Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. (Jean III, 15 ; Nombres XXI, 4-9.)
Comme l'entretien de Jésus avec
Nicodème appartient aux tout premiers temps
de son ministère, la parole que nous allons
méditer est la première, pour autant
que nous le savons, où le Sauveur ait fait
allusion à sa mort, en ait prédit la
nature, en ait expliqué le but. Selon son
habitude, il se sert de comparaisons, mais il sait
toujours les approprier aux circonstances où
il se trouve et à l'état d'esprit de
ceux auxquels il s'adresse. Plus tard, à la
fête des Tabernacles, en présence de
la multitude, ayant peut-être sous les yeux
des bergers qui rentraient des champs avec leurs
troupeaux, il empruntera des images à ce métier,
le plus ancien et
le plus populaire de tous, en Israël, puisque
Abraham, Moïse et David étaient des
bergers : « Le bon berger donne sa
vie pour ses brebis. » - Au lendemain de
la multiplication des pains, il dira :
« Je suis le pain de vie, ma chair est
vraiment une nourriture, mon sang est vraiment un
breuvage. » Et, au moment du dernier
repas qu'il prendra avec ses disciples, il traduira
cette même comparaison par un acte
symbolique, l'institution de la Sainte Cène.
Aujourd'hui, c'est à un
docteur en Israël qu'il parle, nourri des
saintes lettres ; il aura donc recours
à un type emprunté à
l'Écriture, à l'histoire du peuple de
Dieu, celui du Serpent d'airain. De cette
diversité même des figures et des
allégories, ressort avec force
l'unité de la pensée qu'elles
recouvrent : l'importance suprême que
Jésus attache à sa mort, la relation
directe et étroite qu'il établit
entre cette mort et notre salut. C'est le sujet qui
s'impose à nous en ce Vendredi-Saint. Dans
l'intelligence d'une vérité à
la fois si fondamentale et si haute, qui pourra
mieux nous servir de guide que Jésus-Christ
lui-même, Jésus-Christ qui se
présente à nous, dans notre texte,
comme étant tout ensemble le prophète
et l'interprète de sa mort ?
Transportons-nous par la pensée au milieu
des circonstances dont Jésus évoque
le souvenir. Nous sommes à la
quarantième année du voyage des
enfants d'Israël dans le désert. La
génération qui, à l'âge
adulte, était sortie d'Égypte avec
Moïse, achève de disparaître.
Pourtant, c'est toujours le même peuple, je
veux dire le même esprit, la même
disposition au murmure et à la
révolte. Obligés de faire un long
circuit pour contourner le pays d'Edom avant
d'entrer en Palestine, les Hébreux se
plaignent des ennuis et des fatigues de la
route ; ils sont dégoûtés
de la manne, ils reprochent à
l'Éternel jusqu'à ses
bienfaits.
Soudain, un cri
s'élève, non plus de colère,
mais d'effroi. Des serpents ont envahi le camp.
L'historien sacré les appelle
« serpents
brûlants » : allusion probable
à l'inflammation causée par leur
morsure. On essaie de se défendre, c'est
inutile, ils sont trop ! Pour un reptile qu'on
tue, il en surgit dix autres, et cela de toutes
parts. Leur venin est mortel : beaucoup de
blessés ont déjà
succombé ; d'autres
se tordent dans les affres de l'agonie. Si ce
fléau dure, c'en est fait du peuple. Il n'y
a plus qu'un espoir, qu'une ressource : la
miséricorde de Dieu. Israël donc
invoque avec des cris et des larmes ce Dieu contre
lequel il blasphémait
tout-à-l'heure : tel est le coeur de
l'homme. Et Dieu se laisse fléchir ;
Dieu offre à son peuple un moyen de
salut : tel est le coeur de Dieu.
Avant d'aller plus loin, mes
frères, faisons un retour sur
nous-mêmes. Nous aussi, nous appartenons, par
notre naissance et par notre baptême, au
peuple de Dieu. Nous aussi, si l'on regarde aux
desseins de Dieu à notre égard, aux
promesses qu'il nous a faites et à celles
que nous lui avons faites à notre tour, nous
sommes sortis de cette Égypte qui s'appelle
le monde et en route vers la terre promise, je veux
dire vers le royaume de Dieu. Nous aussi, nous
traversons plus d'un désert et, en chemin,
nous avons été mordus par des
serpents. Vous savez que Satan, l'ennemi de nos
âmes, la personnification du mal, est souvent
comparé dans l'Écriture à un
serpent ; il en a la malice, l'approche
insensible, la ruse et le venin. Et comme, au
désert, il y avait beaucoup de serpents
brûlants, ainsi il y a plusieurs tentations, plusieurs
convoitises,
plusieurs
formes de péché qui nous ont
assaillis et vaincus.
Il y a le serpent de la
sensualité, qui s'insinue sans se faire
craindre, qui séduit avec une
habileté perfide et déguise sa
morsure sous une caresse. Il y a le froid serpent
de l'avarice, qui glace et paralyse le coeur. Il y
a le serpent de la colère et de la haine,
qui inocule aux veines de sa victime le feu de la
géhenne. Il y a le serpent de
l'incrédulité, qui oppose ses
sifflements aux affirmations de la parole de Dieu.
Il n'y a personne parmi nous qui
n'ait été mordu par quelqu'un de ces
serpents ou par plusieurs. La lutte que nous
essayons de soutenir contre eux par nos propres
forces est, malgré tel succès
partiel, sans espérance et sans issue, comme
celle des Hébreux contre les reptiles du
désert. Ils ont cela de commun que la
blessure qu'ils infligent est mortelle.
Le péché attire
même sur nous une double mort : la mort
pénale, comme nous le confessons chaque
dimanche, c'est-à-dire la condamnation de
Dieu, et la mort morale, c'est-à-dire la
corruption et la destruction de l'âme faite
à son image. Et, comme les Israélites
se sentaient responsables du malheur qui les
frappait et qui le juste châtiment de leur
révolte, ainsi le
douloureux sentiment de notre misère et de
notre impuissance morale est aggravé par la
conviction de notre culpabilité. Oh !
si seulement cette conviction était plus
générale et plus profonde ! Si
nous soupirions après le pardon et
l'affranchissement de l'âme aussi ardemment
que nous désirons la guérison quand
nous sommes malades ! Si nous étions,
comme alors, empressés à suivre les
avis du médecin, à nous soumettre
à toutes les privations et à tous les
renoncements qu'il juge nécessaires !
Si j'avais sous les yeux dans ce temple, comme
Moïse au désert, une multitude
éplorée, suppliante et
altérée de grâce !
Réveillez-vous de votre
sommeil, mes bien-aimés frères. Le
chef-d'oeuvre de l'ennemi, c'est de vous mettre au
point d'ignorer votre mal et même de l'aimer.
Quand on est membre du peuple de Dieu,
héritier de sa promesse, est-il un malheur
plus grand que celui de mourir dans le
désert et, par conséquent, comme
s'exprime un apôtre, de ne jamais entrer dans
le repos, de ne pas voir la terre promise, le pays
du salut ? C'est le danger qui nous
menace ; mais Dieu ne veut pas que nous y
succombions, Dieu nous a donné un Sauveur.
Écoutez la suite.
L'Éternel dit à Moïse :
« Fais-toi un serpent brûlant et
place-le sur la
bannière. »
Il s'agit, je crois, de cette
verge
d'airain qui, tenue haut et ferme par la main de
Moïse, avait fendu les eaux de la Mer Rouge et
mis en déroute les Amorrhéens.
« Quiconque aura été mordu
et regardera au serpent conservera la
vie. »
Moïse donc fit un serpent
d'airain et le plaça sur la bannière,
et la parole de Dieu s'accomplit. Nous nous
représentons la nouvelle de l'ordre
donné à Moïse se
répandant avec la rapidité d'un
télégramme, d'un bout à
l'autre du camp. De tous côtés on
accourt ; ceux qui ne peuvent pas courir se
traînent ou sont portés par leurs
amis. La bannière où est suspendu le
serpent d'airain est placée au centre, en un
lieu élevé, afin que tous puissent
l'apercevoir. Le mourant réunit ses
dernières forces pour contempler le signe du
salut, la mère soulève dans ses bras
son enfant blessé, ouvre sa paupière
alourdie, dirige presque de force ses regards vers
la bannière. Une vertu mystérieuse en émane :
à
mesure qu'ils regardent, les malades se sentent
renaître ; leur sang, qui était
comme figé, recommence à circuler
librement dans leurs veines ; la chaleur de la
vie succède au froid de la mort.
Bientôt les reptiles s'enfuient et
disparaissent comme par enchantement ; le
serpent d'airain, le bon serpent, a vaincu ses
malfaisants congénères ; une
fois de plus, Dieu a délivré son
peuple ; Israël est sauvé. En tout
cela, Jésus voit une image de la mort qui
l'attend, du salut qu'elle apporte, et de la foi
par laquelle nous devenons participants de ce
salut.
Qu'y a-t-il donc de commun entre
Jésus crucifié et le serpent
d'airain ? Notre texte ne relève
expressément qu'un trait : l'un et
l'autre sont élevés, l'un sur la
bannière d'Israël, l'autre sur le bois
de la croix. Le genre de mort que subit
Jésus a donc quelque chose de providentiel,
quelque chose qui intéresse directement
notre foi. Il ne convenait pas qu'il fût
lapidé, comme Étienne. D'autre part,
une idée d'opprobre s'attachait à la
croix. Chez les Romains, c'était un supplice
réservé aux esclaves ; chez les
Juifs, la loi qualifiait de maudit celui qui pend
au bois. Il a fallu que Jésus, s'offrant en
sacrifice pour le péché du monde, fût
obéissant, non seulement jusqu'à la
mort, mais jusqu'à une mort
exceptionnellement cruelle et réputée
infâme, celle de la croix. D'autre part, ce
genre de mort exposait la sainte victime, suspendue
entre le ciel et la terre, non seulement à
la contemplation matérielle des
témoins immédiats de son supplice,
qui l'insultaient et se moquaient de lui, mais
à la contemplation idéale de la
postérité, qui l'admire et qui
l'exalte, et des futurs croyants, qui l'adorent.
Ainsi l'opprobre se change en gloire. Jésus
l'attendait, Jésus l'a prédit. Quand
il parle à plusieurs reprises de son
élévation, on discerne
aisément qu'il ne pense pas seulement
à son élévation sur la croix,
mais aussi à son élévation au
ciel, et que la première est pour lui
l'image, le moyen et comme le premier degré
de la seconde.
D'autres analogies entre
Jésus et le serpent d'airain se
découvrent cependant à notre
attention religieuse. Ce n'est pas sans dessein que
Dieu proposa ce spectacle aux enfants d'Israël
comme moyen de guérison, non pas une image
quelconque, par exemple celle d'un ange
libérateur ou d'un animal destructeur des
serpents, mais un serpent qui est appelé,
lui aussi, un serpent brûlant. Nous
approcherons peut-être de la signification de ce
symbole, en
remarquant que
Moïse aurait pu montrer aux Israélites,
comme un trophée, le corps d'un serpent
tué. Mais ce n'était pas la
défaite et la destruction d'un seul serpent
qu'il fallait attester ou prophétiser,
c'était celle de toute la race. C'est
pourquoi Moïse prend un serpent type, un
serpent d'airain. Entre ce serpent-là et les
reptiles venimeux, il y avait tout à la fois
analogie et contraste : analogie quant
à la forme, contraste pour le fond, car le
serpent d'airain était un serpent sans
venin, innocent, bienfaisant même, qui
guérissait les blessures que faisaient les
autres, et donnait la vie tandis que ceux-là
donnaient la mort.
Il y a une relation du même
genre entre Jésus et les pécheurs,
que dis-je ? entre Jésus et le
péché même. À le voir
suspendu à la croix, abreuvé
d'outrages qu'on épargne à tout autre
supplicié, on pourrait croire que c'est le
plus grand des criminels. Saint-Paul va plus loin,
il déclare que Jésus a
été fait péché et
malédiction pour nous, c'est-à-dire
traité à notre place et pour notre
salut, comme s'il était le plus grand des
pécheurs ou plutôt le
péché même. Ainsi le serpent
d'airain fut érigé en trophée,
comme si c'était le corps d'un serpent tué et
voici,
c'était l'instrument du salut.
Plusieurs paroles de
l'Écriture sainte confirment cette
pensée et proclament, sans l'éclairer
entièrement, ce mystère d'amour et de
grâce ; par exemple celle-ci du second
Esaïe : « L'Éternel a
fait venir sur lui (le serviteur de
l'Éternel) l'iniquité de nous
tous », et celle-ci de
l'épître de Pierre :
« Il a porté nos
péchés en son corps sur le bois, afin
qu'étant morts au péché, nous
vivions à la Justice ». Mais,
à côté des analogies que nous
avons signalées entre Jésus et le
serpent d'airain, quelle différence immense,
quel contraste absolu nous frappe ! J'ai
appelé le serpent d'airain un instrument de
salut ; il l'était en
vérité. Mais c'était un
instrument inconscient, ce n'était,
après tout, qu'un morceau de
métal ; c'est à Dieu seul, qui
avait trouvé bon de s'en servir,
qu'appartenaient la louange et l'action de
grâce. Certes, notre suprême
reconnaissance remonte aussi au Dieu qui nous a
donné son Fils ; mais elle s'attache
également à Jésus-Christ
lui-même. Car il est, lui, le Fils de
l'homme, c'est le nom qu'il aimait à se
donner et qu'il se donne dans notre texte
même ; il avait, il a encore un coeur
d'homme pour aimer et pour souffrir. Étant
le Saint de Dieu, pouvant réclamer la félicité et
la
gloire qui sont le fruit et la récompense de
la sainteté, c'est volontairement qu'il
s'est assimilé à nous, qu'il a pris
notre place pour nous donner la sienne, qu'il s'est
chargé de nos péchés pour nous
rendre participants de sa justice, qu'il a
enduré en son corps des souffrances et en
son âme des détresses que nous ne
pouvons sonder, pour nous délivrer de la
condamnation que nous, avions méritée
et pour nous ouvrir le ciel. Israël conserva
longtemps le serpent d'airain, probablement dans le
lieu saint, et se laissa entraîner, comme si
tout devait lui devenir une occasion de
péché, à lui offrir un encens
idolâtre ; mais nous, nous ne risquons
pas d'aller trop loin en faisant à notre
serpent d'airain, à notre Sauveur, une place
d'honneur dans le sanctuaire de nos coeurs, en
l'aimant et en le bénissant comme nous
aimons et comme nous bénissons le
Père qui nous l'a donné.
Il y a, entre le serpent d'airain et le Sauveur
crucifié, un autre point de comparaison que
notre texte suggère, dont
nous avons déjà dit un mot, mais sur
lequel il faut maintenant insister. Quiconque
regardait le serpent d'airain était
guéri ; quiconque croit en
Jésus-Christ est sauvé. La foi est un
regard du coeur. Jésus lui-même nous
le fait entendre dans ce passage très
semblable, au nôtre :
« Quiconque contemple le Fils et croit en
lui, a la vie éternelle ». En quoi
consiste ce regard du coeur, quelle en est la
nature et la vertu ? c'est ce que l'image
contenue dans notre texte est merveilleusement
propre à nous faire comprendre.
Transportons-nous une fois de
plus
dans le désert où périssent
les Israélites. Y en avait-il qui se
condamnaient à périr, en effet, en
refusant de regarder ? Y avait-il des
raisonneurs qui disaient : « Quand
vous m'aurez expliqué le rapport qui existe
entre la contemplation d'un morceau de métal
et la guérison d'une blessure, je
regarderai » ? Y avait-il des
esprits abusés qui aimaient mieux croire les
fausses promesses d'un sorcier ou d'un charlatan
que la parole de Dieu ? Y avait-il des
désespérés qui ne cessaient
pas de regarder à eux-mêmes, de tenir
leurs yeux baissés sur leurs plaies et de
dire : « Mon cas est trop grave,
c'est trop tard » ? - Je ne sais. En
tous cas, dans l'application,
lorsqu'il s'agit du salut de l'âme et des
promesses de l'Évangile, toutes ces
variétés morales existent, tous ces
obstacles à la foi et à la conversion
ne sont que trop réels.
Mais venons à ceux qui
étaient plus raisonnables et plus heureux.
Beaucoup d'Israélites regardaient. Il y
avait de la diversité entre eux : les
uns étaient loin et les autres
étaient près ; les uns, plus
valides, voyaient distinctement le signe du
salut ; les autres, presque mourants,
l'apercevaient à peine, comme une ombre
flottant dans l'immensité des cieux.
Pourtant, quant au fond, quant à l'esprit,
tous ces regards se ressemblaient ; toute
l'âme des pauvres blessés y passait,
s'y exprimait ; je vois s'y peindre la
douleur, la confusion du péché, la
supplication, la confiance, l'espérance.
Chacun de ces regards signifiait :
« 0 Dieu ! sans toi je suis perdu,
justement perdu ; mais, puisque tu as
trouvé bon de faire grâce, puisque tu
as mis devant nous un moyen de salut, permets que
j'y aie part, moi aussi, le plus coupable et le
plus misérable de tous ; vois, je viens
à toi, je t'invoque, je regarde comme je
peux ! »
O merveille ! le regard
le plus
languissant, aussi bien que le plus intense,
attirait, obtenait la guérison et se fortifiait
ainsi à mesure qu'il se prolongeait. Tel est
le regard de la foi.
Peut-être, mes frères,
plusieurs d'entre vous ne sont-ils pas au clair sur
la doctrine de la rédemption et trouvent-ils
que l'expiation des péchés de
l'humanité par le sacrifice d'un juste est
obscure et difficile à admettre.
N'importe ! « Avec mes doutes et mes
chutes, Jésus je viens à
toi ! »
Plusieurs aussi ne trouvent en
eux-mêmes que des sujets de tristesse et de
découragement leur foi est si faible !
leur repentance si froide leur expérience
religieuse si pauvre ! N'importe !
Quiconque regardait, était guéri. La
gravité et la profondeur de notre mal ne
sauraient constituer une bonne raison pour refuser
de nous adresser au seul médecin
infaillible, de recourir au seul remède
efficace. Vos aveux le prouvent, mon frère,
vous avez quelque sentiment, quelque connaissance
du moins, de votre misère morale et de votre
état de péché ; vous avez
éprouvé que vous ne pouvez pas vous
guérir vous-même, c'est-à-dire
procurer la paix à votre conscience, la
pureté à votre coeur, la force
à votre volonté. Vous savez qu'il n'y
a pas d'autre Sauveur, pas même de
prétendu Sauveur, que Jésus-Christ,
et que beaucoup d'âmes, dans le présent comme
dans le passé, ont trouvé et trouvent
tous les jours auprès de lui la
guérison.
Vous n'ignorez pas, enfin, que
l'essentiel de son oeuvre rédemptrice, la
divine vertu, comme la divine folie de
l'Évangile, réside dans la croix.
Vous en savez donc assez pour regarder à
lui, en ce jour anniversaire de sa mort, où
sa croix est comme dressée au milieu de
nous. Pauvres blessés du désert,
pauvres victimes du serpent ancien, pauvres
condamnés à mort, le serpent d'airain
est là, devant vous, regardez !
Regardez comme regardaient les Israélites
mordus par les serpents, avec humilité, avec
supplication, avec larmes, avec
persévérance aussi, jusqu'à ce
que vous obteniez ou que vous retrouviez le pardon
de vos péchés, jusqu'à ce que
vous ayez la paix avec Dieu, jusqu'à ce que
vous sentiez naître et se former en vous la
vie nouvelle qui est le commencement de la vie
éternelle.
Regarde, âme angoissée,
au mourant du Calvaire, Regarde au Christ sur la
croix élevé ; C'est là
qu'est ton Sauveur. contemple-le, mon frère,
Un seul regard, et sois sauvé !
Charles Spurgeon, le
prédicateur anglais qui, au XIXme
siècle, a joui de la plus grande
célébrité, était un tout jeune homme
ayant des habitudes religieuses, mais encore
inconverti, lorsqu'un certain dimanche d'hiver il
voulut se rendre à l'église, une
église anglicane qu'il fréquentait.
Le temps était si mauvais, la neige si
abondante, qu'il ne put aller jusque-là.
Passant devant une petite chapelle
méthodiste, il eut l'idée d'entrer.
Le pasteur était absent, les fidèles
en fort petit nombre ; c'était un
ancien qui présidait le culte. Il parlait
sur un texte emprunté à la seconde
partie d'Esaïe : "Vous tous les bouts de
la terre, regardez à moi, et soyez
sauvés ! » C'était
l'Évangile que nous avons annoncé
aujourd'hui, l'Évangile du serpent d'airain.
Il n'y avait pas beaucoup de variété
ou d'abondance dans les idées du
prédicateur, mais il avait une voix de
stentor, une conviction robuste, un coeur
chaud : « Regardez !
s'écriait-il... C'est une chose simple, il
n'y a pas d'enfant qui ne puisse le
faire ». Tout-à-coup,
frappé par l'expression de Spurgeon, il
s'adresse à lui personnellement :
« Jeune homme, vous n'avez pas l'air
heureux, c'est sans doute que vous n'avez pas
encore regardé au Sauveur. Regardez
aujourd'hui, regardez ! » -
« Et je regardai, raconte Spurgeon, et je
rentrai chez moi, sauvé,
converti. » Cette matinée de dimanche fut
le point de départ, non seulement d'une vie
chrétienne fidèle, mais d'un
ministère merveilleusement fécond,
qui gagna à Dieu bien des milliers
d'âmes. Jeune homme ou jeune fille qui
m'écoutez, qui sait ce que Dieu fera de
vous, si en ce matin de Vendredi-Saint, vous
regardez de tout votre coeur, comme Spurgeon,
à celui qui a dû être
élevé sur la croix, afin que
quiconque croit en lui ait la vie
éternelle !
Amen.
Nîmes, Oratoire, Vendredi Saint, 17 avril 1908.
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