Approchez-vous de Dieu. (Jacques IV, 8.)
Vous avez peut-être
déjà entendu parler dans cette chaire
même du désastre du
« Titanic » ; mais je ne
puis me dispenser de vous y rendre attentifs
à mon tour. Il faudrait que nous fussions
bien légers pour n'être émus
par un tel événement que d'une
façon passagère et superficielle.
À la douleur qui nous étreint quand
nous nous représentons seize cents de nos
semblables, toute une population, passant
tout-à-coup de la sécurité la
plus complète à la plus affreuse
angoisse, et de la vie la plus confortable à
la mort la plus cruelle, s'ajoute un sentiment de
respectueuse admiration. Certes, il y a eu parmi
ces naufragés des cas d'affolement, de lutte
furieuse pour la vie ; dans les grandes
calamités, la nature humaine se montre telle qu'elle
est, avec sa
misère comme avec sa grandeur. Mais d'une
façon générale, ce qui s'est
passé dans le naufrage du
« Titanic » fait honneur
à l'humanité, à la race
anglo-saxonne, qu'il me soit permis
d'ajouter ; au christianisme protestant. On a
procédé au sauvetage avec ordre, en
commençant par les femmes et les
enfants ; capitaine, matelots, passagers,
télégraphistes, mécaniciens,
électriciens, musiciens, chacun est
resté à son poste et a fait son
devoir jusqu'au bout. Mais ce qui a fait le plus
d'impression, c'est le chant final du
cantique : « Plus près de
toi, mon Dieu ! » Il n'y a pas
à dire descendre ainsi dans la froide mer,
c'est sublime et les annales de l'humanité
n'ont guère de plus belles pages. Aussi ce
cantique, soit dans l'original anglais, soit dans
la traduction qu'en a donnée notre ami M.
Saillens, a-t-il conquis tout-à-coup une
célébrité mondiale. Il y a
quelques jours, dans une grande assemblée au
Trocadéro, à Paris, des voix
nombreuses l'ont chanté, tandis que le reste
de la foule écoutait, tête nue et dans
un religieux silence.
Mais
c'est trop
peu d'admirer. Il faut nous approprier dès
maintenant les sentiments qu'exprime ce
cantique ; c'est aujourd'hui qu'il faut, comme
nous y exhorte Saint
Jacques dans notre texte, nous approcher de Dieu.
À l'heure de notre mort, il serait bien tard
pour le faire, si nous ne l'avions pas fait pendant
notre vie. Ce chant qui, dans cet instant tragique,
s'est élevé de l'âme et de la
poitrine de tous ces mourants, n'est-il qu'une
belle chimère, une survivance de la vieille
chanson dont parlait Jaurès, ou n'est-il pas
plutôt l'expression d'une conviction vraie,
d'un espoir oublié peut-être, mais
qui, à ce moment suprême, se
réveillait avec une irrésistible
puissance ?
Que
Dieu nous
aide à le comprendre, qu'Il parle par son
Esprit à nos consciences et à nos
coeurs, comme il a parlé dans sa
miséricorde - dirai-je : à nos
malheureux ? non ! disons
plutôt : - à nos bienheureux
frères et soeurs du
« Titanic » !
« Plus près
de toi ! » Se rapprocher de Dieu,
c'est avoir une communion plus complète et
plus étroite avec lui, c'est entrer dans sa
pensée, c'est vouloir ce qu'il veut, c'est
aimer ce qu'il aime ; c'est, en un mot, lui
devenir
semblable. Or c'est là le premier devoir et
le premier besoin de la créature faite
à son image. Pour contester cela, il
faudrait nier Dieu d'abord et nier l'homme ensuite
dans tout ce qu'il a de supérieur et de
divin. Sans doute, beaucoup de gens
méconnaissent cette
vérité ; et beaucoup d'autres,
qui l'admettent en théorie, n'en sont que
médiocrement touchés. Mais, comme les
faits viennent de nous le prouver, par la
lumière que fait dans la conscience
l'imminence de la mort, cette valeur suprême,
ce prix infini de la communion avec Dieu, s'impose
au croyant trop longtemps inconséquent et
endormi, souvent même à
l'indifférent et à
l'incrédule.
« Plus
près de toi ! » c'est un voeu
qu'en un sens l'ange lui-même peut
s'approprier. Dieu est le centre de lumière
et de vie vers lequel toutes les créatures
intelligentes tendent sans jamais pouvoir le
toucher. Mais, dans la bouche de l'homme, ce voeu
devient une supplication et un cri de
détresse. Car l'homme n'est pas seulement
fort au-dessous de Dieu, par suite de
l'imperfection inhérente à sa nature,
il est séparé de Dieu par son
péché. Dieu est Esprit et nous sommes
charnels ; il est saint et nous sommes
impurs ; il est amour
et
nous sommes égoïstes ; il est
lumière et nous sommes pleins de
ténèbres.
Quand
nous avons
compris cela, nous avons l'impression, non
seulement que nous sommes infiniment
éloignés de Dieu, mais qu'il y a
entre Dieu et nous comme d'infranchissables
montagnes. Et pourtant, le sentiment de notre
affinité native avec Dieu demeure
indestructible, et du fond de l'abîme nous
crions encore : « Plus près
de toi, mon Dieu ! »
Dieu
a entendu ce
cri de sa créature déchue, mais
grande encore dans son abaissement. Nous voyant
incapables de nous élever à Lui de
nous-mêmes, il est descendu vers nous dans la
personne de son Fils unique. Jésus-Christ
rejoint l'homme à Dieu par sa nature et par
son amour ; sa croix est la véritable
échelle de Jacob qui relie la terre au ciel.
« Par lui, dit un apôtre, nous
avons un libre accès auprès du
Père sous l'impulsion de
l'Esprit. » Réconciliés
avec Dieu par le sacrifice et la médiation
de Jésus-Christ, au moyen de la foi en lui,
en un sens nous ne sommes plus éloignes, -
jamais assez près pourtant !
Fussions-nous chrétiens comme Saint Paul,
comme lui nous aspirerions encore à entrer
plus avant dans la communion des souffrances, de la
mort et de la résurrection du Fils de Dieu, à
connaître le Père comme nous avons
été connus de Lui. À ce point
de vue, la mort, sous quelque forme qu'elle se
présente, nous sera bienvenue, comme devant
nous transporter auprès de
Jésus-Christ, c'est-à-dire dans le
voisinage immédiat du Père. À
la dernière heure, sans nous émouvoir
de ce que la terre ou la mer - peu importe laquelle
des deux - s'ouvre pour recevoir notre
dépouille, nous regarderons en haut, nous
ouvrirons nos ailes et nous nous écrierons
avec les naufragés du
« Titanic » :
« Plus près de toi, mon
Dieu ! »
La destinée et la
gloire de l'homme, c'est donc de s'approcher de
Dieu. Mais comment le peut-il et le fait-il ?
Est-ce par la mort ? - Ce n'est pas par la
mort seulement ; il faut avoir le courage
d'ajouter : ce n'est pas nécessairement
par la mort. Celui qui, sur la terre, n'a pas connu
et aimé Dieu, comment trouverait-il son
bonheur à le rencontrer dans l'autre monde
et à passer l'Éternité
auprès de lui ?
Est-ce
donc par
ce que l'on appelle le progrès que l'homme
se rapproche de Dieu ? Est-ce par le
développement de son intelligence et de sa
puissance, par ses conquêtes sur la
nature ? - Je ne répondrai pas à
cette question par un « non »
pur et simple. Ce serait oublier que le premier
commandement de Dieu à l'homme fut
celui-ci : « Croissez et multipliez,
remplissez la terre et l'assujettissez. »
L'intérêt personnel aidant, l'homme a
accompli ce commandement beaucoup mieux qu'aucun
autre, et certes c'est à son
honneur.
Le
Psaume
huitième exalte l'empire que Dieu a
donné à l'homme sur toutes les
créatures et s'écrie :
« Tu as fait de lui presque un
dieu ! » Et pourtant, qu'est-ce que
l'homme savait et pouvait alors, en comparaison de
ce qu'il sait et de ce qu'il peut
aujourd'hui !
Je
vous fais
grâce de l'énumération des
progrès et des inventions modernes, souvent
faite et jamais terminée ; je ne
mentionnerai qu'une seule de ces inventions, cette
merveilleuse télégraphie sans fil,
qui a permis à l'immense navire en perdition
de jeter de tous côtés, à
travers les ténèbres, des appels
désespérés mais non inutiles.
Grâce à l'intervention du
« Carpathia », qui
répondit à ses signaux de détresse, un tiers des
habitants de cette cité flottante
qu'était le « Titanic »
a pu être sauvé, et tout le monde
l'aurait été sans la
déplorable et coupable insuffisance des
moyens de sauvetage. Certes, de telles inventions
méritent toute notre admiration ; par
elles l'homme réalise une partie importante
de la tâche qui lui a été
assignée ; il conquiert sur la terre
une puissance, une royauté comparables
jusqu'à un certain point à celles que
Dieu possède dans l'Univers ; il
s'approche donc de Dieu. Il reste bien loin
pourtant de la toute-puissance divine, puisque sa
royauté est toujours contestée et
précaire; puisque cette Nature, dont il se
vante d'être le maître, détruit
parfois, comme en se jouant, ses plus coûteux
et ses plus magnifiques ouvrages, et lui-même
par dessus le marché. Mais surtout, si, par
cette voie de progrès scientifique et
industriel, l'intelligence de l'homme se rapproche
de celle de Dieu, il n'en est pas de même de
sa volonté ; or, la volonté est
le fond de l'homme, et, s'il nous est permis de le
dire, le fond de Dieu aussi.
Au
contraire, le
progrès matériel devient trop souvent
pour l'homme une occasion de sensualité,
d'égoïsme, d'orgueil, de folle
confiance en lui-même, et alors il
s'éloigne de Dieu.
À
cet
égard le nom donné au
« Titanic » a une signification
symbolique, que le triste sort de ce superbe
bâtiment fait cruellement ressortir. Les
Titans, d'après la fable, étaient des
géants qui prétendirent escalader le
ciel, et Jupiter les foudroya. Le
« Titanic » était une
orgueilleuse affirmation du génie
humain ; il devait transporter des milliers de
personnes d'Europe en Amérique, dans des
conditions de confort, de bien-être, de luxe,
de rapidité aussi, qui n'avaient jamais
été égalées. Il se
déclarait insubmersible. Or, voilà
que dès son premier voyage, rencontrant un
bloc de glace, non pas même un des plus
formidables par ses dimensions, il coule à
fond et disparaît pour jamais avec toutes les
richesses qu'il porte.
Les
nombreuses
victimes de cet épouvantable désastre
n'ont pas eu sujet de remercier le progrès
et la civilisation. Si elles se sont
approchées de Dieu dans leur mort,
évidemment c'est par une autre voie.
C'est en effet une voie
toute
différente pour aller à Dieu que nous
indique notre texte. Hâtons-nous de la
définir. C'est la voie de l'humiliation et
de la repentance : voie plus étroite
sans doute, mais plus courte, plus sûre, et
qui a en même temps l'immense avantage
d'être accessible à tous les hommes,
non pas seulement aux intellectuels. C'est la voie
de l'humiliation, ai-je dit.
« Humiliez-vous devant le
Seigneur », dit l'apôtre. Chose
étonnante ! Pour s'approcher du
Très-Haut, il faut commencer, non par
monter, mais par descendre. Jésus avait
déjà dit : « Celui qui
s'abaisse sera
élevé » ; et dans le
second Esaïe, après avoir dit :
« Le ciel est mon trône, et la
terre est mon marchepied »,
l'Éternel ajoute : « À
qui regarderai-je ? À celui qui est
humble et qui a l'esprit contrit, et qui tremble
à ma parole. »
Cela
se
conçoit, après tout. Nous avons vu
que la distance qui nous sépare de Dieu est
faite surtout de nos péchés. Or, pour
guérir une maladie, il faut avant tout la
connaître ; pour être
délivrés de nos péchés,
il faut donc commencer par les discerner et les
confesser.
L'apôtre
Jacques, qui a plus d'un trait commun avec
Jean-Baptiste, tance rudement ses lecteurs. Il les
traite d'âmes adultères,
c'est-à-dire infidèles. à
l'Époux divin ; il leur reproche de
trahir Dieu pour le
monde ;
il ne désespère pourtant pas de leur
salut, mais à une condition, c'est qu'ils
s'humilient bien bas, bien
profondément : « Sentez votre
misère, soyez dans le deuil et
pleurez ; que votre rire se change en pleurs
et votre joie en tristesse. »
Nous
avons l'air
d'obéir à ces exhortations, puisque
nous professons chaque dimanche « une
vive douleur d'avoir offensé
Dieu » ; mais cette douleur,
l'avons-nous jamais vraiment
éprouvée, l'éprouvons-nous
à cette heure ? Avons-nous compris ce
que c'est que le péché :
révolte et ingratitude à
l'égard de Dieu, injustice et
malignité à l'égard du
prochain, folie et suicide à l'égard
de nous-mêmes ?
Savons-nous
que
ce mal-là est plus grand que le plus grand
des désastres, que la perte même du
« Titanic » ? Or, encore
une fois, il faut qu'il soit reconnu et
confessé comme tel, pour être
pardonné et pour être vaincu. C'est
pourquoi le péager qui se frappe la poitrine
et dit : « O Dieu ! sois
apaisé envers moi
pécheur ! » la femme de
mauvaise vie, qui baigne de ses larmes les pieds de
Jésus, sont plus près de Dieu que le
premier des savants et des philosophes, si ce
savant ou ce philosophe ne sait pas prier et ne
s'est jamais repenti.
Je
viens de
nommer la repentance. Celle-ci ne consiste pas
seulement à confesser ses transgressions,
mais aussi et surtout à les
délaisser. C'est pourquoi l'apôtre ne
dit pas seulement : « Sentez votre
misère et pleurez ! » mais
aussi : « Nettoyez vos mains,
purifiez vos coeurs. »
Nettoyez
vos
mains d'abord, c'est-à-dire renoncez
à toute action, à toute pratique que
vous savez mauvaise. Montrez-les moi, ces mains. Ne
les cachez pas dans la pénombre ; ne
dites pas : « Elles ne sont pas
beaucoup plus malpropres que beaucoup
d'autres. » Apportez-les à la
lumière de la sainte loi de Dieu et sous la
clarté directe de son regard. Je ne demande
pas si elles sont tachées de sang, quoique
la question soit moins hors de propos qu'il ne
parait, si l'on considère que,
d'après l'Évangile, le principe du
meurtre est dans toute violence, toute injure,
toute colère et toute haine. Mais je dirai
plutôt : vos mains n'ont-elles
touché à rien d'impur ? Ne
sont-elles jamais l'instrument de quelque mauvais
désir, ou de quelque passion coupable ?
Sont-elles pures de tout gain
déshonnête ? N'y a-t-il dans vos
caisses aucun billet de banque, dans vos
porte-monnaie aucune pièce d'or ou d'argent
dont l'origine vous cause un remords, ou du
moins vous
laisse
un scrupule ? La soif du gain, d'un gain
énorme et rapide, n'est-elle pas pour
quelque chose et même pour beaucoup dans la
perte du « Titanic » et dans
une très grande partie des scandales et des
misères de notre époque ?
Nettoyez vos mains. Comment un injuste, un impur ou
un avare pourrait-il avoir communion avec
Dieu ?
L'apôtre
aurait pu ajouter : « Purifiez vos
lèvres », lui qui insiste plus
qu'aucun autre écrivain sacré sur les
méfaits de la langue. « Malheur
à moi ! » s'écrie le
prophète Esaïe, « car je suis
un homme souillé de lèvres, et
j'habite au milieu d'un peuple souillé de
lèvres ! » C'est seulement
quand le charbon de feu, symbole de l'Esprit
purificateur, a touché sa bouche, qu'il
devient capable d'être un prophète de
l'Éternel. Bannissons donc et fuyons toute
parole malséante, malveillante ou
mensongère, si nous voulons avoir communion
avec Dieu.
Comme
l'a dit un
poète chrétien « Il faut
rendre la source sainte pour rendre les flots
innocents » ; en d'autres termes, le
vrai et seul moyen de corriger à fond les
paroles et les actions, c'est de nettoyer le coeur
dont elles procèdent.
C'est
pourquoi
l'apôtre ajoute : « Vous qui
avez le coeur partagé,
purifiez vos coeurs ! » Entre quels
objets ces coeurs sont-ils partagés ?
Le contexte le dit clairement : entre Dieu et
le monde. Entre ces deux amours il y a
incompatibilité, contradiction même.
« L'amour du monde est inimitié
contre Dieu », dit Saint Jacques. Saint
Jean dit en d'autres mots la même chose. Et
l'on serait tenté de dire à
l'inverse : « L'amour de Dieu est
inimitié contre le monde. »
Jésus n'a-t-il pas dit : Si quelqu'un
en venant à moi ne hait pas les objets de
ses affections. naturelles et même sa propre
vie, il ne peut être mon disciple. Certes, on
a raison de protester contre une
interprétation littérale de ce
précepte si paradoxal. Jésus, qui
nous commande d'aimer nos ennemis, n'a pas pu nous
faire un devoir de haïr nos parents. Sous
cette forme énergique, il a proclamé
le droit souverain de Dieu sur le coeur de l'homme.
« Au commencement Dieu ».
Le
premier
commandement est : « Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toutes
tes forces. » Dieu ne consent pas
à partager votre coeur avec l'argent, ou le
plaisir, ou la vanité, ou toute autre idole.
« Vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon. » Quant aux hommes, il faut les
aimer, sans doute mais les aimer
en Dieu et selon Dieu ; une affection
où Dieu n'entre pas, où la
prière et l'action de grâce n'ont
aucune place, où la pensée de Dieu et
le sentiment de sa présence seraient
plutôt une gêne, doit être
détestée et crucifiée en tant
qu'affection charnelle, pour renaître sous la
forme d'un amour chrétien.
Venez
donc, mes
frères, et apportez vos coeurs, comme
tout-à-l'heure vos mains, sous le rayon
direct de la sainteté divine. Si vous dites
sincèrement et de tout votre coeur :
« Plus près de toi, mon
Dieu ! » si l'aspiration
fondamentale de votre âme est de vous unir
à lui, tout ce qui vous rapproche de lui
doit être accepté et béni,
fût-ce la douleur la plus amère ;
tout ce qui vous sépare de lui doit
être répudié et
retranché, fût-ce la passion la plus
forte et en apparence la plus légitime.
Celui qui, comme Saint Paul, considère
toutes les autres choses comme des balayures afin
de gagner Christ ; celui qui, comme le veut
Saint Jean, se purifie lui-même comme son
Sauveur, est pur, voilà celui qui est
près de Dieu.
Mais
je vous
entends : « Vous demandez
l'impossible. Qu'il dépende de nous
jusqu'à un certain point de nettoyer nos
mains et nos lèvres, nous l'admettons encore,
mais
purifier nos coeurs ! N'est-ce pas un miracle
que Dieu seul peut opérer ? »
Oui, sans doute, mais celui qui ferait cette
objection n'aurait pas lu notre texte jusqu'au
bout : « Approchez-vous de Dieu et
il s'approchera de vous. »
Dieu
donc
n'attend pas de nous que nous franchissions toute
la distance qui nous sépare de lui. Il ne
fuit pas devant nous comme l'horizon, devant les
pas du voyageur. Il n'est pas non plus immobile
comme ce pôle qui semblait inaccessible et
que d'intrépides navigateurs viennent
pourtant d'explorer et de toucher. Comme je le
rappelais ; tout-à-l'heure, Dieu s'est
le premier approché de nous dans la personne
de son Fils ; il vient encore au devant de
nous, il nous sollicite et nous attire par son
Esprit ; n'avez-vous pas entendu sa voix ce
matin même ? Et quand nous essayons de
revenir à lui, tremblants et
hésitants comme le fils prodigue, il court
à nous, comme le père, pressé
de nous recevoir et de nous serrer dans ses bras.
Ce n'est pas tout : il veut qu'étant
sauvés, nous devenions sauveurs, comme ces
généreux matelots du
« Carpathia » qui ont
cherché et accueilli avec tant
d'empressement les réchappés du
« Titanic ». Par là,
nous nous rapprocherons de Dieu et nous lui
ressemblerons autant
que
cela est possible à l'homme sur la
terre.
Mes
frères, si tous ceux, ou du moins un grand
nombre de ceux, qui ont lu le récit de la
catastrophe, s'appropriaient ce chant, cette
prière, ce cri suprême et
désormais célèbre :
« Plus près de toi, mon
Dieu ! » s'ils en faisaient
aujourd'hui la devise de leur vie, afin qu'elle
soit demain la consolation de leur mort, on oserait
presque dire qu'un si grand bienfait n'aurait pas
été trop payé.
Amen.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |