La veille de sa mort, dans son dernier entretien
avec ses disciples, Jésus, les voyant
abattus et consternés par la perspective de
son prochain départ, à laquelle ils
ne peuvent plus se dérober, s'efforce de les
relever et de les fortifier en leur promettant la
venue prochaine d'un autre lui-même, dont la
présence et l'assistance seront plus
bienfaisantes encore (ô miracle !) que
ne l'ont été celles mêmes de
Jésus. Vous le savez, il s'agit du
Saint-Esprit, appelé dans le passage auquel
appartient notre texte : Esprit de
vérité. Cependant, les disciples ne
se détacheront pas de Jésus ; au
contraire, ils l'aimeront et le
serviront mieux que jamais. Ils auront donc,
désormais, deux Maîtres, l'un
extérieur et historique,
Jésus-Christ, l'autre intérieur et
invisible, le Saint-Esprit. Quel est le rapport de
ces deux Maîtres et de ces deux
enseignements ? Comment ces deux services se
concilient-ils, ou plutôt se
confondent-ils ? car telle est visiblement la
pensée de Jésus.
La question est importante et
plus
difficile qu'il ne paraît au premier
abord ; elle a été
résolue et l'est encore aujourd'hui de
diverses manières. Jésus-Christ en
donne la vraie solution dans notre texte :
« L'Esprit de vérité me
glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est
à moi et qu'il vous l'annoncera. »
Notre Seigneur me parait répondre ici en
même temps à une question fort
analogue et fort actuelle, à savoir
l'éternelle antithèse de l'ancien et
du nouveau. Nous voulons tous être
chrétiens ; mais quel christianisme
nous faut-il, un ancien ou un nouveau ? Si
c'est un christianisme ancien, comment
correspondra-t-il à nos circonstances et
à nos besoins modernes ? Si c'est un
christianisme nouveau, comment justifiera-t-il sa
qualité de chrétien ? Je pense,
mes frères, que le vrai christianisme est
toujours à la fois ancien et nouveau :
ancien, parce que c'est le christianisme de
Jésus-Christ ; nouveau, parce que c'est
celui du Saint-Esprit. Mais il faut expliquer et
appuyer cette assertion par une étude
attentive de notre texte.
« Il n'y a rien de pire, dit un
proverbe, que l'abus de ce qu'il y a de
meilleur. » En faisant à son
Église de tous les temps cette magnifique
promesse du Saint-Esprit, Jésus
prévoit qu'on en tirera de fausses
conséquences, qu'on attribuera au
Saint-Esprit des idées, des doctrines, des
tendances auxquelles il est complètement
étranger. Pour prémunir ses disciples
contre ces périls et ces séductions,
il prononce cette parole étonnante :
« L'Esprit de vérité ne
parlera pas de lui-même. » Il en
aurait le droit et le pouvoir, puisqu'il est
l'Esprit de Dieu ; il s'en abstiendra, parce
qu'il est l'Esprit de Christ. Il n'y aura de sa
part nulle innovation absolue, nulle parole
prétendue divine sans rapport et sans lien
avec la Parole éternelle qui a habité
en Jésus-Christ et qui s'est exprimée
par sa bouche. Tout ce qu'il dira, tout ce qu'il
donnera, sera puisé, non seulement dans la
plénitude du Père, mais dans ;
la plénitude du Fils. Il en résulte
que la conformité avec l'enseignement de
Jésus-Christ est la pierre de touche de tout
enseignement authentique du Saint-Esprit :
« L'Esprit prendra « de ce qui
est à moi », et il vous
l'annoncera. ?
Mais à quoi se
reconnaîtra cette
conformité ?
Comment s'exercera ce
contrôle ? Y aura-t-il en tout temps,
comme le veut l'Eglise romaine, un magistère
de la vérité, un vicaire de
Jésus-Christ qui discernera et prononcera
souverainement entre les vraies et les fausses
inspirations ? Certes, si Jésus avait
pensé cela, c'était le moment de le
dire. Or, il n'a rien dit de semblable, ni ici, ni
ailleurs ; il a même dit
expressément le contraire, puisqu'il a
interdit à ses disciples d'avoir un autre
maître que lui. Mais à ses
apôtres, en tant que témoins
fidèles de sa vie et de s'on oeuvre, il a
dit : « Qui vous écoute,
m'écoute ; qui vous rejette, me
rejette. » Quand donc, pour savoir quelle
est la pensée de Jésus-Christ, je
consulte, non le pape, mais les apôtres, je
ne fais qu'obéir à
Jésus-Christ lui-même. Outre
l'infaillibilité du pape, à laquelle
je viens de faire allusion, il y a d'autres dogmes
que Rome a apportés et inventés, tels
que l'immaculée
conception de la vierge et la vertu magique des
sacrements. Il y a aussi des préceptes
nouveaux, tels que l'abstinence des viandes
à certains jours, et le célibat des
prêtres. Ces innovations, que Rome
prétend imposer à l'univers, de qui
les a-t-elle apprises ? Est-ce de
Jésus-Christ ? - Non, puisqu'il n'y en
a pas un traître mot dans les
Évangiles, ni dans les Épîtres,
qui ne font allusion à quelques-unes de ces
idées et de ces tendances que pour les
combattre. J'en conclus que l'esprit qui inspira
les doctrines et les prescriptions ajoutées
à l'Évangile par l'Eglise romaine
n'est pas le Saint-Esprit que Jésus a promis
à ses apôtres, car ce n'est pas
l'Esprit qui « prend de ce qui est
à Christ pour l'annoncer aux
hommes. »
Mais il y a aussi des
innovations
protestantes, ou en tout cas non-catholiques, qui
doivent être écartées
d'après la même règle. Le
spiritisme a parmi nous des adhérents et des
complaisants. Qu'y a-t-il de commun pourtant entre
ces superstitions d'origine païenne,
formellement condamnées par la loi et les
prophètes
(Deutér.
XVIII, 11 ; Es.
VIII, 19-20), souvent
entachées et convaincues de supercherie, et
la glorieuse révélation de Dieu
en Jésus-Christ ? Entre les esprits et
le Saint-Esprit, il faut choisir.
Le mormonisme a essayé de
dresser ici sa tente. La polygamie, que cette
communauté a ouvertement professée,
et qu'elle pratiquerait encore si la loi civile ne
s'y opposait, est-elle compatible avec la foi en
Celui qui a proclamé avec tant de
netteté et de rigueur la sainteté et
l'inviolabilité du mariage ?
Nous avons vu de nos jours
naître, grandir et mourir d'étranges
sectes, occupées surtout d'exalter leurs
fondateurs, dont l'un prétendait être
le roi Salomon et l'autre le prophète
Elie ; n'est-ce pas assez, pour juger de
telles fantaisies, de constater qu'elles n'ont
aucun fondement dans les Écritures ? Et
n'y a-t-il pas lieu de déplorer cette
aveugle soif de nouveautés qui
entraîne tant d'âmes pieuses loin de la
simplicité de
l'Évangile ?
N'oublions pas toutefois qu'il
est
possible de s'en écarter, non seulement par
voie d'addition, mais aussi par voie de
retranchement. « L'Esprit de
vérité me glorifiera », dit
Jésus dans notre texte. S'il y a une
direction de la pensée et de l'enseignement
religieux qui semble avoir pris à
tâche, moins de glorifier Jésus-Christ
que de le diminuer, contestant
ou obscurcissant tantôt la divinité de
sa personne, tantôt la vertu de son
sacrifice, tantôt l'autorité de sa
parole, tantôt la vérité de sa
résurrection, il n'est pas possible qu'elle
procède du Saint-Esprit.
C'est d'un tout autre
côté que nous discernons la trace et
l'action de l'Esprit divin. C'est aux apôtres
avant tout que s'adressait la promesse de mon
texte, et c'est en eux et pour eux qu'elle s'est le
plus admirablement réalisée. Leur
témoignage au sujet de la personne et de
l'oeuvre de Jésus-Christ, n'est pas un
simple écho des paroles du Maître,
mais il est avec celles-ci dans un accord profond
qui me frappe tous les jours davantage, depuis
soixante ans et plus que j'étudie le Nouveau
Testament. Vous savez s'ils ont glorifié
Jésus-Christ, on le leur reproche
assez ! Qui leur a appris à le faire,
si ce n'est le Saint-Esprit ? Je ne suis pas
prêt à endosser pour mon propre
compte, encore moins a imposer à qui que ce
soit, les définitions théologiques,
parfois si subtiles, arrêtées par les
conciles des quatrième et cinquième
siècles. Mais je ne puis
méconnaître qu'à la base de
tout ce travail de la pensée religieuse, il
y avait un besoin de glorifier Jésus-Christ,
qui venait certainement du Saint-Esprit.
Depuis lors, il y a eu,
hélas ! il y a encore dans la vie de
l'Eglise de longues périodes de
sécheresse, de langueur, de sommeil. Mais
toutes les fois que le Saint-Esprit la visite, la
réveille et la vivifie, comme aux jours de
la Réformation, ou à ceux de Wesley,
en Angleterre, ou de nos jours encore, dans mainte
contrée de l'Europe et dans tel champ de
mission parmi les païens ; toutes les
fois, dis-je, que le Saint-Esprit agit avec
puissance, il remet en lumière les
vérités qui constituent le fond
commun de l'enseignement de Jésus-Christ et
de celui des apôtres : la relation
filiale de l'homme avec Dieu, le
péché, le jugement, le pardon, la
rédemption par Jésus-Christ, la vie
éternelle. Il arme ces vieilles
vérités d'une puissance nouvelle, et
c'est par leur moyen qu'il convertit les âmes
par milliers. 0 vous donc qui avec moi soupirez
après un Réveil, ne l'attendez pas
d'une autre source ni par une autre voie que
celle-ci : le Saint-Esprit glorifiant
Jésus-Christ ; le Saint-Esprit prenant
de ce qui est à lui et nous
l'annonçant ; le Saint-Esprit nous
rappelant le vieil Évangile et l'appliquant
à nos coeurs et à nos consciences
avec la clarté et la vigueur des temps
apostoliques.
Ainsi, tout enseignement qui nous est
donné comme procédant du
Saint-Esprit, s'il n'est pas d'accord avec
l'enseignement de Jésus-Christ tel qu'il est
écrit dans l'Évangile, est
dépourvu de vérité. Mais,
d'autre part (seconde vérité, seconde
application de mon texte, qui complète la
première), l'enseignement même de
Jésus-Christ, sans le concours et
l'intervention du Saint-Esprit, est dépourvu
d'efficacité. Oui, si divines que soient la
personne, la parole et l'oeuvre du
Rédempteur, elles ne persuadent pas, elles
ne sauvent pas, si elles ne sont pas
interprétées et communiquées
aux hommes par un témoignage divin comme
elles, celui de l'esprit de vérité et
de vie. « C'est lui qui prendra de ce qui
est à moi et qui vous
l'annoncera. » L'action du Saint-Esprit
est donc indispensable.
Cette action s'exerce, tant sur
le
prédicateur de l'Évangile que sur ses
auditeurs. À quel point le don du
Saint-Esprit est nécessaire aux
témoins de Jésus-Christ, c'est ce
qu'on peut inférer de ce fait si remarquable, que
Jésus, en quittant la terre, ordonna
à ses disciples de ne pas s'éloigner
de Jérusalem, mais d'y attendre, dans une
inaction relative, ou plutôt en se livrant
à la seule et féconde activité
de la prière, qu'ils fussent
« revêtus de la vertu
d'en-haut. » Ces hommes, depuis la
résurrection de Jésus-Christ,
étaient établis pour toujours dans la
foi ; leur coeur était plein du
souvenir de leur Maître ;
vraisemblablement, ils brûlaient de
l'annoncer au monde et de le glorifier devant les
hommes ; n'importe ! ils doivent garder
le silence jusqu'à ce qu'ils aient
reçu le Saint-Esprit.
L'événement justifia cette
suprême recommandation du Maître.
Avant la Pentecôte, les
apôtres avaient déjà rendu
témoignage à Jésus, mais il
n'est pas question d'une seule conversion produite
par leur parole ; le jour de la
Pentecôte, il y en eut trois mille !
L'explication de cette différence, c'est
d'un côté l'absence, de l'autre
côté la présence du
Saint-Esprit. Certainement, ce don divin n'est pas
moins nécessaire aux prédicateurs
actuels de l'Évangile qu'il ne
l'était aux apôtres. Les connaissances
et les talents qu'ils peuvent posséder, leur
culture intellectuelle, littéraire et
religieuse, leur bonne volonté, leurs
efforts, leur orthodoxie, tout cela est
insuffisant, tout
cela
est vain, s'ils n'ont pas le Saint-Esprit.
Hélas ! faut-il chercher ailleurs la
cause de la stérilité relative de
notre ministère, de l'énorme
disproportion qui existe entre le travail religieux
accompli chaque dimanche et les résultats
obtenus ? 0 Dieu, aie pitié de nous,
tes pauvres et indignes serviteurs ! Et vous,
mes frères, je vous en conjure, dans votre
intérêt aussi bien que dans le
nôtre, pour l'honneur de l'Évangile et
pour l'avancement du règne de Dieu, priez
notre Père céleste avec beaucoup plus
de diligence, d'ardeur et de foi que vous ne l'avez
fait jusqu'à ce jour, pour qu'il daigne
baptiser vos pasteurs de son
Saint-Esprit !
Mais demandez aussi le
Saint-Esprit
pour vous-mêmes, car il vous est
nécessaire, et il vous est promis tout
autant qu'aux apôtres et aux
prédicateurs de l'Évangile,
même s'il ne vous confère pas
exactement les mêmes dons. Il est digne de
remarque que, dans notre texte, Jésus
s'adresse à ses disciples moins comme futurs
prédicateurs que comme auditeurs ; car
il ne leur dit pas : « Le
Saint-Esprit annoncera « par
vous » la
vérité », mais :
« Il « vous »
l'annoncera. » Ainsi, ces hommes, qui
avaient vécu trois ans dans
l'intimité du Sauveur et
qui savaient par coeur ses paroles, avaient encore
besoin que tout cela leur fût rappelé,
interprété, approprié,
enseigné à nouveau par le
Saint-Esprit. À plus forte raison cet
enseignement intérieur nous est-il
indispensable, à nous qui ne connaissons
Jésus-Christ que par leur témoignage.
Aucune des vérités
fondamentales de l'Évangile ne prend
vraiment possession de nos âmes,
jusqu'à ce que le Saint-Esprit nous l'ait
personnellement appliquée et l'ait fait
entrer en nous. S'agit-il de
péché ? Tant que nous ne
connaissons notre état de
péché que par la lettre de la loi et
même par celle de l'Évangile, nous
nous reconnaissons, tant qu'on voudra, de pauvres
pécheurs, mais nous en prenons assez
facilement notre parti ; lorsque le
Saint-Esprit nous convainc de péché,
il nous jette tremblants, brisés, avides de
grâce, au pied de la croix. - S'agit-il de la
grâce de Jésus-Christ et du pardon
qu'il nous apporte ? Nous pouvons admettre
depuis longtemps que le Fils de l'Homme est venu
chercher et sauver ce qui était perdu, tout
en restant personnellement étrangers au
salut ; le Saint-Esprit seul glorifie
Jésus-Christ dans nos coeurs et nous
approprie son amour et sa grâce, en sorte qu'
« étant justifiés par la
foi, nous avons la paix avec
Dieu. » Il en est de même des
autres vérités chrétiennes,
par exemple des préceptes et des promesses
de l'Évangile.
Tout cela, sans le Saint-Esprit,
c'est comme un beau tableau que nous contemplons
d'assez loin, non sans un mélancolique
retour sur nous-mêmes. Par le Saint-Esprit,
tout cela devient une réalité qui
nous empoigne, une puissance qui nous affranchit,
un idéal qui nous élève
au-dessus de nous-mêmes. Le Saint-Esprit, et
le Saint-Esprit seul, fait de la croyance
traditionnelle une vivante certitude, de
l'espérance vague une possession
anticipée, du devoir un attrait, du
renoncement une joie ; par lui, Dieu devient
pour nous un Père dont l'amour nous
environne et nous pénètre,
Jésus-Christ un Sauveur toujours
présent et qui sauve toujours. 0
Père ! tu as promis ton Esprit à
ceux qui t'implorent ; tu vois que sans lui
tous tes autres dons, même celui de ton Fils,
seraient vains, qu'ils aggraveraient même
notre responsabilité et notre
jugement : donne-nous ton Saint-Esprit !
Toutefois, le Saint-Esprit ne se contente pas de
rappeler et de vivifier des vérités
anciennes ; il découvre aussi des
vérités nouvelles, étroitement
liées et apparentées aux anciennes,
mais nouvelles en ce sens qu'elles n'étaient
pas encore aperçues. C'est ce qui m'a permis
de vous dire, au début de ce discours, que
le vrai christianisme est à la fois ancien
et nouveau. « J'ai encore plusieurs
choses à vous dire, » dit
Jésus à ses disciples,
« mais elles sont présentement
au-dessus de votre portée ; quand
l'Esprit sera venu, il vous conduira dans la
vérité tout
entière. » Ces nouveautés,
que le Saint-Esprit devait révéler ou
plutôt découvrir aux apôtres, ce
sont sans doute en première ligne la
vocation des païens au salut et l'abrogation
de la loi de Moïse :
vérités qui nous paraissent
aujourd'hui clairement contenues dans
l'enseignement du Sauveur, mais, que les
apôtres, en raison de leur éducation
juive, n'ont pu comprendre et accepter qu'à
la longue, sous la direction et la discipline du
Saint-Esprit. Ainsi chaque époque a sa
leçon à apprendre et ses découvertes à
faire. Si le christianisme est la religion de
l'humanité, il faut qu'à mesure que
celle-ci s'instruit et progresse, il reçoive
des applications plus étendues, il tire de
son sein (et non pas d'ailleurs) des
réponses nouvelles aux nouvelles questions
qui surgissent.
Faut-il indiquer quelques-unes
de
ces nouveautés relatives et légitimes
de notre époque, qui me paraissent
procéder du Saint-Esprit et qui se
justifient par leur harmonie avec l'Évangile
ancien et écrit ?
On insiste aujourd'hui avec
raison
pour que les doctrines ou les croyances ne soient
pas seulement appuyées par une
autorité extérieure, mais brillent de
leur propre lumière et surtout se
recommandent par leur vertu et leur
efficacité morale. On a appelé cela
le pragmatisme : système vrai, s'il est
bien compris, excellente pierre de touche,
enseignement du Saint-Esprit par conséquent,
mais qui n'est qu'un écho de la maxime de
Jésus : « Vous
connaîtrez l'arbre à ses
fruits. »
On veut un christianisme large,
compréhensif, qui ne soit pas
inféodé à une secte
particulière ni a un credo
étroit ; qui soit ouvert à tous
les hommes de bonne volonté ayant
franchement accepté Jésus pour leur Maître. C'est
bien le Saint-Esprit, je crois, qui nous pousse
dans cette voie ; mais il ne fait que tendre
à la réalisation du voeu et de la
prière suprêmes de
Jésus-Christ : « Qu'ils
soient un, comme nous sommes
un. »
Nouvelle extension de la même
tendance : on est plus que jamais
préoccupé, passionné de
solidarité humaine ; on ne peut se
faire à l'idée que la majorité
de notre race resterait à jamais exclue du
royaume de Dieu ; on aspire au salut de
l'humanité ; n'est-ce pas l'Esprit de
Jésus-Christ qui nous inspire ces
généreuses ambitions ?
Jésus n'a-t-il pas solennellement
déclaré que Dieu n'a pas
envoyé son Fils pour juger le monde, mais
pour le sauver ?
Surtout, (c'est la grande
nouveauté contemporaine) on parle beaucoup
de christianisme social ; on ne consent pas
à ce que tout l'effet de la
rédemption et tout l'accomplissement des
promesses divines soit renvoyé à une
économie future. On demande que, comme aux
jours où Jésus était sur la
terre, les corps aussi bien que les âmes
bénéficient de son salut ; que
chacun ait désormais le droit et la
possibilité de vivre d'une vie
complètement humaine et par
conséquent d'une vie chrétienne; que l'aurore
d'un jour nouveau et
meilleur se lève pour les déshérités et pour les souffrants; en un mot
que le royaume de Dieu commence ici-bas. Qui a dicté ce programme, qui
insiste sur ces revendications, si ce n'est l'Esprit de Celui qui
annonçait la bonne nouvelle aux pauvres, qui nous a appris que la
vraie
grandeur consiste à servir; qui nous a commandé de prier avant tout
pour que le règne de Dieu vienne et pour que sa volonté soit faite sur
la terre? Livrons donc nos âmes à ces souffles de l'Esprit; recevons,
non seulement avec docilité, mais avec enthousiasme, ce qu'il nous
annonce et nous apporte de nouveau de la part du Fils.
Tous les trésors de la sagesse étant caché en Jésus-Christ, l'Esprit de vérité pourra y puiser jusqu'à la fin des temps sans les épuiser. L'Eglise fidèle est semblable à un arbre planté dans le sol et qui y plonge toujours plus avant ses racines; la sève qu'il en reçoit lui permet de s'élever vers le ciel, d'étendre au loin ses rameaux, de se couvrir de fruits en leur saison. Le sol qui porte l'arbre, c'est la révélation de Dieu en Jésus-Christ; son accroissement en hauteur et en largeur, c'est l'avancement du règne de Dieu; ces fruits, ce sont les oeuvres chrétiennes, individuelles et collectives; ce sont les progrès intellectuels, moraux et sociaux ; la sève qui monte du sol et qui circule dans les branches, c'est le Saint-Esprit.
Amen.
Nîmes, Grand-Temple, 19 mai 1912.
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