le père Étienne, voulut user de menaces et de violence : il fut massacré, et toute une bande d'indigènes révoltés vint brûler Fort-Dauphin en 1663.

Malgré les efforts de Flacourt (1648-1660), de Champmargou, aidé de l'ancien sous-officier Lacaze, devenu chef d'une tribu malgache, l'oeuvre de colonisation française fut totalement interrompue en 1672, après une nouvelle incursion des indigènes qui massacrèrent une bonne partie des colons dans l'église, le jour de Noël. Rien ne subsista ni des efforts dépensés par la compagnie, ni des essais des pères Lazaristes.

Il faut arriver au commencement du XIXe siècle pour assister à la réelle introduction du Christianisme à Madagascar. Encore cette nouvelle tentative faillit-elle échouer dès le début. Elle s'inaugura, en effet, par une véritable catastrophe.
Deux jeunes gens, élèves dans un petit séminaire théologique du pays de Galles, David Jones et Thomas Bevan, avaient répondu spontanément à l'appel qu'avait adressé, en faveur des Malgaches, le directeur de cette institution, le docteur Philips.
Ces deux premiers envoyés de l'Évangile dans la grande île furent consacrés les 20 et 21 août 1817 devant une assistance émue de plus de 5.000 personnes, et s'embarquèrent le 9 février suivant.

Les voyages étaient longs alors. Il fallait doubler le cap de Bonne-Espérance dans clé modestes bateaux à voile qui mettaient quatre ou six mois pour atteindre Maurice. Là il fallait s'entendre avec des commerçants allant à Madagascar chercher des boeufs ou des esclaves, et qui consentaient à vous emmener à Tamatave dans leurs grandes barques à peine pontées, où l'on restait parfois trois semaines, couchant à côté de tonneaux de saumure et sans aucun confort.

Jones et Bevan qui s'étaient mariés tous deux avant de partir, laissèrent d'abord leurs épouses à Maurice : elles venaient d'y avoir leur premier enfant. Ils voulurent faire seuls une première enquête et atteignirent Tamatave le 18 août 1818. Ils y trouvèrent de nombreux indigènes de la tribu des Betsimisaraka, intelligents, développables, mais démoralisés par leur contact trop prolongé avec la civilisation purement matérielle que leur avaient fait connaître les traitants et les marchands d'esclaves.

La première impression des jeunes missionnaires fut, malgré tout, assez favorable, et après six semaines d'études préliminaires, ils reprirent le chemin de Maurice pour y chercher leurs familles. Les Jones repartirent les premiers pour Madagascar, laissant les Bevan pour quelque temps encore derrière eux.
Ils se mirent aussitôt à l'oeuvre avec enthousiasme. Mais, ignorants des conditions climatologiques de l'île, ils avaient choisi, pour s'installer sur cette côte malsaine, le plus mauvais moment, juste en pleine saison chaude. D'autre part, ne sachant pas s'ils devaient rester longtemps à Tamatave, ils avaient pris la première case venue, ou plutôt celle qu'on avait bien voulu leur céder à l'une des extrémités de la ville, près de marécages où pullulaient les moustiques.

Les effets de cette installation défectueuse ne tardèrent pas à se faire sentir. Le 13 décembre, le jeune enfant des Jones succombait à la fièvre.
Et quand, le 6 janvier suivant, les Bevan débarquèrent à leur tour, quelle ne fut pas leur douloureuse surprise en trouvant leur ami Jones grelottant de fièvre sur son lit, et désormais seul ! Car sa femme avait suivi de près son enfant dans la tombe, emportée par une violente attaque de paludisme, le 28 décembre 1818. Les nouveaux venus furent atteints à leur tour, et, le 3 février, Mme Bevan rendait le dernier soupir, ayant vu son enfant et son mari enlevés à son affection, à une semaine d'intervalle.

Jones demeurait l'unique survivant de la petite troupe missionnaire. Il était lui-même dans un état de santé tout à fait précaire. Bien d'autres auraient perdu courage et abandonné la partie. Il avait heureusement une foi qui savait triompher des épreuves les plus douloureuses. Il s'était nettement senti appelé à porter l'Évangile à Madagascar, et il était disposé à dépenser, pour obéir à l'appel reçu, jusqu'à son dernier souffle.
Il crut sage cependant d'aller rétablir à Maurice sa santé par trop ébranlée, non pourtant sans avoir essayé d'ouvrir à Tamatave une petite école. Il demeura à Maurice de juillet 1819 à septembre 1820.
Il avait employé son temps à prendre auprès des marchands, et aussi auprès d'un certain nombre d'esclaves malgaches, tous les renseignements possibles sur l'île voisine et ses habitants. Il finit par acquérir la conviction que le meilleur moyen pour réussir dans sa tentative était de s'adresser à la grande tribu des Merina (1), habitant au centre de l'île. Cette tribu, restée éloignée du contact trop direct avec les traitants, avait su, mieux que les Betsimisaraka, préserver ses qualités natives. Et, d'autre part, il valait mieux se faire connaître du prince qui prétendait à l'hégémonie sur l'île entière et tâcher de gagner tout au moins sa neutralité : sinon on risquait de se voir entravé dans son oeuvre, et sans cesse à la merci de faux rapports ou d'un caprice royal.

Le gouverneur de Maurice désirait précisément envoyer, à cette époque, une ambassade auprès du roi de Tananarive, Radama, afin de reprendre avec lui de nouveaux pourparlers au sujet de la suppression du trafic des esclaves. M. Jones crut voir là une occasion particulièrement favorable pour mettre à exécution son projet de montée vers les hauts plateaux.

Le gouverneur anglais ne vit aucun inconvénient à laisser le jeune missionnaire voyager de compagnie avec son ambassadeur, M. Hastie. Mais il lui recommanda tout particulièrement de se cantonner dans sa tâche religieuse, et de se tenir complètement en dehors des questions touchant à la politique. Il ordonna d'ailleurs à Hastie, dans ses instructions écrites, de te se mêler, ni de près ni de loin, à ce qui concernait la propagande religieuse. Et de fait, les deux domaines restèrent toujours entièrement séparés.

Jones et Hastie débarquèrent à Tamatave, le 4 septembre 1820.
Ils se heurtèrent aussitôt à la haine non déguisée des marchands d'esclaves qui connaissaient l'objet du voyage de Hastie, et qui voyaient d'un autre côté, dans le représentant de l'Évangile, un ennemi particulièrement dangereux pour leur odieux commerce.
On essaya d'intimider les nouveaux arrivants, en leur dépeignant la situation en Imérina et les dispositions du roi Radama sous des couleurs tout à fait contraires à la réalité. Jones, qui avait surmonté les terribles angoisses et les épreuves si douloureuses de son premier débarquement, n'était pas homme à s'arrêter devant quelques menaces ou quelques faux rapports. Il poursuivit son chemin vers le nouveau pays où il sentait que Dieu lui réservait une grande tâche à accomplir.

Ce n'est jamais une besogne aisée que de fonder une oeuvre d'évangélisation dans un pays complètement neuf et, en somme, en dépit des informations recueillies, a peu près inconnu.
Il y a la difficulté de la langue qu'on ne saurait exagérer. Pas de dictionnaires, de grammaire, encore moins de professeur : il faut, à force d'ingéniosité, briser un véritable mur qui vous sépare de l'indigène.
Mais cette difficulté est moins grande encore que celle apportée par l'ignorance des moeurs, des sentiments, des préjugés de ceux auxquels il faut s'adresser. Que de fois un geste amical d'un missionnaire, mal interprété, a repoussé les gens, alors qu'il était fait pour les attirer ! Que de fois un argument présenté à été à contre-fins de son but ! Et puis, il y a le paganisme qui bien vite se sent menacé et qui se dresse aussitôt contre les nouveaux arrivants.

Madagascar n'avait pas un système religieux bien cohérent.
Le paganisme ne s'y présentait pas aussi solidement armé contre la lumière offerte que dans certains pays. Malgré cela, il était puissant, de par son ancienneté et par l'empreinte qu'il avait gravée au fond des coeurs.
Le fétichisme enserre le malheureux indigène dans un tel réseau de rites à accomplir, de gestes à éviter, de précautions minutieuses à prendre minute après minute, que l'esprit, inconsciemment terrorisé, n'a plus la force de raisonner et s'ankylose presque complètement.

Le missionnaire Jones avait montré que sa foi était de nature à triompher de toutes les épreuves. Il se mit courageusement à la besogne et l'un de ses premiers soins fut d'ouvrir une école dans la capitale de l'île. Les leçons commencèrent le 8 décembre 1820 : « J'emploie, écrit-il le 3 mai 1821, la plus grande partie de mon temps à instruire seize enfants ou jeunes gens que le roi m'a confiés. Trois d'entre eux vivent chez moi : ce sont les enfants de la soeur du roi Radama, et l'un d'eux est même l'héritier présomptif. Les autres sont des enfants de dignitaires, tous remarquablement intelligents. L'un d'eux, qui a tout juste six ans, sa soeur, ainsi que deux autres, commencent à lire couramment certains chapitres de la Bible, alors qu'au mois de novembre dernier ils ignoraient l'alphabet.
« Chaque dimanche j'enseigne le catéchisme et le chant des cantiques. Les enfants en savent déjà quatre par coeur, et les chantent à quatre parties. Le roi est enthousiaste de leurs progrès en musique et vient souvent les écouter. Ces élèves ont appris qu'ils avaient une âme immortelle et savent répondre avec sérieux à une foule de questions sur Dieu, Jésus-Christ, la mort, le ciel, le mal, etc. »

Jones ne tarda pas à recevoir des compagnons de travail : d'abord un autre Gallois, Griffith, homme d'une grande activité et d'une véritable hauteur de vues, puis le révérend Jeffreys et quatre artisans missionnaires : Brooks, charpentier ; Chick, forgeron ; Rowlands, tisserand et Canham, tanneur.
Malheureusement Brooks mourut de la fièvre quinze jours après son arrivée. Sans se laisser arrêter par cette nouvelle épreuve, les missionnaires se mirent avec ardeur au travail. Jones, Jeffreys et Griffith eurent bientôt chacun une petite école à diriger.
Elles étaient bien modestes, ces premières écoles : pas de livres ni de tableaux noirs. Pour remplacer ces derniers on avait imaginé d'étendre une couche de graisse noircie au charbon sur une planche et le maître y écrivait au moyen d'un petit morceau de bois pointu.

Le 11 septembre 1826 arriva à Tananarive un des missionnaires dont le travail devait être des plus féconds. C'était encore un Gallois, qui s'appelait David Jones. Les indigènes le surnommèrent Jonjyfohy (Jones le court) pour le distinguer de son collègue de même nom.
Avec David Jones vint aussi Cameron, charpentier de son état, et qui, dévoré d'activité, enseigna aux Malgaches à fabriquer des briques, du savon, fit des cours de toutes sortes, et devint célèbre dans toute l'île par ses constructions et ses initiatives.

En 1827 monta à Tananarive un, autre missionnaire d'une haute distinction intellectuelle, J. -J. Freeman, auquel est due une très intéressante relation des débuts de la mission et surtout de la persécution qui vint, neuf ans après son arrivée, assaillir l'Eglise malgache naissante.
Il fut très heureusement impressionné par ce qu'il vit au moment de son débarquement. Les premiers obstacles rencontrés par les pionniers qui l'avaient précédé s'aplanissaient. Le roi Radama se montrait de plus en plus favorable. L'indigène, en général prêt à suivre les indications de ses chefs, s'approchait des missionnaires, mû, il faut le dire, autant par la curiosité que par le désir de changer de vie. Dans une de ses lettres, Griffith parle d'un total de Plus de 4.000 auditeurs dans les différents lieux de culte, et, dans le rapport envoyé par le secrétaire de la conférence missionnaire de Tananarive au Comité de Londres, on voit que les églises de la ville, d'ailleurs simples hangars de modeste apparence, se remplissaient de gens auxquels il devenait plus aisé de prêcher la parole divine : on faisait même trois services successifs : le matin de bonne heure pour les élèves, un peu plus tard pour les adultes, et l'après-midi pour le personnel de la Mission.

Un document, qui présente un intérêt tout particulier, nous est fourni par la relation d'un universitaire français, Copalle, ancien proviseur du lycée d'Albi, venu à Madagascar de mai 1825 à juin, 1826 pour faire un portrait à l'huile du roi Radama.
« M. Hastie, écrit-il, est fortement secondé dans ses efforts de civilisation par messieurs les missionnaires, dont le zèle est véritablement digne d'éloges. »

Et voici comment il décrit la première distribution de prix qui ait eu lieu à Tananarive :
« Les élèves des diverses écoles de Tananarive et des villages voisins se sont réunis aujourd'hui 27 mars, dans le temple protestant, pour la distribution des prix.
« On a commencé par l'examen des feuilles d'écriture des écoles de la capitale, puis on a donné à résoudre quelques problèmes d'arithmétique. Le roi a lui-même procédé à l'examen avec beaucoup d'intérêt. Il a accordé au jeune vainqueur une médaille d'argent, en accompagnant ce don de paroles obligeantes et propres à l'encouragement.
« L'examen des écoles de Tananarive terminé, on a procédé à celui des écoles circonvoisines.
« En s'en retournant à son palais, le roi a fait rassembler, sur la place d'Andohalo, les élèves au nombre d'environ deux mille ; et là, après avoir félicité la plus grande partie des écoles sur leurs progrès, il a adressé à quelques-unes des reproches bien capables de réveiller leur amour-propre.
« Radama a ensuite donné dix boeufs aux élèves pour leur souper. »

En 1825, Jeffreys mourut dans des circonstances assez dramatiques. C'était surtout Mme Jeffreys qui avait paru souffrir de la fièvre et sa santé avait semblé imposer un voyage à l'Île de France. Elle s'embarqua avec son mari et ses quatre enfants sur un petit bateau chargé de bestiaux, où on ne put leur offrir qu'une place dans la cale près des boeufs que l'on transportait, et où des matelas étendus sur des sacs de riz devaient leur servir de couche.

Le passage dure ordinairement une dizaine de jours ; « mais le Seigneur, qui tient les vents dans sa main, dit Mme Jeffreys, nous refusa, dans un but sans doute conforme à sa sagesse, mais mystérieux pour notre entendement, le vent favorable dont nous avions besoin, en sorte que le voyage dura un mois tout entier. Au bout de quinze jours, notre fille aînée fut atteinte de la fièvre malgache, et, dès le lendemain, elle rendit le dernier soupir. C'est à minuit qu'elle est morte dans l'affreuse cale où nous étions entassés ; nous n'avions aucun ami auprès de nous, tous ceux qui nous entouraient étaient des étrangers, mes enfants dormaient à mes côtés ; mon mari, qui déjà avait lui-même subi les atteintes de la fièvre, était tombé dans une sorte d'apathie : oh ! quelle n'était pas mon angoisse ! Mais, au milieu de ma douleur, J'eus cependant la force de me retirer auprès de Celui qui nous a dit : « Invoque-moi au jour de la détresse ! »
- Le matin qui suivit cette terrible nuit, le corps de ma fille chérie fut abandonné aux flots de la mer. Pendant deux jours mon mari ne sortit pas du triste état où il était tombé ; le troisième jour, il revint un peu à lui ; mais, le quatrième, je dus me séparer de cet ami, de ce tendre compagnon, et le voir mourir dans mes bras. Du moins, je le savais délivré de ses peines et de ses souffrances ; et, tandis que mon âme était déchirée à cause de la perte que j'avais éprouvée, je ressentais cependant une sorte de joie en pensant au glorieux échange qu'il venait de faire, en recevant, à la place de tous les genres de maux, cette félicité éternelle qui ne se trouve qu'auprès du Sauveur, qu'il a fidèlement servi sur la terre !... Pour moi, j'ai perdu un époux généreux qui m'aimait, un guide sage et assuré. Je suis veuve, mère de trois enfants, probablement appelée à donner encore la vie à un autre orphelin, et d'une santé de plus en plus chancelante. Oh ! priez pour moi, afin que le Dieu des veuves et des orphelins me soutienne, que ces épreuves terribles tournent à ma sanctification, et que je sois préparée à rejoindre le mari que je pleure dans la félicité qui est son partage et dont il jouira éternellement ! »

Un autre événement vint apporter aux missionnaires un très grave sujet de préoccupations. Le roi Radama qui, tout en restant païen, avait su les aider et leur faciliter les choses, tomba subitement malade et mourut des suites, il faut le dire, de son intempérance.
Une de ses femmes, Ranavalona 1re, elle-même fille du roi Andrianampoïnimerina, et, par conséquent, cousine germaine de son mari, lui succéda.
D'accord avec les moeurs du temps, elle commença par massacrer tous ceux qui auraient pu émettre des prétentions au trône. Elle fit jeter son neveu Rakotobe dans un marais, fit percer de lances les parents de ce même jeune homme, et ordonna de faire mourir de faim sa belle-mère.
Bien d'autres parents encore périrent égorgés.

Dès le début, la nouvelle reine sembla prendre le contre-pied, de la politique de son mari ; on la savait d'ailleurs païenne déterminée et entièrement entre les mains des gardiens d'idoles. Pourtant, après le premier moment d'émotion, les missionnaires, trompés par certaines apparences, eurent, durant quelques mois, l'espoir que leur oeuvre ne serait pas entravée. Voici, en effet, un extrait tiré d'une lettre de Freeman, à la date du 8 août 1828:

« Les officiers vinrent nous trouver, et nous apportèrent un message de la part de Ranavalona (la reine qui a succédé à Radama. Elle nous exhortait à nous confier en elle et à n'avoir aucune crainte, nous assurant que tout ce que Radama avait fait en faveur de la Mission, elle le ferait aussi et qu'elle en ferait encore plus que lui. Deux ou trois heures après, nous reçûmes une autre communication dans le même sens, mais écrite, tandis que l'autre était verbale ; la première était officielle, mais la dernière l'était, s'il est possible, encore davantage ; car les principales autorités civiles de la ville s'étaient jointes à la députation qui nous avait été envoyée la première fois, pour nous apporter cette lettre et recevoir notre réponse, dans laquelle nous remerciâmes la reine et le gouvernement, du message qu'ils nous avaient adressé. Nous exprimâmes notre confiance et assurâmes la reine que nous étions disposés à travailler à la prospérité du royaume pour Ranavalona, comme nous l'avions fait pour Radama, et que, bien loin de nous relâcher, nous redoublerions d'efforts. En adressant nos remerciements à la reine, nous les offrîmes aussi du fond du coeur au Roi des rois, reconnaissant que c'est lui qui dirige tous les événements dans sa sagesse et dans sa miséricorde, et qui incline le coeur des rois, afin qu'ils accomplissent son bon plaisir. »

Le rapport de la Mission pour cette année 1828 était fort encourageant. Le nombre des écoles s'était élevé à 38 avec 2.300 écoliers, et, dans les premiers mois de 1829 on compta 90 écoles avec plus de 4.000 élèves.
Les coeurs commençaient à s'ouvrir sérieusement à la prédication de l'Évangile. Une classe de candidats au baptême fut ouverte, et, au début de 1831, la permission de procéder à des baptêmes fut sollicitée de la reine, qui l'accorda.

Le jeudi 12 mai 1831, la souveraine annonça même publiquement que rien n'était changé aux ordres de Radama en ce qui concernait les choses religieuses et que ceux qui voulaient être baptisés le pouvaient.

Le 29 mai, les vingt premiers catéchumènes malgaches furent solennellement introduits dans l'église et huit d'entre eux admis à la Cène.

Mais juste à ce moment, alors qu'une ère nouvelle semblait se lever pour la Mission, et que la récolte, après un long travail de semailles, s'annonçait, l'orage éclata avec une violence inattendue.


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1. Merina désigne le peuple inexactement appelé Hova, et habitant l'Imerina.

 

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