Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ABAISSEMENT ET ÉLÉVATION DE JÉSUS-CHRIST.

-------

Il est dit : « Étant monté en haut, il a emmené en captivité une multitude de captifs et il a comblé l'homme de ses dons ». Or, que signifie cela : « Il est monté », si ce n'est qu'il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre ? Celui qui est descendu est le même qui est monté au dessus de tous les cieux, afin qu'il remplît toutes choses. (Éphésiens IV, 8-10.)

Il est hors de doute que ce passage de Saint Paul se rapporte à l'ascension du Seigneur. L'apôtre y parle des circonstances qui ont précédé ce glorieux fait, de celles qui l'ont accompagné, de celles qui l'ont suivi, et des bénédictions dont il est la source pour l'Eglise de Dieu. Mais tout lecteur attentif des Épîtres sait combien Saint Paul, aussi bien que les autres apôtres et que Jésus lui-même, aime à rattacher sa pensée à un texte de l'Ancien Testament. Celui qu'il cite ici est emprunté au Psaume soixante-huitième, l'un des plus grandioses et des plus poétiques, mais aussi des plus obscurs de tout le recueil. Aussi n'ai-je pas la pensée d'en aborder l'interprétation, qui m'éloignerait de mon sujet. Je remarquerai seulement que, d'un aveu commun, l'idée centrale du Psaume, c'est Dieu prenant possession de son sanctuaire ; il a dû être composé à l'occasion de quelque dédicace ou restauration de tabernacle ou de temple.

Par un symbolisme qui n'a rien d'arbitraire, l'apôtre applique ce passage à Jésus-Christ entrant dans le sanctuaire céleste, en d'autres termes à l'ascension du Sauveur. Il insiste sur les mots « Il est monté », et fait le raisonnement suivant : Un être divin, habitant le ciel, tel que le Christ, n'a pu monter qu'à la condition d'être descendu auparavant. Il est donc descendu, puis remonté. Descendu jusqu'où ? Jusqu'aux régions inférieures de la terre (nous reviendrons sur cette expression). Monté jusqu'où ? Au-dessous de tous les cieux. Par là, il remplit toutes choses de sa présence. Ce sera, m'a-t-il semblé, nous livrer à une méditation très conforme à la solennité de ce jour, que de considérer Jésus-Christ, d'abord dans sa descente ou dans son abaissement, puis dans son ascension ou dans son élévation, et de nous demander enfin comment nous pouvons nous associer à l'une et à l'autre, et quels fruits nous en devons recueillir.


I


Jésus-Christ est d'abord descendu, car dans la relation, ou pour être plus précis, dans la réconciliation de l'homme avec Dieu, c'est à Dieu qu'appartient l'initiative ; c'est Dieu qui fait les premiers pas. Toutes ses révélations à Abraham, à Jacob, à Moïse, aux prophètes, sont déjà une façon de descendre vers l'homme ; car, d'une part, il s'accommode à sa faiblesse, il s'humanise déjà pour être entendu et compris de lui ; d'autre part, il supporte avec patience, avec condescendance, les ingratitudes, les infidélités, la dureté de coeur, de ceux qu'il est venu sauver, le feu dévorant de sa sainteté habite dans ce chétif buisson qu'est le peuple d'Israël, sans le consumer. Mais voici le moment où il va descendre tout au bas de l'échelle, pour s'appeler Emmanuel, Dieu avec nous. Ce n'est pas, en effet, l'homme qui se fait Dieu, c'est Dieu qui se fait homme. Plusieurs de nos auteurs sacrés nous parlent d'un principe divin préexistant : sagesse, parole, image vivante, autre lui-même de Dieu qui s'est fait chair, disent-ils, en Jésus-Christ, c'est-à-dire qui s'est assujetti à nos conditions d'existence, qui est entré dans toutes les limitations et dans toutes les infirmités innocentes de la nature humaine.
Mystère insondable, à coup sûr, mais mystère qu'il n'est peut-être pas possible d'écarter de la doctrine chrétienne sans la diminuer.

Ainsi, cet être divin qui, une fois devenu homme, s'est appelé Jésus-Christ, aurait échangé le ciel pour la terre, la société des anges pour celle des pécheurs, l'être pour le devenir, la félicité pour la souffrance, la perfection pour la sainteté qui s'acquiert dans la prière, dans la tentation et dans la lutte. Il a été d'abord un petit enfant qui vagissait, inconscient de lui-même, dans une crèche, puis un homme, vraiment homme, homme tout entier, dépouillé de tout ce qui n'était pas humain, semblable à nous en toutes choses, à la seule exception du péché.

Qui mesurera la distance parcourue, la profondeur de cet abaissement ? Aucune langue humaine ne nous offre de mot capable de l'exprimer. N'es-tu pas assez descendu, ô Fils de Dieu ? - Non ! ce n'est qu'un commencement, ce n'est qu'un premier pas, il te faut descendre plus bas encore.

Quelles que soient les misères inhérentes à la vie humaine comme telle, il y a de grandes inégalités entre les hommes, entre leurs conditions, entre leurs destinées. Certes, il aurait été facile au Fils de Dieu d'occuper le premier rang ici-bas, qui, pour lui, était peu de chose. Il aurait pu réclamer et s'assurer les hommages des hommes au milieu desquels il s'élevait comme le cèdre au-dessus de l'hysope ; étant exempt de péché, il aurait pu prétendre à la même immunité à l'égard de la souffrance et de la mort. Il aurait pu commander aux puissances ennemies de l'homme de s'arrêter et de reculer devant lui et les réduire à l'état du tigre, qui lèche les pieds de son dompteur, Il a fait juste le contraire. Il a repoussé avec mépris la puissance et la gloire qui lui étaient offertes par Satan. « Il a pris la forme d'un esclave. » Il a été l'homme de douleur, le Fils de l'homme qui n'avait pas un lieu où reposer sa tête, l'indigent qui vivait des aumônes de quelques femmes pieuses ; le prophète méconnu, traité de Samaritain et de démoniaque par ses adversaires, bientôt repoussé par le peuple et abandonné enfin par ses disciples. N'es-tu pas assez abaissé, Seigneur ? - Non ! ce n'est qu'un commencement ; il te faut descendre plus bas encore.

Tout ce qui a précédé, en effet, n'était qu'un essai et qu'un apprentissage, à côté de la Passion du Sauveur. Maintenant nous le voyons, lui qui est l'image et la gloire du Père, vraiment abaissé, prosterné et couché sur le sol, comme le dernier des suppliants, demandant, avec des larmes et des sanglots, que, s'il est possible, la coupe amère s'éloigne, et ne l'obtenant pas ; trahi, poursuivi, traqué, arrêté, lié comme un malfaiteur, traîné de tribunal en tribunal, chargé de crimes imaginaires, condamné à mort pour blasphème et pour sédition ; bafoué, souffleté, maltraité, torturé par la canaille civile et militaire et aussi par de graves magistrats qui se mettent de la partie ; cloué enfin à la croix, agonisant et expirant lentement parmi les malédictions de la terre et, semble-t-il, sous les anathèmes du ciel, car on l'entend s'écrier : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ? » Cette fois, c'est à coup sûr le dernier degré de l'abaissement ? - Pas encore.

Notre texte nous montre le Christ descendant jusqu'aux régions inférieures de la terre. Que signifie cette expression ? On l'a entendue ainsi : « jusqu'à la terre, région inférieure par rapport au ciel. » Cette traduction est soutenable, mais je ne crois pas que ce soit la vraie. Comme l'auteur va distinguer divers degrés de hauteur dans les cieux, ainsi il me paraît qu'il distingue ici divers degrés de profondeur, diverses régions plus basses les unes que les autres, dans la terre. La plus basse de toutes, d'après une notion courante dans tout l'Ancien Testament, c'est le séjour des morts. C'est là que, d'après un passage célèbre et mystérieux de l'Épître de Pierre, qu'il m'est arrivé d'expliquer dans cette chaire, Jésus, après sa mort, est allé porter l'Évangile aux plus grands de tous les criminels, à ceux qui avaient été rebelles au temps du Déluge. Enfin nous touchons au fond ; il n'y a pas plus bas. C'est jusque-là que le Fils de Dieu est descendu. Pour donner une idée de la bonté de Dieu, le Psalmiste disait : « Autant le Ciel est élevé au-dessus de la terre, autant ta bonté est grande pour ceux qui te craignent. » L'Évangile nous permet de faire un pas de plus, et de dire que cette bonté est aussi haute que le ciel est élevé au-dessus des enfers. Des hauteurs inaccessibles du séjour des bienheureux jusqu'aux profondeurs insondables de l'abîme où gémissent les âmes coupables, voilà la distance que le Fils de Dieu a parcourue pour sauver l'homme. Voilà l'humiliation qu'il a acceptée. Voilà le sacrifice qu'il a offert. Adorons, bénissons, rendons grâces !


II


Si Jésus-Christ a pu descendre ainsi, il ne pouvait pas, il ne devait pas rester en bas. Cela n'était pas possible, parce qu'il est le Saint, parce que Dieu est juste, et qu'en vertu d'une loi inviolable, celui qui s'était ainsi abaissé par amour devait être élevé à proportion de son abaissement. Cela n'était pas possible enfin, parce que le sacrifice de Jésus-Christ était agréé de Dieu pour notre salut. Après avoir suivi jusqu'au fond des enfers notre race tombée, il fallait qu'il montât au ciel pour y attirer et y transporter après lui notre race relevée.

Comme sa descente, son ascension a eu ses degrés. Le premier degré, n'est-ce pas la descente aux enfers elle-même, qui, vue sous un autre aspect, nous a paru être le comble de l'abaissement ? C'est vrai : le Seigneur est descendu jusqu'aux régions les plus basses de la terre, jusque dans les plus sombres profondeurs du monde invisible ; mais il y est venu, non pas en vaincu, mais en vainqueur ; non pas en condamné, mais en libérateur, en prophète et en roi. « Il a prêché aux esprits qui étaient dans la prison », dit Saint-Pierre ; certainement il n'a pas prêché en vain. Et quand Saint-Paul, à son tour, nous le montre, dans notre texte, environné d'une multitude de captifs, il nous est impossible de ne pas penser aux âmes nombreuses qu'il a libérées des chaînes de Satan, qu'il a arrachées à la prison des enfers, qu'il a rangées sous le joug béni de la grâce et qui ont formé son cortège triomphal tandis qu'il entrait dans les cieux. Voilà une première revanche ; elle est digne du Christ.

Le second degré de l'élévation du Sauveur, mieux connu de nous, c'est sa résurrection. « Il était impossible qu'il fût retenu par les liens de la mort », dit encore Saint-Pierre. Il l'a vaincue en la traversant. Il est entré dans une vie supérieure et divine, sur laquelle ni la mort, ni la souffrance, ni le péché (pas même celui des autres) n'ont plus de prise. Quelle douce et sainte majesté que celle du Ressuscité quand il dit à Marie-Madeleine : « Ne me touche pas ! » à ses apôtres : « La paix soit avec vous ! Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie. Voici, je suis tous les jours avec vous » ! À son disciple bien-aimé enfin, dans la vision qui introduit l'Apocalypse : « Je suis le premier, le dernier, le Vivant ; j'ai été mort et voici je vis au siècle des siècles, et je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts » !

Le troisième degré de l'élévation du Christ, c'est l'ascension elle-même. « Il arriva, dit Saint-Luc, pendant qu'il bénissait ses disciples, qu'il se sépara d'eux et fut élevé au ciel. » Cela nous suffit. Nous n'avons pas à poser ici des questions de topographie céleste, à nous demander si le corps du Seigneur a donc voyagé parmi les étoiles, si le ciel des élus et des anges est situé dans l'hémisphère boréal plutôt que dans l'hémisphère austral. Ce que nous voyons dans l'ascension de Jésus, c'est une vision, d'ordre surnaturel, comme sa résurrection, accordée aux disciples, accommodée à leur faiblesse, et destinée à leur faire comprendre, d'une part, que les apparitions du Ressuscité avaient pris fin ; d'autre part qu'il allait dans la gloire, auprès de Dieu. Notre foi se contente de cette affirmation, que l'astronomie moderne est aussi incapable d'infirmer que de confirmer.

Paul ne dit pas seulement que Jésus est allé au ciel, mais qu' « il est monté au-dessus de tous les cieux. » Il y a donc des régions diverses dans le ciel ; Jésus a atteint la plus haute. Paul, lui-même, fut une fois transporté dans une vision jusqu'au troisième ciel ; Jésus est monté plus haut que cela. Tous les anges l'adorent, toutes les puissances célestes lui sont soumises, disent les apôtres. Il a reçu un nom qui est au-dessus de tout autre nom. Il s'est assis à la droite de Dieu, c'est-à-dire qu'il règne avec lui : « Toute puissance, dit Jésus lui-même, m'est donnée dans le ciel et sur la terre. »

Pourquoi règne-t-il ? De quelle façon exerce-t-il cette puissance, si ce n'est pour bénir et pour sauver ? Il ne peut se renier lui-même. « Étant monté en haut, dit notre texte, il a emmené une multitude de captifs ; il a comblé les hommes de ses dons. » Et l'apôtre explique, aussitôt après, que les dons qu'il mentionne, ce sont les grâces du Saint-Esprit départies à l'Eglise, et en particulier à ses conducteurs et serviteurs. En effet, le premier acte du Seigneur glorifié fut d'envoyer à ses disciples le Saint-Esprit qu'il leur avait promis. Comment douter qu'il n'agisse de même dans tous les siècles ? Sachez donc, mes frères, que, pareil à « ces fontaines qu'on élève pour les répandre », (1) Jésus-Christ, notre frère et notre Sauveur, est monté au ciel et a été revêtu de la toute-puissance afin de pouvoir nous accorder en abondance les grâces du Saint-Esprit, précisément celles dont nous avons besoin. À toi, conscience troublée et tourmentée, le pardon de tes péchés ; à toi, esprit chancelant, la lumière ; à toi, coeur aride, l'amour à toi, volonté débile, la force ; à toi, pauvre ministre de l'Évangile, les dons qui te manquent pour remplir efficacement ta sainte et redoutable tâche.

La main du Seigneur est toujours pleine et s'ouvre sans cesse pour répandre sur nous ses trésors. Ce qui nous manque, c'est tantôt la prière pour les implorer, tantôt la foi pour les recevoir, tantôt la fidélité pour les employer ; mais cela même, nous voulons l'attendre de lui. Notre texte nous le présente sous les traits d'un général vainqueur qui distribue à ses soldats le riche butin qu'il a conquis. Or, le butin que Jésus-Christ nous a acquis par son obéissance jusqu'à la mort et par sa douloureuse victoire, c'est le Saint-Esprit, en attendant le ciel. Adorons, bénissons, rendons grâces !


III


En attendant le ciel, ai-je dit. Si nous sommes disciples de Jésus, si nous sommes appelés et disposés à marcher sur ses traces, avant de monter comme lui, il nous faut comme lui descendre. Non pas du ciel, sans doute, puisque nous n'y avons jamais été, mais des hauteurs illusoires de notre orgueil. De notre orgueil social, d'abord. Alors que le Seigneur Jésus, qui seul était grand, a pris la forme d'un esclave, ne serait-ce pas une honte et un mensonge de nous croire supérieurs à d'autres, parce que nous avons un peu plus d'argent, ou même un peu plus d'instruction ? Ce n'est pas un mérite chez nous, car nous n'avons que ce que nous avons reçu ; mais c'est une responsabilité, et une responsabilité écrasante ; de ces privilèges exceptionnels, qu'avons-nous fait pour la gloire de Dieu et pour le service de nos frères ? C'est donc aussi des hauteurs de notre orgueil moral et religieux qu'il nous faut descendre. Nous nous appelons chrétiens ; or le christianisme ne consiste pas en paroles, mais en vertu.

Où est l'extraordinaire chrétien dans notre conduite ? Où est la joie du salut ? Où est l'amour brûlant pour Dieu et le zèle dévorant pour sa cause ? Où est le souci jaloux de la pureté qui s'arrache l'oeil et se coupe la main plutôt que de s'exposer à tomber dans le péché ? Où est la charité qui pardonne toujours, qui rend le bien pour le mal, qui donne sa vie ?

Ah ! descendons, mes frères, descendons plus profondément que nous l'avons fait encore dans nos consciences ; laissons la lumière du Saint-Esprit et l'exemple du Christ nous montrer ce que nous sommes. Il a, lui, le Saint, plié, gémi, crié presque avec désespoir sous le poids de nos péchés, et nous, les coupables, nous les portons allégement ; peut-être ne nous est-il pas encore arrivé de nous approprier vraiment, en nous frappant la poitrine, la supplication du péager : « O Dieu ! sois apaise envers moi qui suis pécheur ! » Je viens de rappeler que Jésus a porté les péchés des hommes. Si nous sommes ses disciples, nous devons le faire aussi à notre façon, dans notre mesure ; ce n'est pas seulement notre misère personnelle, c'est celle de la famille, de l'Eglise et de la société dont nous faisons partie, qui doit peser sur nous.

Dimanche dernier, un jeune serviteur de Dieu nous en traçait un effrayant tableau. Il nous montrait l'athéisme étendant ses ravages en France ; la ruine morale de notre patrie déjà commencée et préparant sa ruine matérielle ; les progrès de l'alcoolisme, de la débauche, de la criminalité, de la criminalité juvénile surtout ; le nombre des décès tendant à dépasser celui des naissances, et combien d'autres faits du même genre ! Suffit-il de dire : « C'est lamentable ! » et d'ajouter à part soi : « 0 Dieu ! je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme ces gens-là » ? Ce serait une dangereuse illusion. Nous sommes, nous, protestants, atteints par le mal plus profondément que nous n'aimons à l'avouer. Et d'ailleurs, l'Eglise chrétienne peut-elle se croire innocente de la décadence et de l'apostasie de la société chrétienne ? Il est plus que probable que beaucoup de nos libres-penseurs et de nos athées ne le seraient pas, si nous leur avions parlé de Jésus-Christ, et surtout si nous le leur avions montré dans nos personnes et dans nos vies.

Aussi bien, si l'on nous a parlé dans nos temples de la faillite de l'athéisme, ailleurs on a pu parler de la faillite du christianisme, et à l'appui de cette thèse on n'a pas manqué de faits à citer : lieux de culte plus ou moins désertés, diminution du nombre des baptêmes, des convois funèbres religieux, des premières communions, courant presque irrésistible qui entraîne du côté de l'indifférence ou de l'incrédulité la jeunesse de nos Églises et de nos familles.

En vérité, il ne s'agit pas de retirer notre épingle du jeu ; ce qu'il nous faut, c'est une repentance qui soit une mort, une descente aux enfers avec Jésus-Christ. Il faut que la grâce de Dieu suscite des hommes qui, comme Jésus, soient purs - au moins relativement - de la corruption régnante, mais qui, comme lui, en portent le fardeau par une compassion sans bornes, et qui, pour délivrer ses esclaves et ses victimes, ne craignent pas de descendre jusqu'aux régions les plus basses de la terre. Ceux-là auront part aux souffrances de Jésus-Christ, mais aussi à sa victoire.

Jésus-Christ a vaincu. Il n'est descendu que pour monter, entraînant après lui une multitude de bienheureux captifs. Sa victoire est la nôtre et ces captifs, c'est nous-mêmes. Chrétiens, nous ne pouvons pas rester dans les bas-fonds du découragement, puisque notre Maître est au ciel. Toutes les humiliantes constatations, toutes les tristes découvertes que nous faisons en nous et autour de nous, ne doivent avoir pour effet que de nous attirer plus fortement vers Jésus-Christ et de nous presser d'attirer à lui nos semblables. Essaierai-je d'indiquer les degrés par lesquels, à sa suite, il nous élève vers Dieu ? Après nous avoir inspiré l'humiliation et la confession des péchés, dont j'ai déjà parlé, il nous accorde le pardon de nos fautes.

Pécheur, le message de grâce que Jésus a porté jusqu'au fond de l'abîme est aussi, et à plus forte raison, pour toi ; il a tout accompli pour ton salut ; après s'être livré pour tes offenses, il est ressuscité pour ta justification, puis monté au ciel pour intercéder pour toi et pour t'envoyer son Esprit. Quand nous recevons cet Esprit, il nous rend participants de la vie du Christ ; il répand dans nos coeurs son amour ; il nous affranchit de l'empire du péché en allumant en nous une passion de justice et de sainteté plus forte que la convoitise ; en un mot, il opère en nous l'oeuvre de la sanctification, qui est comme une ascension morale et qui nous permet de faire chaque jour un pas vers le ciel, comme nous faisons chaque jour un pas vers le tombeau. Il nous rend capables aussi d'être en bénédiction à nos frères et de devenir collaborateurs du Christ pour leur salut. Quand notre tâche sera terminée, alors se réaliseront pour nous, et la promesse du Maître : « Je viendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous soyez aussi », et l'espérance de l'apôtre « Il m'est meilleur de déloger pour être avec Christ. »

Sera-ce le dernier terme, le plus haut degré de l'ascension ? Il ne le semble pas : le salut de l'individu ne peut être complet que par le salut de l'ensemble, par l'établissement définitif du royaume de Dieu. Le jour même de l'ascension du Sauveur, des anges dirent aux apôtres : « Ce Jésus, qui a été élevé d'avec vous dans le ciel, en reviendra de la même manière que vous l'avez vu monter. » Cette espérance, celle du retour de Jésus-Christ, traverse tout le Nouveau-Testament. Quand il viendra dans sa gloire, quand toute résistance sera vaincue ou brisée, quand tout genou fléchira à son nom, alors ce sera la perfection, alors il n'y aura plus de haut ni de bas ; entre les nouveaux cieux et la nouvelle terre, il n'y aura plus de différence ni de distance, car le Christ remplira tout, selon le mot de notre texte, et « Dieu sera tout en tous. »

Adorons, bénissons, espérons ! Mais n'oublions jamais que « quiconque a cette espérance en lui se purifie comme lui aussi est pur. »

Amen.

Nîmes, Grand-Temple, Ascension, 19 mai 1909.


(1) Bossuet. 
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant